LE MONDE EST STAUNE
Jeudi 1er décembre
Cinq heures. – Et voici décembre, qui commence par une vraie journée de merde. Ce matin, allant nourrir Boulou au sous-sol, où se trouve sa “chambre”, Catherine a constaté qu'il semblait avoir du mal à marcher ; et, cinq minutes plus tard, il a vomi tout ce qu'il venait d'avaler (à la grande satisfaction de Bergotte, qui passait dans le coin…). Là-dessus, nous voilà partis pour Levallois, où nous avions deux rendez-vous, un chacun : Catherine chez l'ophtalmo et moi chez la dermato (logues toutes les deux). Les deux spécialistes en question n'officient pas dans le même cabinet, mais sont tout de même très proches l'une de l'autre, vers la place Georges-Pompidou. Bien que me trouvant à moins de cent mètres de l'entrée de l'immeuble Lagardère, je me suis bien gardé de monter à FD, ayant toujours trouvé un peu pitoyables ces retraités qui se croient obligés (ou qui ne peuvent s'empêcher) de venir régulièrement faire le tour de leurs anciens bureaux pour serrer des mains et claquer des bisous. En général, ceux qui travaillent encore font gentiment semblant d'être ravis de les voir et tentent de masquer, sous une bonne humeur et un entrain factices, le fait qu'ils n'ont plus rien à se dire, maintenant que la vie professionnelle ne les contraint plus à se côtoyer tous les jours. Du même coup, les plus lucides prennent conscience que, même si l'on apprécie certains collègues de travail, ils n'ont jamais été autre chose que cela : des collègues de travail ; et en aucun cas des amis, ni même des “copains”. C'est pourquoi je me suis promis un jour, il y a déjà longtemps, que 1) il n'y aurait pas de “pot” à l'occasion de mon départ, 2) je ne reviendrais jamais sur les lieux de mes crimes ; je compte m'y tenir fermement.
Les deux doctoresses ayant été
ponctuelles, à une heure nous étions de retour au Plessis. Ce fut pour
constater que Boulou ne parvenait presque plus à se mouvoir, ne
réussissant même pas à monter les quelques marches de la terrasse.
Catherine l'a pris dans ses bras pour l'amener devant la gamelle d'eau
de la maison, pensant qu'il devait avoir soif, lui qui, depuis quelques
mois, ne fait plus que boire (et donc pisser) du matin au soir. Il a en
effet bu un peu, avant de s'affaler à l'endroit où il était, la tête à
demi pendante dans la gamelle, les moustaches trempant dans l'eau, chose
dont tout chat bien portant a une sainte horreur. À ce moment-là, nous
avons compris que, né en décembre 2001, Boulou ne verrait pas son
quinzième anniversaire ; d'autant moins que, contrairement à toutes ces
dernières semaines, il paraissait désormais souffrir, comme en faisaient
foi ses petits miaulements plaintifs dès qu'il tentait un mouvement.
Rendez-vous fut pris à quatre heures à la clinique vétérinaire de
Saint-Aquilin ; que nous avons quittée une demi-heure plus tard, avec un
panier vide. Boulou s'est endormi très paisiblement, sous les caresses
de Catherine. Pendant ce temps, des idées idiotes et niaises me
traversaient l'esprit, comme par exemple celle que, avec Boulou,
disparaissait notre dernier animal ayant connu Balbec, mort en 2006 et
en cette même clinique.
Sept heures et demie.
–Quand je parlais, tout à l'heure, de mes idées “idiotes et niaises”, je
trichais. En réalité, je ne trouve cette réaction ni idiote ni niaise ;
c'était une manière de parapluie, une façon de désamorcer les critiques
en niaiserie ou en sottise qui pourraient m'être adressées. Mais
qu'est-ce que j'en ai à faire ? Je peux même m'enfoncer encore plus
avant dans cette niaiserie, et dire que, ce qui me rend triste, c'est
moins la mort de Boulou en elle-même que cette impression tenace et
pénible que, ce soir, Balbec est vraiment mort ; pour de bon ;
que plus personne, dans la gent animale du Plessis, ne l'a connu.
Catherine, tout à l'heure, me disait : « J'ai failli demander à Boulou de
dire bonjour à Swann. Mais je ne l'ai pas fait car, sinon, je me serais
mise à pleurer. » C'était niais aussi. Nous étions deux niais, autour
de ce chat dont le ronronnement allait s'affaiblissant et qui avait des
pupilles de plus en plus étroites.
Vendredi 2 décembre
Sept heures vingt.
– Hier, emporté par mon élan, j'ai posté sur le blog une photo de
Boulou, simplement accompagnée de ses dates de naissance et de mort. Je
l'ai presque regretté aujourd'hui, au vu des nombreux commentaires de
condoléances que cela m'a valus. L'impression d'avoir triché, là encore.
