lundi 27 février 2012

Janvier 2012











LA TENTATION DE CHANTILLY











Dimanche 1er janvier

Midi. – À la fois changement de mois et début d'année : le calendrier me gâte. Notre réveillon d'hier fut donc tout à fait conforme à ce que nous avions prévu qu'il serait, à savoir exactement semblable à une soirée de modèle courant. Comme Catherine tenait absolument – son côté gamin – à ce que nous nous souhaitions la bonne année à minuit précise, nous avons passé les dernières minutes de 2011 à voguer d'une chaîne “généraliste” à l'autre : je ne sais pas si c'est effectivement moi qui deviens de plus en plus grincheux et bougon, comme Catherine me l'a suggéré, mais il me semble que ces programmes du 31 décembre s'adressent de plus en plus à des débiles profonds, des modernœuds au carré, voire au cube. Et puis, tout de même, terminer une année sur la gueule du dénommé Arthur, ça vous a un petit côté déprimant…

– L'arrêt du tabac, programmé pour dimanche prochain, se rapproche dangereusement. Je n'ai aucune envie de m'infliger cela, ce qui n'est pas la meilleure disposition d'esprit pour y parvenir.

Sept heures et quart. – La journée fut aussi productive que les deux précédentes, c'est-à-dire que je n'ai rien fait hormis lire, tantôt Le Livre noir du communisme, tantôt Pays d'Ouche de La Varende. Et je me suis pris à songer, tout à l'heure, qu'il ne me restait plus que deux jours avant de replonger dans la fosse, en outre avec ce costume tout neuf de rédacteur. Non que cela m'impressionne particulièrement, d'ailleurs, mais enfin, je suis depuis toujours tellement réfractaire à tout changement, et de plus en plus en vieillissant, naturellement, que ces nouvelles petites habitudes que je vais bien devoir me façonner m'accablent déjà de leur proximité.

– Catherine, qui avait l'impression que mon journal devenait plus court au fil des mois, Catherine s'est trompée. Je viens de faire le compte : 905 000 signes pour 2011 contre 920 en 2010 ; égalité presque rigoureuse.

– Je dois absolument penser, demain aux alentours de midi, à appeler Olivier Lejeune afin qu'il me balance trois phrases sur Maria Pacôme, de façon à ce que je puisse me débarrasser de ce troisième mini-article (3000 signes) pour FD que je traîne depuis bientôt trois semaines. En fait, j'aurais largement assez de “matière” pour me passer de lui et éviter de le déranger, mais puisque, pour les lecteurs, il est censé être le maître d'œuvre de l'opération, autant faire les choses correctement.

– Étant tombé sur un court extrait cet après-midi, dans le Livre noir, j'ai envie, depuis quelques heures, de relire Vie et Destin de Vassili Grossman. Je vais essayer de résister parce que, tout de même, il s'agit d'un roman de près de mille pages, que j'ai déjà lu deux fois. Si l'envie persiste ces prochains jours, je commencerai par relire l'introduction ou la préface ou l'avant-propos de Tartempion : parfois cela suffit à dissiper plus ou moins le désir brutal que j'ai éprouvé de l'œuvre en un certain moment donné.


Lundi 2 janvier

Sept heures vingt. – Je viens de trouver dans ma boitamel la documentation nécessaire à un troisième article pour Enquêtes, preuve que je me suis une fois de plus “fait des idées” (comme dirait ma mère) pour rien. Je peux bien l'avouer maintenant : j'aurais été tout de même assez froissé – non, pas froissé ; plutôt… blessé, mais uniquement dans mon amour-propre – si Rochechouart avait mis fin à cette collaboration à peine esquissée. Non pour des raisons financières, bien entendu, même si ça entre en ligne de compte, mais parce qu'il aurait bien fallu, alors, que je me résolve à admettre que je ne m'étais pas montré à la hauteur de ce qu'on espérait de moi – ce dont j'ai finalement horreur, en quelque domaine que ce soit. En attendant, me voilà coincé ici toute la journée de demain, et il faudra que Catherine aille promener sans moi Adrien et son amie Chihiro, c'est-à-dire, en pratique, conduire la voiture, ce qui ne va guère l'amuser lorsque je vais le lui annoncer, d'ici une heure.

– Je n'ai pas failli à la tradition du 2 janvier – mais heureusement que Catherine m'a rappelé à l'ordre… – en téléphonant tout à l'heure à ma mère pour lui souhaiter tout à la fois une excellente année et un bon anniversaire : elle a 78 ans aujourd'hui. Mais non, qu'est-ce que je raconte ? 79 ! Et mon père en aura 80 le 10 septembre prochain. Et pendant ce temps-là, la grand-mère était toujours vivante – 102 ans en mars.

– Je suis très heureux de la visite demain soir d'Adrien, dont je crois avoir déjà dit ici que je l'aimais beaucoup, pour diverses raisons. D'abord pour le plaisir simple de le voir, ensuite par curiosité de découvrir son exotique camarade de jeux, et enfin parce que c'est l'occasion rêvée pour une sorte de réveillon différé : tout ou presque est déjà prêt pour cela. S'y ajoutera, sur les coups de cinq ou six heures, la satisfaction d'avoir mené mon article à bien (ou à pas trop mal…) et d'avoir dûment gagné l'argent que nous dépenserons juste après en boissons diverses et dispendieuses (le champagne que Catherine trouve “très bon” me coûte un demi-bras à chaque bouteille, et mon chablis de prédilection n'est pas donné non plus). C'est sans doute en pensant à moi qu'un lointain anonyme a inventé l'expression “argent liquide”, pas possible autrement.

– Cet après-midi, Catherine m'a traîné à Évreux – façon de parler puisque je conduisais – afin de l'aider à choisir sa nouvelle monture de lunettes (et de nouveau je m'ébahis de ce mystère qui fait qu'une monture peut donner naissance à une paire de lunettes…). L'affaire a évidemment pris un temps infini, mais enfin elle est faite – et la monture retenue ne manque pas d'une certaine élégance. Je me demande si ce n'est pas pour me récompenser de cette abnégation dont j'ai sut faire preuve que, tout à l'heure, consultant en même temps que moi le programme de télévision du jour, elle a presque spontanément proposé que nous regardions le film de Sam Raimi, alors qu'elle n'aime pas beaucoup (litote) les films d'horreur. J'espère au moins qu'il s'agit d'un bon, sinon je vais me sentir un peu embarrassé de son choix.


Mercredi 4 janvier

Midi et demie. – Retour à FD après deux semaines de vacances, et prise de mes nouvelles fonctions de rédacteur – lesquelles, pour l'instant, se traduisent par une absence totale de travail, ce qui ne me change guère.

– J'ai passé hier l'essentiel de l'après-midi à écrire un troisième article pour Enquêtes. Rochechouart avait évalué l'affaire à 8000 signes maximum, je lui en ai envoyé près de 13 000, ce qui est parfaitement stupide, dans la mesure où à la peine que j'ai prise pour écrire ce considérable supplément va s'ajouter celle que va s'infliger la personne qui devra s'occuper de ramener mon article à des proportions  plus raisonnables.

– Ensuite, soirée très agréable en compagnie d'Adrien et de son amie Chihiro, qui fort heureusement se débrouille très bien en français – et qui est charmante à tous points de vue, ce qui n'a rien gâté. Évidemment, nous avons fait honneur au champagne et au chablis qui se trouvaient là, si bien que j'avais ce matin envie de tout sauf de venir m'enfermer ici, à Levallois. Mais, de toute façon, il fallait que je ramène les deux Franco-Japonais jusqu'au métro. Ils doivent passer deux jours à Paris, avant de partir pour Amsterdam où ils ne resteront pas plus longtemps. Après, retour vers Tokyo.

