vendredi 1 septembre 2023

Août 2023

 

 




JE RÉÉDITE WHARTON





– Le traducteur de Tom Wolfe devrait apprendre que Don Quichotte ne chevauche pas une mais bien un Rossinante, lequel est un cheval et non une jument.

(Note prise le 31 juillet, peu avant midi.)


Mardi 1er

Dix heures. – Finalement, nos Québécois sont restés à Paris jusqu'à minuit. Quand ils sont arrivés, sur le coup d'une heure, cette andouille de Charlus n'a pas jugé bon de pousser le moindre petit jappement d'avertissement. Tu parles d'un gardien...

Six heures. – Parce que c'est officiellement aujourd'hui la dernière limite pour déclarer en ligne ses “biens immobiliers”, chose que je n'ai apprise qu'hier et incidemment par Catherine, je tente depuis ce matin de m'acquitter de cette tâche stupide… sans le moindre succès pour l'instant : à chacun de mes nombreux essais, le site impots.gouv a “bugué” à un stade ou à un autre. 

– Mon souvenir ne me trompait pas à propos du Moi, Charlotte Simmons de Tom Wolfe : le roman est nettement moins bon que Le Bûcher des vanités et aussi que Un homme, un vrai. On aura beau me dire ce qu'on voudra : mille pages pour arriver à dépuceler enfin la péronnelle éponyme et lui faire découvrir les vertus désinhibitrices de la vodka-orange, je trouve que c'est un peu beaucoup.

Sept heures. – Il y a environ dix minutes, juste avant de fermer l'ordinateur, je me suis dit : « Allez, tiens, offre-toi un dernier petit tour chez tes amis d'impots.gouv ! » ; et, là, tout a marché comme sur des roulettes.  Profitant de cette bonne volonté, je leur ai expédié un petit message pour leur demander d'éclaircir le mystère suivant : pourquoi la maison de ma mère figure-t-elle dans mes “biens immobiliers” alors que je n'en suis nullement propriétaire ?


Mercredi 2

Huit heures. – Retour provisoire à la normale, Élodie et Jean étant quelque part entre Seine-Maritime et Somme ; et provisoire parce qu'il repasseront par ici vendredi et samedi, avant d'aller reprendre, dimanche matin, leur avion pour Québec via Montréal.

Deux heures. – J'ai oublié de noter ici que, depuis quelques semaines, nous avons une nouvelle femme de ménage, l'ancienne s'étant évanouie dans la nature. La nouvelle travaille très bien. Le problème est qu'elle est à la frontière de la débilité mentale : elle ne comprend rien qu'on ne lui ait répété quatre ou cinq fois, y compris les choses les plus élémentaires (du style, par exemple : cette semaine, inutile de faire les poussières ; ou bien : pensez à passer l'aspirateur dans l'arrière-cuisine), et elle-même répète trois ou quatre fois de suite tout ce qu'on lui dit, soit parce qu'elle a absolument besoin d'une confirmation immédiate, soit parce qu'elle essaie désespérément de graver telle ou telle indication dans ce qu'elle possède de mémoire. Elle épuise Catherine (moi, je fuis lâchement dans la Case dès qu'approche l'heure de son arrivée, et n'en ressors que quand elle nous quitte).


Jeudi 3

Midi. – Il y a environ deux semaines, mon journal du mois dernier en est l'impartial témoin, je me suis décidé à acheter le second film formant suite à la série Downton Abbey, film que nous avons regardé avec beaucoup de plaisir. Et qu'est-ce qui vient tout juste d'arriver sur les ondes netflicardes, et que nous aurions donc pu voir gratuitement moyennant dix jours d'attente ? Eh oui : le second film formant suite, etc. Fuck 'n' Shit, tiens !

Deux heures. – Il pleut quasiment sans discontinuer depuis trois jours et la température ne parvient même plus à atteindre 20 degrés au plus caniculaire de l'après-midi. Du coup, la calotte glaciaire normande semble moins inquiète de son avenir.

– Au sortir de ma sieste, parce que le vent soufflait depuis ce matin et qu'il n'était pas tombé une seule goutte d'eau depuis au moins une heure, je me suis dit que j'allais empoigner la tondeuse à gazon juste après avoir bu mon café. Lorsque je suis sorti sur la terrasse, pipe et tasse en mains, j'ai pu voir que, à l'ouest immédiat du Plessis, le ciel était aussi plombé qu'une roulotte de Romanos. À la troisième gorgée de café, l'eau a chu de nouveau, adieu tondeuse et herbe rase.


Vendredi 4

Sept heures. – Hier soir, parce qu'il venait d'échouer sur Netflisque, nous avons revu le deuxième Terminator. Ce film (moins bon que dans notre souvenir, trop long), nous l'avions vu en salle lors de sa sortie, en 1991 donc. Je crois bien que c'est la seule fois où Catherine et moi sommes allés au cinéma ensemble. Ce dont je suis à peu près sûr en tout cas c'est que, moi, je n'y suis plus retourné ensuite. Il y a donc 32 ans que je n'ai pas mis les pieds dans une salle, sans que cela me manque le moins du monde.

Neuf heures. – Il y a un instant, prenant mon café dehors, je me suis surpris, légèrement atterré, à lier conversation avec l'une des sept vaches qui occupent depuis quelques jours la pâture voisine. Fort bien élevée, elle s'est avancée jusqu'à la haie mitoyenne et m'a sobrement répondu.

– Sinon, je viens de me découvrir un super-pouvoir, qui devrait être facilement monnayable dans de nombreuses régions du monde : il me suffit désormais de seulement penser à ma tondeuse pour qu'il se mette aussitôt à choir des trombes d'eau céleste. 

