jeudi 28 juillet 2016

Juin 2016










LES BIENFAITS DU KÄRCHER









Mercredi 1er juin

Sept heures et demie. – En me livrant, cet après-midi, à une première lecture de mon journal de mai, je me suis aperçu que, à quelques jours d'intervalle, je disais une chose et son contraire, à propos de la situation temporaire que nous crée l'invalidité (également temporaire) de Catherine. Mais c'est que, en effet, je ressens, et elle aussi, d'un jour sur l'autre ou presque, tout et son contraire ; c'est selon l'humeur, le temps qu'il fait, les accès de douleur (pour elle), etc. Ce qui est remarquable, c'est que nos humeurs conjointes ne changent jamais au cours de la journée, laquelle est comme une sonate ou une symphonie : la tonale (ou dominante ? Putain, je ne saurai donc jamais…) vaut jusqu'au soir.

– J'ai brusquement abandonné, hier, mes romanciers anglais (provisoirement sans doute) pour relire quelques centaines de pages de Revel, je ne sais trop pourquoi. et c'est lui qui m'a donné l'envie de retenter Montaigne que, depuis trente ans au moins que j'essaie (!), j'abandonne toujours au bout d'une centaine de pages. Comme je ne parvenais pas à me décider entre du Montaigne “pur et dur” (La Pléiade) et la version que j'ai en français “modernisé”, j'ai sorti les deux et décidé de lire chaque chapitre deux fois. J'ai d'abord opté pour l'ordre chronologique : Montaigne en premier, ensuite son “traducteur” pour vérifier que j'avais bien compris l'original. Mais, trois chapitres plus loin, je me demande si je ne devrais pas faire l'inverse : prendre d'abord connaissance du contenu, puis aller me colleter au texte. Comme diraient les Québécois : je ne suis pas sorti du bois.

(Et pendant que je me posais ces questions, je m'amusais à imaginer les cris de pucelles effarouchées que pousseraient les In-nocents (du moins les plus snobs d'entre eux), s'ils apprenaient que je puis seulement envisager de lire Montaigne en français moderne… Ils y trouveraient au moins la confirmation de ce qu'ils pensent de moi : rien que pour leur donner cette satisfaction innocente, je devrais peut-être répandre en ces parages le bruit de ma forfaiture.)


Jeudi 2 juin

Huit heures moins le quart. – Conversation “mortuaire” ce soir, durant l'heure de notre mini-apéro, en ce moment quotidien. L'accroche en était le “bilan de carrière” que je viens de recevoir, selon lequel, s'il est juste, Catherine touchera, après ma mort, une pension dite “de reversion” d'à peine neuf cents euros. Après m'avoir dit qu'elle comptait fermement mourir avant moi (ce qui n'est guère réaliste), nous avons tout de même examiné ce que sera sa situation après ma “disparition” (je n'aurai pas disparu : je serai simplement mort). Elle a commencé par me dire qu'elle ne pourrait pas garder la maison, avec les frais que cela entraîne (impôts divers, entretien, etc.) Je lui ai fait observer que, cette maison, elle aurait tout le loisir de la vendre, puis de se louer un appartement “en ville”, et qu'elle pourrait ensuite dilapider tranquillement son capital durant les années qui lui resteraient (mais combien d'années lui resteront après moi ? Eh…). Elle en a convenu, et a semblé, soudain, considérer cette hypothèse comme probable, ou au moins envisageable.

Là-dessus, elle a tenté une échappatoire, disant que le mieux serait encore que l'on meure ensemble, et au jour où on l'aurait décidé. Je lui ai répondu que j'étais d'accord avec ça, que je trouvais même cette solution idéale, mais qu'elle présentait quelques difficultés d'exécution, vu le degré d'obscurantisme du monde dans lequel nous vivons. Là-dessus, nous nous sommes mis à parler d'autre chose, puis à aller préparer le dîner, et il ne fut plus question de rien. Mais j'ai au moins, je crois, instillé dans l'esprit de Catherine, que, de l'argent qui va nous arriver, il faut en garder la majeure partie pour les années pénibles qu'elle aura à vivre quand je n'y serai plus. (Pénibles surtout par manque de moyens : pas du fait de mon absence…)

– À part ça, je n'ai guère quitté Revel depuis ce matin ; j'y reviendrai.


Vendredi 3 juin

Huit heures. –  J'ai passé ma journée à caresser la vague idée d'un billet de blog, à propos de la tromperie que nous infligent assez constamment nos sens, en partant du sens auditif, qui nous pousse parfois à accepter, dans telle ou telle chanson, une écoute parfaitement erronée. Mon idée était basée sur deux exemples, l'un me concernant, et l'autre ayant pour “héros” mon père. Je voulais articuler cela avec la cécité et l'aveuglement des communistes (et des socialistes) concernant l'un des deux totalitarismes les plus terrifiants que l'homme ait engendrés, et tous deux à notre époque, à savoir ces “miroirs jumeaux” que sont le communisme et le national-socialisme (par ordre d'entrée en scène). C'est l'articulation entre mes deux “thèmes” qui m'a fait reculer. Mais je crois que j'essaierai d'y revenir demain.