Car, au fond, je ne pense pas que ce chat me manquera beaucoup, même si
je continuerai à y penser de temps à autre, comme je pense encore
parfois à certains, qui vivaient chez mes parents et sont morts depuis
plus d'un quart de siècle. Il ne me manquera pas trop, simplement parce
qu'il ne faisait guère partie de notre paysage intime (à l'inverse de
Golo, par exemple), vivant presque toujours dehors. Et, même quand il
était dans la maison, il ne fallait pas compter sur lui pour venir
s'installer sur les genoux, ni même sur le canapé où l'on se trouvait.
Du coup, me semblent imméritées les marques de solidarité affectueuse
que l'on me témoigne ; j'ai, à cet égard, un vague sentiment
d'escroquerie. En même temps, depuis hier, chaque fois que j'ouvre la
porte de la maison, j'éprouve un imperceptible pincement de ne pas voir
Boulou monter lourdement les marches de la terrasse.
–
Journée de livraison : nous attendions d'une part un matelas (pour
Catherine) et un fauteuil (pour moi, dans le salon de télévision), et
d'autre part le meuble censé remplacer la bibliothèque Ikéa de la salle à
manger. Catherine étant absente ce matin, c'est moi qui était supposé
jouer les maîtres de maison si l'un ou l'autre de ces livreurs pointait
son camion. Par chance, personne n'est venu avant son retour, mais la
perspective qu'ils auraient pu a suffi à me gâcher la matinée : je suis
parfois surpris de constater à quel point je deviens con. Mais c'est
qu'il m'aurait fallu vérifier qu'ils embarquaient bien le bon matelas en
échange du neuf (c'était prévu), tenter de leur faire emporter en même
temps mon vieux fauteuil exténué (ça ne l'était pas, prévu), et risquer
le même exploit avec la bibliothèque Ikéa. Ces perspectives multiples
m'accablaient par avance. Heureusement, ils ne sont venus, les deux, que
cet après-midi. Et, bien entendu, tout s'est déroulé sans la moindre
anicroche. Il faut dire que nous avons copieusement arrosé ce mince
échantillon de classe ouvrière à coups de billets de vingt, comme de
gras bourgeois, sûrs du pouvoir de leur argent ; ce dont nul n'a semblé
nous tenir rigueur, mais sans doute nos livreurs n'étaient-ils pas
suffisamment conscientisés.
Dimanche 4 décembre
Sept heures vingt. – Voilà quatre jours consécutifs que nous prenons l'apéritif (modéré, heureusement), et les deux derniers jours moins pour fêter que pour se remonter. Catherine a en effet reçu une lettre avant-hier, relative à son nouveau statut d'auto-entrepreneur, et aux changements que cela semble induire emprès la Sécurité sociale. Sa hantise de tout ce qui ressemble à de la “paperasse” a fait le reste : depuis quarante-huit heures, elle passe l'essentiel de son temps sur internet, pour tenter de comprendre l'incompréhensible, et surtout à imaginer les pires catastrophes, lesquelles n'ont évidemment que fort peu de risques de se produire. Quand je tente de l'apaiser, la faiblesse de mon argumentation vient de ce que, moi-même, je ne comprends rien aux méandres de ce labyrinthe et, donc, ne puis former qu'un piètre rempart à sa paranoïa administrative. Si je l'écoutais, on annulerait tout et je cesserais illico mes petits travaux pour FD. Seulement, rien que la semaine prochaine, les petits travaux en question vont probablement nous rapporter une paire de milliers d'euros, et il me semble que ça vaut tout de même le coup de remplir quelques formulaires.
Mardi 6 décembre
Huit heures.
– Que dire ? Catherine continue de s'enfoncer dans les méandres d'une
usine à gaz à laquelle elle ne comprend rien (ni moi). La différence est
que je m'en fous, me disant que si quelque chose s'avère “non
conforme”, un compartiment quelconque de l'usine en question se chargera
de nous le signaler ; tandis qu'elle continue de se ronger à propos de
choses qui, à mon sens, me méritent même pas qu'on y songe une seconde.
Le
résultat de tout cela est que nous venons de prendre un apéritif “non
prévu”, lequel nous a heureusement conduits à parler d'autre chose. Et,
notamment, à propos de la retraite, j'en suis venu à lui redire (je lui
en avais déjà parlé, me dit-elle) à quel point mon expérience à la SNCF,
vers 1975, m'avait marqué, à ce sujet. (Je note tout cela uniquement
pour m'en souvenir, car je compte en faire un billet, demain ou
après-demain, tout en me rendant compte que rien n'est compréhensible.)
Nous en sommes, sur le même sujet, arrivés à parler de Jean Sebaux, et
j'y reviendrai aussi.
Puis, tandis que Catherine
m'avait quitté pour préparer le repas, je me suis mis, par je ne sais
quel “glissement de terrain”, à penser à Renaud (le chanteur), à propos
de qui j'ai vu, ces derniers jours, deux émissions de télévision. Là
encore, je ne note la chose que pour m'en souvenir, ayant l'intention
d'en faire un billet – envie qui m'aura peut-être tout à fait quitté dès
demain.
Mercredi 7 décembre
Sept heures vingt.