Six heures. – Il y a environ une heure, message d'Élodie à sa mère pour lui apprendre que finalement Jean et elle restaient en Picardie et n'arriveraient donc chez nous que demain dans la journée. Très net agacement de Catherine… qui venait de passer la moitié de sa journée à préparer plat principal et pâtisseries à leur intention. Elle l'était d'autant plus, agacée, qu'Élodie a maladroitement essayé de lui persuader qu'elle l'avait avertie dès ce matin, mais que “mes messages ne sont pas pas passés” ; ce qui, au dire de Catherine, ne peut se faire sans que l'expéditeur le voie. D'autre part, comme elle me l'a fait remarquer, il restait cette solution toute simple : téléphoner. Mais enfin, Élodie  a toujours été ainsi, d'un égoïsme tranquille et inentamable, ce n'est sûrement pas la cinquantaine passée qu'elle va s'arranger de ce point de vue.

 

Samedi 5

Dix heures. – Très heureux de constater que mon super-pouvoir est toujours aussi agissant. À neuf heures, constatant que le vent venait de se lever, j'ai décidé de tondre le jardin en début d'après-midi. À neuf heures trente-huit exactement, la pluie a commencé à tomber. C'est donc l'âme sereine et l'esprit en paix que je puis retourner au Bûcher des vanités, décidément le meilleur des quatre romans de Tom Wolfe (mais je n'ai pas encore relu celui qui se passe à Miami).

Quatre heures. – Nos Québécois sont bien arrivés de la Somme… et sont présentement occupés à faire leurs bagages – dont je me demande comment ils vont les faire entrer dans leur minuscule Fiat de location (leur “suppositoire à camion”, aurait dit mon père) – avant de repartir, demain matin, pour Roissy. Ils auront bien mérité leur apéritif de tout à l'heure…


Dimanche 6

Dix heures. – Élodie et Jean, à l'heure qu'il est, doivent être arrivés à Roissy. Leur avion est prévu pour décoller à deux heures, direction Montréal.

– Nouvel exemple de la stupidité qui frappe souvent le couple éditeur/traducteur : le quatrième et dernier roman de Tom Wolfe s'intitule originellement Back to Blood. Un titre que le couple maudit a choisi de “traduire” par… Bloody Miami. Traduire revient donc, dans ce qui tient lieu d'esprit à ces gens, à remplacer un titre anglais par un autre titre anglais.


Lundi 7

Dix heures. – Finalement, c'est très bien que Tom Wolfe n'ait écrit que quatre romans : à la relecture, il m'apparaît que chacun d'eux est moins bon que celui qui l'a chronologiquement précédé. Assez nettement moins bon même.

Une heure. – Aujourd'hui, tontine. Il y a des siècles que je n'ai pas tondu et, avec les pluies de ces dernières semaines, tout le jardin est en voie de junglification. Je m'y mettrai d'ici une petite heure, histoire de laisser au vent le temps de sécher un peu tout ça.

Trois heures. – Corvée accomplie ! Retour à Tom Wolfe. Je crois avoir compris pourquoi Bloody Miami est le moins réussi de ses quatre romans : parce qu'il a laissé le reportage prendre le pas sur le roman proprement dit, le phagocyter. De ce fait, les personnages se retirent – comme s'ils étaient vexés… –, le livre ne parvient pas à se forger une colonne vertébrale et se répand un peu dans tous les sens. Les autres qualités wolfiennes sont toujours là, mais diffuses, diluées. On dirait un peu, ce roman, un jardin français que l'on aurait laissé se faire envahir par la broussaille. 


Mercredi 9

Dix heures. – Hier, dit adieu (ou au revoir ?) à Tom Wolfe. Nous nous quittons sur la déception qu'a été pour moi la relecture de Bloody Miami, son dernier roman. C'est Joyce Carol Oates qui l'a remplacé. J'ai repris Blonde, son livre “ni roman, ni biographie” centré sur Marilyn, que j'avais abandonné à peu près à la moitié de ses mille pages (en format “non poche”…) lors d'une première lecture. On va voir ce que ça donne cette fois-ci. Il va de soi que je l'ai repris da capo.


Jeudi 10

Onze heures. – Pour l'instant, après 350 pages, je ne vois toujours pas ce qui, lors d'une première lecture, m'a fait abandonner à la moitié le Blonde de Joyce Carol Oates. Mais enfin, ce fatidique milieu n'a pas encore été atteint, il s'en faut de 150 pages… Il reste que cette lecture n'est pas sans dommages financiers collatéraux. Car cette plongée dans la vie de Marilyn Monroe – plongée étrange, inqualifiable au sens propre du mot, où beaucoup de choses sont imaginées mais où tout est pourtant vrai – m'a donné envie de lire juste après une véritable biographie de Marilyn… que j'ai commandée ce matin. Ensuite, il y a un instant, scène réussie de l'audition qui va conduire Norma Jeane Baker vers son premier vrai rôle, dans son premier vrai film, sous la direction de son premier vrai cinéaste. Même si Oates demeure dans un genre de “flou artistique”, le lecteur comprend facilement que la starlette est face à John Huston et qu'elle auditionne pour le petit rôle qu'en effet elle obtiendra dans le superbe Asphalt Jungle, devenu en français Quand la ville dort ; film que j'ai eu immédiatement envie de revoir… et que je viens de commander à l'instant même (la carte dorée en est encore toute chaude). À ce rythme-là, je serai ruiné avant d'avoir atteint la millième et dernière page du livre de la diabolique Joyce Carol.

Cinq heures. – Qu'est-ce que je disais tout à l'heure ? Je sens monter l'envie d'aller voir chez Dame Ternette si, par hasard, je ne trouverais pas quelque coffret contenant les films de Marilyn...

Six heures. – Trouvé un coffret de 17 films. Je l'ai mis dans mon petit panier… mais ne l'ai pas commandé : dépensier, certes, mais réfléchi.