– Je continue à relire Revel, ce qui n'est pas étranger à ce que je viens de dire.


Samedi 4 juin

Sept heures et quart. – Catherine et moi venons de franchir un pas décisif vers le retour à la vie normale, en supprimant l'apéritif vespéral que, sous prétexte de nous soutenir le moral, nous prenions tous les soirs depuis son opération. Il n'était jamais excessif, mais enfin il devenait une habitude dont, depuis quelques jours, je me disais silencieusement qu'il serait bon que je m'en défisse. Comme Catherine, ce matin, a annoncé son intention de s'en passer, j'ai sauté sur l'occasion.

– Programme de la journée : tonte et Revel. Et aussi le billet de blog que j'évoquais hier soir.


Dimanche 5 juin

Sept heures et demie. – Je me suis enfin débarrassé, ce matin, des six mille signes que je traînais après moi comme une queue d'âne depuis jeudi et qui concernaient l'os de seiche de Monaco – Charlène de son prénom, princesse d'importation et de carnaval. J'ai ensuite pu me consacrer de nouveau à la Fin du siècle des ombres, chroniques de Revel datant des années 1981 à 1999, lecture tout à la fois passionnante (en raison du style de l'auteur et de l'acuité de son regard sur les questions qu'il aborde) et déprimante (dès que l'on s'aperçoit que les problèmes et blocages qu'il pointe du doigt n'ont généralement fait que s'aggraver depuis lors). Vers la fin de la journée, en raison d'un compte rendu élogieux de Revel, justement, j'ai repris les Mémoires d'Andréï Sakharov, que j'avais tenté de lire il y a quelques années et abandonnés au bout de deux cents pages, les trouvant fort ennuyeux ; j'aurai peut-être plus de chance cette fois-ci, ou eux avec moi.

(Je m'aperçoit que, si l'on suit Revel, pour admettre avec lui que le XXe siècle a en effet été celui des ombres, l'actuel semble parti pour être celui des ténèbres ; aussi amusant à vivre que, dans un genre différent, a pu l'être le XIVe par exemple. La différence est que l'envahisseur ne vient plus d'Angleterre ; quant à la grande peste, nul ne peut dire quelle forme exacte elle s'apprête sans doute à prendre. Mais enfin, si l'on poursuit le parallèle entre les deux époques, il nous reste environ 20 ans vivables : c'est bien plus qu'il ne m'en faut, et les suivants se démerderont comme ils le pourront, avec l'immense gabegie que nous leur aurons laissée. Et puis, soyons optimistes quelques secondes, peut-être le cauchemar dans lequel ils vont plonger combattra-t-il efficacement le formidable abaissement moral et culturel qu'ils nous devront également.)


Mardi 7 juin

Sept heures et demie. – Les journées se suivent et se ressemblent, ce qui, malheureusement, n'est guère à porter à leur crédit. Mais enfin, on se dit que, d'ici une semaine, Catherine ayant retrouvé l'usage (au moins partiel) de ses deux mains, nous ferons un grand pas vers une certaine normalité retrouvée. Hier, en toute fin d'après-midi (c'est-à-dire à l'heure du repas de Bergotte), me trouvant une mine anormalement morose, et il est vrai que je l'étais en effet, mais sans cause précisément identifiable, Catherine m'a littéralement intimé l'ordre de me servir un verre de quelque chose ; et, bien entendu, de lui en offrir un du même élan ; ordre auquel je me suis empressé d'obéir, comme on imagine.

– Comme je n'ai guère l'envie, ni le courage, de lectures “sérieuses” – j'avais ressorti tour à tour les Essais de Montaigne et les Mémoires de Sakharov, que je me suis empressé d'abandonner au bout de trente ou quarante pages –, j'ai repris très paresseusement Un festin de paroles, le livre “gastronomique” de Jean-François Revel ; et, ma foi, je m'en trouve fort bien car c'est une lecture délicieuse – ce qui est bien le moins. Je me demande si, après ça, je ne vais pas relire, tout aussi paresseusement, Le Voleur dans la maison vide, joli titre de ses mémoires.

– La semaine prochaine s'annonce cependant assez pénible, puisque nous allons voir, dès lundi matin, débarquer le peintre – celui qui nous avait remis à neuf les plafonds il y a quelques mois –, cette fois pour refaire tout l'extérieur de la Case. J'espère au moins que je pourrai continuer à avoir accès à mon bureau ; sinon, je serai obligé d'écrire mes articles FD sur l'ordinateur portatif de Catherine, ce qui ne m'enchante guère. (Il faudra au moins que je pense, si la chose est possible, à brancher mon clavier “non portatif” sur son engin.)


Jeudi 9 juin

Huit heures moins le quart. – La pitié, et même la douleur, que l'on éprouve face à la souffrance animale (qui nous valent les moqueries de ceux qui ne les ressentent pas) dépendent de deux critères, liés l'un à l'autre, que l'on aimerait mieux oublier, si c'était possible. L'un est la proximité de l'animal avec nous, l'autre (beaucoup plus agissant) est la taille de l'animal. En fonction de ces deux critères simples, et à mon avis irréfutables, chacun devrait se demander comment il considère les animaux, si tant est que l'on puisse englober tous les êtres vivants sous ce vocable unique : les animaux.