Quatre heures et demie. – A priori, ma nouvelle vie professionnelle devrait être assez tranquille, si j'en juge par ce que m'a exposé Philippe B. ce matin. Certes, le mardi sera une journée complète, et le mercredi je devrai y être dès neuf heures, ce qui risque de poser quelques problèmes de circulation routière. Mais, ce même mercredi, je serai libre dès deux heures de l'après-midi, heure limite de bouclage. De fait, aujourd'hui, je suis reparti de Levallois à une heure et demie, lesté de trois feuillets à écrire sur Renaud – travail qui fut terminé et expédié par mail à quatre heures. Quant aux jeudi et vendredi, je pense que je ne passerai guère plus de deux heures chaque jour à la rédaction, le temps de prendre livraison du travail à fournir pour le lendemain. C'est là que je regrette un peu d'habiter si loin…

– Aucune nouvelle de Rochechouart ni de mon papier-fleuve…


Jeudi 5 janvier

Cinq heures et demie. – Je sens que ma nouvelle vie à FD va me plaire. Comme je le prévoyais hier, je ne me suis pas attardé à la rédaction aujourd'hui : arrivé à dix heures et quart, j'en suis reparti à midi moins le quart, lesté du livre de Claude Fléouter sur Renaud, que Philippe B m'a demandé de parcourir pour voir s'il y avait moyen d'en sortir quelque chose. Le livre est une daube prétentieuse et vaine, mais il renferme tout de même une anecdote amusante : c'est la tante du chanteur qui a mis au monde Mazarine Pingeot, en sa double qualité d'obstétricienne et d'amie personnelle de la mère. J'ai donc proposé de faire 4500 signes sur les relations particulières entre Renaud et François Mitterrand, qui sont assez amusantes. Il m'a répondu que je pouvais y aller et que cela constituerait mon travail de demain, vendredi. Ce qui signifie que je suis dispensé d'aller à Levallois.

– Pendant ce temps, je recevais les louanges de François Rochechouart pour mon article d'avant-hier, qu'il a lui-même ramené de 13 à 10 000 signes, sans trop de peine apparemment. Bref, l'aventure continue de ce côté-là.

– Comme Catherine et moi arrêtons de fumer samedi, nous avons décidé de nous autoriser un dernier apéritif ce soir. Elle va terminer la bouteille de champagne entamée hier, et moi la bouteille de Ricard, dans laquelle il ne reste pas suffisamment de liquide pour me “mettre minable”. Ensuite, soirée télé à l'aveugle, puisque cet abruti d'Elstir a entièrement déchiqueté le magazine des programmes ce matin. Ce qui est plutôt mieux que d'avoir fait subir le même sort à la télécommande, comme il s'y est adonné il y a encore quatre ou cinq jours.


Vendredi 6 janvier

Sept heures vingt. – Comme prévu (et annoncé), je n'ai pas bougé de la maison aujourd'hui. J'ai simplement passé une heure à expédier mes trois feuillets sur Renaud et Mazarine P., travail que j'ai aussitôt envoyé à qui de droit.

– J'ai aussi terminé Mon chien Stupide : roman drôle, agréable, divertissant, avec quelques effets de noirceur plutôt réussis, mais enfin rien qui me donne envie de me précipiter sur les autres livres de Fante. En fait, je crois que mon jugement d'il y a trente ans était le bon ; en tout cas, disons qu'il me convient toujours trente ans après.

– Dernière soirée, donc, que je puis passer devant cet écran avec une cigarette à la main droite : les quelques jours qui viennent m'accablent par avance. Je suis dans cette situation paradoxale où fumer m'énerve de plus en plus mais sans que cela entraîne en moi la plus petite envie d'arrêter – je veux dire : de faire l'effort nécessaire à l'arrêt. C'est mal parti, quoi.


Samedi 7 janvier

Sept heures vingt. – Journée grisâtre et mornounette, du fait de l'arrêt du tabac. Arrêt qui, en plus, n'en était pas tout à fait un puisque je n'ai pu m'empêcher, hier, de me constituer une petite réserve de trois cigarettes afin d'amortir le choc. J'en ai fumé deux ce matin, durant l'absence de Catherine, et me conserve l'ultime pour demain, lorsqu'elle sera à la messe. Je dis “pour amortir le choc”, mais c'est franchement stupide, car le choc, je le sais bien, ne sera pas moins rude à compter de demain midi ; il aura simplement été retardé.

– Je n'ai vraiment pas hâte de devoir me colleter avec les prochains dix mille signes que Rochechouart me demandera d'écrire pour lui, sans le secours de la cigarette.  Bon, cela étant, à partir du moment où c'est sans tabac, je n'ai hâte à rien – sauf peut-être à aller me coucher, mais je n'ai même pas sommeil.

Mieux vaut s'interrompre ici, je deviens pathétique.


Dimanche 8 janvier

Huit heures. – Écrit ceci sur le blog-mère :

D'abord on se dit : « Tiens, ça serait peut-être bien de faire un nouveau billet… » 
Et aussitôt on se répond :  « Pour quoi dire ? Et à qui ? »
Alors on écoute le silence pendant un moment assez long, puis on fait une nouvelle tentative : « Bon, on pourrait au moins gratter un peu de journal, non ? »
La réponse arrive tout aussi vite, mais sur un ton légèrement impatient : « Pourquoi ? T'as quelque chose à raconter ? Tu te sens en veine de brillance ? »
On s'avoue que non, en effet, par particulièrement. D'un autre côté, poussé par cet automatisme qu'ont en commun les presque vieillards et les débiles mentaux, puisque on est venu jusqu'à cet écran et ce clavier, on suggère timidement que, peut-être, tout de même…
La voix qu'on ose à peine qualifier d'intérieure se fait sarcasmeuse ; elle crache, comme un brin de tabac qu'on expulse de l'entre-dents : « Eh bien, vas-y, alors ! dégoupille ! »
On tire sur le petit anneau de la grenade, mais c'est l'index qui se détache de la main – et rien ne se passe, en tout cas de l'ordre de l'explosion.
« J'ai l'impression que l'opus major est remis à une date ultérieure ! », rocaille la voix qui, à présent, s'échappe obliquement par les naseaux tels deux jets de fumée tiède.
On sait bien ce qu'elle grille d'envie de dire, on attend le retour de flamme. Mais elle est trop sûre de son coup pour donner dans le panneau aussi vite : ce ne sont pas les cartouches qui lui manquent, elle nous tient à la gorge.
Finalement elle choisit un angle de tir imprévu : « Allez, redresse-toi, vois les choses du bon côté ! Voilà presque quarante-huit heures que tu résistes, tu as fait le plus dur. Crois-en ma vieille expérience : dans six petits mois on en rira ensemble… »
Et l'ordinateur se met en veille, lui aussi, sans que que l'on ait touché à rien.

Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter. Je ne sais ce que va durer cette apathie a-tabagique, pas trop longtemps j'espère. Par curiosité, il faudrait que j'aille voir quelle allure avait ce journal dans les jours qui ont suivi le 20 décembre 2010, jour du premier arrêt. Mais même cette curiosité, je ne l'ai pas.

Par chance, mon humeur morne ne m'a pas empêché de lire, bien que je sois plongé dans un livre… 

Et merde, je n'arrive même pas à dérouler une phrase qui tienne debout. On ferme.


Lundi 9 janvier

Sept heures et demie. – Je sens que ce journal de janvier va être vite lu.

– Je viens d'expédier un mail à l'assistante de GdV pour lui signifier que je ne signerai mon nouveau contrat que lorsque nos comptes auront été apurés, c'est-à-dire lorsque m'auront été versés les 6800 euros qui me sont dus – somme dont je suis persuadé que la société ne disposera pas au 15 janvier. Ce qui signifie que le bras de fer final est bel et bien engagé et que je vais très certainement y laisser des plumes pécuniaires. Mais il est hors de question que je cède une fois de plus. Et ce n'est pas le manque de tabac qui va me pousser à la mansuétude.