– Traversant depuis quelques jours une nouvelle période de flottement
dans mes lectures (pas d'envies particulières, lassitude des ouvrages en
cours, etc.), je me suis, hier, relancé dans un cycle de lectures
“scientifiques” – je veux bien sûr dire : de vulgarisation scientifique,
n'ayant pas les capacités suffisantes pour des écrits réellement
scientifiques. J'ai commencé par reprendre le gros livre de Jean Staune,
Notre existence a-t-elle un sens ?, avant de commander trois ou quatre autres livres, dont l'un, en deux volumes, sur la formation de l'univers, ainsi que La Structure des révolutions scientifiques
de Thomas S Kuhn, déjà lu il y a quelques années mais qui, comme de
juste, a mystérieusement disparu du foutoir majuscule qui me sert de
bibliothèque. J'espère que je ne vais pas, au détour d'un chapitre ou
d'une page, me faire avaler par un trou noir.
Jeudi 8 décembre
Sept heures dix.
– Mes livres “scientifiques” sont arrivés tous ensemble cet après-midi,
par porteur spécial. Comme je venais de finir le Staune (le monde est
Staune…), j'ai tout de suite enchaîné avec le premier tome du Destin de l'univers
de Jean-Pierre Luminet, astrophysicien français. Pour l'instant, il est
d'une lecture relativement facile, mais c'est sans doute parce qu'il
s'ouvre sur un rapide panorama des “paradigmes” successifs, depuis
Aristote, Platon et Ptolémée jusqu'à Einstein et Bohr, en passant par
Newton et Maxwell ; j'ai peur qu'ensuite l'affaire ne devienne plus trapue.
En attendant c'est passionnant, et j'espère que ma faible intelligence
scientifique me permettra d'aller au bout des mille pages. Après quoi,
si je ne suis pas totalement dégoûté de tous ces espaces infinis,
j'enchaînerai probablement sur le livre de Kip Thorne, Trous noirs et distorsion du temps, pour terminer par la relecture du livre de Kuhn que j'évoquais hier.
–
J'ai publié, ce matin, sur le blog, un petit billet de cinq lignes,
provoqué par l'annonce que je venais de lire, d'une exposition de cinq
mois, que le centre Pompidou consacrait à partir d'aujourd'hui à un
auteur de bandes dessinées, Franquin. Bien entendu, exactement comme je
m'y attendais, tout le monde m'est tombé dessus. Il y a au moins un
point sur lequel, désormais, sont tout à fait d'accord gens de gauche et
gens de droite, progressistes revendiqués et prétendus réactionnaires,
c'est le “tout-se-vaut” culturel qui est devenu une règle que l'on ne
doit pour rien au monde transgresser, sous peine de devenir le point
convergent de toutes les indignations. Du reste, mes chers commentateurs
ne m'attaquent pas tous sous le même angle. Certains protestent parce
que les mésaventures de Gaston Lagaffe les ont toujours beaucoup fait
rire. Oui, et alors ? Ai-je dit que cette bande dessinée n'était pas
drôle ? D'autres me font remarquer que le centre Pompidou est
précisément dédié à l'art contemporain. Je devrais donc trouver parfaitement normal, allant de soi, à leur instar, que l'art contemporain c'est
la bande dessinée, et qu'il n'y a pas à manifester d'exigences plus
hautes. Enfin, il y a ceux qui, n'ayant visiblement pas d'argument à
faire valoir, se contentent de manier la massue et de m'asséner un
“Franquin est un grand artiste épicétou”. Je suppose que je suis
censé ne pas m'en relever. Si jamais, demain, on décide de transporter
Balavoine ou Bashung au Panthéon, il faudra que je pense à en faire un
nouveau billet sarcastique, juste pour leur donner une occasion
supplémentaire de s'indigner encore et de me rentrer un peu dans le
chou.
Lundi 12 décembre
Huit heures.
– Voilà plusieurs jours que Catherine – totalement traumatisée par la
paperasse qu'entraîne son nouveau statut d'auto-entrepreneur – a des
envies d'apéritif chaque soir ; envie que je n'encourage pas, mais, bien
entendu, à laquelle je ne m'oppose pas non plus, et que j'accompagne
par solidarité conjugale. Le résultat est que, arrivant devant cet écran
après le repas, je n'ai plus la moindre envie d'y écrire quoi que ce
soit. D'autant que les trois ou quatre verres de vin que je bois avant
le dîner viennent s'ajouter à mes lectures massives à propos des
supernovas, des trous noirs, des boucles et des cordes, lesquelles
suffiraient déjà à saouler n'importe quel esprit non prévenu. Je crois
qu'il va être temps de revenir à Balzac. Ou à Houellebecq, tiens.
Jeudi 15 décembre
Sept heures dix.
– Nous avons rompu le cycle infernal ce soir, en supprimant ces
libations pré-dînatoires dont nous commencions à prendre un peu trop
facilement l'habitude. Ce n'est d'ailleurs pas pour cela que j'ai plus
envie de noter quoi que ce soit ici. J'ai perdu une partie de ma journée
à lire Le Voyageur imprudent de Barjavel, qui est un mauvais roman ; je l'ai du reste lu, passé le premier tiers, très en diagonale. Puis j'ai repris L'Évolution a-t-elle un sens ?, livre du biologiste Michael Denton, partisan avoué de ce qu'on appelle le Dessein intelligent.
