vendredi 1 février 2019

Janvier 2019










BLURBERIE HILL








Mardi 1er

Trois heures. – J'ai inauguré l'année (dès six heures ce matin : c'est l'avantage des réveillons tôtifs et arrosés à l'eau de source) en rouvrant le gros volume de David S. Landes intitulé Richesse et pauvreté des nations, titre évidemment choisi en référence à l'opus magnum d'Adam Smith. C'est un livre foisonnant, d'une étonnante érudition, qui touche à des domaines variés (histoire, économie, géographie, anthropologie même, etc.), tout en restant d'une lecture parfaitement limpide. Il tente de répondre, en évitant les pièges idéologiques et le bourbier du politiquement correct, à une question simple en apparence : pourquoi y a-t-il des pays riches et des pays pauvres ? Voilà un ouvrage que je recommanderais chaudement à toute personne qui aurait l'étrange idée de me demander mon avis à son sujet. David Landes a aussi écrit, traduit en français, un livre à peine moins volumineux sur l'histoire des montres et du temps, lequel m'avait été signalé par Michel Desgranges : je le relirai peut-être dans la foulée.

– Demain, bref séjour levalloisien : devant conduire Catherine qui a un rendez-vous médical place Pompidou, j'ai eu l'idée d'aller saluer Philippe B., toujours patron de France Dimanche. Depuis mon départ à la retraite, fidèle à la promesse que je m'étais faite, je n'ai pas une seule fois remis les pieds à la rédaction, étant pourtant allé à Levallois de nombreuses fois. Mais, là, je me suis dit qu'au bout de deux ans, je pouvais, sans faire figure de parjure, me considérer comme délié de mon serment d'absence. C'est tout à fait par acquit de conscience que j'ai demandé à Brice, hier, si le groupe Lagardère était toujours au 149 d'Anatole-France (le changement de tous les numéros de téléphone m'avait sans doute inconsciemment alerté). Eh bien non, il n'y est plus ! toutes les rédactions se sont transportées avenue André-Malraux, à deux ou trois ilots de là. J'aurais eu bonne mine, me pointant au 149, de trouver le bâtiment entièrement vidé de ses journalistes…


Mercredi 2

Deux heures. – Voilà une année qui débute sous les meilleurs auspices : ce matin, me rendant sur le site de ma banque, pour voir de combien était amputée ma retraite complémentaire (AGIRC / ARRCO), du fait du prélèvement de l'impôt “à la source”, j'ai eu la surprise de constater que les caisses en question… ne m'avait rien viré du tout. En fouillant un peu sur internet, j'ai appris que les deux caisses avaient officiellement fusionné hier ; bien entendu, comme toujours dans cet ubuesque pays, “afin de simplifier les procédures”. Ce qui fait, sans doute, que je n'ai pas touché le moindre centimes et que les divers sites AGIRC sont parfaitement inatteignables. Je viens de réussir à avoir une personne au téléphone… qui n'était au courant de rien, ne pouvait donc pas me renseigner et s'est gentiment débarrassée de moi en me disant de m'adresser à Audiens, dont dépend ma retraite (du diable si je comprends quoi que ce soit à ces méandres kafkaïens !). Bref, heureusement que je n'attends pas après eux pour déjeuner et dîner.

– Ma mère a 86 aujourd'hui : je vais l'appeler tout à l'heure, comme je le fais chaque année depuis des décennies.

– Faisant, à France Dimanche, la visite éclair que j'avais prévue, j'ai trouvé là plusieurs personnes pour s'extasier sur ma sveltesse ; et j'ai eu la faiblesse d'en être flatté.


Jeudi 3

Neuf heures et demie du matin. – La retraite (complémentaire) est finalement arrivée ce matin sur mon compte ; amputée de 116 €, ce qui, à première vue, semble conforme à ce que j'étais en droit d'attendre, compte tenu de ce que j'ai payé comme impôt sur le revenu l'année dernière. Il reste à voir combien “on” va me retirer sur la retraite de base : on le saura le 9.

Midi. – J'ai commencé à blurbifier mon journal 2018 : pour l'instant tout se passe sans anicroche, janvier est déjà “en boîte”. Comme c'est désormais la coutume, je ne le mettrai pas en vente publique et n'en imprimerai que deux exemplaires, un pour ma mère, un pour nous.

Trois heures. – J'ai parlé trop vite et, comme j'aurais dû m'y attendre, la sanction n'a pas tardé à tomber : dès que je suis passé au mois de février de l'ex-futur livre, tout s'est bloqué, plus moyen de rentrer le texte dans les cadres ; impossibilité assortie d'une explication parfaitement incompréhensible et d'aucun conseil pratique pour tourner la difficulté. N'ayant pas envie de vieillir prématurément à cause de ce foutu bouquin, j'ai immédiatement pris le parti d'abandonner. Il faudra que ma mère se passe de mon journal 2018 : je pense qu'elle n'en fera pas un drame.


