PETITE CRISE DE MUTISME
Mercredi 1er
Midi. – Parce que Kundera s'était mis à en parler d'une façon qui m'intéressait, dans ses Testaments trahis, j'ai ressorti le volume de Nietzsche que je possède et j'ai commencé, plein d'ardeur et de volonté bonne, à lire Humains, trop humains. J'ai refermé le livre au bout de dix pages, avec l'impression un peu déprimante de me trouver face à des textes non traduits. Marco Polo ne va pas être fier de moi.
Jeudi 2
Une heure et demie.
 – Téléphoné tout à l'heure à ma mère pour son anniversaire (87) comme 
je le fais chaque année depuis des temps immémoriaux – mis à part les 
quelques années où, écœuré des réveillons “festifs” parisiens, j'avais 
recommencé à passer le Nouvel An à la maison avec eux ; c'était à la fin
 des années quatre-vingt. Ce coup de téléphone m'a fait pensé que, 2019 
étant mort, j'allais devoir transporter mon journal de cette année dans 
un nouveau livre Blurb, afin de lui offrir quand nous nous verrons. J'y 
songe avec un peu d'accablement car cet exercice m'est toujours assez 
pénible en ses débuts, dans la mesure où, d'une année sur l'autre, 
j'oublie totalement comment fonctionne le logiciel blurbien, et qu'il me
 faut donc tout réapprendre en tâtonnant. Par chance, ça revient tout de
 même assez vite… sauf lorsqu'ils ont tout changé depuis ma visite 
précédente.
– Il y a deux jours, Catherine s'est avisée
 que, cette année, en octobre, cela fera trente ans que nous vivons 
ensemble. et elle a décrété unilatéralement que je devais absolument 
“trouver quelque chose” pour célébrer dignement cet anniversaire. Je 
n'avais évidemment envie de rien moins. Je m'imaginais déjà, avec 
horreur et accablement, obligé de prendre l'avion pour aller feindre de 
m'extasier sur je ne sais quelle ville étrangère, du genre Venise, Rome 
ou Amsterdam, si ce n'est pire. Finalement, histoire de limiter les 
dégâts, je lui ai proposé un séjour de deux nuits dans un hôtel de luxe 
du Lubéron, avec escale à l'aller en Auvergne – dans un bon hôtel 
également – et en Bourgogne au retour. Et, finalement, l'idée s'est mise
 à me plaire à moi aussi, de cette petite (et coûteuse certes…) 
escapade. Ne serait-ce que parce qu'elle devrait nous permettre 
d'inviter les Moulier à dîner, pour peu que l'escale à Saint-Flour soit 
retenue, puis les Pluton une fois que nous serons provençaux, 
c'est-à-dire presque voisins d'eux. Mais on a le temps de penser à tout 
ça (et de changer d'avis…) vu que les réjouissances sont envisagées pour
 le début d'octobre.
Vendredi 3
Dix heures. –
 Parmi les âneries que mâchouillent constamment nos amis 
révolutionnaires, mon slogan préféré est sans conteste : « Pas de 
liberté pour les ennemis de la liberté ! » D'abord parce qu'il a 
l'ancienneté pour lui : on imagine que c'est ce qu'a dû grommeler le 
premier homme qui, ramassant un gros os d'animal, a eu l'idée de s'en 
servir comme gourdin pour intimer le silence à son voisin de grotte. 
Mais c'est surtout son côté aporétique qui me réjouit. Parce qu'enfin…Si
 l'on proclame que les ennemis de la liberté doivent être privés de 
liberté, cela signifie que l'on devient soi-même, à l'instant de la 
proclamation, un ennemi de la liberté. Donc, en tant que tel, on 
devrait, quasi simultanément, être soi-même privé de sa liberté 
d'expression. Mais alors, il n'y a plus personne pour réclamer la 
suppression de liberté pour les ennemis de la liberté. Si bien que le 
bâillon que l'on vient tout juste de nouer tombe de lui-même, et que 
notre réduit-au-silence peut de nouveau réclamer la suppression de 
liberté pour les ennemis de la liberté, etc. : le serpent croyait mordre
 à pleins crochets sur le réel, il a juste attrapé le bout de sa queue. 
S'il pouvait se la bouffer et s'auto-empoisonner, ça ne ferait de peine à
 personne.
– Je suis presque décidé à n'envoyer plus aucun texte à Causeur.
 À cause de cette pénible impression que j'ai, chaque fois, d'avoir 
régressé en âge au point de devoir me soumettre à un ridicule examen (un
 peu comme le personnage principal du Ferdydurke de Gombrowicz). 
Et aussi parce que le niveau de bêtise de la plupart des commentaires 
que provoque le moindre article a tendance à m'énerver dans un premier 
temps et à me déprimer vaguement dans un second. Tout cela, en outre, 
pour finir par être publié gratuitement. Il y a des limites à tout, y compris à ma sottise et à mon masochisme.
Dimanche 5
Onze heures.
 – Soirée très agréable, hier, avec Adrien. On s'est alcoolisé plutôt 
gentiment, ce qui, en ce qui me concerne, n'était pas arrivé depuis cinq
 ou six semaines. Vu le bordel dans les transports, nous le 
raccompagnerons tout à l'heure à Clichy, où une chambre d'hôtel 
l'attend, à deux pas du siège de L'Oréal où il doit travailler toute la 
semaine prochaine, avant de repartir pour Tokyo. De chez sa mère, qui 
vit entre Dole et Besançon, il nous a apporté un beau morceau de comté 
fort goûteux, ainsi qu'une saucisse de Morteau dont nous ferons nos 
délices d'ici quelques jours, je gage.
Sept heures.
 – L'aller-retour à Clichy s'est effectué du mieux possible, dans une 
circulation aussi fluide que nous pouvions la rêver. Il est vrai qu'en 
partant à une heure, nous avions mis toutes chances de notre côté. En 
tout cas, j'étais de retour à la maison dès trois heures. Un peu 
fatigué, certes (les soirées alcoolisées, même pas déraisonnables, se 
font de plus en plus sentir : mes “lendemains de la veille” 
s'alourdissent avec l'âge), mais content. Je sens que, d'ici une dizaine
 de minutes, je vais choisir notre film du soir aussi court que 
possible.
Mercredi 8
Une heure. – Commencé ce matin L'Œuvre au noir
 de Marguerite Yourcenar. J'en ai lu une centaine de pages et, 
d'enthousiasme, je viens de commander le volume de Pléiade contenant 
l'ensemble de ses œuvres romanesques. Même si cette pauvre Marguerite 
n'a aucune existence en tant qu'écrivain dans les différents 
dictionnaires du pitre Dantzig : j'assume. Du reste, elle n'en a pas 
davantage dans Une histoire de la littérature française de Kléber Haedens, relue ces jours derniers : je re-assume.
–
 Comme annoncé quelque part plus haut, j'ai voulu m'atteler à la 
confection de mon “journal papier” 2019. Je n'ai même pas réussi à me 
connecter convenablement à BookMachin. J'ai donc, très logiquement, 
renoncé à cette entreprise, au moins momentanément : il n'est pas 
impossible que, d'ici quelques semaines ou mois, je fasse appel à 
Catherine (que ses filles ont surnommée Mom Geek…) pour qu'elle enfonce à
 ma place ce maudit portail d'entrée.