1) La proximité, c'est-à-dire la ressemblance, la parenté. Qui ne versera une petite larme, en voyant un chimpanzé tomber sus les balles de quelque chasseur, alors qu'il ne bronchera pas devant un lapin subissant le même sort ? Et qui ne se sentira un pincement au cœur devant la mort de n'importe quel mammifère, quand il restera de marbre face à l'embrochement d'un thon ?

2) La taille, qui est l'élément essentiel. Il y a une demi-heure, sur la paroi extérieure de mon verre se trouvait un petit point noir, dont mon œil humain ne distinguait rien. Mais je savais qu'il s'agissait d'un être vivant, une sorte de ciron, comme disaient nos ancêtres du XVIIe siècle, pour désigner
 la plus petite chose vivante que leur œil pouvait discerner. Attrapant mon verre, pour une gorgée distraite, j'ai évidemment pulvérisé l'existence de cet animalcule. En ai-je éprouvé quoi que ce soit ? Non. Rien du tout. Par sa taille à peine perceptible, cette petite chose vivante et sans nom n'avait aucune existence à mes yeux, en tout cas pas assez pour que je prenne la peine de penser à elle avant de l'anéantir.

On peut du coup se poser la question, nous autres qui pleurons la mort d'un hérisson sur la route ou d'une mésange charbonnière sous les griffes du chat :


Vendredi 10 juin

Sept heures et demie. –Comme chaque année, quand le temps le permet, ce qu'il fait depuis trois ou quatre jours, nous nous disons, Catherine et moi, entre six et sept heures du soir, lorsque nous prenons un verre, sur ce que j'appelle la terrasse et elle la galerie (en ce moment, vodka-orange pour moi et bloody mary pour elle), que la vie nous a vraiment favorisés en nous dirigeant vers la campagne, et que pour rien au monde, même dans la plus luxueuse des demeures, nous ne pourrions plus vivre en ville – ou alors une toute petite, mais certainement pas dans ces cloaques “multiculturels” et surtout bruyants (peut-être ceci parce que cela) que sont devenus Paris ou Lyon (je ne parle même pas de Marseille, cloaca maxima) et, j'en ai peur, de plus en plus de villes de moindre importance. Les villages peuvent encore donner l'illusion que l'on vit en France, que le silence et le savoir-vivre restent possibles. Mais c'est évidemment une illusion fort temporaire ; on en est réduit à espérer qu'elle durera aussi longtemps que nous.

– J'ai bien vu, en ouvrant ce journal, ce soir, que j'avais interrompu mon entrée d'hier sur un “deux points” appelant autre chose. Mais quoi ? Je ne sais plus ; il faudrait que je reprenne la totalité de l'entrée. Au début du mois de juillet, quand je relirai vraiment tout le fatras de ce mois-ci, je tenterai de renouer le fil : on verra si j'y parviens. Si c'est le cas, je tâcherai de le signaler, par des parenthèses, des italiques, ou je ne sais quoi. [1er juillet : eh bien non, je n'ai pas retrouvé la question que l'on aurait dû se poser…]

– Catherine porte de moins en moins son attelle, on a l'impression de foncer comme des chiens fous vers le bout du tunnel.


Samedi 11 juin

Huit heures. – Nous venions, en terrasse, d'achever notre premier verre, lorsque le téléphone a sonné dans le salon : ça ne pouvait être qu'une pub ; c'était André. J'ai parlé le mois dernier (s'y reporter), sinon de lui, du moins autour de lui, puisque j'ai participé à ce roman à multiples mains que Béa, sa femme, voulait lui offrir pour ses 60 ans. L'offrande fut faite, le week-end dernier si je ne m'abuse, et André appelait, officiellement pour me remercier de la part modeste que j'y avais prise, en réalité, supposé-je, pour parler un moment avec moi. Parler avec André me ravit et m'apaise depuis près de 40 ans. Si je disposais, ce soir, d'un peu plus de temps, je reviendrais volontiers sur ces soirées du mardi, que nous passions dans son petit appartement de la rue du Sommerard, quartier de la Mutualité, en 1978 et 1979, Philippe Bernalin, lui et moi ; il faudra bien que je j'y vienne un jour, d'ailleurs. Des quelques amis que je me suis faits à cette période du CFJ ou un peu avant, il est finalement le seul avec qui le contact ne s'est jamais rompu. Celui avec Philippe s'est brisé par la force des choses et du cancer en 1985, celui avec les autres (Jef, Luc, Denis, Carlos…) s'est plutôt effiloché lorsque les prémices de la vieillesse ont commencé à devenir impérieux et visibles, il y a dix ou quinze ans, en gros. Mais avec André (et Béa), le bonheur de se retrouver, moins souvent que dans notre jeunesse bien sûr, il faut tenir compte des pesanteurs propres à chacun, ce plaisir est resté intact. Je me demande même si, en changeant peu à peu de nature, il ne s'est pas renforcé. Nous avons en tout cas passé un cap que les autres, ceux que j'ai évoqués, n'ont pas franchi, ni moi avec eux. Il va de soi, maintenant, qu'André et moi resterons indissolublement liés jusqu'à la mort de l'un de nous, c'est-à-dire en principe de la mienne : j'ai cette certitude, absolument injustifiable, que les pères de famille, et surtout ceux d'une famille heureuse, disposent d'une espèce de garantie de longévité relative, dont les existences stériles comme la mienne ne peuvent en aucun cas bénéficier – et je trouve cela assez normal, finalement. Au moins pour une raison pratique : si, demain (façon de parler), Béa ou André, ou les deux, deviennent de pitoyables légumes alzheimerizés, il se trouvera forcément au moins un ou deux de leurs enfants pour leur épargner l'enfer, je veux dire : la maison de retraite – en tout cas, je le leur souhaite vivement. Or, il se trouve que j'ai deux hantises dans l'existence : la cécité et la maison de retraite ; pour éviter l'une ou l'autre, et si possible les deux, je suis tout prêt à mourir dans les quelques années qui viennent, à condition de le faire ici, au Plessis-Hébert, et un livre à la main.