Samedi 5

Dix heures du matin. – Étonnamment, le Houellebecq nouveau est arrivé ici hier midi, c'est-à-dire le jour de sa sortie officielle : la Poste a dû avoir un dysfonctionnement inversé, ce n'est pas possible autrement. J'en ai achevé la lecture il y a moins d'une demi-heure, ayant bien entendu, dès hier, laissé tout mon petit monde en plan pour me précipiter sur lui. Le lisant, je repensais à la pièce de Beckett qui s'intitule Fin de partie (je pensais au titre et non à la pièce elle-même, que je crois bien n'avoir jamais lue), et je me disais que Sérotonine aurait aussi bien pu s'appeler Fin de partie. Puis, je me suis avisé que, finalement, tous les romans de Houellebecq auraient pu porter ce titre.

Cela étant, je n'ai rien de particulier à en dire, il ne m'a pas semblé que ce nouveau livre ajoutait beaucoup aux précédents, ni encore moins qu'il marquait une bifurcation, une embardée au sein de l'œuvre. Tous les ingrédients houellebecquiens y sont, et je n'ai pas très envie d'y revenir ; sinon pour insister sur cette espèce de “sismographe social” (ou culturel ? anthropologique ? Je ne sais trop…) dont Houellebecq est doté et qui le conduit à toujours attirer l'attention sur ce qui a tout juste commencé à se produire. Par exemple, ici, on note dans la seconde moitié du roman, une certaine “ambiance gilets jaunes”, alors même que le roman a été achevé avant le début de cette explosion de la France agonisante, qui pourrait bien être la dernière avant la submersion conjointe par la dépression chronique et les hordes migrateuses.

D'un point de vue tout à fait anecdotique, on relèvera, au début du livre, un vibrant éloge du général Franco, comiquement exalté en tant que promoteur visionnaire, à la fois de l'hôtellerie dite “de charme” (développement, sous son règne, des paradores) et du tourisme de masse : il y a là de quoi faire tourner les moulins des critiques obtus (mais vigilants, il va sans dire) de Libération et du Nouvel Observateur – qui, je crois, ne s'appelle plus comme ça, mais tout le monde s'en fout.

Il reste que je me suis fait, cette fois encore, la réflexion que Houellebecq ne maîtrisait qu'imparfaitement la langue française, ce qui ne l'empêchait aucunement d'être un grand romancier. Il est la preuve parfaite que, contrairement à ce qu'un vain peuple pense (tu es idiot, mon pauvre ami : le peuple, vain ou non, ne pense rien de semblable : il se contente de s'en foutre royalement), savoir écrire une langue sans tache et être écrivain sont deux choses qui ne se recoupent que très partiellement. Il n'empêche que je sursaute chaque fois que Houellebecq produit l'une des fausses notes dont il est coutumier. Par exemple :

– Employer ceci dit au lieu de cela dit,
– Donner au verbe initier le sens de commencer, comme n'importe quel chef de service d'agence de com',
– Utiliser achalandé à la place d'approvisionné (mais enfin, celle-là, même Proust la fait dans sa Recherche ; donc : te absolvo pour cette fois),
– Écrire chacun de leur côté (et, plus loin, chacun de notre côté) au lieu de chacun de son côté,
plus deux ou trois autres bévues de ce genre qui, faute de les avoir notées (je ne suis pas “pion” à ce point…) ne me reviennent pas.
 
Je pense que, tout comme je l'ai fait pour les précédents, je relirai ce roman d'ici quelques mois.


Dimanche 6

Trois heures. – J'ai parcouru plus que lu le livre réunissant un certain nombre de critiques littéraires que Soljénitsyne a fait paraître en Russie tout au long des années quatre-vingt-dix et deux mille : elles concernent uniquement les écrivains russes, du XIXe et du XXe siècles. Ce qui m'a donné deux envies. La première est de reprendre Boulgakov, en commençant par La Garde blanche que je n'ai jamais lu, ou peut-être commencé et abandonné (après, on verra…). Ensuite, de relire certaines nouvelles de Tchékhov, en prenant Soljénitsyne comme guide, puisque dans le long texte qu'il lui consacre, il donne son avis sur un certain nombre d'entre elles, à mesure de ses relectures. L'idée est donc de les lire dans le même ordre qu'il les examine, puis, lecture faite, d'aller voir ce qu'il en dit. Un truc un peu scolaire, quoi.


Mardi 8

Quatre heures. –  Décidément, La Garde blanche n'est pas un roman pour moi : dès les premières pages, il m'est revenu que j'en avais déjà tenté la lecture voilà quelques années et que je l'avais rapidement abandonné : même chose cette fois-ci. Le plus agaçant est que je ne parviens même pas à dégager un début de raison à cet abandon ; et d'autant moins que les autres livres de Boulgakov, eux, m'enthousiasment vraiment, tels La Vie de Monsieur de Molière, que je vais achever avant qu'il fasse nuit, ou bien sûr Le Maître et Marguerite, relu il y a un an ou deux.