– Après quelques 
jours d'hésitation, je m'étais finalement décidé, hier, à tirer un trait
 définitif sur ma collaboration bénévole à Causeur. Et c'est le 
moment qu'on choisi les autorités du site pour me relancer, en termes 
tout à fait aimables. Si bien que me voici de nouveau hésitant (mais 
tout de même penchant vers mon retrait), et, donc, agacé de l'être.
Sept heures.
 – Je ne me souvenais pas à quel point, dans ses articles de journaux, 
Barbey d'Aurevilly pouvait être verbeux. Quel que soit le sujet qu'il 
prétend traiter, il lui faut chaque fois trois ou quatre feuillets 
d'échauffement avant d'y entrer vraiment. Et, ensuite, on n'est jamais à
 l'abri d'une digression plus ou moins oiseuse. C'est à un point, 
parfois, que l'on a presque l'impression de lire un Juan Asensio qui 
serait enfin parvenu à apprendre le français. Et, comme de bien entendu,
 comme la plupart des critiques “de droite”, Barbey devient 
littéralement stupide dès qu'il se met à parler de Zola. Son éreintement
 de L'Assommoir est, de ce point de vue, un grand moment de 
comique. Il en bégaie de fureur, en postillonne d'indignation. Tout cela
 avec des airs de chochotte prenant des mines dégoûtées qu'elle pense 
être grand genre.
Vendredi 10
Trois heures.
 – Terminé hier soir le roman de Yourcenar : très impressionné. Séduit, 
même. J'ai hâte que n'arrive le volume Pléiade. En attendant, je relis Les Étonnements de Guillaume Francœur, de Fraigneau. Très bien aussi, mais forcément plus “daté”.
Samedi 11
Deux heures. –
 Un certain Denis Szalkowski, trouvé dans la blogoliste de Nicolas, fait
 ce matin un billet qu'il consacre au couple formé par le prince Henry 
de Sussex (vulgairement surnommé “prince Harry”) et sa starlette 
d'épouse. C'est bien entendu pour s'indigner, ou feindre de s'indigner, 
que l'on puisse, dans les différents organes de presse, consacrer du 
temps aux non-agissements de ces deux marionnettes britanniques. Dans 
son dernier paragraphe, sa péroraison, son envolée, il atteint à un 
irrésistible comique involontaire.  Il écrit :
« Je vous avoue avoir un peu de mal à comprendre comment une émission de télé française comme C à vous
 puisse consacrer autant d’énergie à nous vendre du temps de cerveau 
disponible. Ce jour-là, il n’y avait sans doute aucune information 
d’importance à traiter dans l’actualité, comme la disparition de 
l’espadon chinois, les feux australiens, la semaine des 4 jours en 
Finlande, les records de Wall Street, la pénurie de cannabis dans 
l’Illinois, l’hommage aux victimes de l’Hyper-Cacher, la nouvelle 
journée de mobilisation contre la réforme des retraites, le vote du 
Brexit et les manquements à la sécurité autour du site de Lubrizol. »
Je
 ne m'attarderai pas sur le subjonctif très hasardeux du verbe “pouvoir”
 de la première phrase. La première remarque que l'on peut faire est que
 notre valeureux pourfendeur ne semble pas avoir très bien compris le 
sens de l'expression “temps de cerveau disponible”. Mon petit Denis, il 
ne s'agit pas, pour la télévision de nous vendre du temps de cerveau disponible, mais bien de vendre notre temps de cerveau disponible à ses annonceurs.
Mais
 c'est bien entendu l'énumération des sujets “importants” auxquels 
aurait dû se consacrer l'émission qu'il cloue au pilori qui a provoqué 
mon éclat de rire. Durant une seconde ou deux, j'ai même failli croire 
que, malicieux comme un Polonais, l'ami Denis faisait de l'humour. Parce
 qu'enfin, qui peut bien en avoir quoi que ce soit à foutre de l'espadon
 chinois, de la semaine de quatre jours en Finlande, du site de Lubrizol
 (c'est où, ça, Lubrizol ?) ou de l'hommage aux victimes de 
l'Hyper-Casher ? Et je ne parle même pas de ce spectre effrayant qu'est 
celui de la pénurie de Cannabis en Illinois. Finalement, me rendre 
compte que certaines personnes pouvaient écrire très sérieusement de 
tels inventaires, devant quoi même un Prévert sous acide aurait reculé, a
 stoppé net mon ricanement, remplacé par une sorte de frayeur 
respectueuse.
Dimanche 12
Onze heures. – Avant-hier, j'avais fait entrer dans ma blogoliste visible le blog de Guillaume Cingal, Touraine sereine,
 parce que, apparemment, il venait de le transformer en journal. J'ai 
connu Guillaume Cingal en 2007, par l'intermédiaire de la SLRC, la 
Société des lecteurs de Renaud Camus, dont je découvrais alors l'œuvre. 
C'est d'ailleurs à une réunion camusienne, dans l'appartement parisien 
de Jean-Paul Marcheschi, qu'a eu lieu notre première et dernière 
rencontre. Durant quelques années, j'ai lu son blog quotidiennement et, 
je crois, si j'en juge par les commentaires qu'il y laissait 
régulièrement, lui le mien. Puis j'ai cessé, n'y revenant faire un tour 
que de loin en loin, sachant toujours le trouver en lien chez Valérie 
Scigala, alias Madame de Véhesse. Mais comme ses tentatives d'exercices 
littéraires devenaient, me semblait-il, de plus en plus stériles et 
absconses, j'y venais de moins en moins souvent. Bref, comme Guillaume 
Cingal semblait inaugurer l'année par une formule toute nouvelle, je le 
mis donc en lien… lien que je viens de supprimer en hâte lorsque je me 
suis aperçu avec une sorte de consternation incrédule que ce brillant 
normalien avait, le plus sérieusement du monde, adopté l'écriture dite 
“inclusive”. Et, non content de se soumettre à cette pure ânerie, il 
n'est même pas foutu de l'utiliser “correctement”, puisqu'il parle de 
ses “étudiant.es”, alors que, si j'ai bien compris le fonctionnement de 
ce truc, il devrait écrire : “étudiant.e.s”. Ce pauvre Guillaume se rend
 donc doublement ridicule. Décidément, il y a des gens à qui vieillir ne
 réussit pas. Mais je suppose qu'il en aurait autant à mon service si, 
par quelque hasard, il en venait à se souvenir de mon existence.
Cinq heures. – En ayant terminé avec Fraigneau, je me suis replongé dans la lecture du Grevisse. La grammaire, finalement, y a qu'ça d'vrai.
(Et
 je me souviens de la stupéfaction d'Adrien – le neveu “japonais” de 
Catherine –, découvrant, il y a une dizaine d'années, que certaines 
personnes pouvaient lire une grammaire avec la même gourmandise que 
d'autres des romans policiers…)
Lundi 13
Une heure. – J'ai mon programme de lecture pour les jours et même les semaines à venir. Le matin au réveil : le Décaméron de Boccace, dont j'ai lu tout à l'heure l'étonnante introduction, c'est-à-dire les pages où il évoque Florence
 en proie à la peste, avant le départ de ses dix personnages. Je vais 
donc, chaque matin, lire entre trois et cinq (“selon grosseur”, comme 
indiquent les restaurateurs italiens quand ils vous proposent des 
steaks) nouvelles. Ensuite, l'une ou l'autre des Œuvres romanesques de Marguerite Yourcenar, laquelle est arrivée par le courrier de ce matin, dans son petit costume Pléiade. Tout cela entrelardé par quelques pages du Grevisse, au gré de l'humeur du moment.