Mardi 10 janvier

Cinq heures et quart. – Ma première journée de bouclage en tant que rédacteur s'est passée au mieux. Je suis sottement arrivé à Levallois à dix heures, ainsi qu'il m'avait été demandé. Je dis “sottement” car, à cette heure pourtant plus tellement matinale, n'étaient présents que le directeur de la rédaction et le chef des informations : tous les autres services étaient déserts. Ensuite, le “point” entre les chefs de services s'étant déroulé de dix heures et quart à onze heures moins le quart ou moins dix, ce n'est pas avant onze heures que j'ai enfin eu mon travail de la journée. Lequel travail a été terminé à une heure et demie. Comme mon autorité de tutelle m'a expliqué que les rédacteurs n'étaient nullement tenus de demeurer intra muros une fois leur tâche accomplie, j'étais de retour à la maison à quatre heures et quart. Ce fut pour y recevoir un appel téléphonique de Gabriel, le chef des informations déjà évoqué, me demandant si je pouvais être là demain dès huit heures et demie : le papier que j'ai écrit ce matin, concernant Carla Bruni et les démêlés financiers de sa fondation, ayant été jugé trop “délicat” (le sujet, et non le traitement que je lui ai fait subir), il “saute” et doit par conséquent être remplacé demain par un autre – qu'il envisage de me confier, donc. Toujours est-il que, quittant le bureau du rewriting à trois heures, j'étais tout de même un peu gêné vis-à-vis des quatre filles qui, elles, n'avaient pas encore commencé de travailler. Je suppose que je vais me faire à cela dans les semaines à venir… Et puis, avec un tout petit peu de mauvaise foi, je me suis rasséréné en me disant que, au moins, elles n'auraient aucun travail (ou juste une petite mise à la longueur demandée par la maquette) à faire sur mon article. Sauf que l'article en question disparaît finalement.

– Côté BM, les dés ont été jetés et ils doivent rouler encore, dans la mesure où je n'ai reçu aucune réponse de Nancy, la comptable de GdV. Voici le mail que je lui ai envoyé hier soir et dont elle a dû prendre connaissance ce matin (à moins qu'elle ne soit en congés ou malade) :

Chère Nancy,

voilà donc où nous en sommes. Il y a maintenant trois mois que la G.... ne m'a pas versé le moindre centime, ce qui, si j'ai bonne mémoire, ne s'était encore jamais produit, alors même qu'elle me doit quelque chose comme 6800 euros. C'est la raison pour laquelle je n'ai encore pas renvoyé à Mme M. les contrats correspondant au BM 334, que je suis censé écrire et rendre au 15 février : il ne me semble pas sain de continuer à travailler pour une entreprise qui se trouve de facto en cessation de paiement, et donc d'accroître ce faisant sa dette à mon égard.

Par conséquent, il va devenir nettement indispensable de me prouver de manière concrète que les éditions Vauvenargues existent toujours, c'est-à-dire en m'envoyant l'argent qui m'est dû au 15 janvier, que cet argent provienne de la “traite” ou de toute autre source. Car je ne signerai mon nouveau contrat que lorsque la situation sera assainie entre la G.... et moi. Et, à ce moment-là, ferai en sorte que le nouveau BM soit chez Mme M. à la date prévue par le contrat en question.

Il va sans dire que ces mesures que je me vois bien malgré moi contraint de prendre ne sont en rien dirigées contre vous, à qui je conserve toute mon estime et ma sympathie. Mais disons que j'ai un peu passé l'âge de travailler pour la beauté de l'art…

Je vous souhaite, néanmoins, une excellente année 2012, à vous et à ceux qui vous sont proches.

Didier Goux

Je suppose que je devrais tout de même avoir droit à une réaction quelconque dans les jours à venir. Ne serait-ce que pour me dire qu'il ne faut pas que je compte sur le moindre centime encore ce mois-ci. Réponse qui me ferait presque plaisir – même si elle rendrait beaucoup plus délicat le paiement de ce qui m'est dû –, dans la mesure où je pourrais alors décider fermement et définitivement d'abandonner la série.

– Pas de nouvelles non plus de M. Rochechouart, concernant un éventuel article pour Enquêtes. Mais enfin, dans la mesure où je semble bien parti pour disposer désormais de toutes mes après-midi ou presque, cela n'a pas trop d'importance.

Sept heures et quart. – La privation de tabac peut avoir des effets bien déroutants. Tout à l'heure, peu avant six heures, j'ai quitté ce bureau pour aller nourrir les chiens, comme il m'appartient de le faire lorsque je suis à la maison à six heures du soir. Après quoi, je me suis rapatrié à la maison, comptant lire une heure (le Saint François d'Assise de Chesterton) tranquillement avant le dîner. En fait de tranquillité, je suis tombé au beau milieu de la crise d'énervement qui venait d'empoigner Catherine, laquelle crise a immédiatement polarisé sur ma tête, telle la limaille de fer sur celle du pauvre aimant. En l'espace de trois minutes, elle a trouvé le moyen de s'en prendre deux fois à moi, sur un ton agressif et pour des motifs de haute futilité (la première fois, sa colère a été motivée par le fait que j'avais passé “un temps infini” à me laver les mains et qu'elle a cru que je “ne ressortirais jamais de la salle de bain”…) Comprenant parfaitement de quoi il s'agissait, et pour stopper net à un début d'énervement de ma part, je me suis aussitôt réfugié dans la Case. Et lorsque je suis retourné à la maison, une vingtaine de minutes ensuite, la crise était non seulement passée mais dûment identifiée comme telle par Catherine.


Mercredi 11 janvier

Sept heures et quart. – Il y avait assez longtemps que je n'étais pas sorti du lit à six heures et demie du matin. C'est ce qui m'est arrivé aujourd'hui, parce qu'il me fallait être à FD à huit heures et demie, pour cause de bouclage et parce que j'étais en charge de l'article de “une”. Comme je n'avais encore jamais pratiqué les autoroutes A13 et A14 à une telle heure, je suis parti très en avance ; tellement que je suis arrivé à huit heures au lieu de la demie. À l'heure initialement prévue, Philppe B. et Anthony sont venus me voir afin de me donner plus ou moins l'angle qu'ils envisageaient pour le papier (qui concernait Sophie Davant mais c'est sans importance ni intérêt). Ma seule question fut la même que d'ordinaire : « Quelle longueur vous voulez ? » Réponse de B. : « Trois feuillets. » Je m'y suis mis à neuf heures moins vingt et, à neuf heures et demie, les trois feuillets étaient dans les boitamels des diverses instances dirigeantes. Je crois avoir frappé un grand coup, mais sans même l'avoir cherché. Il se trouve que l'article était fort simple à écrire et que, Brice n'étant pas encore arrivé, il régnait dans le bureau une qualité de silence très propice au travail efficace et rapide.

Puisqu'on parle de lui, lorsque Brice est arrivé, peu avant dix heures, il a trouvé dans sa propre messagerie un mail de Philippe B. l'informant que le papier de une était d'ores et déjà disponible. Et B. d'ajouter une phrase dont je n'ai pas retenu les termes exacts, mais qui disait assez précisément ceci – bien entendu sur le mode humoristique : « Le problème est maintenant de trouver une vingtaine de feuillets à écrire afin d'occuper Didier jusqu'au déjeuner. » De fait, j'ai eu tendance, après cela, et la sottise des blogs passant désormais toute mesure, à trouver le temps assez long jusqu'à deux heures, moment où j'ai tiré ma révérence pour regagner mon doux logis.

– Logis où m'attendait un mail fort gentil (mais très prudent) de Nancy, me disant que GdV devait passer à son bureau vendredi et que, par conséquent, elle me donnerait des nouvelles financières juste après. De toute façon, je m'en fous de plus en plus, et un peu davantage chaque jour : à propos de ce mini-pactole qui m'est dû, j'ai largement entamé mon – comme disent les abrutis du jour – travail de deuil.

En revanche, ne m'y attendait aucun travail en provenant de M. Rochechouart. Mais, comme je le faisais remarquer à Catherine qui semblait s'en inquiéter, il n'a jamais été question qu'il me donne à écrire un article par semaine obligatoirement.