– Après-demain, déjeuner chez Agnès et Michel Desgranges, ce qui n'est pas arrivé depuis de nombreux mois (il faudrait vérifier dans ce journal quand c'était, mais je n'en ai pas assez envie pour en avoir la patience).

Cinq heures. – Parce que cela m'ennuyait tout de même de rester sur un échec aussi piteux, j'ai brusquement décidé, pour ce qui concerne la “mise en livre” de mon journal 2018, de tout reprendre à zéro, sans m'énerver. Me voici donc reparti dans une nouvelle blurberie (Oh ! Blurberie Hill !) : je suis rendu au 17 janvier et, jusqu'ici tout va bien (comme dit le gars en train de tomber du cinquantième étage et passant devant le trentième).


Mercredi 9

Quatre heures. – J'ai poursuivi la mise en place du livre Blurb : rendu au premier juin, et aucun incident à signaler (comme dit le gars qui, etc.). Je pense que ce journal va s'intituler Fastes et richesses du Monde adoré, et qu'il sera dédié à Pascale et Pierre M., nos Auvergnats de référence ; ce qui fait que je vais finalement faire imprimer trois exemplaires et non deux, car ça n'aurait pas grand sens de dédier un livre à des gens qui seraient dans l'impossibilité de se le procurer.

– Les retraites “normales” sont bien arrivées sur le compte ce matin, ce qui m'a permis de juger des conséquences du prélèvement dit “à la source”. Le résultat est le suivant : Catherine (hors sa micro-retraite canadienne) et moi touchons désormais 2678 € au lieu de 2910. Comme j'ai, l'année dernière, versé 2300 € au  fisc, au titre de l'impôt sur le revenu, il semble que nous sommes à peu près dans les clous. Il reste une inconnue cependant : combien vont désormais me rapporter mes écritures lucratives ? Si la baisse est significative, cela voudra dire qu'on me ponctionne nettement plus désormais que ce que j'ai payé l'année dernière. Mais l'affaire se complique, dans la mesure où, en 2017, les revenus annexes étaient d'une autre nature… et que c'était Catherine qui les encaissait ! De toute façon, à moins que les choses ne deviennent franchement et clairement déraisonnables, je suis résolu à laisser courir : je préfère perdre de l'argent que de me lancer dans d'épuisantes et déprimantes discussions avec les agents du Trésor.


Vendredi 11

Onze heures et demie du matin. – Je me demande pourquoi, en datant la première entrée du jour de ce journal, je persiste à préciser “du matin”, vu qu'à onze heures et demie du soir il y a charmante lurette que je suis au lit ; surtout hier, d'ailleurs : rentrant de chez les Desgranges vers six heures (juste à temps pour nourrir Charlus…), j'ai débouché la traditionnelle bouteille de chablis… laquelle m'a expédié entre les draps dès huit heures et demie : les ivrognes ne sont plus ce qu'ils furent. Auparavant, la journée s'était déroulée comme se déroulent toutes les journées chez Agnès et Michel (je dis “la journée” par facilité : en réalité, je suis arrivé à midi et suis reparti peu avant quatre heures et demie, afin d'éviter de rouler de nuit) : agapes et conversations à teinte essentiellement littéraire, mais aussi musicale et cinématographique. Toujours comme d'habitude, je suis reparti de là avec la certitude (qui ne m'atteint même plus) d'être un âne totalement inculte, et me demandant quel plaisir ou intérêt Michel pouvait bien prendre à ma compagnie quasi muette. Parfois, je me fais l'effet d'être une sorte de mur de squash, dont il a besoin pour qu'il lui renvoie ses balles rhétoriques. Heureusement, je suis un mur qui a des oreilles (à défaut de mémoire, hélas…). Du reste, à propos de mémoire, celle de Michel m'agace, tant elle est incommensurable avec la mienne : je pourrais bien lire autant et les mêmes choses que lui, je ne retiendrais pas le quart de ce qu'il lui en reste dans l'esprit, et dont il est capable de parler avec clarté, précision, et même brio. Bref, mes visites auprès de lui sont une sorte de leçon de modestie qu'il me donne gracieusement (en plus du couvert).

– J'ai repris ce matin la confection du livre Blurb : j'en suis rendu au premier août et tout continue de fonctionner parfaitement : c'est limite fout-la-trouille, dans le genre “calme avant la tempête”..


Samedi 12

Six heures. – J'en ai fini tout à l'heure avec la partie “mécanique” de ma blurberie : importation des douze mois du journal, changement de police, “justification” des paragraphes, etc. Il me reste à relire l'ensemble de ces 350 pages afin, si possible, d'en corriger les dernières fautes, d'en éliminer les ultimes lourdeurs. Tout, finalement, s'est fort bien passé (je ne devrais peut-être pas parler si vite : tant qu'on n'a pas le volume en main, n'est-ce pas…) ; j'avais juste un petit tracas avec la couverture, mais, telle une bonne fée geek, Catherine est arrivée et a réglé le problème. Pour l'instant, le volume s'intitule Fastes et richesses du monde adoré – lequel monde adoré est un peu moins fastueux chaque jour et ne me dispense plus ses richesses qu'au compte-gouttes.