 – Pas trace dans Causeur de l'article que je leur ai envoyé il y a quatre ou cinq jours. Et silence complet de la part des décideurs. Donc, point final unilatéralement mis à cette fugitive collaboration.
Mardi 14
Midi. –
 Grevisse fait remarquer qu'il n'y a guère de raison de suivre la règle 
anglaise et d'écrire New York sans trait d'union ; d'autant moins que 
l'on écrit new-yorkais avec. Il préconise donc : New-York, puisque aussi
 bien les noms de villes, en français, réclament le trait d'union. Fort 
bien. Dans un premier temps, je me suis trouvé entièrement d'accord avec
 lui. Et puis, seconde suivante, je me suis avisé que la cohérence nous 
conduirait à parler de Des-Moines et, pis encore, de Rio-de-Janeiro ou 
de Mar-del-Plata, ce qui m'a paru bien discutable. Du coup, je ne sais 
plus comment j'écrirai New(-)York la prochaine fois que j'aurai à le 
faire. C'est malin. On ne se rend pas toujours compte d'à quel point il 
peut être perturbant de mettre sans précaution le nez dans une 
grammaire.
– Commencé Le Coup de grâce de Yourcenar. Hier, j'ai lu Alexis, qui m'a plutôt ennuyé. Mais Marguerite ne se débarrassera pas de moi aussi facilement qu'elle semble le croire.
–
 Dans son bafouillis du jour, consacré au crucial problème des retraites
 et de leur réforme, le grand révolutionnaire Sarkofrance, dans un 
admirable souci d'établir partout une stricte égalité, a décidé 
d'enlever au mode conditionnel les signes supplémentaires qui le 
distinguaient de son frère en conjugaison, l'indicatif. Ce qui le fait 
écrire :
« Un ami m’a demandé pourquoi j’accepterai que les cheminots auraient un 
régime spécial de retraite. J’aurai du lui répondre qu’il faudrait 
comparer toutes les vies. J’aurai du lui répondre que les cheminots sont
 divers: certains conduisent des trains, n’importe quand dans l’année. 
Ils sont plus divorcés que la moyenne. D’autres travaillent uniquement 
de nuit. J’aurai du lui dire que j’aimerai connaitre les avantages qu’il
 a lui et que d’autres n’ont pas. »
On notera au 
passage que cette même pulsion égalitaire lui a fait supprimer l'accent 
circonflexe qui chapeautait le participe passé du verbe “devoir”, créant
 ainsi une scandaleuse discrimination avec cette pauvre préposition 
“du”. Un peu avant, parlant des “foyers aisés” qui, d'après lui, ont 
tous des “revenus financiers” (j'ai longtemps été un “foyer aisé” et 
n'ai jamais eu le moindre revenu financier : ce preux révolutionnaire 
prend pour générale sa propre pulsion thésaurisatrice), il ne laisse pas
 passer l'occasion de signaler, entre parenthèses, qu'il en fait bel et 
bien partie. On prône la révolution, mais on garde un œil sur ses 
valeurs boursières.
Guignol, va !
Trois heures.
 – D'un guignol à l'autre, revenons une seconde sur le cas de Guillaume 
Cingal. Il y a deux jours, j'avais laissé sur son blog le commentaire 
suivant :
« Ce que je trouve vertigineux, moi, c'est de vous voir essayer (et en 
plus sans y parvenir…) cette bouffonnerie qu'est l'écriture dite 
“inclusive“.
C'est de l'humour au huitième degré ou bien ? »
Aujourd'hui, il me répond ceci :
« Si c'est pour écrire ça que vous vous rappelez mon existence, 
oubliez-moi de nouveau. Je pratique l'écriture inclusive depuis 
plusieurs années et c'est tout sauf une bouffonnerie. On écrit de fait 
"les étudiant-es", pas "les étudiant-e-s".
Evidemment, un gros vieux beauf sexiste qui ne s'est jamais intéressé à 
des points de vue autres que celui de son milieu ne peut pas le 
comprendre. »
Son cas semble donc plus grave que de 
prime abord. Intéressant en tout cas. Mais pas assez tout de même pour 
que j'ai envie de creuser davantage.
Trois heures et demie. – À l'instant, himmel de Guillaume Cingal, assez bizarre :
« Allez, vous serez content : je vous laisse le dernier mot.
Et dégagez désormais, thanks a lot.
Vous irez dégoiser sur mon compte dans votre journal, si le coeur vous en dit ; vous ne serez ni le premier ni le dernier.
Si vous m'avez un peu lu, vous devez savoir que je n'en ai plus pour très longtemps, ce qui est très libérateur, en un sens.
Voir resurgir un spectre dans votre genre, no thanks.
GC »
Je
 l'ai en effet “un peu lu”, mais je ne comprends rien à l'allusion qui 
suit, en soi assez inquiétante. Finalement, c'est peut-être lui qui a 
raison : je ne m'intéresse à rien et, donc, ne comprends rien non plus. 
Tout cela devient tout de même très étrange.
Mercredi 15
Midi et demie. –
 Ce matin, dans son infinie bonté, le fisc a versé sur mon compte 
bancaire 669 €, qu'il avait, j'imagine, perçu en trop. J'aime beaucoup 
le principe du prélèvement dit “à la source”, qui permet ce genre 
d'heureuse surprise. Je sais bien qu'il ne s'agit pas du tout d'un 
cadeau que me ferait l'administration fiscale, je ne suis pas idiot à ce
 point, même si je m'en approche souvent. Cependant, j'ai toujours 
considéré que l'argent qui sortait de ma poche était comme n'ayant 
jamais existé, ce qui fait que, malgré tous les raisonnements que l'on 
m'opposera, et que je puis très bien m'opposer moi-même, je ne peux pas 
m'empêcher de percevoir (!) de tel versements inopinés comme des sortes 
de dons immérités qu'une puissance inconnue, mais bienveillante, me 
ferait. On s'ensoleille la journée de la façon qu'on peut.
– Commencé à lire Denier du rêve, de Yourcenar, livre qui, pour l'instant, me plaît bien davantage qu'Alexis ou même que Le coup de grâce, lu entre les deux. 
–
 Un himmel écrit hier soir par quelqu'un qui connaît mieux Guillaume 
Cingal que moi (que moi je le connais…) me dit qu'il s'est transformé en
 une sorte de mélenchoniste enragé et sectaire, ne tolérant plus la 
moindre contradiction (un mélenchoniste, quoi…). L'auteur de ce message 
me précise qu'il ressemble de plus en plus à Juan Asensio, ce qui est 
doublement amusant. D'abord parce que, voilà une douzaine d'années, 
Cingal et Asensio s'écharpaient littéralement, par commentaires de blog 
interposés, aussi nombreux que virulents. Les contraires apparents 
auraient donc fini par se rejoindre et se fondre. Ensuite parce que, 
hier, avant d'avoir eu connaissance de ce rapprochement, j'ai dit à 
Cingal, en réponse à son himmel, que j'aimais bien quand il me traitait 
de vieux beauf sexiste car cela me rajeunissait, en me rappelant la 
belle époque de… Juan Asensio.  Comme quoi, qu'on les juge grands ou 
petits, il arrive bel et bien que les esprits se rencontrent.