Vendredi 13 janvier

Onze heures du matin. – Dans la mesure où j'ai, hier, récupéré deux articles à écrire, l'un sur DSK/Anne Sinclair et l'autre sur l'héritage Trenet, je suis dispensé aujourd'hui de faire l'aller-retour à Levallois, ce qui évidemment m'arrange bien – et encore plus Catherine qui avait besoin de la voiture ce matin. Décidément, ma présente existence à FD me convient tout à fait, et d'autant plus que j'ai signé mon nouveau contrat hier matin, ou plus exactement un “avenant” à l'ancien. Ce qui l'est particulièrement, avenant, c'est mon nouveau salaire, puisque je bondis de 2950 à 4550 euros, pour une seule journée hebdomadaire de plus. Or, depuis deux semaines que l'affaire s'est mise en place, je n'y suis pas encore allé un seul vendredi. Quant aux autres jours, je ne suis jamais parti plus tard que deux heures de l'après-midi, pour venir benoitement m'acquitter de mon boulot ici, dans la Case, parfaitement au calme.

– Cette double satisfaction – contrat signé + dispense pour aujourd'hui – a fait que je me suis octroyé hier un apéritif plutôt généreux. Et j'ai été ravi de constater que le fait de ne pas fumer en buvant ne me manquait absolument pas. Il n'en va pas de même pour Catherine, qui a préféré se passer d'apéritif plutôt que devoir affronter le manque de tabac.

– Et en plus il fait beau.

Sept heures et demie. – Lorsqu'il est arrivé, il y a trois ou quatre jours, Catherine s'est précipitée sur le livre de Jean Staune, Notre existence a-t-elle un sens ?, et depuis elle s'en délecte. Je suis quant à moi plongé dans des lectures plus théologiques : les deux livres de Mgr Léonard : Les Raisons de croire et Foi et philosophies, commencé hier. Ils faisaient suite au petit livre de Chesterton sur saint François d'Assise (qui m'a semblé moins réussi que celui du même consacré à saint Thomas d'Aquin), et en attendant un recueil de pensées de Hans Urs von Balthasar, qui doit arriver lundi ou mardi prochain. Au milieu de tout cela, quelques dizaines de pages de Pascal entrelardées.

– J'ai reculé devant l'obstacle cet après-midi, et n'ai écrit qu'environ mille signes sur Charles Trenet, au lieu des cinq mille que l'on espère de moi. Je sais très bien pourquoi : FD n'attendant cet article que pour lundi matin, j'ai encore deux jours pour le faire…

– Aucune nouvelle de Nancy, qui devait pourtant voir GdV aujourd'hui. Son silence doit sans doute signifier qu'il n'y aura aucun argent à attendre ce mois de ce côté-là. Auquel cas, il n'y aura pas de BM non plus au 15 février – la rupture me semble pratiquement consommée.

– Malgré les chimios régulières, les tumeurs pulmonaires de mon père semblent avoir recommencé de croître, même si c'est “discrètement”. Je suis peu optimiste. C'est-à-dire que je ne l'ai jamais été, et que j'ai l'impression, aujourd'hui, que le cours de la maladie me donne de plus en plus raison.


Samedi 14 janvier

Sept heures vingt. – L'article sur l'héritage Trenet a été écrit et envoyé cet après-midi, me voilà donc sans travail pour les deux jours à venir. Je pourrais toujours, bien sûr, ajouter quelques pages de BM aux 90 qui sont déjà écrites. Mais je suis tellement peu sûr de le rendre, celui-là, que ça ne vaut même pas le coup de s'y remettre. Enfin, pas avant d'être certain de devoir le mener à terme, veux-je dire.

– Comme à chaque fois, la lecture de la Nouvelle Revue d'Histoire (Janvier-février) m'a poussé à des dépenses qui, pour n'être pas inconsidérées, ne m'en ont pas moins valu un regard sévèrement réprobateur de la part de Catherine. J'attends donc le livre de Pierre Boutang sur Maurras, celui de Dominique Venner sur la Collaboration et un troisième consacré au Grand Condé, écrit par une historienne dont le nom m'échappe pour le moment (Simone quelque chose…).


Dimanche 15 janvier

Cinq heures. – Comme Catherine a déniché une émission, sur je ne sais quelle chaîne, consacrée aux trous noirs, qu'il m'intéresse de la voir et qu'elle est programmée à sept heures vingt, j'ai dit à cette même Catherine que j'allais m'occuper de ce journal dès maintenant, puisque je n'aurais pas le loisir de le faire juste après le dîner, comme d'ordinaire. Est-ce l'heure inhabituelle ? Le fait que je sortais tout juste d'une sieste impromptue ? Toujours est-il qu'une fois assis devant cet écran et ce clavier, il a bien fallu que je me rende à l'évidence : je n'ai strictement rien à noter ici. Non seulement rien d'intéressant, mais même rien de rien. Il est vrai que cette journée a été particulièrement étale, même si pas du tout désagréable, loin de là. En fait, à part divers petits travaux ménagers ce matin, je n'ai fait à peu près que poursuivre ma lecture du livre d'André Léonard, Foi et philosophies – livre somme toute assez ardu, pour quelqu'un comme moi dont la culture philosophique est proche du zéro absolu.

– Pour l'essentiel, les blogs que je parcours d'habitude ne sont désormais plus occupés que de la campagne électorale, ce qui fait que je ne les lis plus – même celui de Nicolas, qui devient presque aussi bête et morne que les autres. Et je me demande si mon profond désintérêt vient de mon avancée en âge ou si vraiment il se trouve que cette campagne-ci est totalement déconnectée du réel, des enjeux, des menaces, etc., comme je crois qu'elle est. Se préoccuper du mariage dit “gay” ou même du quotient familial dans le calcul de l'impôt sur le revenu revient à proposer de repeindre les bouées de sauvetage lorsqu'on est embarqué sur le Titanic. Et à ne proposer rien d'autre.

– Seule question qui vaille : la situation actuelle va-t-elle déboucher sur une réaction violente, voire sanglante, comme semble le penser Ygor Yanka ? Ou au contraire allons-nous sombrer dans un endormissement encore plus profond, tel qu'il faudra bien finir par se résoudre à l'appeler coma ?


Lundi 16 janvier

Sept heures dix. – Dîner de plus en plus rapide. Il est vrai qu'une assiettée de soupe aux légumes, ça s'avale en moins de temps qu'il n'en faut à un socialiste pour imaginer une nouvelle taxe.

– Alors qu'il se languissait sur ma petite desserte livresque depuis près d'un an, je viens de lire en un peu plus de deux heures un court roman que Dame Crevette nous avait conseillé et que Catherine a lu il y a déjà plusieurs mois : Niki, de Tibor Déry (Déry Tibor, en hongrois…), l'histoire d'un chien adopté par un couple dont le fils est mort sur le front russe, dans la Hongrie des années 1948-1955. L'histoire du chien, ce qu'il ressent, ses rapports avec ses maîtres, ses plaisirs, etc., tout cela est fort judicieusement vu et exprimé. Mais, bien sûr, ce n'est que prétexte à montrer ce qui se joue dans la Hongrie de ce temps-là, lorsque le monde devient aussi indéchiffrable aux humains qu'il ne l'a toujours été pour les chiens. Du coup, je viens de commander ce qui semble être le roman majeur de cet écrivain, dont j'avoue n'avoir jamais entendu parler avant qu'Axelle ne nous informe de son existence. Le roman en question s'intitule La Phrase inachevée. Aussitôt après Niki, j'ai commencé Stiller, épais roman de Max Frisch, qui, lui aussi, attendait tristement son tour depuis plus d'un an je pense. Lecture excitante, étrange, dès les quinze ou vingt premières pages – les seules que j'ai pu lire avant que la soupe aux légumes ne vienne m'interrompre.