– Reçu ce matin, au courrier, les mémoires de Lorenzo Da Ponte, qui prolongeront fort bien ceux de Casanova comme lecture du matin, quand j'en aurai terminé avec ceux-ci. D'autre part, j'ai abandonné Boulgakov au beau milieu de son Roman théâtral, je ne saurais trop dire pourquoi ; sans raison particulière, en fait : un simple défaut d'appétence. Par ailleurs, m'appuyant sur le fait que notre abonnement à Canal expirait à la fin de ce mois (trente euros d'économie…), je me suis réabonné à L'Incorrect (sept euros par mois) que j'avais quitté sur un mouvement d'humeur peut-être un peu excessif.


Dimanche 13

Midi moins le quart. – Depuis une dizaine de mois (et encore jeudi dernier chez les Desgranges), aux gens qui me demandent pourquoi nous avons changé de voiture, j'explique doctement et en toute bonne foi que Catherine avait depuis longtemps envie d'un véhicule à boîte de vitesses automatique, mais que l'élément déclencheur, décisif, avait été notre dernière équipée strasbourgeoise (alsacienne plutôt, puisque notre campement était à Obernai), et notamment le voyage du retour durant lequel j'avais eu l'impression de ne faire que sautiller d'un rond-point au suivant durant plusieurs centaines de kilomètres, avec ce que cela suppose de changements de vitesses incessants. Or, en relisant, avant impression, mon journal de 2018, je viens de constater avec un certain étonnement que ce voyage en Alsace s'était déroulé deux semaines après que nous avions passé commande de la nouvelle Renault. Ce qui ne m'a pas empêché, dès son acquisition, de forger de toutes pièces la fausse raison que je viens de dire, et d'y croire dur comme fer. Évidemment, mis devant l'évidence de l'erreur, on se dit que, constamment ou presque, nous devons nous forger ce genre de fausses certitudes, sorties d'on ne sait trop où et qui, faute d'un démenti indiscutable, deviennent en quelque sorte des vérités éternelles. Léger vertige.


Mardi 15

Trois heures. – Surprise, ce matin, en allant dire un petit bonjour à mes comptes bancaires : le “courant” affichait une somme supérieure à celle d'hier de près de 500 € ; 478 exactement. La surprise devint stupeur en constatant qu'il s'agissait d'un versement émanant de notre cher Trésor public. Renseignements pris auprès de Ternette, il m'apparut que c'était normal et que, ce jour, nous étions plusieurs millions à avoir reçu une enveloppe d'épaisseur équivalente. Il s'agit, si j'ai bien compris, d'une sorte d'avance sur nos futures réductions d'impôt, ou au moins certaines d'entre elles : emploi à domicile, dons à des associations, etc. (Du coup, je me félicite chaudement d'avoir payé ma cotisation de membre bienfaiteur de l'amicale des anciens nazis, forcément.) Pour l'instant, en ce qui concerne la retenue à la source, j'oserais donc affirmer que tout va pour le mieux (comme disait le gars qui, etc.). Il ne me reste plus qu'à voir, à la fin de ce mois, de combien vont être amputées les piges se rapportant à mes signes lucratifs.

– Commencé hier le roman d'un écrivain russe, Guéorgui Vladimov (1931 – 2003), dont j'ignorais tout, y compris l'existence, jusqu'à ce que Soljénitsyne ne vînt m'en toucher deux mots. Son livre s'intitule Le Général et son armée : il se passe en 1943 et commence plutôt bien. J'attends un autre livre du même, Le Fidèle Rouslan, preuve que je ne me suis toujours pas départi de ma stupide habitude consistant à commander deux livres d'un coup des auteurs dont j'ignore absolument s'ils ont quoi que ce soit pour me plaire.


Mercredi 16

Trois heures et demie. – Je termine à l'instant mes blurbesques travaux : il n'y a plus qu'à expédier par voie internétique le livre chez BookTruc pour qu'ils l'impriment et me l'envoient ; mais, ça, c'est le travail de Catherine.

– Ce matin, je me suis avisé qu'il ne me restait plus guère que quatre cents pages à lire des mémoires de Casanova (sur près de quatre mille) et ça m'a rendu un peu triste : je sens qu'il va me manquer ; même si j'ai, pour pallier son absence, ceux de Lorenzo Da Ponte, recommandés la semaine dernière par Michel Desgranges, et si j'ai commandé tout à l'heure ceux de Carlo Goldoni, afin de disposer d'une sorte de trilogie mémorielle vénitienne.