– Demain, journée Desgranges.
Vendredi 17
Onze heures. –
 Rien de particulier à noter à propos de la journée d'hier, qui fut 
semblable à ses nombreuses sœurs aînées, c'est-à-dire parfaite. Ah, si, 
tout de même, un petit changement dans les habitudes : la galette des 
rois ! Et c'est moi qui ai eu la fève. Il est vrai que c'est également 
moi qui en ai mangé le plus.
Michel a toujours en 
réserve de savoureuses anecdotes concernant les ravages de la 
post-modernité dans laquelle nous sommes envasés. Hier, par exemple, 
nous en sommes venus à évoquer (mais par quel tortueux chemin, grands 
dieux ?) les lois qui, surtout en Amérique du Nord et en Europe, 
interdisent le commerce de l'ivoire, évidemment dans le but avoué et 
vertueux de protéger les éléphants du massacre. (Au passage, on aimerait
 savoir quel impact véritable ont ces lois sur les braconniers africains
 ou les trafiquants d'ivoire chinois. Bref…) Donc, non seulement le 
commerce de l'ivoire est interdit, mais son transport l'est aussi.
 Si bien que si, par hasard, vous venez d'acheter, lors d'une vente aux 
enchère viennoise, un clavecin du XVIIIe siècle, vous n'aurez aucun 
moyen, hors fraude, de le ramener chez vous… à cause de ses touches en 
ivoire. Et Michel me citait le cas de ce virtuose du violon qui, 
arrivant aux États-Unis pour y donner une série de concerts, s'était vu,
 à la douane, confisquer son archet, au prétexte qu'il comportait, à son
 extrémité, une petite pièce en ivoire. Pendant ce temps, les chasseurs 
savanicoles continuaient de s'expliquer avec les éléphants à grandes 
rafales de kalachnikovs. Qu'est-ce qu'on rigole, dans l'asile 
planétaire.
Samedi 18
Dix heures. –
 Au fil des pages, j'en arrive à me demander si, l'abordant avec la 
sienne, Mme Yourcenar n'aurait pas tendance à prêter à Hadrien plus 
d'intelligence qu'il n'en eut en réalité (même si je sais, comme tout le
 monde, qu'il fut loin d'être le plus bête et le moins cultivé de la 
troupe des César), et en particulier d'intelligence prospective. 
Évidemment, je ne puis rien affirmer, n'ayant pas eu l'honneur de 
connaître personnellement cet empereur. Mais tout de même. Je voulais 
ici donner un exemple précis, mais j'ai laissé le volume de Pléiade à la
 maison : ce sera pour plus tard.
Deux heures. –
 Sur un blog inconnu, où un malencontreux concours de circonstances 
vient de me faire atterrir, je lis que Jean Ferrat était un poète. 
Certes, l'affirmation est tant soit peu minorée puisqu'il est qualifié 
en réalité de poète “de la chanson”, ce qui est d'autant plus prudent 
que ça ne veut rien dire. Et me reviennent, Dieu sait pourquoi, deux 
vers d'une chanson des années soixante-dix (c'est moi qui souligne) : « 
J'entends résonner sur les dalles / Les bidons tristes du laitier
 ». Un bidon pourrait donc être saisi par la tristesse ? Et, son cas 
s'aggravant, se transformera-t-il en bidon cafardeux ? Dépressif ? 
Spleenétique ? À l'inverse, à quoi peut bien ressembler un bidon gai ? 
Joyeux ? Réjoui ? Hilare ? Facétieux ? Espiègle ? À moins que, écrivant 
cette ânerie, ce bon Ferrat n'ait été trahi par son inconscient, et 
poussé par là à avouer sa tristesse de n'être qu'un poète bidon ? 
Vertige, vertige…
Dimanche 19
Dix heures et demie.
 – Hier soir, parce que je ne l'avais jamais vu et qu'il se trouvait 
disponible sur Netflix, j'ai souhaité que nous regardassions Jurassik Park.
 Quelle funeste idée ! Nous avons tenu une heure, soit la moitié 
seulement de cet incomparable navet. Bien sûr, je ne m'attendais pas à 
des miracles, sachant depuis belle lurette que les films de Spielberg ne
 peuvent être pleinement appréciés que si l'on dispose d'un âge mental 
inférieur ou à la rigueur égal à 12 ans. Néanmoins, je me souvenais de 
m'être bien diverti des Aventuriers de l'arche perdue, vu au cinéma à sa sortie. Il aurait donc pu en aller de même avec le film dinosaurien d'hier…
Or,
 donc, point du tout. Personnages de carton pâte, action presque 
inexistante durant les trois premiers quarts d'heure, insupportable ton 
didactique donnant l'impression de regarder un documentaire conçu pour 
être diffusé dans les écoles primaires, niaiserie fondamentale des 
dialogues, insigne pauvreté des tentatives d'humour. Et quand enfin les 
grosses bestioles se réveillent (on espère, vainement hélas, qu'un 
tyranosaurus rex ou un vélociraptor va rapidement bouffer 
l'insupportable petit garçon qui nous casse les couilles depuis le début
 du film), rien ne s'arrange pour autant, tout reste languissant, 
prévisible, puéril, idiot. Il était temps alors de mettre fin à cette 
languissante expérience pour se rabattre sur la septième saison de The Big Bang Theory.
Le
 hasard a voulu que nous ne fussions pas débarrassés pour autant du 
pénible Spielberg. En effet, dans l'un des deux épisodes regardés, un 
personnage semait le trouble chez tous les autres en leur affirmant que,
 dans Les Aventuriers de l'arche perdue, Indiana Jones ne servait
 rigoureusement à rien et que, si on le retirait du film, tout se 
déroulerait exactement de la même façon et aboutirait au même résultat. 
En y réfléchissant, il avait parfaitement raison. Du reste, cette série 
comique continue à ne pas nous décevoir ; ce qui, après six saisons de 
24 épisodes chacune, est tout de même une sorte d'exploit.
– Continuation des Mémoires d'Hadrien, commencé hier. Pour ce qui est du Décaméron,
 en revanche, je commence, après une double centaine de pages, à 
ressentir une certaine lassitude ; il est peu probable que j'aille au 
bout des cent nouvelles… Ce qui ne m'empêche pas d'avoir envie des Contes de Canterbury.
Une heure et demie. – Eh bien voilà : les Contes en question sont commandés. 6,68 € port inclus : fou qui voudrait s'en priver.
Cinq heures.