Dimanche 12 juin

Sept heures et demie. –  Journée paisible, semblable à ses sœurs aînées : 4500 signes pour FD, un petit billet sur Revel, puis lecture : fin du Voleur dans la maison vide. Puis, quelques pages des deux livres reçus hier, pour prendre un peu leur pouls : l'Histoire du silence de la Renaissnce à nos jours, d'Alain Corbin et La République des camarades de Robert de Jouvenel. Finalement, après hésitation, et n'étant point encore rassasié de lui, je leur ai préféré Les Plats de saison de Revel, qui est son journal de l'année 2000.

Demain va sans doute être nettement plus agité et perturbant, ainsi que toute la semaine d'ailleurs. À huit heures va débouler ici le peintre chargé de remettre en état toute la protection extérieure de la Case. Et, en même temps que lui ou à peu près, mais pour demain seulement, elle, arrivera une nouvelle femme de ménage, l'ancienne nous ayant inopinément claqué entre les doigts (c'est une simple image, elle va bien). Passer la matinée dans la Case cernés par le vacarme du Kärcher risque de n'être pas très drôle. Bien heureux encore si l'accès à la dite Case ne nous est pas interdit par le manieur de l'engin. Il est tout de même ironique de constater que, dans les endroits où la racaille abonde, il semble ne pas y avoir moyen de trouver le moindre Kärcher, et que nous qui allons en avoir un ne disposons point de la moindre racaille pour tester sur elle l'instrument miracle.


Lundi 13 juin

Huit heures moins le quart. – Journée assez agitée, comme prévu et annoncé. À neuf heures, quand nous sommes revenus de chez la kiné de Pacy, le peintre était déjà là (il connaît la maison) et déployait tous les vacarmes de son Kärcher sur la Case. Une demi-heure après arrivait notre femme de ménage remplaçante, une Biélorusse presque aussi grande que moi, qui vit en France depuis 15 ans, mariée avec un Franco-Canadien : ce dernier détail a suffi pour faire d'elle notre femme de ménage désormais attitrée ; cela et le fait qu'elle a travaillé vraiment bien durant les trois heures qu'elle a passées ici.

Pendant ce temps, le peintre découvrait, lui, que l'un des trois côtés de la Case présentait des “gondolages” assez préoccupants et en concluait qu'il allait sans doute falloir en changer les panneaux de bois avant de songer à repeindre : nous attendons son patron (qui porte le très beau nom de Brisorgueil) d'une minute à l'autre, pour qu'il juge de la situation, et accessoirement de ce que cela va nous coûter en plus.

Au milieu de toute cette agitation pénible, j'ai trouvé en moi la ressource, à la fois physique et mentale, de tondre le jardin et d'aller à la déchetterie, afin de m'y débarrasser, dans le conteneur idoine, des nombreux cadavres de bouteilles attestant de notre appétence alcoolique. Il va de soi que tout cela a justifié les deux ou trois vodkas que nous venons de prendre, avant de dîner. Si M. Brisorgueil nous quitte suffisamment tôt, nous envisageons de voir (pour Catherine) et de revoir (pour moi) Le Crabe-Tambour de Pierre Schoendoerffer, film que je me souviens d'avoir aimé lorsque je le vis, il y a plus de trente ans de cela.

– Sinon, j'ai continué mon compagnonnage avec Revel. Et récupéré vers cinq heures six mille signes à écrire sur sa majesté Hallyday.


Mercredi 14 juin

Huit heures. – Si j'arrive ici bien tard, ce n'est nullement pour cause d'apéritif prolongé (nous n'en avons pas pris le moindre, contrairement à hier où il fut massif…), mais parce que, saisi d'un courage proprement hallucinant, je viens de me débarrasser des trois mille signes qu'on m'a demandés vers cinq heures, à propos d'Angelina Jolie – que personnellement je n'ai jamais trouvée telle, mais ce n'est pas la question. Ce qui m'épate – et m'inquièterait presque –, c'est de ne pas avoir remis ce travail à demain matin, comme ma logique personnelle l'aurait voulu. Il y a des jours où je me surprends.

– C'est vraiment très bien, Le Crabe-Tambour. Le film m'a donné envie de lire le roman.