Vendredi 18

Trois heures. –  C'en est fini de la balade à Blurberie Hill : le livre a été finalisé et commandé tout à l'heure (je m'en suis prudemment remis, pour cette partie technique, au savoir-faire de Catherine), sans le moindre pépin. Comme pour éviter que l'on plastronne un peu trop, l'informatique s'est aussitôt manifesté sur un autre front, histoire de montrer qui, dans cette maison, était le vrai patron : alors que tout fonctionnait normalement hier soir, plus moyen aujourd'hui d'accéder à Netflix ; plus moyen sur l'écran de télévision, car sur mon ordinateur, tout continue à marcher impeccablement. Je ne cherche même pas à comprendre et vais comme d'habitude m'en remettre à notre grand manitou informatique, celui qui tient boutique à Pacy.


Dimanche 20

Onze heures du matin. – Terminé hier Le Général et son armée, le remarquable roman de Vladimov. Je viens d'en faire un court billet sur le blog ; court et franchement paresseux (pour ne pas dire bâclé…) : disons que ce sont plutôt des notes sans trop de suite qu'une véritable critique. Mais c'est évidemment sans la moindre importance. J'ai aussitôt (ce matin) commencé le second roman que j'ai acheté de lui, Le Fidèle Rouslan.

– Pour la deux voire troisième fois, j'ai pris, hier, la décision de ne plus me rendre sur le blog du pseudonommé Sarkofrance (à force de ces résolutions non tenues, je me fais l'impression d'un drogué jurant ses grands dieux qu'il arrête la coke, et qu'on retrouve quarante-huit heures plus tard le nez dans sa poudre).  La raison en est que “la bêtise au front de taureau” qui s'exprime là-bas en long et en large, si elle m'amusait beaucoup jusqu'à récemment, a commencé à me plonger dans une sorte de déprime légère, chaque fois que j'allais m'y rembourber ; et, avec elle, pointait l'envie d'en découdre avec tel ou tel commentateur particulièrement abruti (idéologiquement abruti, et parfois abruti tout court), ce qui serait acceptation de me placer à leur même niveau, à “jouer dans leur cour”, et je ne veux nullement. A aussi achevé de me dégoûter de ces parages-là, l'intervention faite par Bembelly, dit le Lyonnais exotique. Voici le commentaire qu'il a soudain laissé choir, sous un billet vieux déjà de plusieurs jours :

« Cher Juan, il serait temps de virer les fachos de ton fil de commentaires (les #DGoux, les Pro #LePen, etc), faire le ménage pour 2019 si possible, voire bloquer leur id | Simple suggestion mais sans obligation. Quoi? « Liberté d’expression? » Ouais, qu’ils aillent le faire ailleurs, chez leur pote le Breton par exemple, ça va les promener, ils ont des « affinités extrêmes« , que ça à foutre…
| PS: finalement non, les laisser s’exprimer, ils risquent de nous faire un « suicide collectif » cons comme ils sont. »

Ces quelques lignes étaient assorties de “smileys” et de petites phrases badines, bien dans la manière de ce personnage glissant, visqueux, faux jusqu'à l'extrême, qui manie d'une main le couperet tandis que l'autre vous flatte l'encolure. Voilà un homme qui ne rêve que de trancher des têtes, “le bâillon pour la bouche et pour la main le clou”, et qui ne se rend même pas compte (ou peut-être si ? ce qui expliquerait ses perpétuelles frustrations) qu'il ne manie qu'une sarbacane ne tirant rien d'autre que des boulettes de papier mâché, enduites de son aigre salive. Le “Breton” de son commentaire est bien entendu Nicolas, sur qui il ne perd jamais une occasion de postillonner quand il pense qu'il a le dos tourné, car jamais il n'est capable de lui parler en face, sachant qu'il se ferait étriller et qu'il n'a nullement les capacités pour l'affronter. Il fait irrésistiblement penser à ces  seconds couteaux du NKVD soviétique, tels qu'on en rencontre chez les écrivains russes de la période communiste, à commencer par Vladimov que je viens de quitter, avec leur mélange de cordialité fausse et d'ivresse meurtrière, entretenue bien bouillonnante en eux par l'alliance entre un petit pouvoir discrétionnaire et une intelligence au-dessous du médiocre. Pour en finir avec ce Bembelly, voilà un garçon qui, selon l'humeur où on se trouve, ne peut guère inspirer autre chose que de la pitié ou du dégoût, alternativement. Et j'ai parfois l'impression qu'il le sait, ou qu'il l'entrevoit ; ce qui, bien entendu, ne peut avoir pour effet que de le faire plonger encore un peu plus avant dans l'abjection morale où il est déjà engagé plus qu'à mi-corps. C'est assez : ouvrons grand les fenêtres et dissipons ces remugles et ces miasmes.


Lundi 21

Dix heures du matin. – Je viens de commander les épitres d'Horace (dans l'éditions des Belles Lettres, évidemment) : c'est la faute de Casanova, qui n'arrête pas de les citer. C'est aussi parce que le “mois carte dorée” nouveau commence aujourd'hui et qu'il fallait bien l'étrenner d'une manière ou d'une autre.