Toutes les parties de vulgarisation scientifique de son livre sont
passionnantes, même si souvent un peu escarpées pour le pauvre
littéraire que je suis. En revanche, je ne suis guère convaincu par les
conclusions qu'il en tire, en faveur de son fameux dessein. Je ne
vois pas en quoi, par exemple, le fait que l'eau soit merveilleusement
adaptée au développement de la vie, dans les moindres de ses
comportements chimiques et physiques, je ne vois pas en quoi on pourrait
en déduire que, donc, elle a dû être élaborée par une
intelligence supérieure et non due au hasard. Il me semble que tous les
arguments qu'il développe peuvent être facilement retournés. Et il aura
beau entasser les uns sur les autres autant de petits faits “miraculeux”
(dans leur accumulation même et dans la manière dont ils se complètent
et s'enrichissent mutuellement) qu'il voudra, il n'aura toujours pas
prouvé que l'ensemble a été “voulu”, pensé, créé, etc. Tant qu'il n'aura
pas établi que la même chose, exactement, existe sur dix milliards
d'autres planètes disséminées dans les galaxies, il sera toujours facile
de lui répondre que tout ce qu'il décrit est le fruit d'un incroyable
hasard qui, sans doute, du fait de son improbabilité, ne s'est produit
qu'ici, et que le reste de l'univers entier autour de nous est vide,
justement parce qu'il a manqué tel ou tel petit fait dont il
s'émerveille qu'il ait eu lieu sur Terre. Car, enfin, que l'eau et la
lumière (avec toutes leurs propriétés respectives) “s'entendent” pour
favoriser l'apparition de la vie ne signifie nullement que quelqu'un, un
jour, les a bidouillées dans ce but ! Il est alors très facile de
répondre, dans un haussement d'épaules, que c'est simplement la
coïncidence de ces deux choses, l'eau et la lumière, et parce qu'elles
étaient telles qu'elles sont, et pas plus ceci ni moins cela, que la vie
est apparue ; comme une conséquence naturelle.
D'un
autre côté, les darwiniens dogmatiques, tels que Richard Dawkins par
exemple, me paraissent tout aussi irritants, bien que pour d'autres
raisons. Au fond, mon adhésion irait plutôt à ces scientifiques qui,
tout en souscrivant à la théorie de la sélection naturelle, observent
que de plus en plus de choses que la science découvre ont du mal à se
laisser expliquer par elle seule, et qu'il doit exister un autre
paradigme, encore à découvrir, qui viendrait, non pas annuler le
néo-darwinisme, mais peut-être “l'avaler” sans le détruire, l'englober,
comme la relativité générale l'a fait avec les lois de Newton ;
lesquelles, tant que l'on se cantonne à l'échelle de la planète, restent
parfaitement valables, mais cessent d'être efficaces dès qu'on passe au
stade de la galaxie puis de l'univers.
J'écris tout
cela en tremblant un peu, car je me rends bien compte que mon peu de
connaissances scientifiques et la difficulté que j'ai à entrer dans ces
domaines font de moi un “gogo” idéal, à qui il ne doit pas être très
difficile de faire croire absolument n'importe quoi.
Dimanche 18 décembre
Sept heures et demie.
– Je n'ai pas résisté au plaisir, en début d'après-midi, de publier un
petit billet concernant Darwin et les néodarwiniens (plutôt ceux-ci que
celui-là, à vrai dire), en me disant que cela allait probablement me
valoir deux ou trois brouettées de moqueries et d'insultes. Ça n'a pas
manqué : le billet n'était pas en ligne depuis une heure que débarquait
M. Jean-François Brunet – un transfuge du forum de l'In-nocence dont
j'ignorais qu'il lût mon blog –, pour me rentrer dans le chou, flétrir
mon ignorance scientifique (beau mérite : je ne cesse de l'avouer
moi-même sans que personne ne m'y contraigne…), et, finalement,
reprendre l'argumentation habituelle des néodarwiniens, à savoir que, de
toute façon, il n'y a pas sujet à polémique ni même à débat, les “vrais
chercheurs” ignorant totalement les zigotos sans autorité aucune qui
les dénigrent. Il n'empêche qu'il a tout de même déboulé sur le blog en
un temps record et y a laissé un commentaire de quinze lignes, ce qui
est une curieuse manière de marquer son indifférence ou son désintérêt.
De
toute façon, c'était viser à côté de la cible, dans la mesure où, bien
entendu, je ne discutais nullement des forces et faiblesses du
darwinisme (j'en serais bien incapable), mais simplement de l'espèce de
“complicité des contraires” qui me semble unir les néodarwiniens à leurs
prétendus ennemis, les créationnistes, ceux-là se servant de ceux-ci
comme de commodes épouvantails pour intimider leurs vrais
contradicteurs, ceux qui leur opposent des objections sur le terrain
même de leurs sciences communes ; exactement, toutes proportions
gardées, comme les socialistes se servent depuis trente ans du Front
national pour culpabiliser tous leurs opposants, et notamment ceux qui
n'ont rien à voir avec le dit Front.