Jeudi 15 juin

Huit heures moins le quart. – Mme de Ribas (Dany des-Belles-Lettres pour les intimes) m'a fait parvenir cet après-midi le mail suivant, à elle envoyé :

Bonjour,

C'est avec plaisir que je vous informe que le premier roman de Didier Goux, Le chef-d'oeuvre de Michel Houellebecq, a retenu l'attention du comité de présélection, et a donc passé la première étape. Pouvez-nous envoyer 10 services de presse du roman, afin que nous le donnions en lecture à notre réseau de lecteurs ?

Je vous remercie,
Bien à vous,
Elodie

L'Élodie en question s'occupe du “Festival du premier roman” de Chambéry. Je trouve qu'on les sent bien, là, les prémisses d'une gloire planétaire.


Dimanche 19 juin

Cinq heures. – Élodie a été des nôtres de vendredi après-midi à aujourd'hui (la fille aînée de Catherine, pas l'Élodie du festival de Chambéry…) ; c'est ce qui explique que je ne sois pas venu dans ce journal depuis jeudi : la dite Élodie ne refusant jamais un apéritif, celui-ci a été pris vendredi et samedi soirs, et relativement prolongé à chaque fois. Si bien qu'ensuite l'envie de revenir à ce clavier me faisait défaut. Du  reste, je ne vois pas ce que j'aurais pu noter dans ce journal, vu que ces deux journées ont été assez considérablement légumineuses. En outre, je ne pouvais guère lire, en tout cas pas de manière suivie, en raison du babillage quasi incessant des deux femmes ; mais, d'un autre côté, quel intérêt pour une mère et sa fille de se réunir si c'était pour ne rien se dire ?

– J'ai remis Jean-François Revel sur son étagère pour m'intéresser à Marc Fumaroli et à son État culturel, livre tout à fait remarquable – comme tous les livres de cet auteur que j'ai pu lire, notamment ceux qu'il a consacrés à Chateaubriand et à La Fontaine – et qui reste tout à fait d'actualité malgré ses 25 ans de bouteille. Fumaroli y fait preuve d'un humour d'autant plus efficace qu'il est la discrétion même.

– Catherine a recommencé à se servir de son bras droit, mais avec des prudences de chat.


Mardi 21 juin

Dix heures du matin. – Je ne crois pas avoir dit ici que, voilà deux ou trois semaines, nous avons changé de femme de ménage, la précédente nous ayant fait faux bond deux fois de suite et au dernier moment. [1er juillet : eh si, tu l'avais dit ! Tu radotes, mon p'tit gars, tu radotes…] L'information n'a que peu d'intérêt en soi ; ce qui en a un, mesuré certes, c'est que la nouvelle est biélorusse, qu'elle vit en France depuis une douzaine d'années et qu'elle était mariée à un Franco-Canadien, ce qui bien sûr a tout de suite plu à Catherine. Je dis “était”, car ils ne vivaient plus ensemble depuis déjà un petit moment, malgré leurs quatre enfants, et parce que, en outre, l'ex-mari en question est mort la semaine dernière, des suites de la traditionnelle et toujours efficace “longue maladie”. C'est une femme qui doit avoir une quarantaine d'années, mince et très grande (elle ne doit pas être loin de ma propre taille), efficace, plutôt sympathique a priori et surtout silencieuse, ce qui nous permet de demeurer dans la maison principale quand elle s'y trouve – ce qui est précisément le cas en ce moment – sans être abrutis par un flot verbal incessant et stupide, comme nous l'étions par la précédente. Cela ne m'a pas empêché, néanmoins, de m'être tout de même réfugié ici, dans la Case : j'éprouve toujours une réelle gêne, que je sais par ailleurs être assez idiote, à me trouver dans mon fauteuil, lisant, tandis qu'une personne étrangère s'active autour de moi

… J'ai dû m'interrompre au milieu de ma phrase en raison de l'irruption ici des deux femmes (celle de ménage et la mienne), pour cause de repassage. Ce qui est sans importance puisque je n'avais plus rien à dire.

Sept heures et demie. – Je suis toujours un peu surpris par ces blogueurs que je ne connais ni d'Ève ni d'Adam (ni même d'Abel ou de Caïn), qui éprouvent néanmoins l'envie ou le besoin de me rentrer dans le chou sans raison discernable et qui, en outre, le font de la manière la plus maladroite et la plus inefficace possible.

Je me trouvais tout à l'heure passer chez l'inénarrable Cui-cui fit l'oiseau (je ne sais toujours pas, à ce propos, si son nom est Fit l'oiseau, auquel cas ses parents l'auraient gentiment baptisé Cui-Cui, ou si, à l'inverse, M. et Mme Cui-cui ont décidé de prénommer leur fils Fit l'oiseau : il y a là un petit mystère qu'il faudra bien éclaircir un jour), pour y lire son dernier billet, assez insignifiant. Mais, comme il vient régulièrement sur mon blog pour “me régler mon compte” sans jamais y parvenir, je lui lançai une petite pique, à propos d'une phrase, ou plutôt d'un tronçon de phrase particulièrement acrobatique. Il disait ceci (mon commentaire fait suite) :

comme si la mixité ethnique n'était pas inhérente à la caractéristique immémoriale de notre pays.