– Confirmation de mon déjeuner de jeudi avec Nicolas et l'Amiral Woland. Ce sera à À table!, comme toujours, puisque je refuse désormais de quitter Levallois à l'heure du déjeuner. Comme Catherine, fort gentiment, s'est proposée pour venir à Paris ce jour-là, je pourrai faire honneur au Sancerre blanc de la maison. Sauf si je devais, l'après-midi, écrire un article pour Enquêtes, auquel cas il me faudrait être raisonnable, voire abstinent.

– Aucune nouvelle de Nancy et, bien entendu, pas davantage de virement d'argent sur mon compte. Cet après-midi, je me disais que, peut-être, GdV a déjà trouvé le moyen de contourner mon petit chantage à la remise de manuscrit et que, donc, il n'a plus la moindre raison de me payer – en tout cas de me payer vite. Du reste, s'il décidait de faire vraiment sa mauvaise tête, je pourrais faire une croix sur les 6800 euros qu'il me doit, car je me vois mal engager un avocat pour une somme aussi petite. Je pourrai toujours me consoler en me disant que de toute façon je ne méritais pas cet argent, puisqu'il correspond à un BM que j'ai presque entièrement recopié d'un ancien numéro. Mais enfin, tout de même…


Mardi 17 janvier

Sept heures et demie. – Finalement, mon déjeuner avec Woland et Nicolas, après-demain, restera sage (en ce qui me concerne), Catherine m'ayant annoncé tout à l'heure qu'elle ne serait pas du voyage contrairement à ce qu'elle avait prévu. Motif : elle a trop envie de jouer avec sa nouvelle machine à coudre pour s'absenter toute une journée de la maison… Du coup, je lui ai annoncé que, pour me récompenser d'avoir été sobre à midi, je m'accorderais très probablement un apéritif le soir.


Mercredi 18 janvier

Sept heures vingt. – Juste après le repas des chiens – six heures –, et alors que rien ne le justifiait, m'est venu l'envie d'un petit apéritif. Je l'ai donc pris. Et en effet petit, compte tenu de ce qu'il restait à boire dans cette maison. Catherine a marqué sa réprobation, en continuant ostensiblement de lire cependant que je sirotais mes deux whisky-coca à un mètre cinquante de son canapé. En fait, j'ai un peu l'impression qu'elle m'en veut d'être capable de boire sans avoir envie de fumer, alors qu'elle non. Et il est vrai que, non seulement ça ne me provoque aucune envie de fumer, mais même l'alcool semble remplacer le tabac – je veux dire que le fait de boire arrive à supprimer les fugitives (mais encore nombreuses) envies de fumer que j'éprouve, à ces heures-là du jour, d'ordinaire.

– Je n'ai rien eu à faire ce matin, à FD, pas plus qu'hier. Ce qui revient à dire que ce bouclage s'est passé absolument sans moi. C'est évidemment idiot, mais cela m'ennuie : l'impression de voler le surcroit d'argent que l'on m'octroie désormais pour être présent ces deux jours. Néanmoins, Philippe B; m'a demandé ce matin de préparer une documentation afin d'écrire une sorte de rétrospective sur près de 40 ans de cérémonies des César, au travers de leurs moments les plus marquants. Je me suis donc attelé à cela, en essayant de trouver une idée pour que l'article en résultant ne ressemble pas trop à un simple inventaire. J'ai évidemment trouvé dans la demi-heure suivante. Cela pourrait s'appeler “La Vie des 37 César”, et suivre en gros l'ordre chronologique, de 1976 à nos jours, mais en découpant la chose en quatre actes, ou plutôt en quatre périodes : naissance, enfance, adolescence, âge adulte ; avec, à l'intérieur de chaque chapitre, des séquences dites d'émotions, d'autres comiques et ce qu'on appellera faute de mieux des “moments forts”. Philippe envisage deux doubles pages, soit environ 12 000 signes, ce qui me convient très bien. Je lui ai dit qu'il me faudrait au moins deux jours pour mener ce travail à bien – sous-entendu : deux jours où on ne me verrait pas à FD. Je sais bien qu'il n'est pas dupe, qu'il sait que je ne mettrai pas deux jours à écrire ça, mais enfin, il joue le jeu.

– Cet après-midi, n'ayant toujours reçu aucune réponse à mon mail d'hier à Nancy, je l'ai appelée au téléphone : personne n'a répondu. J'ai immédiatement appelé la méchante Marie-Thérèse : pas de réponse non plus. Me demandant si la GECEP n'aurait pas mis la clé sous le paillasson sans avertir personne, j'ai composé le numéro de GdV, persuadé de n'avoir pas non plus de réponse de ce côté-là. Eh bien si. Il m'a évidemment affirmé que tout allait rentrer dans l'ordre – le verbe “aller” signifiant, dans ce cas, que rien ne l'était encore, rentré dans l'ordre, et qu'il ne fallait pas que je compte sur le moindre centime avant, au mieux, le mois prochain. Je commençais à lui poser une question subsidiaire lorsqu'il a raccroché, suivant sa bonne vieille habitude.

Le résultat est que je me vois contraint de reporter mon petit chantage au 15 février. C'est-à-dire que je rendrai alors le BM terminé en même temps que les contrats signés, si jamais j'ai obtenu un versement à cette même date. Et sinon, rien. Mais cela implique que je termine le BM en cours, sans être assuré de rien – ce à quoi je me suis résigné. Après tout, il ne s'agit jamais que de recopier plus ou moins le vieux numéro qui me sert de modèle.

Pour résumer, si jamais rien ne m'est versé au 15 février (on en sera alors à cinq mois sans un sou), non seulement je pourrai probablement faire une croix sur les 6800 euros qui me sont dus, mais j'aurai en plus tapé sur cet ordinateur 240 feuillets supplémentaires pour rien.

– En attendant, je suis très content de déjeuner demain avec Nicolas et l'amiral Woland. La curiosité me taraude de savoir quelle alchimie particulière va opérer entre ces deux zouaves.


Jeudi 19 janvier

Cinq heures. – Déjeuner fort agréable avec Nicolas et l'Amiral Woland. J'avais fermement décidé de ne boire que de l'eau, mais j'ai tout de même descendu trois ou quatre verres de sancerre blanc. Ce qui n'était pas suffisant pour faire de moi un danger sur la route, mais largement assez pour devenir un cas intéressant si jamais la police m'avait arrêté. Heureusement, comme il pleuvait, ces messieurs les pandores n'étaient pas de sortie, et comme je roulais à l'allure d'un retraité, ce n'est de toute façon pas moi qu'ils auraient arrêté s'ils avaient tenté une percée hors de leurs divers camps retranchés.

– Pour la troisième semaine consécutive, je suis dispensé de Levallois demain, étant censé écrire mon long article concernant les “temps forts” de la cérémonie des César, de 1976 à nos jours. À propos de cela, je ne sais toujours pas si l'on doit écrire les César (sans accorder parce qu'il s'agit d'un nom propre ; comme on dirait : j'ai acheté trois Picasso) ou bien les césars, avec accord en nombre et sans majuscule initiale. La seule chose dont je suis à peu près certain est qu'on ne peut pas combiner l'accord avec la majuscule.

– Je viens de recevoir un mail de Nancy m'informant, comme je m'y attendais, qu'il n'y a aucun argent à espérer ce mois-ci – pour la quatrième fois consécutive –, mais que GdV et elle espèrent beaucoup de la nouvelle collection (dont j'ignore tout), qui devrait permettre de me payer en février. Ce qui fait que je vais devoir terminer le BM en cours, durant la semaine que j'ai prévue à cet effet, de manière à pouvoir le rendre vers le 15 ou 20 février, si effectivement de l'argent m'a été viré. Et, bien entendu, je ne renverrai pas les contrats signés avant cela. Il est donc possible, sinon probable, que je passe une semaine à travailler pour rien, car si je ne vois pas un sou arriver au 15 février, je n'enverrai pas le livre, et mes rapports avec les éditions Vauvenargues s'arrêteront là.