Vendredi 11

Dix heures. – Gloussé tout à l'heure en découvrant cette information, piquée dans le marais touitteresque (c'est moi qui souligne) : en Irlande, les victimes de violences conjugales pourront désormais prendre un congé payé de cinq jours sans fournir de preuve à leur employeur. Autant dire que tout Irlandais marié dispose dorénavant de cinq jours de congés supplémentaires. J'en suis fort content pour eux, mais j'imagine déjà l'indignation des célibataires, des pacsés, des à-la-colle et des veufs, hurlant à la discrimination. À moins qu'il ne soit plus nécessaire d'être marié, en Irlande, pour “bénéficier” des bienfaits de la violence conjugale ? Va-t-on bientôt voir défiler dans les rues de Dublin d'interminables théories de manifestants, brandissant des pancartes vindicatives pour réclamer “la violence conjugale pour tous” ? Je n'en serais même pas surpris.

Midi. – Il y a tout de même des hommes bizarres, des sortes d'énigmes. Joe Di Maggio par exemple : quand on ne supporte pas que les autres mâles regardent sa femme, on devrait éviter d'épouser Marilyn Monroe. Enfin, il me semble.


Samedi 12

Huit heures. – Lorsqu'il arrive au terme des mille pages de Blonde, le lecteur est certain qu'il vient d'être le témoin (passablement éprouvé lui-même...) d'un authentique cas de possession. Mais laquelle au juste ? Joyce Carol possédée par l'esprit de Marilyn ou l'inverse ? Est-ce le mort qui a saisi le vif ? Ou bien le vif qui a rendu son souffle au mort ? Sans doute un mélange des deux. Un cas de possession double, réciproque, mutuelle.

– J'ai découvert hier, sur le blog d'un ami de Nicolas – que j'ai rencontré moi-même plusieurs fois à La Comète – le terme d'islamopithèque, pour désigner ce que l'islam engendre de plus méchamment abruti parmi ses sectateurs : je suis jaloux de ne pas l'avoir trouvé moi-même, celui-là…

– Le marais touitteresque ne manque pas de greluches divertissantes. Certaines poussent même l'humour jusqu'à avoir des noms qui ressemblent à des pseudonymes. Chez le professeur Cingal on croisait déjà, régulièrement, une Marie Coquille, méchante petite musaraigne tatouée et au crâne surmonté d'une sorte de balai O'Cedar à poils longs ; voici qu'apparaît aujourd'hui une Marie Sonnette. Elle se présente comme une “sociologue maîtresse de conférences” de 40 ans. Et voici comment s'exprime de nos jours une sociologue maîtresse de conférences de 40 ans : « Vous avez probablement une meilleure expertise que moi, qui a consacré une thèse et plusieurs ouvrages sur le sujet, etc. ».  En 19 mots, trois fautes de français grossières : expertise à la place d'expérience, a consacré au lieu de ai consacré, sur le sujet à la place d'au sujet. Et on confie des étudiants à des analphabètes de ce calibre. Mais, évidemment, toutes ces Coquille vide et ces Sonnette d'alarme ont l'immense vertu d'être impeccablement écolo-woko-féministo-gaucho-etc., ce qui fait d'elles d'incriticables saintes laïques.

Trois heures. – Mme Michèle Lévy-Bram est une traductrice professionnelle, apparemment. On lui doit entre autres la version française de Confessions d'un gang de filles, le roman de Joyce Carol Oates que j'ai repris pour faire suite à Blonde. Cela n'empêche nullement Mme Lévy-Bram d'ignorer comment se conjugue le verbe “faillir” : au présent, tel qu'elle l'utilise, on ne dit pas “je faillis, il faillit”, qui sont la forme du passé simple, mais bien “je faux, il faut”. Si l'on trouve que cette forme “passe” mal, on change de verbe.

– Dans ce roman d'Oates, nous sommes face à une narratrice en quelque sorte dédoublée. Maddy Wirtz, l'une des membres du gang du titre, s'est faite l'historienne du groupe (de fait, elle écrit le roman que l'on est en train de lire). Mais, quand elle relate une expédition collective, elle se met en scène à la troisième personne, à l'égal de ses comparses... pour, aussi bien, revenir à la première personne au milieu d'un paragraphe, quand elle éprouve le besoin de préciser quelque chose ou d'émettre une idée avec le recul du temps (car le lecteur sait depuis le début que Maddy écrit assez longtemps après la dissolution du gang). Il résulte de tout cela un style inhabituel, assez agréable dans son originalité et toujours parfaitement “coulant” et clair.

Cela dit, ce n'est certainement pas ce roman que je conseillerais, à qui me demanderait par quoi aborder l'œuvre de Joyce Carol Oates. Mais comme on ne me demande rien...

– Sans m'vanter, je pense que j'aurais fait un assez bon traducteur... si j'avais pris la peine d'apprendre une ou l'autre de ces foutus idiomes estrangers. Voilà ce que c'est que d'être linguaphobe...

 

Dimanche 13

Dix heures. – Depuis hier, à Cherbourg, une femme est entre la vie et la mort, suite aux viols et tortures répétés que lui a fait subir un sympathique jeune homme de 18 ans, aux origines plaisamment exotiques. Pas un bruit sur Twitter à ce propos, nos sœurs de combat étant actuellement bien trop occupées à se mobiliser contre le “viol conjugal” pour s'intéresser à un vulgaire fait divers : on ne peut pas être partout ni se battre sur tous les fronts. Pas un bruit ? Ah, si, tout de même : une vieille écolo-gauchiste qui signe “Stéphanie from the 12” (on est prié de ne pas rire, ni même d'esquisser un sourire…) trouve un moment pour s'indigner… de ce qu'on lui demande de s'indigner du fait divers en question ; lequel, à ses yeux chassieux, a le grand tort d'être évidemment “récupéré par l'extrême droite” en raison du prénom fâcheusement islamoïde du jeune bourreau. Il ne faudrait pas la prendre pour une conne, Mme From-the-12, hein ! Qu'on ne compte pas sur elle pour se mettre à hurler avec les loups vert-de-gris, alors qu'il y a tellement de draps matrimoniaux à inspecter pour y repérer les traces de viols conjugaux, autrement plus préoccupants, on ne vous le serinera jamais assez.