En ayant pour
l'instant terminé avec Darwin et ses grands-prêtres, je suis revenu aux
trous noirs et aux distorsions du temps, sujet prêtant beaucoup moins
aux attaques en piqué, aux procès en blasphème, aux excommunications,
etc.
Mercredi 21 décembre
Huit heures. –
Passage éclair ici. Durant l'apéro conjugal que nous prîmes, Catherine
et moi avons parlé de diverses choses et gens, dont Ygor Yanka, qui a
réapparu hier ou avant-hier, en commentaire du blog. Catherine
m'encourage à parler de lui ici : je le ferai peut-être. (Je ne note
cela que pour m'en souvenir demain, au cas où, justement, j'aurais envie
d'en parler, ce qui m'étonnerait.)
Vendredi 23 décembre
Cinq heures.
– J'ai l'impression qu'il va être particulièrement étique, ce journal
de décembre. Et je crains que cela ne s'arrange pas dans les jours qui
viennent, puisque Catherine m'a lâchement abandonné ce matin, pour aller
se goberger de fruits de mer à Saint-Malo et passer Noël avec sa fille.
Hier, la maison était sens dessus dessous, à cause de l'artisan qui est
venu poser du parquet dans le salon, le même que celui qu'il avait déjà
mis dans la salle à manger le mois dernier. Début janvier, ce sera
l'arrivée des meubles que nous avons achetés récemment au magasin de
Verneuil-sur-Avre. Il ne restera plus, ensuite, qu'à faire parqueter le
petit salon de télévision, repeindre la cuisine, et c'en sera fini des
travaux d'embellissement, en tout cas pour le moment.
– À propos de télévision, j'ai regardé tout à l'heure le premier épisode de la saison initiale de The Shield,
série policière des années 2000 se déroulant dans le commissariat d'un
quartier “chaud” de Los Angeles : ça démarre tellement bien que j'ai
aussitôt commandé l'intégrale des sept saisons. Même si nous nous
lassons avant la fin, c'est de toute façon plus économique (nettement
même) que d'acheter les saisons une à une. En ce qui concerne mes
soirées en célibataire, c'est-à-dire jusqu'à lundi inclus, j'ai prévu de
revoir la deuxième saison d'American horror story, qui s'intitule Asylum
et qui est à mon humble avis la meilleure de l'ensemble. Si je veux ne
pas m'endormir devant, il va falloir que je réduise mon apéritif, ce qui
ne sera pas plus mal.
– Depuis deux semaines, j'ai
l'impression de davantage travailler pour FD en tant que retraité que je
ne le faisais comme salarié. J'ai dans l'idée que les patrons de
Philippe B. vont tordre un peu le nez lorsqu'ils vont s'apercevoir que,
pour le seul mois de décembre, mes factures dépassent les quatre mille
euros. On verra bien. Les euros dont je parle sont d'ailleurs purement
virtuels pour l'instant, puisque Lagardère ne paie les factures qu'à
soixante jours. Comme j'ai envoyé les premières début décembre, je ne
suis pas près de voir tomber la pluie d'or.
– Le fait d'en parler dans un billet de blog,
ce matin, m'a donné le goût de relire un roman ou deux de Nathalie
Sarraute. Je vais commencer par rapporter son volume de Pléiade au salon
: on verra demain si l'envie persiste.
Samedi 24 décembre
Quatre heures.
– Le Père Noël est passé en avance au Plessis-Hébert. Par
l'intermédiaire de la postière, il a pris la forme de la Carsat et nous a
fait parvenir deux lettres. L'une était pour apprendre à Catherine
qu'elle était bien, depuis le premier décembre, titulaire d'une retraite
de 271 euros ; l'autre était pour m'informer que ma propre retraite
venait d'être modifiée et que je devais toucher 70 euros de plus que ce
qui m'avait été annoncé, avec “revalorisation” immédiate pour le mois de
novembre. Le plus beau est que, vérification faite, les 70 € en
question étaient en effet sur mon compte bancaire. Du coup, j'ai presque
l'impression de finir l'année riche.
– J'ai
effectivement repris le volume de Nathalie Sarraute, mais en me
contentant, pour commencer, de ses articles de critique littéraire (L'Ère du soupçon et autres). Comme lors de ma première lecture, j'ai été tout à l'heure frappé, dans son long article intitulé De Dostoïevski à Kafka,
par la manière dont elle s'approchait au plus près des thèses que René
Girard allait pleinement développer une douzaine d'années plus tard.
Lundi 26 décembre
Cinq heures et quart.