 – Étonnante faute de langue chez Marguerite Yourcenar Elle écrit (c'est
 moi qui souligne) : « Cette belle surface incorruptible […] elle giserait
 à jamais, etc. » Or, le verbe “gésir” est inconjugable au conditionnel,
 de même d'ailleurs qu'au futur simple. Et, de toute façon, si jamais il
 l'était, ces deux temps se formeraient à partir de l'infinitif (donnant
 quelque chose comme il gésira, il gésirait) et ne pourraient en 
aucun cas ressembler à ce petit monstre créé par Yourcenar. À moins 
qu'il s'agisse d'un belgicisme ? J'en serais quand même très surpris…
Lundi 20
Deux heures. – Terminé il y a quelques minutes les Mémoires d'Hadrien
 : tout aussi remarquable que dans mon souvenir, alors que la première 
lecture que j'en ai fait doit remonter au moins à trente ans. Vient 
ensuite, dans la Pléiade : Anna, soror… (les points de suspension
 font partie du titre). Avant cela, je vais reprendre le volume que 
Lucien Jerphagnon a consacré à l'histoire de Rome, pour voir ce qu'il 
dit d'Hadrien.
Quatre heures. – Finalement, je vais m'octroyer une pause dans mes lectures yourcenariennes et la meubler avec L'Amant de Lady Chatterley, arrivé au courrier d'aujourd'hui. J'ai un peu peur que le dénivelé soit violent…
Sept heures. –
 Eh bien ! après une soixantaine de pages lues, je crois pouvoir 
affirmer que Mr Lawrence et moi-même n'allons pas nous fréquenter très 
longtemps ! Je ne suis même pas sûr de tenir jusqu'au moment où 
Constance Chatterley va enfin rencontrer son étalon, c'est dire. Ce 
roman est incroyablement pataud, emprunté, tourneur-en-rond. Les 
dialogues sont artificiels et faux, qu'on en est presque gêné pour les 
personnages qui les tiennent. En outre, Mr Lawrence est du genre 
rabâcheur (ou alzheimer, au choix) : cela ne le gêne nullement de 
répéter deux, trois, cinq fois la même chose à quelques pages 
d'intervalle. Non pas pour apporter une nuance, ou pour créer un effet 
particulier, comme pouvait le faire un Péguy (qui était déjà bien 
pénible, mais c'est un autre sujet). Non, non, pas du tout. Il répète 
simplement les choses, comme s'il avait oublié les avoir dites cinq 
minutes plus tôt, et comme s'il ne s'était jamais relu avant d'envoyer 
son bloody manuscrit à son fucking éditeur. Je vais encore
 en lire quelques dizaines de pages demain. Mais si ça ne s'améliore pas
 très vite, et beaucoup, Lady Chatterley ira calmer ses ardeurs utérines
 dans la poubelle jaune.
Mardi 21
Onze heures.
 – Comme prévisible, et malgré le “sursis” accordé ce matin d'une 
cinquantaine de pages supplémentaires, Lady Chatterley est allée 
promener ses appas dans la poubelle jaune. Je crois avoir rarement lu un
 début de roman aussi verbeux et artificiel (je veux dire : parmi les 
romans bénéficiant d'une certaine et flatteuse réputation). C'est avec 
gratitude que j'ai retrouvé Dame Marguerite et sa soror Anna.
Mercredi 22
Onze heures. –
 Temps superbe ce matin, ciel d'azur pâle, pas le moindre souffle de 
vent. Comme il a gelé à moins quatre ou moins cinq cette nuit, de boueux
 les chemins sont redevenus solides, ce qui nous a permis, à Catherine, 
Charlus et moi, de renouer avec nos promenades de naguère, c'est-à-dire 
d'aller jusqu'à la voie romaine. Au retour, séance de rasage pour 
Charlus, qui commençait de nouveau à ressembler à Chewbaca, ses poils, 
autour du museau, des yeux, et sous le menton, ayant tendance à pousser 
dans un certain désordre.
– Je m'aperçois, notamment au
 peu de temps que j'y passe désormais, que je ne lis presque plus rien 
sur internet : plus de blogs à part deux ou trois, et presque aucun 
article sur les quelques sites d'information que je conserve en mémoire¿
 En fait que ce soit chez Atlantico ou chez Causeur, je ne
 fais guère plus que parcourir les titres proposés, c'est-à-dire 
vérifier que leur sujet ne m'intéresse pas suffisamment pour aller en 
explorer le contenu. À propos de Causeur, ma très brève collaboration est désormais derrière moi : l'ermite est rentré dans sa grotte.
Quatre heures.
 – Je viens de passer près de deux heures à passer en revue les 
premières années (2010 – 2012) de mon blog “chez les modernœuds”,  celui
 où je consignais les phrases les plus délirantes qui me passaient sous 
les yeux. C'est peut-être du gâtisme précoce, mais j'ai bien ri.
Jeudi 23
Onze heures.
 – Rapide aller-retour à Vernon : il s'agissait d'aller, au magasin 
“chasse et pêche”, faire l'emplette d'un pantalon de velours pour moi, 
celui dans lequel je suis présentement étant usé jusqu'à la trame, voire
 un peu au-delà. La logique aurait bien sûr voulu que nous fissions cet 
achat dès le début de l'hiver, ou au moins aux premiers froids. Mais 
Catherine a suggéré que nous attendissions les soldes de janvier, ce qui
 fut fait et nous ouvrit droit à une remise de 50 % sur le dit velours :
 nous commençons à acquérir de très sains réflexes de salauds de 
pauvres. Je suis ressorti de la boutique avec la puérile fierté d'avoir 
réaliser une excellente affaire.
– Je continue, le matin au réveil, à consacrer environ une heure au Décaméron
 : c'est une lecture charmante, vive, gaillarde même par moment, mais 
dont il ne faudrait pas dépasser la dose homéopathique, sous peine de 
tomber rapidement dans l'ennui, toutes ces nouvelles étant plus ou moins
 bâties sur le même patron. Ou, si l'on préfère, selon quatre ou cinq 
patrons types revenant régulièrement. Cela ne m'a pas empêcher, hier ou 
avant-hier, je ne sais plus, de commander les Contes de Canterbury,
 ainsi que je l'ai peut-être noté plus haut (je viens de vérifier : 
c'est en effet noté). “Côté Marguerite”, j'en suis arrivé aux Nouvelles orientales, qui concluent le volume Pléiade.
Vendredi 24
Onze heures et demie. –
 Petit accès d'hilarité incontrôlée, il y a quelques minutes, en 
découvrant que la mairie de Paris s'enorgueillit d'un “adjoint à la vie 
nocturne”, un certain Frédéric Hocquard, qui semble être une sorte de 
parasite professionnel, socialiste bien entendu, ayant creusé sa petite 
niche dans le gras et goûteux fromage culturel. À quand un délégué aux 
après-midis vivifiants ? Un secrétaire aux matinées calmes ? Un chargé 
de pauses déjeuner babillardes ? Voilà le genre de nouvelles qui me met 
d'humeur enjouée au moins jusqu'à l'heure du mien, de déjeuner.
Une heure. –
 En ayant terminé, juste avant midi, avec les écrits de Dame Marguerite,
 j'ai ressorti de son rayon le volume contenant cinq romans de Sándor 
Márai, écrivain hongrois contemporain – mais mort. Je l'ai lus, au moins
 deux ou trois d'entre eux, il y a trois ou quatre ans, et n'en conserve
 rigoureusement aucun souvenir. C'est l'un des avantages d'Alzheimer, 
comme je pense l'avoir déjà noté : il permet de réaliser de 
substantielles économies, en nous faisant relire “à neuf” les livres que
 l'on possède déjà plutôt que d'en acheter sans cesse de nouveaux.