– Temps superbe, grand soleil, -4° fichtrement Celsius, pas de vent : aucune excuse pour ne pas aller crapahuter, donc.


Mardi 22

Dix heures. – Suite des palinodies bembello-sarkofrançaises : répondant docilement aux injonctions du Lyonnais exotique (Bembelly, donc), Juan Sarkofrance m'a fort diligemment viré de son blog… où j'avais décidé, la veille ou l'avant-veille, on s'en souvient, de ne plus mettre les pieds : c'est bien aimable à lui d'aider à ma désintoxication. Rigolade mise à part, il est toujours fort jouissif de voir comment ces grands esprits de gauche, tolérants jusqu'au bout de la hampe de leurs multiples drapeaux, comment ils se comportent à la moindre contradiction ou contrariété : ils ne savent rien faire d'autre que manier le sécateur d'Anastasie, qui est leur petite mitraillette morale. La scélératesse intellectuelle poussée à ce degré d'insignifiance confine à la bouffonnerie pure : Nicolas et moi nous en amusons beaucoup depuis hier.

– Cela dit, il neige et je vais aller tout de suite laisser mes empreintes dans ce ridicule matelas blanc (Catherine vient de partir avec Charlus).

Cinq heures. – Reçu au courrier deux livres : un de Limonov : Le Poète russe préfère les grands nègres (titre assez “m'as-tu-vu” mais dont j'ai bien hâte de me resservir…) et l'autre sur Limonov, dû à la plume d'Emmanuel Carrère. J'ai lu une dizaine de pages du premier (avant de m'assoupir comme un vieux débris que je suis désormais) : il semble y avoir quelque chose ; un ton, une voix ; on verra si “ça tient” (contrairement à la neige de ce matin) la distance.


Mercredi 23

Deux heures. – Belle et longue marche (pas si longue que cela, d'ailleurs) dans un sous-bois enneigé, ce matin, jusqu'au débouché, en surplomb de la route menant à la Neuville-les-Vaux. Puis, lecture de Limonov, lequel, m'y enfonçant plus avant (si je puis dire, vu son sujet…), me semble tourner un peu en rond : pas certain d'aller jusqu'au bout de ce livre. Avant cela, au réveil, j'ai commencé les mémoires de mon deuxième Vénitien, Lorenzo Da Ponte, dont j'ignorais jusqu'à ce jour qu'il fût juif d'origine (son père a renié sa religion natale pour pouvoir épouser une jeune catholique, marâtre de notre Lorenzo).

Et, de nouveau, il neige.


Jeudi 24

Dix heures du matin. – La bouffonnerie bembello-sarkofrançaise continue et prend des tournures de plus en plus réjouissantes. Après s'être enquis, hier, si j'avais vraiment été “banni” de son blog par Sarkofrance (comme s'il s'agissait d'une mini-cour de Versailles dont il serait le tout-puissant P'tit Louis), Élie Arié vient d'annoncer solennellement que, dans ces conditions, il ne commenterait plus lui non plus dans ce même blog. Bref, il devient le Zola de cette micro-affaire Dreyfus inversée. Ce qui est drôle, aussi, c'est que, visiblement, un autre commentateur a été “banni” en même temps que moi, un qui signe Lancien et est une sorte de propagandiste de la cause le-péniste ; mais, de lui, personne ne semble se soucier, ce que, à sa place, je trouverais peut-être assez vexant. D'autant que, en réalité, il était bien plus présent que moi à la cour du P'tit Louis et n'hésitait jamais à s'y lancer dans des “débats" en apparence très sérieux, cependant que, de mon côté, je passais mon temps à ironiser sur les uns et les autres de ces clowns révolutionnaires. Du reste, Lancien en question me supportait difficilement, en raison précisément de ce manque de sérieux dont lui même était fort accablé. Comme quoi on peut être banni ensemble et se détester néanmoins : là, on est à mi-chemin entre Coblence et Sigmaringen !

– J'ai oublié de noter que j'avais reçu, hier, de Sa Majesté Blurb 1er, les trois volumes de mon journal 2018, commandés quelques jours plus tôt : je n'ai regardé que la couverture et les premières pages, sans y relever de monstruosités invalidantes. Mais il doit bien se cacher quelques dizaines de bourdes mineures entre ces 350 pages…

– J'ai lu ce matin la deuxième partie des mémoires de Da Ponte, celle couvrant la période allant de 1779 (Da Ponte est né en  1749) à 1792, durant laquelle il a écrit les trois livrets d'opéras qui lui valent d'être encore connu aujourd'hui. Michel Desgranges avait raison, lorsqu'il m'en parlait l'autre semaine : il est très frustrant de voir Mozart traverser furtivement ces cent et quelques pages sans pratiquement s'y arrêter, à peine plus visible qu'un figurant de fond de scène, alors que Da Ponte s'attarde longuement sur Salieri et d'autres. Mais il est vrai qu'il s'agit de personnages qu'il a dû affronter, dont il lui a fallu quelquefois déjouer les intrigues ourdies contre lui (à ce qu'il prétend, évidemment), alors que ses rapports avec Mozart semblent n'avoir fait surgir aucun différend. Peut-être, d'ailleurs, n'ont-ils eu d'autres rapports que purement “professionnels”. Il n'empêche : la frustration et le regret sont bien là.