– Décidément, toutes les traditions partent en lambeaux, en ce qui me
concerne. Cette fois-ci, c'est celle – pourtant solidement ancrée,
croyais-je – de l'apéritif “célibataire” qui vient de céder. Depuis
trois jours, ou plutôt trois soirs, je me contente de mimer ce
moment qui, auparavant, lors des précédentes absences de Catherine,
avait des allures de rituel quasi religieux. Je veux dire par là que je
continue à préparer tout au salon, les objets sacrés du célébrant
(cigarettes, briquet et cendrier…), je choisis avec autant de soin
qu'avant la musique qui va rythmer l'office, je vais me servir le
premier verre du nectar élu pour la communion et… et je ne vais pas plus
loin que ce premier verre, tant l'inanité et l'ennui de cette libation
convenue me tombent rapidement sur les épaules. Après un rapide
“pique-nique” dans la cuisine, je vais donc, fort satisfait de moi-même,
m'installer devant la télé, où m'attend telle ou telle série
soigneusement tenue en réserve pour l'occasion. Et, du coup, n'ayant
plus l'alcool comme assommoir, j'y reste, face à cet écran, jusqu'à des
heures tout à fait absurdes.
– Ne faisant guère autre
chose, la journée, que lire, je suis enfin venu à bout de mon pavé
consacré aux trous noirs (excellent ouvrage, même si certaines
explications me sont passées fort loin au-dessus de la tête), et me suis
plongé, après ses essais critiques, dans le roman de Nathalie Sarraute
intitulé Les Fruits d'or, qui est bel et bien une forme
particulière de trou noir, lui aussi. J'ai l'air de me moquer, mais en
fait, ayant fini le roman cet après-midi, et au risque de provoquer
encore l'ironie de Michel Desgranges, je persiste à trouver ce livre
remarquable, pour ne pas dire “jouissif”. D'ailleurs, je compte, dès
demain matin, enchaîner sur le suivant – le suivant chronologiquement, mais l'ordre des romans est important, chez Sarraute –, qui s'appelle Entre la vie et la mort
; ce qui illustre très bien mon état quand je dois rester ici en
l'absence de Catherine, laquelle doit revenir demain, probablement en
début d'après-midi.
– Au chapitre des traditions qui
foutent le camp, encore ceci : vers trois heures et demie, Florian m'a
appelé de la rédaction pour me commander cinq mille signes à propos d'un
agent immobilier qui fait également le guignol à la télévision. Je lui
ai d'abord dit que je lui écrirais ça demain matin, ce qui ne l'a pas
dérangé du tout, puisque le bouclage n'est que demain soir. Mais, une
heure plus tard, constatant que la petite documentation que j'avais
demandée était arrivée, je me suis jeté sur le clavier et me suis
débarrassé de ce travail en trois quarts d'heure, titres compris. Si,
après l'alcoolisme vespéral, ma chère procrastination se met à me lâcher
elle aussi, que me restera-t-il ? Que vais-je devenir ? De quel
ectoplasme étrange vais-je prendre l'apparence ? C'est un peu effrayant.
Mardi 27 décembre
Huit heures moins le quart. –
Étant partie tôt de Saint-Malo, Catherine m'est arrivée à midi et demie
(avec du pain frais…). Comme je m'étais débarrassé dès hier de mes cinq
mille signes, j'étais bien persuadé que l'on allait me laisser
pleinement jouir de ma retraite aujourd'hui : il n'en a rien été. Vers
trois heures, alors que je m'assoupissais gentiment sur une biographie
d'Einstein assez mal foutue (j'y reviendrai), le téléphone sonne. Voyant
le numéro commençant par 01 34, Catherine me tend le récepteur avec la
phrase fatidique : « C'est pour toi… » En effet, il s'agissait de me
demander de nouveau cinq mille signes, cette fois à propos de… (merde,
j'ai déjà oublié… ça va me revenir… ça ne peut que me revenir, bon sang !
concentre-toi…) Cécilia ex-Sarkozy ! (Sans mentir, j'ai été obligé de
quitter ce bureau, de sortir à l'air vif, avec une cigarette à main
gauche et Famous Grouse à main droite, pour qu'enfin ça me
revienne.) Comme le mardi est jour de bouclage, je me suis acquitté de
cette tâche illico. Ensuite, redescente douce…
À six
heures, après le repas de Bergotte, nous nous sommes installés au salon
pour, comme il est de tradition, siroter un “apéro de retour”. Nat King
Cole était de la croisière. M'asseyant avec mon premier verre (un
bourgogne blanc assez minéral, offert par Élodie et rapporté par sa
mère), je dis à ma compagne de libation : « J'espère que personne n'aura
la malencontreuse idée de mourir cette nuit, je trouve que j'ai assez
travaillé cette semaine… » (Je rappelle que, si le bouclage officiel de
FD a lieu le mardi soir, sans limite d'heure, on peut toujours
“repiquer” le mercredi matin, mais qu'alors les délais deviennent très
serrés.) L'affaire n'a pas manqué : à sept heures, Jean-Baptiste D. (ce
garçon porte les mêmes nom et prénom que celui qui, Louis XVI ayant été
reconnu à Sainte-Menehould, galopa jusqu'à Varennes et permit ainsi
l'arrestation du roi) appelait, pour me signaler que la “femme” de Louis
de Funès, Claude Gensac, venait de replier son ombrelle ; et qu'on
espérait fermement que j'allais pondre quatre jolis feuillets – six
mille signes – avant dix heures demain (il paraît que la “fab” est
devenue exigeante car, il n'y a pas encore si longtemps, la deadline
était plutôt onze heures et demie, voire midi). J'ai évidemment répondu
“présent”, non seulement parce que cela fait tomber quelques piécettes
dans mon escarcelles, mais parce que, en plus de trente ans de
“carrière”, je n'ai jamais répondu autrement : c'est dans les gènes, on
n'y peut rien.