Samedi 25
Dix heures et demie.
 – Hier après-midi, donc, comme annoncé juste au-dessus, je me suis 
installé dans mon complaisant fauteuil avec le volume de Sándor Márai. 
J'ai commencé par relire la préface de M. Frédéric Vitoux (Vitoux, vite 
lu…), puis la “chronologie” de l'auteur, histoire de me remettre un peu 
dans l'ambiance. Comme un baigneur qui, pour s'acclimater à la 
température de l'eau se contente d'abord d'y tremper le pied. J'allais 
attaquer le roman intitulé Les Braises lorsqu'une sorte 
d'impératif catégorique – au sens “café du commerce” de l'expression, 
que M. Marco Polo veuille bien me pardonner cette grossière intrusion 
sur ses plates-bandes : il me fallait absolument, et toutes lectures 
cessantes, relire les sept courts romans qui composent le cycle de 
Maqroll le Gabier, personnage central de l'œuvre romanesque du Colombien
 Álvaro Mutis. J'ai donc mis mon Hongrois de côté (mais pas rangé : il 
ne perd rien pour attendre, le Magyar !) et je suis venu ici presque en 
trottinant d'allégresse, chercher les sept minces volumes édités par 
Grasset dans ses Cahiers rouges. J'ai aussitôt commencé à lire le premier de la série, La Neige de l'Amiral
 (qui se trouve être le nom d'un refuge-relai-taverne-restaurant-bistrot
 situé sur le plateau andin : les voyageurs y font une dernière halte 
avant de descendre vers le fleuve qui, si Dieu le veut bien, les 
emmènera jusqu'au pied de la Cordillère). L'envoûtement que j'avais subi
 lors de ma première lecture, pas si éloignée : je dirais deux ou trois 
ans, l'envoûtement m'a instantanément repris. Et c'est alors que l'idée 
m'est venue.
L'essentiel de ce premier volume (100 
pages sur 140) étant pris par le journal de Maqroll, alors qu'il remonte
 le fleuve en direction de chimériques scieries pour y acheter du bois, 
et chaque “entrée” de ce journal comptant entre trois et cinq pages, 
pourquoi est-ce que je n'en recopierais pas une chaque jour, sur le blog
 mère, jusqu'à épuisement du livre, de façon à ce que mes douze fidèles 
puissent le lire ? Cela, dans mon esprit, ne pourrait que leur donner le
 brûlant désir de se ruer sur leur compte Amazonien (tout à fait de 
circonstance ici) pour y commander illico les six autres volumes. En dix
 secondes la décision était prise, et même officiellement communiquée à 
Catherine.
Finalement, cette nuit, à la faveur d'une 
brève insomnie, j'ai renoncé à ce projet, après m'être posé deux 
questions – et y avoir répondu sans faiblesse. Première question : si, 
sur l'un des rares blogs que je m'obstine à fréquenter, le maître de 
céans venait à me débiter ainsi un roman en tranches quotidiennes, le 
lirais-je ? Ma réponse fut : sans doute que non. Deuxième 
question : dans le cas où M. et Mme Grasset viendraient à connaître 
cette publication sauvage, leur prendrait-il l'envie de me chercher des 
poux dans la calvitie ? Ma réponse fut : sans doute que oui. D'où
 mon immédiat repli en rase campagne sur des bases préparées à l'avance.
 Mais je reste un peu mélancolique en pensant à ces foules innombrables 
qui, à cause de ma couardise éditoriale, vont rester dans l'ignorance où
 ils sont de l'un des plus grands écrivains latino-américains qu'il 
m'ait été donné de lire – et donc de relire. Espérons que ces trois 
paragraphes leur donneront tout de même envie d'y aller voir.
Quatre heures. – Presque terminé Ilona vient avec la pluie, commencé à midi. Si je conserve le rythme, ce pauvre Mutis ne va pas me durer bien longtemps…
Dimanche 26
Dix heures et demie. –
 Ce décidément stupide Juan Sarkofrance croit très malin, très fin, et 
sans doute très “rebelle”, d'appeler Louis XVI “Louis Capet”, ce qui 
revient à perpétuer une idiotie que plus personne n'osait proférer 
depuis l'heureuse disparition du dernier sans-culotte. Il va finir par 
faire pitié.
– Dans le billet de 2017 que je consacrais
 à Álvaro Mutis, je disais qu'en fait le cycle du Gabier n'était qu'un 
seul gros roman divisé en sept parties lisibles séparément. Je crois que
 j'avais tort. D'abord parce qu'il est un peu vain de vouloir lire les 
parties d'un roman “séparément”. Mais surtout parce que, relisant le 
tout, je m'aperçois que chaque roman composant le cycle possède sa 
tonalité propre, son ambiance particulière, ainsi que son mode de 
narration. Chacun est donc bien une œuvre à part entière, même si, bien 
sûr, il pousse des pseudopodes en direction de tous les autres.
–
 Sur le front du tabac, tout va pour le mieux. Depuis trois ou quatre 
mois, j'ai presque totalement abandonné la cigarette. Pourquoi “presque”
 ? Parce que j'en reprends un paquet lorsque je vais chez les 
Desgranges,  ne voulant pas imposer les fumées de ma pipe à autrui ; et 
parce que je conserve l'habitude idiote d'en griller une dès que je 
m'installe au volant de la voiture… ce qui ne doit pas m'arriver plus de
 deux fois par semaine. Pour ce qui est de la pipe, elle m'occupe de 
moins en moins : j'en suis arrivé à ce que le paquet de quarante grammes
 d'Amsterdamer me dure dix jours. Comme je le disais hier à Catherine : «
 Si je continue sur cette lancée, un beau matin je vais constater que je
 suis devenu non-fumeur sans m'être aperçu de rien. » Enfin, ça 
m'étonnerait tout de même. Cela dit, d'après mes calculs, par rapport à 
l'époque où nous fumions tous les deux “plein pot”, nous économisons 
quelque trois cents euros chaque mois. Ce qui, pour des nouveaux 
salauds-de-pauvres, est tout à fait appréciable.
Quatre heures. –
 Cette fois encore, plus peut-être que lors de ma première lecture, 
même, je suis frappé par le pouvoir que possède Mutis de créer des 
personnages de femmes extrêmement attachants. Et encore, le mot est trop
 faible. Par exemple, si je songe à Ilona, qui donne son titre au 
deuxième roman du cycle (Ilona vient avec la pluie), c'est avec 
cette tristesse douce-amère que l'on ressent lorsqu'on évoque les femmes
 d'un passé assez lointain, qu'on aurait pu aimer mais qu'on a laissé 
passer, et dont on sait qu'on ne les reverra jamais. C'est une sensation
 étrange, et rare, que d'éprouver des choses de cet ordre à propos d'un 
être fictif.
Lundi 27
Midi et demie.