Bref, tout est normal.

Deux heures. – Abandonné à mi-chemin le roman que j'évoquais hier. Je pense que le talent de JCO n'est nullement en cause, mais cette histoire de gang d'adolescentes des années cinquante... la distance entre elles et moi était vraiment trop grande, sans doute. Repris à la place le roman d'Edith Wharton intitulé Sur les rives de l'Hudson. Comme j'ai relu récemment le roman de JCO qui s'appelle Hudson River, le dépaysement risque d'être modéré ; et le décalage horaire nul.

Six heures. – Sait-on que, seulement septième mondial par la superficie, le lac Baïkal contient autant d'eau à lui seul que les cinq Grands Lacs américains réunis ? Moi, je l'ignorais il y a encore une couple d'heures. Merci qui ? Merci Wiki !

 

Lundi 14

Neuf heures. – Notre modeste jardin se croit sans doute au printemps, avec son herbe vert fluo, épaisse, grasse, drue, ayant poussé de près de vingt centimètres en une semaine. Comme si elle ignorait que nous subissons la pire sécheresse qu'ait connu la terre depuis le Crétacé supérieur (au moins). Bref, tout à l'heure, lorsque la dite sécheresse aura bien voulu faire s'évaporer un peu la ruisselante rosée de la nuit : tontine.


Mardi 15

Neuf heures. – Nos téléphones nous proposent des services météorologiques de plus en plus sophistiqués, actualisés quasiment tous les quarts d'heure. Je suis d'autant plus fasciné par leur incapacité, presque systématique, à dire le temps qu'il fait en ce moment même. Et aussi, quand ils se trompent manifestement, par leur étonnante persistance dans l'erreur : ils n'ont jamais la curiosité de regarder par la fenêtre, ces gens ?

– Quand Edith Wharton, dans Sur les rives de l'Hudson, évoque les révolutionnaires d'habitude (les rebelles de confort, chers à Muray) qui enthousiasment sa vieille Mrs Spear, elle les qualifie de “pâles conformistes vieillissants” : pour un peu, on croirait que, bondissant dans le temps, elle a rencontré les zozos de la France insoumise. Elle aurait pu, si c'était le cas, y ajouter ces petites bourgeoises piaillantes, qui, au moins aussi conformistes que leurs aînés, se contentent de se laisser porter par le courant dominant, alors même qu'elles sont persuadées (et fières) de nager contre lui : si demain ce courant bifurque, voire s'inverse, elles bifurqueront avec lui ; sans même s'en apercevoir.

Onze heures. – Depuis une demi-heure sur un petit parking du village de Croisy, où j'ai véhiculé Catherine qui souhaitait, en ce 15 août, assister à la messe chez les sœurs de l'endroit. Après une promenade agreste au bout de la laisse de Charlus, j'ouvre le recueil des chroniques de Rinaldi, qui me fait office de lecture de secours quand je fais le chauffeur attendant son client. Et me voici, dix minutes plus tard, pantelant du désir d'acquérir les Cahiers de Cioran dont, jusqu'à présent, j'ignorais qu'ils existassent.

– Par ailleurs, toujours grâce à Rinaldi, je viens d'apprendre l'existence, et tout de suite après la signification, de l'adjectif amouillante : se dit d'une vache sur le point de vêler. Voilà.

Une heure. – Pas moyen, apparemment, de trouver les Cahiers de Cioran à moins de 45 € : qu'ils se les gardent. Si vraiment il m'arrive d'être en manque d'Emil, je n'aurai qu'à relire les Syllogismes de l'amertume ou encore son Précis de décomposition.

Cinq heures. – Question saugrenue qui me tombe dessus : si nous parvenions à voyager dans le temps, nos téléphones portables fonctionneraient-ils dans le passé ? A priori, on a évidemment tendance à répondre “non” ; voire à se contenter de hausser les épaules, pour signifier que l'on trouve la question idiote (de fait, elle l'est, d'une certaine façon). Mais en est-on si sûr ? Après tout, on peut considérer comme à peu près certain que tout cela, réseaux et appareils, fonctionnera encore dans dix ans. Donc, pourquoi pas il y a dix ans ? Ou cent ans ? Que savons-nous réellement des rapports entre le monde matériel et le temps, en dehors du banal phénomène d'usure ? À peu près rien, il me semble. On me dira : mais comment voulez-vous que votre téléphone fonctionne à une époque où il n'était même pas inventé, ni internet, ni rien de ce qui lui permet de vous rendre ses habituels services ? Je répondrai par une autre question : si nous voyageons effectivement dans le passé, comment pouvons-nous y vivre alors que nous n'avons pas encore été engendrés, ni nos parents non plus ? Non, en réalité, pour ce qui concerne la vie de l'iBigo en 1750, le seul vrai problème serait peut-être celui du rechargement de sa batterie...


Mercredi 16

Onze heures. – Eh bien, finalement, parce que je persistais à en avoir envie, je les ai bel et bien mis dans mon p'tit panier, ces Cahiers de Cioran, trouvés à 35 € port inclus. En revanche, j'ai repoussé la commande jusqu'au prochain “mois carte dorée”, c'est-à-dire jusqu'à lundi : on ne saurait être plus raisonnable, il me semble.

– Un blogueur normand nous informait ce matin qu'il lui était arrivé de travailler, pour un organisme quelconque, “dans le cadre d’un projet consacré à l’innovation”. Depuis que j'ai lu ça, je me demande ce que peut bien être un projet consacré à l'innovation. Et que sont censés faire les gens qui se retrouvent coincés dans le cadre de ce projet. J'ai souvent l'impression, désormais, que le monde moderne m'échappe de plus en plus : je m'en réjouirais plutôt.