« En dehors même de l'incohérence syntaxique de ce morceau de phrase, l s'agit là d'une contre-vérité totale, comme n'importe quel étudiant démographe pourrait vous le dire. »

Rien de bien méchant, on le voit. À quelque temps de là surgit un autre commentateur, inconnu de nos services, qui s'adresse directement à moi en ces termes :

« @ Didier Goux : Avec le nombre de fautes de français que vous commettez régulièrement, vous pouvez vous dispenser de donner des leçons. J'ai été correcteur professionnel pour la presse et l'édition, c'est dire si vous m'êtes une source inépuisable de tranches de rire. Sur le plan de la syntaxe, la phrase que vous citez est parfaitement correcte, et cohérente. N'essayez pas de péter plus haut que votre cul en ayant la prétention, risible venant de vous, de corriger les autres. Laissez cela à ceux qui savent. »

Bien entendu, je serais aussi fat que stupide si je prétendais ne jamais faire de fautes, d'orthographe, de syntaxe, etc. Mais comment un individu qui, j'imagine, avait au départ l'intention de me blesser, ou au moins de m'agacer, peut-il choisir cet angle-là pour porter son attaque ? On dirait un Poilu de 14 qui, tournant le dos à la tranchée allemande, se mettrait à mitrailler la “roulante” venue tout exprès pour lui apporter la soupe et le courrier. Et puis, mon Dieu, se targuer d'être un correcteur de presse, quand on voit dans quel sabir les journaux sont écrits : il y aurait bien un fond de masochisme, là-dessous.


Mercredi 22 juin

Sept heures et demie. – L'été est arrivé sans prévenir : 28 ou 29° cet après-midi, au Plessis. Et, déjà, je me prends à penser avec nostalgie à ce cher printemps “pourri” que nous venons d'avoir. Heureusement, il semblerait que les températures dussent rechuter à compter de vendredi.

– En ayant terminé avec La Tentation totalitaire de Revel, je me suis plongé dans le court livre de Robert de Jouvenel (le petit frère d'Henry, époux de Colette), paru en 1914 : La République des camarades. Selon la formule consacrée : nous y reviendrons. Mais, d'ores et déjà, c'est un livre aussi drôle que pertinent ; pertinence d'ailleurs assez étonnante : même si certaines parties sont évidemment démodées, les trois quarts au moins de ce que j'ai lu aujourd'hui pourrait avoir été écrit la semaine dernière (la première partie traite des députés et du Palais Bourbon).

– Vendredi et samedi, le peintre qui a refait la Case sera de nouveau là pour repeindre les volets de la dite. Ce devait en principe être son fils qui se chargeait de ce travail, mais il ne peut finalement pas venir car “il vient de trouver du boulot”. Je ne sais pourquoi, j'ai un doute. Enfin, au moins, avec le père, on sait que le travail sera vite, bien et proprement fait. Et le jeudi suivant, ce sera au tour du jardinier de venir nous tirer du lit à huit heures, par le vacarme qu'il fera en taillant nos haies. C'est effréné, la vie de campagne.


Vendredi 24 juin

Sept heures et demie. –  Des jours où l'on est vaguement content de soi, contrairement à la pente (terme assez camusien) que l'on croit être la sienne – mais peut-être se trompe-t-on là-dessus comme sur nombre d'autres choses. Il n'y a pourtant guère de raisons : une virée à Pacy (kiné + courses) le matin assez tôt ; six mille signes consacrés à Olivia de Havilland, qui sera centenaire vendredi prochain ; un billet assez paresseux consacré au Crabe-Tambour ; tonte au plus chaud de l'après-midi, mais qui le fut nettement moins, chaud, qu'hier et avant-hier ; et… et c'est tout. Mais il ressort de ces pauvres petites activités une sorte de satisfaction vague, l'impression d'avoir fait son devoir. Et, du coup, d'avoir mérité les deux ou trois vodkas-orange prises ensuite, sur ce que j'appelle la terrasse (qui n'en est pas une) et que Catherine nomme la galerie (qui n'en est pas une non plus). En plus de tout cela, une température idéale pour nous (22° gentiment celsius), un ciel amical, et Boulou qui, vu d'ici, semble dormir profondément sur la terrasse (ou la galerie).

Pendant ce temps, le blogomonde s'agite parce que les Royaume-Uniens viennent de décider de quitter l'Union soviétique – je veux dire l'UE (cette chose ne mérite en effet pas mieux qu'un sigle). Catherine, tout à l'heure, me demandait ce que cela allait changer concrètement pour nous. Sans hésiter, je lui ai répondu : « Rien ! », ce qui me semble logique dans la mesure où ce sont les Britanniques qui viennent de s'évader et de reprendre le large et non nous : quand Edmond Dantès plonge dans la Méditerranée, enfermé dans son suaire, cela ne modifie en rien le sort des autres engeolés du Château d'If.

Néanmoins, tout le monde s'affole, y compris les raisonneurs pontifiants, du genre Authueil, qui osent ce genre de sentence : « L'idée de ne plus avoir d'Union européenne est également à exclure, car le retour en arrière n'est pas possible. »

Comment peut-on être à ce point tremblotant et dénué d'imagination ? Et sot au point de croire que l'histoire des hommes est une sorte de train circulant sur une voie unique ? Comment leur expliquer qu'il n'y a pas de “marche en avant” et que, par conséquent, la notion de “retour en arrière” est simplement dénuée de sens ?