– À l'issue de notre déjeuner, l'Amiral note sur son blog que Nicolas a un point commun avec Françoise Sagan : leur vitesse d'élocution et leur propension à “bouffer” la moitié de leurs phrases. C'est parfaitement exact. Depuis le temps que je le connais, j'ai plus ou moins appris à deviner ce que dit Nicolas plutôt qu'autre chose.


Vendredi 20 janvier

Sept heures et quart. – Sylvain, de FD, vient de me renvoyer les photos que j'ai récupérées chez mes parents et que je lui avais demandé de me scanner pour pouvoir les utiliser sur l'ordinateur. Il avait fait une première tentative, infructueuse : je n'avais reçu qu'une succession de signes cabalistiques étranges et incompréhensibles, qui s'ouvraient avec “TextEdit” et ne ressemblaient en rien, même avec une extrême indulgence, à des photos. Il m'avait assuré avoir compris pourquoi l'affaire n'avait pas fonctionné, et voilà qu'il me renvoie exactement la même chose. Je commence à éprouver une certaine gêne vis-à-vis de lui : non seulement je le fais travailler, mais en plus à cause de moi, il produit un travail tout à fait foireux.

– Rien fait aujourd'hui, sinon lire une bonne partie (un tiers environ) de la biographie du Grand Condé – passionnante. Demain, je dois appeler Lejeune en fin de matinée. Je pense que j'écrirai le petit texte sur Daniel Auteuil dans la foulée et que, de ce fait, mon long article sur les César sera remis à dimanche. Si bien que ce n'est pas encore ce week-end que je vais me remettre au recopiage du BM en cours. Il est vrai que la motivation fait gravement défaut.


Samedi 21 janvier

Sept heures et demie. – Nicolas me fait remarquer avec une certaine insistance que mon dernier billet, sur le blog-mère, remonte déjà à trois jours. D'abord il exagère, il ne date que de mercredi midi. Mais il est vrai que je sens l'envie s'amenuiser. En tout cas, il n'y a plus cette éruption presque permanente des débuts du blog (il y a cinq ans tout juste), ni même cette belle régularité dans laquelle je m'étais installé au cours des années suivantes.  Mais régularité dans quoi ? Certainement pas dans la qualité des billets en question, ni dans leur originalité, ni… Il y a quelque temps, lorsque l'idée m'a traversé l'esprit que je pourrais faire un “livre blurb” avec le contenu du blog, j'ai commencé à le relire, en le prenant par son origine. J'ai vite abandonné tant l'exercice menaçait de devenir déprimant : moins d'un billet sur vingt ou trente pouvait prétendre, non pas même à un quelconque intérêt, mais juste à être relu sans éprouver des envies de se foutre par la fenêtre. Vanité et vacuité.

Et, telle une gangrène, j'ai l'impression que, depuis un mois ou deux, cette désaffection a commencé de s'étendre à ce journal. Je ne ressens plus la moindre excitation à y venir, le soir, c'est en train de devenir une sorte de devoir, à quoi je m'astreins pour je ne sais quelle raison, mais sans aucun plaisir décelable. De fait, comme j'écris sans goût ni désir, on remarquera que les entrées quotidiennes sont de plus en plus courtes, qu'elles se restreignent aux micro-événements de la journée écoulée sans plus jamais tenter d'élargir un peu le cercle.

– À propos de petites choses sans intérêt, j'ai enfin réussi à joindre Olivier Lejeune ce matin, pour qu'il me délivre deux ou trois anecdotes sur Daniel Auteuil. Comme je lui demandais s'ils avaient déjà joué ensemble, il m'a d'abord fait cette réponse un peu surprenante : « Oui et non… » Ce qu'il voulait dire c'est qu'ils n'ont jamais partagé la moindre affiche au théâtre, ni d'ailleurs au cinéma. En revanche, au tout début des années 80, Auteuil était plus ou moins un habitué de ce que Lejeune appelle ses “soirées tripot”. Là encore, incompréhension de ma part. il m'explique : Ayant gagné pas mal d'argent assez rapidement, à la fin de la décennie précédente (avec un disque, si j'ai bien compris) et ayant tout reperdu presque instantanément autour des tables de jeu, il s'était résolu à se faire interdire de casino. Seulement, comme ça lui manquait, et comme il vivait alors dans un très vaste appartement de la rue Condorcet, il avait installé chez lui une véritable roulette, des tables de black-jack, baccarat, etc. Et, tous les vendredis soirs, une cinquantaine d'amis (et d'amis d'amis, je présume) se retrouvaient chez lui, dans le mini-casino privé en quoi il avait transformé son appartement. Venaient là des gens du showbiz, mais aussi des journalistes, patrons de presse, etc. Et, parmi, eux, donc, Daniel Auteuil. Lequel, d'après Lejeune, était un joueur très “pondéré”.

Bref, j'avais ma petite anecdote servie toute chaude, et les 3500 signes dont je devais m'acquitter furent écrits en moins de temps qu'il ne m'en a fallu pour reraconter l'histoire ici.

Demain, je dois me débarrasser de mes 12 000 signes concernant les anecdotes marquantes de la cérémonie des César des origines à nos jours, ce qui risque de me prendre un peu plus de temps tout de même. Et Nicolas pourra venir feindre de se plaindre des quatre jours de jachère sur le blog-mère. À moins qu'une idée ne me traverse l'esprit ce soir, pendant que je serai occupé à somnoler devant l'écran de télévision…


Dimanche 22 janvier

Sept heures et demie. – Ayant terminé la biographie de Condé par Simone Bertière, et en attendant de recevoir, de la même, celle de Mazarin, j'ai trouvé utile de relire les pages que Petitfils consacre à la Fronde dans son monumental Louis XIV. J'y suis tombé sur ce court passage :

« La lecture des mazarinades, ces opuscules, libelles, placards orduriers, complaintes irrévérencieuses, dont la folle explosion marque cette période – on en a dénombré plus de 5 000 –, ajoute à la confusion. Christian Jouhaud l'a fort bien montré, ce ne sont pas des textes d'opinion, mais de propagande, des textes “d'action” remplissant une fonction tactique, collant à l'actualité convulsive, s'insérant dans la mise en scène à la fois baroque et festive du combat politique. La loi du genre est l'imprécation, l'invective ou la calomnie. Dans certains de ces textes, la haine de Mazarin – et accessoirement celle de la reine, à laquelle s'accrochent les fantasmes les plus débridés – s'enfle jusqu'au délire. Mais cette violence n'est que défoulement : il devient « inutile de tuer Mazarin puisqu'on l'assassine journellement sur le papier ». Si ces brûlots éphémères offrent peu d'intérêt pour l'histoire des idées politiques, du moins témoignent-ils de l'extraordinaire libération de la parole et de l'écrit en ce bref moment. Chaque faction eut ses officines d'imprimerie, ses colporteurs, ses écrivains à gages ou “engagés” (Scarron, Cyrano, Chapelain, Sarazin). »

Inutile, je pense, de souligner à quel point on croirait entendre un jugement concernant les blogs de gauche militante et la manière dont ils s'obsèdent de Nicolas Sarkozy depuis presque cinq ans.

– Ne m'étant mis au travail qu'à trois heures cet après-midi, je ne suis pas arrivé au bout des douze ou treize mille signes que je dois écrire sur la cérémonie des César. C'est-à-dire que j'aurais pu, puisqu'en deux heures j'en avais déjà près de huit mille de faits, mais je commençais à me lasser de ce travail, finalement assez fastidieux, et je sais fort bien que personne ne s'attend à recevoir le produit fini aux prochaines aurores. Je terminerai donc le travail demain matin – c'est l'affaire d'une heure, une et demie au grand maximum.

– La dernière partie de la biographie de Condé m'a donné très envie de retourner visiter le château de Chantilly. Nous devrions faire cela un prochain lundi, étant entendu que nous allons patiemment attendre qu'il s'en trouve un ensoleillé. J'ai même déniché, à proximité, un restaurant installé dans un château (un autre château, donc…), en lisière de forêt, qui m'a semblé tout à fait accueillant, tant au point de vue de son allure qu'à celui de sa carte.