Midi. – Première fois que je vois une chose pareille. Je reçois à l'instant la biographie de Marilyn commandée la semaine dernière. Je l'ouvre. Mes yeux tombent sur la mention classique : “Traduit de l'américain par”. Et, là, s'alignent pas moins d'onze (oui : 11) noms de traducteurs et trices ! Ce n'est plus un livre que j'ai entre les mains, c'est un patchwork.

– Élodie est tombée récemment, Catherine dixit, sur une série netflicarde consacrée à Anne Boleyn. Avec, dans le rôle titre, une actrice noire. Évidemment. Il est tout de même dommage que ces pitoyables guignoleries soient toujours à sens unique : j'entends d'ici les couinements des ouistitis progressistes si, demain, un cinéaste consacrait un biopic à Louis Armstrong avec Mel Gibson dans le rôle principal ; ou un film sur Rosa Park jouée par Glenn Close. Mais hélas, aucun producteur n'aura jamais de pulsions suicidaires assez puissantes pour mettre ne serait-ce qu'un dollar dans une telle “appropriation culturelle”. Dommage, on aurait bien ri...


Jeudi 17

Midi. J'aime beaucoup cette injonction faite par Darryl F. Zanuck à ses collaborateurs : « Attendez que j'aie fini de parler avant d'être d'accord avec moi ! »

 

Vendredi 18

Dix heures. – Demain, nous recevrons Rémi à déjeuner, ce qui n'est pas arrivé depuis un bon bout de temps. Le chablis est au chaud et les fromages au frais : il s'agira d'inverser radicalement la tendance demain matin, afin que les deux soient à température consommable pour midi. Et depuis que j'ai écrit la phrase précédente, je me demande par quel miracle une température pourrait être consommable.


Samedi 19

Sept heures. – Dès le début de Les Dieux arrivent d'Edith Wharton, ce tronçon de phrase : « il éprouvait des délices distincts à l'idée que ses premiers jours, etc. » Je rappelle à M. Jean Pavans que le mot “délice” devient féminin lorsqu'il passe au pluriel. C'est une amusante particularité que les élèves de l'ancien temps savaient à peu près dès le CM1.

Sur ce, m'en vas mettre le chablis au frais et sortir les fromages du frigo, afin que l'ami Rémi profite aux mieux de ces somptueuses délices...


Dimanche 20

Une heure. – La journée d'hier, en la compagnie de Rémi, s'est fort agréablement déroulée : le chablis était frais et buvable, les fromages moelleux, la salade de pâtes concoctée le matin même par Catherine délicieusement parfumée, et notre hôte plus disert qu'il ne l'avait jamais été, depuis plus de dix ans que nous le recevons. Lorsqu'il nous a quittés pour rejoindre la maison parentale à Évreux, je fus tout surpris de constater qu'il était déjà six heures et demie. Le silence et le chablis conjuguèrent alors leurs effets pour me plonger dans une sieste de l'espèce “vendanges tardives”. Sieste dont je ne sortis, une grande heure plus tard, que pour aller me coucher, renonçant très sagement au(x) Ricard un instant envisagé(s). Je me suis réveillé à six heures ce matin, frais comme un vieux gardon.

– Je la trouve assez terne et morne, cette biographie de Marilyn qu'a signée M. Donald Spoto. Mais je me demande si c'est vraiment sa faute, et s'il ne pâtirait pas plutôt (pâtir c'est mou'ir un peu...) de sa trop grande proximité de lecture avec l'étonnant Blonde de Joyce Carol Oates. Mais enfin, il me semble qu'il fait tout de même la part trop belle à tous les salmigondis freudiens.


Lundi 21

Une heure. – Une question que mon ignorance foncière a bien dû laisser sans réponse : doit-on écrire un “New-Yorkais” avec deux majuscules initiales, ou bien, considérant qu'il ne s'agit que d'un seul mot, certes composé mais tout de même unique, préférer “New-yorkais” ? Je penche pour la seconde orthographe, mais sans aucune certitude. Ce qui ne va pas m'empêcher de poursuivre ma lecture des New-Yorkaises – ainsi écrites par l'éditeur – d'Edith Wharton, commencée juste après le déjeuner. La conservation du titre original, Twilight Sleep, m'eût épargné de me poser des questions oiseuses.

 

Mardi 22

Neuf heures. – Journée desgrangienne : départ dans une heure et demie environ, pour être là-bas à midi tapante, comme d'habitude : lorsque je pousse la porte d'entrée avec deux ou trois minutes d'avance ou de retard, Michel consulte ostensiblement sa montre en affectant un air profondément surpris…


Mercredi 23

Onze heures. – Dans les pages “culture” de l'un des Valeurs actuelles rapportées hier de chez Michel, je découvre que l'ex-femme de Matthieu Woland, que nous avons accueillie ici avec lui une ou deux fois, vient de publier un livre. Son titre : Réussir son divorce...

Six heures. – La seule information vraiment importante de ce jour, trouvée chez mes analphabètes de référence : « L'iPhone 15 pourrait être livré avec un câble de recharge assorti à sa couleur. » Enfin une raison de se montrer optimiste, en ces temps de violences climatiques, d'épidémie conjugale et de réchauffement covidien ! La seule chose qui fait frémir, c'est tout  de même ce “pourrait”, ce conditionnel qui laisse planer un doute terrible : et si, finalement, le rêve se brisait ? Si l'iPhone 15 nous parvenait escorté d'un câble de recharge jurant violemment avec la couleur de l'appareil ? Je préfère ne pas y penser pour le moment : il sera bien temps de se suicider en masse si jamais une telle catastrophe en arrive à se produire.