Samedi 25 juin

Sept heures et demie. – J'en ai fini avec mon Crabe-Tambour en début d'après-midi. Dans les dernières pages, celles qui racontent l'escale à Saint-Pierre-et-Miquelon, est relatée l'histoire du condamné à mort de l'île, de la guillotine que l'on fait venir de la Martinique, du recrutement d'un bourreau “amateur”, etc., exactement comme on la trouve dans le livre d'Eugène Nicole, alors qu'elle n'apparaît pas dans le film (ou alors j'ai déjà oublié, ce qui est malheureusement envisageable).

Pour suivre, j'ai d'abord eu la vague idée de retenter ma chance auprès de Joseph Conrad, mais y ai finalement renoncé : cet Anglo-Polonais et moi n'avons jamais entretenu que des rapports fort distants et empreints d'une sorte de méfiance mutuelle. À la place, j'ai ouvert les Sous-Ensembles flous de Jacques Laurent qui, sur la table du salon, attendaient mon bon vouloir depuis au moins un an ; j'en ai lu cent pages d'affilée avec beaucoup de plaisir. Je n'ose pas dire que j'y reviendrai, car j'ai déjà constaté, après avoir lu Les Corps tranquilles puis Les Bêtises, que j'avais un certain mal à parler des romans de Laurent ; et, même, que je n'y parvenais pas du tout, bien qu'ils me plussent beaucoup.

(Vérification faite, j'ai tout de même un peu parlé des Corps tranquilles sur le blog. Mais de manière fort superficielle et à l'aide d'un biais particulièrement hasardeux.)


Dimanche 26 juin

Sept heures et quart. – Passé l'essentiel de la journée en compagnie de Jacques Laurent, si bien que je n'ai rien de particulier à noter ici, d'autant moins que, sur les blogs, la trêve dominicale semble inciter la sottise péremptoire à relâcher quelque peu son emprise habituelle. Néanmoins ceci : que le roman de Laurent, en approchant de sa fin, me plonge dans une sorte de mélancolie assez voisine de la tristesse. J'en ai commandé deux autres de lui, Les Dimanches de Mademoiselle Beaunon et le second dont le titre m'échappe déjà (il y a miroirs dedans ; ou tiroirs ; peut-être même les deux…). En outre, à l'instant, je viens aussi d'acheter son pamphlet anti-Sartre, Paul et Jean-Paul, dans lequel il le compare à Paul Bourget, ce mauvais romancier à succès de la fin du XIXe siècle et du début du suivant.

À propos de Bourget, cette anecdote qui m'est revenue tout à l'heure. Alors que l'écrivain avait présenté sa candidature au Jockey Club et qu'il venait de s'y faire blackbouler, un membre du club (peut-être même son président, je ne sais plus) s'était écrié : « C'est très bien ! Cela apprendra à ce monsieur qu'il existe encore des lieux où le talent ne compte pour rien ! » Ce qui est une définition presque “chimiquement pure” du snobisme ; et une preuve d'absence de jugement littéraire puisque, de talent, Bourget était fort dépourvu.

– Demain, nous allons passer l'après-midi à Rouen, plus précisément à la clinique de l'Europe où, à force, j'ai presque l'impression que nous sommes chez nous. Premier rendez-vous à deux heures et demie, avec le pouçologue, celui de Catherine, de pouce, commençant à renâcler sérieusement à accomplir ce pour quoi il est au bout de sa main. Une heure plus tard, second rendez-vous, avec l'épaulologue cette fois, pour que ce digne praticien constate à quel point il a bien réparé sa patiente et puisse s'adresser un satisfecit amplement mérité. Après quoi, rentrés ici, nous n'aurons pas volé la solide vodka-orange que nous prendrons sur la terrasse, si le temps veut bien se faire le complice de la soif.