J'ai tout de même fait remarquer à
Catherine qu'il me semblait n'avoir que rarement autant travaillé qu'en
ce mois de décembre lorsque j'étais salarié. Mais, au fond, c'est assez
logique. Sans vouloir jouer les gauchistes de pacotille, il est bien
évident que lorsqu'une période de vacances comme l'actuelle tombe sur
une rédaction réduite à sa plus simple expression pour raisons
d'économies, et que le journal que cette rédaction est censée produire
chaque semaine comprend toujours le même nombre de pages, il devient
nécessaire de recourir à des expédients : je suis le principal expédient
de FD. Je suis néanmoins presque certain que, quand les vrais patrons
vont s'aviser de ce que leur coûte leur expédient du Plessis-Hébert, ils
vont intimer à Philippe B. l'ordre de n'avoir plus affaire à lui qu'à
des doses infra-homéopathiques. Ma grande force est que je m'en fous. En
attendant, je ne vais pas tarder à aller me coucher, en réglant mon
réveil sur sept heures, de façon à me mettre au boulot à huit, pour que
l'article attendu à dix heures arrive à FD vers neuf heures et demie :
j'ai encore ce genre de fierté puérile.
Mercredi 28 décembre
Sept heures dix.
– Parce que je mettais un point d'honneur à envoyer ma “nécro Gensac”
avant dix heures, j'avais mis le réveil sonner à sept heures, de façon à
disposer d'une heure de tranquillité (cafés, lecture, silence…) avant
de me mettre au travail à huit heures. Je ne m'en sers quasiment plus
jamais, de ce réveil, depuis que je ne suis plus astreint à des départs
trop matinaux. C'est donc bien entendu cette nuit qu'a choisie la pile
de ce fichu engin pour déclarer forfait et décréter qu'elle refusait
plus avant de faire bouger la moindre aiguille, et encore moins de
déclencher une quelconque sonnerie. Heureusement, Catherine m'a réveillé
à huit heures moins le quart ; j'en ai donc été quitte pour me passer
de mon heure de flânerie nocturne : à huit heures dix j'étais devant ce
clavier, et à neuf heures et demie mes six mille signes partaient dans
la stratosphère, en direction de Levallois. Comme je le disais en
commentaire sur le blog de Nicolas : « Vivement que la retraite se
termine, que je puisse me reposer un peu. »
– Rien que pour décembre – j'ai fait l'addition tout à l'heure –, le montant de mes piges
approche des 4500 €, ce qui fout un peu le vertige. Ça risque
d'ailleurs de le donner encore plus à Philippe B. quand il va devoir
signer le monceau de factures que je compte lui envoyer dès lundi
prochain (mais qui ne me seront payées que dans deux mois…). En principe, du fait qu'il ne devrait pas y avoir de
hors-série et qu'il n'y aura pas non plus de vacances scolaires vidant
la rédaction pour l'envoyer au ski, le mois de janvier devrait être nettement plus calme.
–
M'avisant en début d'après-midi que demain allait être l'avant-dernier
jour ouvrable du mois, et donc de l'année, j'ai procédé à une dernière
relecture de mon journal de novembre, pour programmation demain matin.
Je l'ai trouvé, sinon très bon, du moins meilleur que d'habitude : je ne
sais si c'est parce qu'il l'est réellement ou si je deviens gâteux.
–
La biographie d'Einstein dont j'attendais beaucoup se révèle d'une
lecture pénible, tant elle est écrite dans une langue grise, lourde,
pâteuse ; laquelle est encore aggravée par le traducteur qui ne sait
manifestement pas la sienne, de langue. Le résultat est que les passages
purement biographiques sont ennuyeux et que ceux à caractère
scientifique deviennent proprement incompréhensibles, au moins pour moi.
Mauvaise pioche.
Vendredi 30 décembre
Deux heures et demie.
– Finalement je ne devais pas être aussi gâteux que je pouvais le
craindre, quand j'écrivais, avant-hier soir, que j'avais, à la
relecture, trouvé mon journal de novembre assez nettement meilleur que
d'habitude : plusieurs de ses lecteurs m'ont, sans s'être concertés,
fait part de la même impression, ce qui m'a évidemment fait plaisir. Ce
plaisir, il ne m'a pas fallu cinq minutes pour le gâcher, simplement en
me disant que, fatalement, ces mêmes lecteurs allaient être bien déçus,
le mois prochain, en constatant que celui de décembre était revenu à
l'étiage.