Jeudi 24

Neuf heures. – Petit malentendu financiaro-bancaire ce matin. Sur le site de notre banque, je constate, dans mon relevé de carte dorée, une dépense de 99,50 € faite le 21 août, soit lundi dernier, au profit d'une entité commerciale appelée FamilyVets. Je n'avais aucun souvenir d'un achat de vêtements fait ces jours derniers par Catherine et, en attendant qu'elle veuille bien quitter les bras de mon rival, je parle bien entendu de Morphée, j'ai eu le temps d'imaginer les pires arnaques financières, dont celle-ci ne serait que la timide prémisse. Ma paranoïa naissante fut encouragée par le fait que Catherine, finalement démorphisée, m'assura n'avoir pas commandé le moindre bout de tissu...

Ce n'est qu'après une rapide et simple recherche auprès de Dame Ternette que nous comprîmes : le “Vets” de la mystérieuse raison sociale n'était pas là pour “vêtements” mais bien pour “vétérinaires”. Et les presque cent euros correspondaient à mon tout récent achat de nourriture charlusienne, effectué emprès la clinique de Saint-Aquilin. 

Notre erreur était cependant compréhensible dans la mesure où jamais jusqu'à ce jour notre bonne vieille clinique ne s'était présentée sous ce nom ridicule.

– J'ai reçu il y a deux jours le gros volume Gallimard contenant les Cahiers de Cioran. Après l'avoir un peu feuilleté, il m'a semblé qu'il ferait une excellente lecture “automobile” (quand je fais le chauffeur de Catherine et l'attends…), n'étant composé que de paragraphes très brefs et non liés entre eux (sauf par les thèmes obsessionnels propres à l'Emil…). Ce pauvre Cioran a donc immédiatement quitté le salon pour la banquette arrière de Soraya.

Midi. – Nicolas m'apprend à l'instant la mort brutale, par un cancer judicieusement qualifié de foudroyant, de Myriam Dal Molin. À l'époque “héroïque” des blogs, elle était connue dans ce petit milieu sous le sobriquet de Marie-George Profonde. Nous ne l'avons, Catherine et moi, rencontrée qu'une fois, ce devait être en 2008, lors d'une soirée à la Comète. Et je nous revois, cette Marie-George et moi, sur la terrasse du bistrot, chantant en duo plusieurs refrains de Trenet que nous connaissions tous deux par cœur. En tant que dessinatrice, elle avait, il y a trois ou quatre ans (à vue de mémoire...), publié un livre en commun avec cette autre blogueuse pseudonommée Olympe, que nous avons reçue ici même, pour un apéritif, alors qu'elle se trouvait en séminaire de travail... au Plessis-Hébert. Pour revenir à l'infortunée Marie-George/Myriam, elle avait tout juste 50 ans. Et, en effet, c'est l'image d'une jeune femme dans la trentaine, fort souriante, que je revois chantant avec moi assis en face d'elle : Je t'attendrai à la porte du garage...

– Le roman de Mrs Wharton que je termine tout juste, Les New-Yorkaises, est délicieusement immoral, puisqu'on y voit un avocat de la meilleure société coucher avec sa bru, quasiment sous les yeux de sa femme et de leur fille. Tout le talent de l'écrivain consiste à nous le laisser comprendre, non seulement sans nous le dire, mais même sans nous donner le moindre indice vraiment concluant. Si bien que, la dernière page tournée, le lecteur décontenancé en arriverait presque à s'accuser d'avoir imaginé de telles turpitudes, à cause de son esprit particulièrement vicieux.

– Question : sachant que l'épouse de mon fils est  dite ma belle-fille, la femme de mon beau-fils sera-t-elle ma belle-belle-fille ?

Deux heures. – Mme Gabrielle Rolin était, me confirme Dame Ternette, une romancière belge. Son statut d'écrivain ne l'empêcha nullement d'écrire, dans sa traduction des Boucanières d'Edith Wharton (c'est moi qui souligne) : « C'était justement DE ça DONT je voulais te parler... » Les ossements blanchis de son compatriote Grevisse ont dû se mettre à cliqueter dans leur sépulcre.

– Nationalisation des banques, impôts égalisant les revenus, centralisation du crédit entre les mains de l'État, impôt sur la fortune, confiscation des immeubles de rapport : le programme de la nupes en 2023 ? Non : celui de Mussolini en 1920.

Six heures. – Titre analphabétoïdal : « Chef, penseur ou commentateur, Emmanuel Macron tente de se redoser. » Ce “redoser” me laisse rêveur, moi qui ne savais même pas que l'on pouvait se doser.


Vendredi 25

Six heures. – Il y avait longtemps que je ne m'étais pas levé “de nuit” : c'est bon signe, celui que l'été s'éloigne.

– En fin de matinée, petite expédition à la clinique Pasteur d'Évreux, afin de m'y faire IRMiser la prostate. Voilà un type d'examen que je n'ai encore jamais subi : une expérience qui en vaut une autre...

– Stupeur amusée hier soir en constatant qu'à peine rentrés de leurs vacances d'été, nos “voisins Volvo” ont déjà commencé à illuminer leurs décorations de Noël. L'impression que, chaque année, ils s'y mettent un mois plus tôt que la précédente : je suppose qu'ils aspirent au Noël permanent.

– Par ailleurs j'ai, encore ce matin, l'esprit tout encombré de l'infortunée Marie-George/Myriam, une femme que j'ai croisée une seule fois dans ma vie, il y a 15 ans de cela, et à laquelle depuis, pour reprendre l'expression de Stravinsky à propos de Florent Schmitt, “je ne pense pas tous les jours” : ça devient ridicule.

Onze heures moins le quart. – Avec une confortable avance, me voici installé dans la salle d'attente des IRMistes. Il n'y a pas foule, ce qui est plutôt bon signe. Et pas de radio ni de télévision qui hurlent leurs insanités sonores...

Onze heures vingt. – Examen terminé ! Expérience amusante : l'impression de participer à la répétition générale de sa propre mise en bière.