Samedi 26

Dix heures du matin. – Rendu aux trois quarts de l'autobiographie de Da Ponte (il s'apprête à partir pour les États-Unis), je m'aperçois que je la lis bien distraitement et sans grande passion. Mais je ne dois pas être injuste avec le librettiste : il est fort possible que la lecture de ses mémoires pâtisse de sa trop grande proximité avec celle de ceux de Casanova. (Nom de Dieu, quelle phrase ! On dirait un ver de terre se tortillant sur lui-même… Pourtant, malgré ses airs biscornus et son inélégance, il me semble qu'elle est tout à fait correcte.) À côté des quatre mille pages de ce dernier, les quatre cents de Da Ponte font un peu figures de projet de mémoires, de plan, de synopsis. Et puis, on a beau essayer de n'y pas penser, on continue un peu à lui en vouloir d'expédier Mozart aussi cavalièrement et en si peu de phrases. On a envie de le secouer par les épaules et de lui dire bien en face : « Vous auriez pu faire un effort, tout de même ! Songez donc que, sans ces  trois opéras que vous avez librettés pour lui, absolument personne ne lirait plus vos mémoires, ni même ne connaîtrait votre nom, hormis sans doute les quelques érudits de la période où vous vécûtes… »

– J'ai, en revanche, beaucoup aimé le Limonov d'Emmanuel Carrère, qui est décidément un remarquable écrivain (au moins comparé à la production moyenne) ; bien davantage, d'ailleurs, que Limonov lui-même : j'ai abandonné son Poète russe préfère les grands nègres (titre racoleur inventé pour l'édition française par ce vieil escroc de Jean-Jacques Pauvert) peu après en avoir passé la ligne médiane. Ce n'est sans doute pas complètement à tort que, dès les premières pages, le nom de Charles Bukowski m'est venu à l'esprit, auteur que, à l'époque où il convenait de le célébrer comme un génie, j'avais trouvé sans grand intérêt ; en tout cas “pas pour moi” : il en est allé de même pour le Russe. Mais enfin, Carrère, c'est vraiment très bien ; ce qui fait que j'ai aussitôt commandé deux autres livres de lui : Un roman russe, déjà lu mais, comme l se doit, mystérieusement disparu de ce bureau, et Le Royaume.

– Sinon, je constate que, depuis quatre jours, ce bon Juan Sarkofrance n'a plus publié le moindre billet, ce qui est très inhabituel chez lui. Comme si, emporté par la folie de sa distribution gratuite de muselières, il s'était par mégarde interdit lui-même de séjour sur son propre blog.


Lundi 28

Dix heures. – Passé la journée d'hier à lire les chroniques littéraires qu'Angelo Rinaldi a données (façon de parler : je suppose qu'il était fort bien payé, en tout cas je le lui souhaite) à L'Express durant un peu plus de vingt ans. Le volume s'intitule Service de presse, ce qui est d'une agréable sobriété. C'est d'ailleurs la seule chose sobre que l'on trouvera au long de ces cinq cent et quelques pages : le mot qui me semble le mieux convenir au style de M. Rinaldi est “maniéré”. Ou encore “esbroufeur”, si le terme existait. Ou “m'as-tu-vu-quand-j'écris”. Enfin, on voit le genre. Et sa phrase n'est jamais aussi ampoulée que lorsqu'on sent que, au fond, il n'a pas grand-chose à dire, parce que, somme toute, son sujet du jour ne l'inspire pas plus que cela. Il faut ajouter à cela une irritante habitude de ne jamais entrer de plain pied dans le sujet en question, de faire toujours des mines et des grâces durant un ou deux copieux paragraphes avant de se décider enfin. Si l'on multipliait ce travers par 25 et qu'en plus on boursouflait encore davantage ses phrases, on obtiendrait du Juan Asensio – c'est dire.

Sauf que, à la différence du clown hystérique que je viens d'évoquer par pur masochisme, Rinaldi a une culture littéraire très étendue (au moins par rapport à la mienne, ce qui réduit évidemment la portée de l'appréciation), qu'il sait lire et tirer des livres qu'il lit le suc qui s'y trouve – ou peut-être qu'il y apporte, comme doit le faire tout bon lecteur.  Si bien que, malgré la vague irritation que ses chatteries et ses boursouflures provoquent, on continue à tourner les pages, en se félicitant de le voir dégonfler les baudruches qu'on avait soi-même senties telles (Gabriel Garcia Marquez, Paul Auster, John Updike, Marguerite Duras…) et en sursautant légèrement lorsqu'il se permet de piétiner ce que l'on place à une certaine altitude (Morand, Simenon, Zola). Mais, comme je le disais rapidement dans le billet que j'ai publié hier sur le blog, le plus précieux c'est bien entendu toutes les envies de nouvelles lectures qu'il suscite : mon panier Amazon en déborde déjà.