– Hier, j'ai commencé à lire le Jésus
de François Taillandier, que Catherine venait tout juste de finir. Dès
les premières pages, il fait référence à celui de Jean-Christian
Petitfils (que Catherine, encore elle, a relu récemment : on est
furieusement christique, ces temps-ci, au Plessis-Hébert…). Je me suis
donc dit qu'il faudrait aussi que je lise ce dernier ensuite. Passé la
deuxième référence faite par Taillandier à son confrère historien, il
m'est apparu que je mettais la charrue avant le bœuf (et l'âne), et
qu'il serait sans doute plus intelligent de lire d'abord la volumineuse
“biographie” du personnage (je mets le mot entre guillemets, car
s'agit-il réellement d'une biographie au sens courant du terme ?) avant
le petite volume du romancier, qui ne prétend pas être autre chose
qu'une vision personnelle de Jésus et des Évangiles. J'ai donc abandonné
momentanément Taillandier pour Petitfils, si bien que, depuis
vingt-quatre heures, je me sens furieusement galiléen, voire samaritain
ou nazaréen (j'évite à dessein “palestinien”, par crainte des amalgames
anachroniques).
– J'ai tout de même pris le temps,
hier, parce qu'on me le demandait courtoisement, d'écrire cinq mille
signes à propos de Carrie Fisher et Debbie Reynolds : le nombre de
personnes que j'ai enterrées ce mois-ci est impressionnant, il faudra
que j'en fasse le compte. Vu l'heure qu'il est actuellement, je pense
que cette double fosse creusée hier aura été mon dernier travail de
l'année. J'ai d'ailleurs établi et imprimé l'ensemble de mes factures
mensuelles, qui seront expédiées à qui de droit lundi, à la première
heure ou peu s'en faut. Le total se monte à 4200 € net : je prévois
quelques grincements de dents dans les cavernes patronales.
Quatre heures et demie.
– Jacques Étienne a publié hier sur son blog un billet dans lequel il
évoque l'un de ses beaux-frères (ou le seul ?) qui s'est tué à 18 ans
dans un accident de la route, la voiture dans laquelle il se trouvait
ayant percuté un platane de bordure. Ce matin, sous son propre texte, il
laissait le commentaire suivant :
« J'ai lu quelque part que les
arbres des bords de routes(ou du moins les collisions avec eux )
seraient en effet responsables de 450 morts par ans en France, ce qui
est bien plus que le terrorisme. Curieusement, lorsqu'il est question
d'en supprimer des voix bien intentionnées s'élèvent pour tenter
d'empêcher ces “massacres”... »
En réponse, je viens de lui laisser celui-ci :
« Eh bien, tout en compatissant
pour la perte que vous avez subie dans le passé, permettez-moi d'être en
complet désaccord avec vous. Les arbres de bords de routes ne sont en
aucun cas responsables de 450 morts par an, ni même d'une seule.
En revanche, on pourrait examiner la responsabilité des gens (qui ne
sont pas toujours les morts, d'ailleurs) qui laissent leurs voitures
sortir violemment des routes en question et foncer droit sur les arbres
qui les bordent. Sinon, dans le cas où l'on tiendrait les
platanes pour responsables, et donc “méritant” d'être arrachés, il
faudrait aussi songer à abattre murs et pylônes, à combler les
ravins, assécher les rivières, etc., puisque aussi bien ils sont tous,
eux aussi, “responsables” de la mort d'un certain nombre
d'automobilistes. Dans un deuxième temps, il faudra penser à
supprimer les poutres des maisons et des granges, à quoi l'on peut imputer un
nombre bien trop élevé de pendaisons. »
Je suppose que, s'il me répond, il ne va pas manquer de me signaler qu'une pendaison est en général volontaire, contrairement à une sortie de route. Avec un minimum de mauvaise foi, je pourrai alors lui rétorquer que, le suicide étant plus souvent le résultat d'une pulsion soudaine et irraisonnée qu'un acte mûrement réfléchi et préparé, une absence totale de poutres suffirait sans doute à éviter un pourcentage conséquent de pendaisons “spontanées”.
Samedi 31 décembre
Quatre heures et demie. – Nous venons, Catherine et moi, de finir (ou de presque finir) l'année dans une ambiance intensément intellectuelle, puisque nous sortons de regarder Machete kills, suite de Machete, deux films de Robert Rodriguez particulièrement savoureux, pour qui aime le genre de films que fait Robert Rodriguez. Côté lectures, j'ai momentanément abandonné Jésus et ses apôtres sur les bords du lac de Tibériade pour me plonger dans une histoire des mathématiques (“de la préhistoire à nos jours”…) qui commence tout à fait bien. Quant à nos soirées télévisées de l'année prochaine, nous sommes déjà bien pourvus, puisqu'il doit nous rester trois ou quatre saisons de Breaking bad, et que sont arrivées ce matin les sept saisons de The Shield. On devrait tenir jusqu'au printemps.
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