Une heure. – Pour ceux qui ne savent pas, une IRM est découpée en un certain nombre de “sessions” sonores (très sonores...), mais dont les sons diffèrent de l'une à l'autre, allant du mugissement uniforme aux “coups de klaxon” très rapprochés. Avant chaque nouvel épisode, une voix dans le casque dont on a équipé vos oreilles vous avertit du temps qu'il va durer. Dans mon cas, cela variait de “moins de trente secondes” à quatre minutes pour le bouquet final. Comme je n'avais rien de plus passionnant à faire, je me suis essayé à suivre le temps qui s'écoulait en m'efforçant de visualiser la trotteuse d'une pendule murale. Je ne m'en suis pas trop mal tiré puisque, quand la session de quatre minutes a fini, nous en étions, la pendule virtuelle et moi, à quatre minutes et dix-huit secondes. Là-dessus, le manipulateur m'a extrait de mon sarcophage et je suis rentré à la maison.

– Les éditeurs m'épateront toujours. Je reçois à l'instant l'autobiographie d'Edith Wharton. En anglais, elle s'intitule A Backward Glance. En exergue, l'auteur a choisi une citation de Walt Whitman qui, en français, dit : Un regard en arrière sur les chemins parcourus. Très logiquement, le lecteur un brin naïf s'attend à ce que les crânes d'œuf de chez Flammarion nomment leur version : Un regard en arrière, non ? Trop facile. ! L'éditeur français, qui n'est pas le dernier des cons mais s'en approche un peu plus chaque jour, veut “imprimer sa patte” à l'ouvrage qu'il va distribuer aux libraires. Donc, pour montrer qu'on ne l'impressionne pas aussi facilement, qu'on ne doit pas la lui faire à l'intimidation en lui brandissant je ne sais quelle version originale, il choisit d'appeler “son” livre : Les chemins parcourus, faute de français comprise puisque la règle aurait voulu la majuscule initiale à “chemins”. Ah mais !

(On a encore eu de la chance : emporté par son élan, le cuistre aux manettes aurait aussi bien pu se décider pour Les autoroutes de la life ou encore Les VTT mémoriels, histoire de moderniser le produit à donf.)

Six heures. – On m'avait dit à la clinique que mon compte rendu d'IRM serait prêt dans quarante-huit heures : il vient de m'arriver déjà. D'après ce que je puis en comprendre – c'est-à-dire peu de choses –, tout semble à peu près normal du côté de ma prostate. Afin de lever le voile sur cet “à peu près”, je viens d'envoyer le compte rendu au bon docteur Pluton. Il n'y a plus qu'à attendre son verdict…


Samedi 26

Neuf heures. – L'excellent docteur Pluton me confirme à l'instant que je puis m'enorgueillir de posséder en mes tréfonds une véritable prostate de bébé, ou peu s'en faut. Voilà qui devrait me dispenser de la biopsie dont m'avait vaguement menacé l'urologue de Neuilly consulté en juin. Je montrerai toutefois le compte rendu de l'IRM au docteur Bram, mon ablateur de rognon de 2013, lorsque Catherine et moi le consulterons en octobre prochain.

Deux heures. – Je lis depuis deux jours l'autobiographie d'Edith Wharton, Les Chemins parcourus. De par sa date naissance et le milieu new-yorkais dans lequel se déroulent son enfance et sa jeunesse, j'ai l'impression d'avoir sauté à pieds joints dans la série The Gilded Age de Julian Fellowes. Le plus amusant est que, relisant en parallèle Les Boucanières de l'Américaine, c'est cette fois dans la série Belgravia que je crois avoir atterri : je soupçonne ce bon Fellowes d'avoir très soigneusement relu Edith Wharton avant de se lancer dans l'écriture de ses deux séries.

– Quand je suis entré au CFJ (Centre de formation des journalistes) à l'automne 1977, les deux premières semaines étaient remplies par un cours magistral de Bernard Voyenne sur l'histoire de la presse. J'apprends aujourd'hui – on devinera aisément où… – que, cette année, la première semaine des nouveaux étudiants du CFJ sera prise en charge par les matonnes idéologues de MoiTaussiMedia. C'est bien : quand on veut qu'un mouton soit docile sa vie durant, il faut lui faire sentir la poigne du maître quand il est encore agnelet.

– Au tout début de sa carrière littéraire, en 1899, Edith Wharton a pour mentor Walter Berry, qui restera l'un de ses plus proches amis durant 30 ans (et peut-être même son amant : l'affaire est douteuse…), c'est-à-dire jusqu'à la mort de Berry. Les lecteurs de Proust le connaissent bien, par les lettres que l'auteur de la Recherche lui adressera entre 1916 et sa propre mort en 1922. Relation suffisamment chaleureuse pour que Proust lui dédie son volume de Pastiches et Mélanges, paru vers 1920 (je ne sais plus la date exacte...). Et je me demande si , dans sa correspondance, Proust évoque la romancière américaine. Comme je ne dispose pas de l'index général, pas moyen de le savoir. Il faudrait que je pense à demander ça à Michel Desgranges, si j'étais encore capable de me rappeler quoi que ce soit : dommage que ma mémoire ne soit pas aussi juvénile que ma prostate...


Dimanche 27

Cinq heures. – Edith Wharton et son mari lisaient alors avec passion une volumineuse biographie de George Sand. C'était au tournant du siècle, ils venaient d'acquérir leur toute première automobile. Comme celle-ci démarrait toujours avec brio mais calait dès la première côte, ils l'avaient baptisée “Alfred de Musset”...