Quatre heures. – À propos du Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez, Rinaldi écrit : « Cette histoire familiale se déroulant dans un village imaginaire de Colombie ne manquait pas de charme pour les amateurs de lecture rapide, d'images rendues exotiques par cette distance grâce à laquelle se fondent dans une unique figure la Cucaracha du Balajo et la Périchole de Mérimée, aux accents d'une musique de M. Francis Lopez. L'auteur, par son entrain de fabuliste, sa naïveté de conteur, qui ne ménage pas ses effets et travaille “à la grosse”, reposait des romans plus intellectuels qu'intelligents alors en vogue. »


Mercredi 30

Quatre heures. – Beau tapis de neige, ce matin, et épais (épais selon nos critères normands, qui ferait ricaner n'importe quel Québécois ou Moscovite). Nous sommes allés marcher, Catherine, Charlus et moi, le long du chemin qui rejoint le bois surplombant, à son orée opposée, la route de La Neuville ; promenade assez sérieusement écourtée du fait des conditions de progression. Comme l'a dit Catherine :  « J'avais oublié à quel point c'est pénible de marcher dans la neige. » En effet.

– J'ai commencé hier un épais roman intitulé Le Cénotaphe de Newton (Gallimard), dû à la plume d'un monsieur Dominique Pagnier, dont j'avoue n'avoir jamais entendu parler jusqu'à tout récemment, bien qu'il soit loin d'être un oison fraîchement tombé de l'aire natale (il a quatre ou cinq ans de plus que moi). Roman étrange et foisonnant, qui promène incessamment le lecteur à travers toute l'Europe (surtout centrale et de l'Est), à différentes époque, au travers de nombreux personnages dont beaucoup ne sont qu'évoqués, ainsi que les liens qui les attachent entre eux de manière plus ou moins étroite. C'est aussi et surtout une sorte de quête, mais de quoi ou de qui ? Du père d'abord, mais pas seulement : après 150 pages lues (sur près de 600), je ne me risquerai pas plus loin dans ma tentative  de critique. Il me semble que c'est le genre de livre qui peut brusquement me tomber des mains sans prévenir, aussi bien à la page 200 qu'à 50 de la fin. Mais il peut tout aussi bien me plaire de plus en plus et me laisser tout enthousiaste de lui après son point final. En tout cas, ce n'est pas un roman qui sécurise son lecteur, lequel a constamment l'impression qu'il peut sombrer corps et bien d'une page à l'autre : impression nettement moins pénible qu'on pourrait le croire, et même assez agréable. car, au fond, pourquoi lit-on des romans, sinon dans l'espoir informulé de s'y perdre ?

– Petites nouvelles du front alzheimérien : hier, Catherine et moi sommes arrivés à la conclusion d'un court échange ménager entre nous que, la semaine prochaine, il lui faudrait aller faire ses courses hebdomadaires dès lundi, et non mardi comme elle est accoutumée de le faire. Ce matin, elle : « Tu te souviens pourquoi je dois aller faire les courses lundi au lieu de mardi ? » Moi : « … » Et, depuis, ni elle ni moi n'avons pu retrouver cette raison : nous ne devons aller nulle part, nous n'attendons personne, n'avons aucune obligation particulière mardi prochain, le mystère reste entier, inaltérable, vaguement inquiétant. Dans le pot au noir où nous sommes, j'ai conseillé à Catherine d'aller quand même faire ses courses le lundi, au cas où. Et puis, quoi : nous avons encore quatre jours pleins pour tenter de reconnecter deux ou trois paires de neurones afin que le souvenir nous revienne, hypothèse qui n'est pas totalement à écarter. L'espoir luit comme un brin de paille dans l'étable

– Deux écrits lucratifs m'ont été réglés ce matin par virement : retenue à la source aidant, chacun d'eux a été amputé de 50 €, c'est-à-dire en gros d'un douzième. Je suis tout à fait incapable de me rendre compte si c'est juste ou non. En tout cas, si ça ne l'est pas, l'erreur est minime, qu'elle se place dans un sens ou dans l'autre. 


Jeudi 31

Dix heures du matin. – Je termine donc ce mois en compagnie de Carlo Goldoni dévidant ses Mémoires (le matin) et de Dominique Pagnier, que j'évoquais hier (l'après-midi), en ayant l'impression de me tenir de plus en plus à l'écart des bruits et des agitations du monde ; mais c'est peut-être la neige qui assourdit tout de façon naturelle. En tout cas, cela me convient parfaitement. Le monde, notre monde est en train de s'abîmer dans la farce, et il le fait avec un sérieux implacable. Tutto nel mundo è burla.

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