Lundi 27 juin

Cinq heures vingt. – Eh bien, ma foi, cet après-midi, qui devait en principe osciller entre le pénible et le cauchemardesque, s'est finalement plutôt bien passé ; en tout cas, il n'aurait pu se passer mieux. Nous sommes arrivés à la clinique (comme d'habitude, avec ma fichue hantise du retard) à deux heures pour notre premier rendez-vous, celui de deux heures et demie. Léger effarement, en voyant surgir le pouçologue dans la salle d'attente, venu chercher le patient nous précédant : « Mais il a seize ans ou quoi ? », me murmura Catherine, qui a la curieuse habitude de repérer des “faux docteurs” un peu partout. Le fait est qu'il paraissait vraiment très jeune, effet accentué bien entendu par notre propre décrépitude en marche. Mais enfin, il était à l'heure ; il fut statué que, pour les mois qui viennent, une simple infiltration serait suffisante. Après consultation du GLRV (Grand Livre des Rendez-Vous), il fut même décidé qu'elle aurait lieu séance tenante : à cette fin, on m'expédia sans ménagement à la pharmacie d'en face pour y faire emplette du produit à injecter. Quand j'en revins, Catherine m'apprit, avec des airs de conspiratrice honteuse, que la secrétaire (pardon : l'assistante) de l'épaulologue venait de faire passer son dossier sur le dessus de la pile, « pour pas que vous perdiez toute votre après-midi ici ». C'était fort aimable à elle, mais Catherine en concevait une certaine gêne, vis-à-vis des patients qui allaient, à cause d'elle, devoir l'être encore davantage, patients. En mon for intérieur, et avec une mauvaise foi que j'admirai moi-même, je parvins de mon côté à me persuader que, habitués aux retards homériques de l'épaulologue, ces braves gens ne s'apercevraient même pas qu'une personne leur était subrepticement passée devant. De fait, il n'y eut aucune vague de révolte lorsque, à trois heures vingt-cinq, le Dr D. nous manda dans son enclos de consultation. Il y trouva, après lui avoir agité le bras dans tous les sens permis par son articulation, que l'épaule de Catherine allait fort bien : nous ne lui en demandions pas davantage ; et, à quatre heures moins dix, nous récupérions Liselotte dans son parking souterrain pour rentrer ici sans le moindre encombre. De plus, dans l'intervalle, il s'était mis à faire beau.


Mardi 28 juin

Cinq heures. – Fini tout à l'heure Les Sous-Ensembles flous et j'ai bien regretté de n'avoir pas encore reçu les autres livres de Laurent que j'ai commandés il y a quelques jours : quand un auteur me séduit, et c'est le cas, j'aime bien prolonger le temps que je passe en sa compagnie, et le faire sans solution de continuité. Il y a une heure, parce que je venais de rencontrer son nom dans le roman de Jacques Laurent, précisément, j'ai commandé un livre de VS Naipaul, L'Énigme de l'arrivée. J'ai déjà lu un roman de lui, il y a très longtemps : c'était à l'époque où je co-animais une émission “littéraire” hebdomadaire sur la défunte Radio 7 (émission d'une demi-heure qu'en réalité j'écrivais tout seul, mais pour deux voix, mon compère, Luc Évrard, ayant été entretemps nommé rédacteur en chef de ladite radio et n'ayant plus le loisir de s'en occuper). Bref, c'était en 1981. Je ne m'en rappelle rien, pas même le titre, sinon que je l'avais aimé. On verra avec celui qui va arriver.

– Ma sœur et son mari sont dans les affres depuis deux jours. Alors qu'ils promenaient leur chien (de nature à la fois craintive et fuyarde) dans les rues d'Ermenouville où ils habitent, celui-ci s'est fait sauvagement attaqué par un dalmatien (un chien, pas un habitant de la Dalmatie…) du village. Sa cuisse sévèrement blessée ne l'a pas empêché de disparaître dans la nature (et ça court très vite, un lévrier…). Depuis, ils le cherchent en vain, recherche compliquée par le fait que l'animal ne répond ni ne revient quand ses maîtres l'appellent. Le dalmatien appartenant au fils du maire, qu'Isabelle et Olivier connaissent bien, l'édile, se sentant peut-être un peu morveux, a lancé l'alerte auprès des maires de toutes les communes alentour ; de plus, un fermier a fait la même chose pour les fermes environnantes, tandis qu'un villageois nanti d'un chien “renifleur” fait un tour avec lui plusieurs fois par jour, par les voies et les chemins. Malgré ce branle-bas de combat, toujours aucune trace de la bête.


Jeudi 30 juin

Sept heures et quart. – La journée fut à la fois agitée et calme. Agitée en raison du vacarme produit par le jardinier armé de son taille-haie ; et calme parce que, mes Puissances tutélaires m''ayant oublié, je n'ai eu aucun travail à fournir et ai pu me consacrer entièrement à la lecture : Baudouin de Bodinat et François Taillandier alternativement – j'ai d'ailleurs terminé les deux. Ah ! et j'ai failli oublier le mince Paul et Jean-Paul, de  Jaques Laurent, reçu ce matin : court texte (une cinquantaine de pages), dans lequel il établit de réjouissants parallèles entre Paul Bourget et Jean-Paul Sartre, dans le but évident de “flinguer” le second, qui le mérite amplement.

Sinon, je me suis également fait traiter d'ordure fasciste par une carne communiste quasi centenaire (je suppose), sur le blog de Sarkofrance, qui est fréquenté quotidiennement par une jolie brochette de staliniens momifiés, parce que j'avais osé dire que je trouvais Jean Ferrat “puant”, pour son disque de 1967, à la gloire de la dictature castriste. Voilà donc des gens qui trouvent “nauséabond” tout ce qui s'écarte un tant soit peu de ce qu'ils ont décrété qu'il fallait penser sur les hommes et le monde, et qui s'offusquent pour un pauvre petit “puant” ; lequel, il est vrai, venant de moi, émanait donc du camp du Mal, du côté obscur de la force…

Demain après-midi, notre peintre viendra raccrocher les volets de la Case, qu'il a fini tout à l'heure de repeindre (dans un assez joli vert foncé, choisi par Catherine). Nous allons donc commencer le mois prochain avec, sous les yeux, une petite maison tout ce qu'il y aura de pimpant.

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