Lundi 23 janvier

Sept heures vingt. – Cette fois, je frôle la déprime. J'envisage de me faire interdire de blogs, si c'est possible, au moins jusqu'au lendemain du second tour de la maudite élection qui s'en vient. L'accablement que je ressens devant cet enthousiasme puéril des petits militants face au discours d'ouverture de leur sauveur, c'est indescriptible. Comment peuvent-ils ne pas éclater de rire lorsqu'ils relisent leurs pitoyables envolées ? Comment peut-on s'enthousiasmer pour un Hollande ? Accorder le moindre crédit à ses phrases creuses et promesses vagues ? C'est à se ficher par la fenêtre.

– J'ai commencé tout à l'heure le livre de Jean Staune que Catherine a terminé hier, Notre existence a-t-elle un sens ? – titre que je trouve par ailleurs bien plat, tristement "programmatique”. Pas avancé suffisamment dedans pour avoir un début d'opinion à son sujet. Mais je crois savoir que l'auteur a assez mauvaise presse, ce qui est un bon point pour lui.

– C'est d'ailleurs le danger de ces époques de dictature idéologique molle telle que nous en vivons une actuellement : on finirait par ne plus lire et aimer les gens que pour la seule raison que les enragés du bien, les progressistes tous terrains les tiennent en haute suspicion – ce qui représenterait tout de même une forme de régression intellectuelle assez préoccupante, revenant au fond à calquer son attitude sur celle de l'adversaire afin de se mettre à son niveau de démence idéologique.

– Mais comme tout ne peut pas être négatif tout le temps, signalons que j'ai comme prévu récupéré ma voiture en fin d'après-midi, garnie de plaquettes de freins toutes neuves.


Mardi 24 janvier

Trois heures vingt. – Dans le livre de Staune, commencé hier, ce paragraphe, page 40 :

« En juillet 1054, une étoile explosa et devint pendant quelques jours la plus brillante dans le ciel. Les astrologues occidentaux qui scrutaient les cieux l'avaient forcément remarquée. Pourtant, aucune trace, aucun témoignage n'en subsistent. Car le paradigme dominant à l'époque était le paradigme aristotélicien qui affirmait que les cieux étaient immuables. Malgré sa visibilité, une telle “anomalie” était donc impensable pour les intellectuels de l'époque, qui l'ont pourtant vue mais se sont dépêchés de l'oublier. Il fallut donc aller consulter les archives des Chinois qui, eux, étaient ancrés dans un tout autre paradigme – admettant des changements célestes – pour connaître la date exacte de l'explosion de ce qui est aujourd'hui la nébuleuse du Crabe. »

Je sais bien qu'il est toujours hasardeux – et sans doute périlleux – de transposer des phénomènes scientifiques dans le monde “de tous les jours” (encore que le phénomène ici décrit par Staune ne relève pas à proprement parler de la science), mais enfin, il me semble qu'il en va exactement de même, aujourd'hui, pour ce qui concerne l'invasion lente et pacifique (qui ne l'est d'ailleurs que par comparaison avec une invasion classique, de type militaire) négro-arabe. La plupart des progressistes (terme approximatif bien sûr) sont tout bonnement dans l'incapacité de la voir, et ils sont très probablement de bonne foi lorsqu'ils nient sa réalité – exactement comme les astrologues aristotéliciens de l'an mil. La réalité que leur esprit refuse, leurs yeux ne la distinguent pas. Et d'autant moins que, pour être capables de la voir, cette invasion, il faudrait d'abord qu'ils “changent de paradigme”, c'est-à-dire qu'ils acceptent le fait que l'on puisse s'inquiéter d'une telle affluence exogène sans pour autant être d'ignobles racistes à fort penchants nazis. Du reste, on ne leur demande même pas de s'inquiéter du phénomène, mais de commencer, modestement, par le voir. Ou, encore plus modestement, de cesser d'intimer aux autres l'ordre de ne plus le voir, de devenir aussi aveugles qu'eux-mêmes le sont.

– J'ai pris la décision, hier soir, de fermer (au moins temporairement) le blog-mère ainsi que “les modernœuds”. Je l'ai fait dès ce matin. Il s'agit, dans mon esprit, d'une tentative de désintoxication des blogs, lesquels deviennent si stupides, si militants, qu'ils avaient commencé à me déprimer pour de bon. Or, à tort ou à raison, il ne m'a pas semblé possible de cesser ma fréquentation des blogs des autres tout en continuant à faire vivre le mien. Donc, suppression. C'est la raison pour laquelle les deux paragraphes à propos de Staune se retrouvent consignés ici, alors qu'ils auraient très probablement donné matière à un billet jusqu'à hier.

En écrivant ce qui précède, je viens de penser que, ce matin, Catherine me suggérait, pour aider à ma cure, de supprimer ma liste de blogs. En effet, ce serait le plus radical moyen de cesser d'aller y traîner mes guêtres. Je vais d'ailleurs le faire de ce pas (quitte à le regretter si jamais je “replonge”…).

Et voilà qui est fait. Je n'ai conservé que les liens menant à mes forums habituels (In-Nocence, Causeur, Desouche, etc.)


Mercredi 25 janvier

Dix heures du matin. – Le sevrage des blogs présente quelques points commun avec celui du tabac. Par exemple, depuis une demi-heure que je suis ici, à Levallois, seul dans le bureau du rewriting, j'ai l'impression que les heures vont s'étirer interminablement et présenter toutes le même visage infiniment morne. La sensation, aussi, que l'on ne s'en détachera jamais tout à fait, qu'il faudra se tendre, chaque matin, pour résister à la tentation d'y repiquer.

Dans le cas des blogs, s'ajoute à cela le sentiment désagréable de se retrouver brusquement sur le bas côté du chemin. Se dire que les choses continuent, mais sans vous. Que votre existence est en quelque sorte annulée, ou bien que vous êtes d'un coup devenu transparent. Bien entendu le cerveau sait que ce n'est pas vrai, qu'on ne manque rien, qu'on a juste cessé de faire bla bla bla avec les doigts, sur le clavier, au milieu de tous les autres qui produisent le même bla bla bla autour de soi. Néanmoins, la sensation d'isolement et d'invisibilité subsiste. Bref, il était vraiment temps de donner un coup d'arrêt à cet engrenage stupide.

C'est d'autant plus idiot que l'on sait bien avoir de quoi s'occuper. D'abord, il y a le travail qui ne manquera pas d'arriver. Ensuite, on est venu avec un livre passionnant, que personne ne nous interdit de lire. On pourrait aussi profiter de ce temps dégagé pour s'attaquer sérieusement à la révision de Généalogie, en vue d'en tirer un petit livre blurbien. Voire, si l'on est à ce point en manque de blog, commencer le recensement systématique de tout ce qu'on a pu écrire dans le sien et y opérer un premier tri (sévère…), en vue d'un second livre. Mais non, rien de tout cela ne reçoit le moindre début de réalisation, on se contente de rester là, stupide devant l'écran, à se demander ce qu'on va bien pouvoir faire. L'avantage – si je n'ai pas “repris” d'ici là – est que je vais avoir beaucoup de temps, à compter de samedi, pour me remettre au recopiage du BM en cours, puisqu'il faut bien que je le termine, que je décide de le rendre ou non.

Sept heures et demie. – Bon, j'ai déjà plus ou moins craqué, en allant jeter un rapide coup d'œil à quelques blogs. Je suis vraiment très mauvais, sur le chapitre des désintoxications.

– Poursuivant la lecture du livre de Jean Staune, il m'est venu à l'idée que je pourrais proposer à Philippe B. une double page sur la physique quantique. Je vais d'ailleurs le faire, et si possible lors d'une conférence de rédaction, afin de savourer les mines ébahies qui ne manqueront pas de saluer ma proposition. Cela étant, je suis persuadé que l'on peut faire un papier intéressant et drôle, compréhensible même par la lectrice type de FD. En réalité, la principale, et même la seule difficulté consiste à comprendre suffisamment soi-même ce dont on prétend parler pour pouvoir le faire de manière très claire et attractive. Ne nous précipitons pas. On pourrait d'ailleurs imaginer une série de papiers : celui que je viens de dire, un autre sur l'astrophysique, un troisième sur les dernières découvertes de la biologie, de la paléontologie, etc.