 – Les différents romans de Mutis, que j'enchaîne l'un à l'autre sans 
solution de continuité depuis quelques jours, ces romans ne sont pas 
tous traduits par la même personne, ce qui peut donner lieu à certaines 
dissonances, pour la plupart sans importance. Il en est une, pourtant, 
que je trouve gênante. Elle est introduite par François Maspéro, 
traducteur du quatrième volume du cycle. Alors que dans les trois 
premiers le personnage de Maqroll est surnommé “le Gabier”, Maspéro, 
dans celui-ci, lui rend son sobriquet espagnol : “el Gaviero”. Cela 
crée, pour le lecteur assidu, une sorte de décalage agaçant. Le 
personnage semble y perdre un peu de sa réalité, comme si, 
subrepticement, on nous l'avait remplacé par son frère jumeau. Ou un 
hologramme. Pourquoi une telle fantaisie ? Pour se montrer plus fidèle 
que ses prédécesseurs au texte d'origine ? Peut-être bien. Mais, dans ce
 cas, pourquoi avoir intitulé Écoute-moi, Amirbar un roman qui, dans sa langue d'origine s'appelait simplement Amirbar
 ? L'initiative me paraît doublement fâcheuse. D'abord parce qu'Amirbar 
ne désigne nullement une personne intervenant dans l'histoire ; ensuite 
parce que cela donne au roman quelque chose de solennel, une sorte de pomposité
 déclamatoire qui ne ressemble en rien au style de Mutis. Mais enfin, il
 faut faire avec. Heureusement, la traduction elle-même semble tout à 
fait à la hauteur des précédentes, pour autant que je puisse en juger 
sans connaître le texte original.
Pour rester avec Mutis, il m'a joué ce matin un tour sinon pendable du moins très inattendu. Dès la deuxième page de La Dernière Escale du tramp steamer,
 il écrit ceci, comme en passant : « Mon admiration, ma familiarité avec
 la musique de Sibelius et quelques pages inoubliables du plus oublié 
des prix Nobel, Frans Emil Sillanpää, étaient des raisons suffisantes 
pour alimenter la curiosité que suscitait en moi la Finlande. » J'ai 
évidemment fait un bond comme ça, en voyant inopinément surgir un 
écrivain totalement inconnu qui, non content d'être finlandais, ce qui 
est déjà très incongru, arborait sans la moindre gêne apparente un 
superbe double A exotiquement trématisé. On comprendra sans peine
 que je me sois aussitôt rué dans la boutique de Dame Ternette pour 
commander n'importe lequel de ses livres qui se trouveraient disponibles
 en français. Celui que j'ai déniché (2,16 €, port en sus) s'intitule Sainte Misère. Je sens qu'on ne va pas y rigoler à toutes les pages…
Ce
 Finlandais doublement glorieux (Nobel en 1939 : on comprend que ce soit
 passé un peu inaperçu…) a vécu de 1888 à 1964. Si j'ai écrit 
“doublement”, c'est qu'il a aussi pu voir de son vivant un astéroïde 
baptisé en son honneur : 1446 Sillanpää. Voilà qui vous pose un homme.
Bon,
 je voulais aussi noter ici un certain nombre de remarques très 
intelligentes et vachement sensibles à propos des personnages féminins 
des romans de Mutis, mais il commence à faire frisquet dans cette Case. 
Ce sera donc pour plus tard, ou pour jamais.
Quatre heures. – Parce que je désirais le commander, je me suis aperçu que le premier roman publié par Álvaro Mutis, La Mansión de Araucaíma,
 n'avait jamais été traduit en français, selon toutes apparences. J'ai 
aussitôt expédié un himmel à Carlos pour lui demander s'il l'avait lu 
et, si oui, s'il voyait une raison pour qu'il n'ait pas été traduit. Si 
jamais ce roman est à la hauteur du cycle de Maqroll, je trouve qu'il 
serait bien de la tenter, cette traduction. Je nous vois assez bien nous
 y mettre à deux, Carlos et moi. Évidemment, si la chose s'avérait 
faisable, il faudrait d'abord se préoccuper d'un éditeur…
– Parce que Maqroll, entre deux explorations d'une mine d'or abandonnée (et farcie de squelettes humains…), lit Les Guerres de Vendée d'Émile Gabory, je viens de commander l'ouvrage en question (Robert-Laffont – Bouquins) : ça devient pitoyable, non ?
Mardi 28
Dix heures. – Décidément, rien ne s'arrange sur le front alzheimerien. À propos de ce que j'écrivais hier après-midi concernant La Mansión de Araucaíma,
 roman non traduit du Señor Mutis : non seulement il ne s'agit pas d'un 
roman mais d'une nouvelle, mais en plus elle est bel et bien traduite et
 se trouve disponible dans le recueil intitulé Le Dernier Visage…
 recueil qui était à m'attendre sagement sur la table du salon et que, 
donc, j'ai déjà lu il y a un peu plus de deux ans. J'ai évidemment 
envoyé un second himmel à Carlos pour lui dire de ne pas tenir compte du
 premier. Il va probablement penser que je deviens gâteux, ce qui ne 
sera pas forcément exagéré ; peut-être légèrement anticipateur, sans 
plus.
Une heure. – Le roman suivant du cycle, Abdul Bashur, le rêveur de navires,
 est également traduit par François Maspéro. Mais, bizarrement, Maqroll 
el Gaviero est redevenu Maqroll le Gabier. Tout cela manque un peu de 
cohérence.
Mercredi 29
Une heure. – Au courrier tout à l'heure : Les Contes de Canterbury.
 Chaucer devra faire preuve d'un peu de patience – tout comme Boccace 
d'ailleurs, abandonné depuis environ une semaine  : la lecture intensive
 de Mutis va donner une grande envie de prolonger mon séjour en Amérique
 latine. Il me semble que, pour me désaccoutumer de Mutis en douceur, 
Alejo Carpentier serait le plus indiqué. On verra ça d'ici deux jours.
– Sur l'un des blogs de Guillaume Cingal – celui où il joue à l'écrivain –, je tombe sur ceci :
« Le
 pays devrait être, avec l’ensemble des autres pays, entièrement tourné 
vers l’urgence climatique. Il ne devrait y avoir aucune autre priorité, 
d’autant qu’en essayant de s’attaquer vraiment à cette question – 
c’est-à-dire en se défaisant des lobbies industriels et en demandant 
enfin aux grandes fortunes de contribuer au bien collectif – on 
règlerait la plupart des autres. Le pays devrait se concentrer sur cela,
 et pas sur grand-chose d’autre. »
Évidemment, après le sérieux imperturbable avec lequel il manie l'écriture dite inclusive, j'aurais bien dû me douter qu'il donnait
 aussi dans cette farce qu'est “l'urgence climatique”. Comme dirait le 
grand-père du Narrateur : « C'est tout un ensemble ! » Ce qui m'étonne 
davantage c'est de le voir le faire avec une soumission aussi totale et 
parfaite à la pensée magique en vogue : si on s'occupe du climat, et 
qu'on ne s'occupe que de lui, tous les autres problèmes se régleront 
comme par enchantement. Et, bien entendu, la clé de tout, c'est de faire
 rendre gorge aux “grandes fortunes” et aux “lobbies industriels”, qui 
sont un peu les Satan, petits et grands, de l'époque. L'impression 
pénible d'assister à une sorte d'effondrement de l'intelligence, de 
débâcle intellectuelle. Mais, après tout, la débâcle étant la rupture 
des glaces, c'est sûrement encore un coup du réchauffement climatique, 
sciemment organisé par les lobbies industriels.