Lundi 28

Midi. – J'ai eu tout à l'heure la curiosité d'aller fouiller les entrailles du blog-mère afin de voir combien de billets j'avais déjà consacrés à Edith Wharton : surprise de constater que ce nombre est égal à zéro. C'est d'autant plus étonnant que, sur la dizaine de romans que je possède d'elle, et que je relis actuellement les uns après les autres, il s'en trouve au moins sept tout à fait remarquables. Si on me demandait par quoi commencer pour découvrir cet étonnant écrivain, je conseillerais l'achat du volume “Omnibus”, qui renferme cinq romans dont trois essentiels : Chez les heureux du monde, Les Beaux Mariages et Le Temps de l'innocence (ce dernier ayant été porté à l'écran par Scorsese avec, dans les rôles principaux, Daniel Day Lewis, Michelle Pfeiffer et Winona Ryder). Si l'on n'est pas rassasié encore à la fin du volume, on pourra prolonger le plaisir avec Ethan Frome, roman très différent de la veine habituelle de Mrs Wharton, mais tout à fait exceptionnel, ainsi que par la remarquable autobiographie de la dame, Les Chemins parcourus.

Qu'on ne vienne pas me dire après ça que l'auteur de ce modeste journal, tout ignoblement élitiste qu'il soit, ne se soucie pas de l'éducation des masses incultes...

– Je viens de commander à Herr Momosque deux romans anglais : le premier d'un certain Howard Sturgis, dont je n'avais jamais entendu parler à ce jour, l'autre de Max Beerbohm, dont le nom me disait très vaguement quelque chose mais sans plus. Tout cela parce qu'Edith Wharton vient de dîner avec l'un puis avec l'autre : je suis trop influençable, comme garçon.

– Restons avec Mrs Wharton, ou plutôt retrouvons-la chez Henry James. Celui-ci en vient à évoquer son précédent domestique, un charmant garçon selon lui : « Le seul ennui était que, lorsque je lui donnais un ordre, il devait passer par trois phases mentales successives avant de pouvoir comprendre ce que je lui avais dit. D'abord, il devait enregistrer le fait qu'on lui adressait la parole, puis assimiler la signification de l'ordre donné, et enfin réfléchir aux conséquences pratiques qu'on attendait de lui s'il obéissait. » C'est très exactement, précisément et totalement ce à quoi est confrontée Catherine avec notre nouvelle femme de ménage. Sauf que ni elle ni moi n'aurions été capables de le formuler avec telles justesse et précision. Notre femme de ménage non plus, d'ailleurs.

– Je reviendrai demain, plus longuement, sur les mémoires d'Edith Wharton, et en particulier sur ses années parisiennes. (Je le note dès maintenant pour m'en souvenir demain…)


Mardi 29

Huit heures. Températures il y a une heure : 9° dehors et 17 dans la maison ; et aucun “réchauffement climatique” prévu pour les jours qui viennent. On est à deux doigts de remettre le chauffage en marche...

– Grande nouvelle de la blogoboule : l'inénarrable Juan Sarkofrance is back ! Et toujours d'une malhonnêteté intellectuelle en béton armé. Son dernier argument en faveur de ce qu'on appelle, je crois, l'abaya : si de plus en plus de filles se voilent librement des pieds à la tête, c'est pour se protéger de tous ces hommes... qui soutiennent Gérard Depardieu, ce violeur en série bien connu de nos services.

– Quand je commence à taper le mot “dégenré”, l'iBigo me propose illico de le remplacer par “dégénéré” : finalement, cet appareil est peut-être plus futé qu'il n'en a l'air de prime abord. En tout cas, plus lucide qu'un gauchiste de modèle courant. 

Onze heures. – Finalement, j'ai préféré aller parler d'Edith Wharton sur le blog-mère plutôt qu'ici. 

– Ce matin, le digne professeur Cingal apporte son “soutien total à une grande figure politique”. De qui s'agit-il ? De Mme Sandrine Rousseau. Jusqu'à quels tréfonds de ridicule ce brave fonctionnaire post-colonialisant descendra-t-il avant de s'apercevoir de l'endroit où il barbote ?

– Je m'étonnais, hier ou avant-hier, de n'avoir jamais consacré le moindre billet de blog à Edith Wharton, sa vie, son œuvre. J'avais raison de m'étonner puisque je lui en ai bel et bien consacré un, en novembre 2021, ainsi que le l'a signalé le très vigilant Henri La Dive, l'un de mes derniers commentateurs disposant d'un cerveau en état de marche. L'explication, je l'ai trouvée ensuite, tout seul comme un geek de compétition : à l'époque, j'avais orthographié le prénom de l'écrivain à la française : Édith avec accent. Si bien que, quand j'ai tapé, hier, Edith à l'anglaise, donc sans accent, cette minuscule absence a suffi pour faire disjoncter le moteur de recherche de Blogger. Et on va, après ça, nous bassiner avec la so called “intelligence artificielle” : je me gondole et me gausse...


Mercredi 30

Onze heures. – Journée traditionnellement dite “de merde” : ce matin, visites dans les divers hangarabouffe nécessaires à notre toute provisoire survie ; cet après-midi, irruption de la femme de ménage, qui nous consignera dans la Case. Je pense que je vais en profiter pour m'offrir une première relecture de ce journal d'août. Je pourrais aussi passer la tondeuse dans jardin, mais ce serait pousser vraiment trop loin le désespoir.

– J'ai ressorti hier après-midi l'Histoire d'Angleterre de Maurois, et j'ai déjà oublié pour quelle raison (car il y en avait une...). Cela a sûrement à voir avec Edith Wharton, mais je ne saurais être plus précis. (Note au Père B. : je parle bien d'Edith Wharton et non d'Enid Blyton...)


Jeudi 31

Huit heures. – Comme chaque année, très content de voir ce maudit mois d'août (modimoidou...) mourir de sa belle mort. Et d'autant plus qu'il s'achève, pour nous, par une journée vierge de corvées d'aucune sorte, juste entre Catherine, Charlus, Mrs Wharton et moi.

– En attendant que l'automne soit vraiment là, et le chauffage remis en marche, on se caille violemment les miches.

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