Jeudi 30
Onze heures.
 – Puisque je vais être coincé durant trois heures ici, dans la Case, 
pour cause de ménage dans la maison, je vais en profiter pour relire et 
corriger le journal de ce mois qui s'achève.
– Comme annoncé, j'en ai fini ce matin avec Mutis et suis passé à Carpentier J'ai commencé par Le Partage des eaux,
 parce que j'y vois des points de ressemblance (et aussi de 
dissemblance, bien entendu) avec le premier roman du cycle de Maqroll, à
 savoir La Neige de l'Amiral : dans les deux cas il s'agit de 
remonter un fleuve plus ou moins amazonien, poussé dans le dos par une 
quête (on peut être poussé dans le dos par une quête ? On ne se méfie 
jamais assez, il faudrait avoir des yeux partout…) dont le lecteur 
comprend dès le début qu'elle sera probablement vaine. Si je n'ai pas 
changé d'avis d'ici là, j'enchaînerai avec Le Siècle des lumières, puis Le Recours de la méthode.
Une heure. – Misère de moi ! j'avais oublié que je devais aussi, cet après-midi, aller à Vernon pour y récupérer mon p'tit pantalon de velours tout neuf et mis à ma taille par le marchand ! Je n'en reviens pas d'avoir une existence aussi palpitante, fertile en rebondissements de toutes natures.
– Pendant ce temps, Carlos est en 
route – ou plutôt en vol – pour la Nouvelle-Zélande où il m'annonce que,
 fort de son statut tout neuf de retraité de la Garderie nationale, il 
va rester un peu plus de deux mois. Ma première réaction : « Mais 
qu'est-ce qu'il peut bien aller foutre là-bas ? Il faudrait me payer des
 fortunes pour que je consentisse à prendre sa place ! » Et puis, juste 
après, le connaissant, je me suis dit qu'il devait y avoir une bonne 
femme là-dessous. Ce qui diminue encore mon envie de me retrouver à sa 
place. D'autant que, hein, la Nouvelle-Zélande… La mer tout autour, des 
plages partout, des montagnes dans tous les coins, des glaciers idiots, 
une ou deux villes qui m'ont l'air fortement boboïsées, d'après ce que 
j'en lis ; et c'est tout. Par-dessus tout ça, une bouffe de merde et 
l'obligation, si on est un vrai progressiste en acier trempé, de 
s'intéresser aux coutumes et au folklore des primitifs locaux. Merci 
bien.
Et je pense qu'on va conclure le mois sur ce petit accès de “scro-gneu-gneu-isme” fort bien venu, ma foi.
Trois heures et demie. – Information capitale relevée sur Atlantico : « Invité de “Vous avez la parole”, François Fillon prendra la parole à nouveau. » Opportuniste, va !
Vendredi 31
Dix heures.
 – La traduction pose souvent de minuscules problèmes irritants. Je veux
 dire qu'elle les pose au lecteur, et non au traducteur (lequel en 
rencontre évidemment bien d'autres, et de plus grande ampleur). Por ejemplo, le chapitre quatorzième du Partage des eaux commence par cette phrase (c'est moi qui souligne) : « Dans cette vaste demeure munie de huit fenêtres grillagées,
 la mort poursuivait sa besogne. » D'ordinaire, et notamment dans cette 
Amérique latine où Alejo Carpentier nous a conduits, les fenêtres sont grillées ;
 c'est-à-dire qu'elles protégées par des barreaux qui, vus ensemble, 
prennent les allures d'une grille. Mais on ne voit pour ainsi dire 
jamais de fenêtres munies d'un grillage, dont on se demande à quoi il 
pourrait bien servir : maillage trop fragile pour dissuader les 
cambrioleurs, et trop espacé pour empêcher les insectes. Le premier 
réflexe consiste donc à accabler ce pauvre traducteur, infoutu de faire 
la différence entre grillé et grillagé. Et puis, juste aussitôt, le 
doute point : et si la faute venait de l'auteur lui-même ? Ou si, en 
espagnol, il n'existait qu'un mot pour les deux choses ? Et même, on se 
prend à envisager que, justement, les fenêtres de cette maison-là
 aient pu être grillagées et non grillées. Après tout, qu'est-ce qu'on 
en sait, n'étant jamais allé sur place ? Et, bien entendu, on est 
certain qu'aucune réponse ne viendra, d'où l'irritation légère et 
heureusement fugace.
D'autant qu'on sait ne même pas 
pouvoir compter sur Carlos, à qui, en temps normal, on aurait pu 
demander d'aller jeter un coup d'œil à la version originale : occupé à 
faire le guignol aux antipodes, on doute qu'il se soit envolé pour 
Auckland ou Wellington avec sa bibliothèque sur le dos. (Mais 
qu'allait-il faire dans cette galère ? se lamente le Géronte du Plessis,
 à part soi.)
– À propos du virus chinois – dont je me 
contrefous par ailleurs –, Catherine m'apprenait ce matin (elle consulte
 sa tablette en mangeant ses céréales…) que l'OMS avait décrété 
l'urgence internationale. Je lui ai répondu que j'en étais bien aise ; 
que, grâce à cette initiative, tout le monde, durant un mois ou deux, 
allait complètement oublier la terrible “urgence climatique” et que cela
 allait nous faire comme des vacances. Mais il serait sans doute bon de 
prévoir une petite cellule de soutien psychologique pour la petite 
guenon scandinave, qui va se retrouver à piailler dans le désert. À 
moins qu'elle n'opère une fulgurante reconversion virale : on ne se 
méfie jamais assez de ces grands benêts de Scandinaves.
Une heure. – Bref mail de Michel, pour me signaler un film vu par eux (par Agnès et lui) hier soir. Au passage il se gausse, à juste titre si je puis dire, de ce que le film en question, qui s'appelle Ready or not en anglais, s'est transformé pour le public français en… Wedding Nightmare ! Allant consulter la fiche Wiki relative à ce chef-d'œuvre, j'ai pu constater que, pour les Québécois, il était devenu Prêt pas prêt.
 Ils sont comme ça, nos cousins enneigés, et ce n'est pas la première 
fois que je le relève : pour eux, l'anglais, c'est très mal, c'est 
vilain, c'est caca boudin, c'est l'horreur absolue. Fort bien. En 
revanche, ça ne les gêne en rien de traduire tous les titres en mot à 
mot, quitte à aboutir, comme ici, à une monstruosité à la fois ridicule 
et dénuée de toute signification. Mais ce n'est pas grave : on a aligné 
trois mots bien français, on est content avec ça, on a eu l'impression 
d'entrer en résistance. L'impérialiste yankee ne passera pas par nous 
autres, esti d'câlisse ! Après ça, glorieux mais affamés, ils filent se 
faire dorer une tranche de pain de mie dans leur toaster, quand nous nous contentons d'utiliser notre modeste grille-pain.
(Ajout
 d'après relecture. – Catherine et Messire Étienne vont encore faire la 
tronche : ce journal ne parle presque que de livres…)
 
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