Jeudi 26 janvier

Huit heures moins le quart. – Obéissant à la suggestion que m'a faite Sylvain avant-hier, j'ai fait glisser sur le bureau de cet ordinateur les photos illisibles qu'il avait scannées pour moi. Et, miracle (au moins à mes yeux), les hiéroglyphes incompréhensibles sont en effet redevenus de véritables photos ! Du coup, j'ai mis sur le blog-mère, celle où l'on me voit tenant Isabelle tout juste née sur mes genoux. J'ai neuf ans, ou vais les avoir bientôt.

– Sinon, la désintox suit son cours, en ce qui concerne les blogs.

– En dehors des trois feuillets – très vite expédiés – que je devais écrire pour FD, au sujet des galipettes présumées entre Lady Diana et Juan Carlos d'Espagne, je n'ai rien fait d'autre que poursuivre la lecture du livre de Staune, de plus en plus passionnante à mesure qu'on y avance. Mais avec, une fois de plus, et pour ce livre tout de même assez “trapu” plus que pour tout autre, la certitude attristante qu'il ne restera pas grand-chose de tout cela une fois la dernière page tournée. Ou alors, peut-être, sous forme d'un rayonnement fossile…


Samedi 28 janvier

Sept heures vingt. – Rien écrit hier ici, pour cause d'apéritif, somme toute assez massif (mais unique dans la semaine…) À la place, je me suis évertué à écrire deux billets pour le blog-mère – censé pourtant être plus ou moins fermé –, et n'ai réussi à en mener aucun à bien.

– À compter de demain, je compte me remettre sérieusement au BM en cours, abandonné depuis au moins un mois, si ce n'est davantage.

– Le petit horloger qui tient boutique à Pacy trois jours par semaine (Catherine suppose qu'il doit avoir un autre travail, du genre professeur d'horlogerie ou quelque chose d'approchant) a paru identifier très facilement le mal dont souffre René depuis quelque temps, dont les sonneries s'interrompent plusieurs fois par semaine sans que l'on sache pourquoi, puis repartent en général sur un simple tour de clé. Je pensais qu'il s'agissait d'un banal problème d'encrassement des mécanismes, mais non : ce serait plus probablement une question d'usure de certaines pièces. Je dois lui apporter la bête la semaine prochaine.

Je ne sais pas pourquoi je viens d'écrire : le petit horloger. C'est sa boutique qui l'est, petite ; lui est d'une taille parfaitement standard.


Dimanche 29 janvier

Sept heures et demie. – Je me suis cet après-midi remis au BM, laissé en plan voilà bien un mois, si ce n'est davantage. Recopié dix pages sans le moindre effort. J'en suis pratiquement à la moitié et, étant en vacances la deuxième semaine de février, j'ai devant moi plus de temps qu'il ne m'en faut. Le pire est que je fais peut-être tout cela pour rien. Mais comme il faut être prêt à le rendre vers le 15 du mois prochain, je n'ai pas le choix.

– J'ai de plus en plus l'impression qu'il faut se préparer à l'éventualité d'un quinquennat batave. Comme je n'ai aucune sympathie pour Nicolas Sarkozy, ni ne nourris la moindre illusion à son sujet, cela m'indiffère presque totalement. Et même, je trouverais plutôt amusant qu'il revienne aux socialistes d'endosser l'inévitable rigueur. Durant la première année, ils pourront toujours invoquer le bilan désastreux du précédent gouvernement, comme ils l'ont fait en 1981, mais après ? Comment justifieront-ils le fait de ne tenir aucune de leurs promesses ? Ou bien, s'ils s'entêtent à les tenir malgré tout, comment Hollande acceptera-t-il de devenir à son tour le "président de la dette” ? Et lorsque les braves cons d'électeurs auront vu que la gauche est tout aussi clownesque que la droite (voire davantage, si elle persiste à vouloir les amuser avec des hochets comme le mariage homosexuel ou le droit de vote accordé aux arabo-africains), vers qui ou quoi se tourneront-ils ?

– En attendant, je me trouve fort bien de mon retrait des blogs, même s'il n'est que partiel : cette cure de semi-silence me fait un bien fou.

– Demain, Catherine s'absente pour la journée (absence en relation avec ses activités presbytériennes, mais je n'en ai pas compris davantage) et la perspective d'une tranquille journée, que je vais passer à poursuivre le recopiage du BM en écoutant diverses musiques, cette perspective m'enchante. Non d'ailleurs que la présence de Catherine à la maison rende mes journées beaucoup plus agitées (surtout lorsque je suis dans la Case…), mais l'idée de passer toutes ces heures sans avoir à prononcer le moindre mot est en soi fort satisfaisante.

– Pour me détendre un peu de mes lectures “quantiques”, j'ai commencé tout à l'heure le Mazarin de Simone Bertière, édité par Bernard de Fallois. Fallois dont je me dis soudain qu'il doit être soit mort soit très vieux : c'est tout de même lui qui a donné la première édition du Contre Sainte-Beuve, vers 1952. Tiens, je vais aller vérifier ça…

Bon, d'après Wikipedia il serait toujours en vie et aurait 86 ans. Si j'en crois l'articulet qui lui est consacré, c'est en 1954 qu'il aurait publié le Contre Sainte-Beuve, et c'est Jean Santeuil dont la parution daterait de 1952.


Lundi  30 janvier

Sept heures et demie. – Dix-huit feuillets supplémentaires dans la boîte à BM, portant le total à environ cent trente. Il m'en reste donc une centaine à produire d'ici le 15 février, ce qui, compte tenu de mes vacances la semaine prochaine, est plus que faisable. Ensuite, quelle que soit l'issue du bras de fer qui s'annonce avec GdV, c'en sera fini pour moi de cette aventure qui a commencé dans les premiers mois de 1986, s'est interrompue dès l'année suivante, pour reprendre au début de 1990 et ne plus s'arrêter ensuite. Bilan : 102 ou 103 BM écrits, plus les 10 Empire des sectes, et encore une vingtaine de Blade. Si j'avais eu la qualité en plus de cette quantité, je serais Simenon ! Hélas je ne le suis pas non plus sur le plan des droits d'auteur engrangés. Tout cela n'a pas dû, en vingt-deux ans, me rapporter beaucoup plus qu'un million d'euros – lesquels ont disparu aussi facilement qu'ils étaient venus. Enfin, j'aurai au moins fait tourner l'économie…

– Passionnant Mazarin. Quel homme, tout de même !


Mardi 31 janvier

Sept heures et demie. – Dernier jour du mois : celui qui ne se manque sous aucun prétexte, même si l'on n'a rien à consigner, même si l'on a l'impression de plus en plus nette que ce journal est en train de s'éloigner de soi, de perdre de sa pertinence, si tant est qu'il en ait possédé une un jour. Ça ne fait rien, il faut faire comme si.

– Mail d'Adrien tout à l'heure, dans lequel il me demande diverses choses, dont l'une qui, depuis, me plonge dans les affres d'une frustration que je ne connais que trop bien. Me donnant un lien vers une émission de France Culture, il me demande quelle est la musique que l'on entend durant près d'une minute, en guise de générique. Si j'avais été un garçon chanceux, il se serait agi d'une œuvre totalement inconnue de moi. Si je l'avais été encore plus, chanceux, je serais tombé sur une pièce que je connais de fond en comble et dont le nom aurait spontanément jailli à mon esprit. Mais c'eût été beaucoup trop simple : il s'agit naturellement d'un morceau que je connais, dont je suis même assez familier, mais pas assez pour pouvoir retrouver son nom ni son auteur. J'ai commencé par affirmer à Adrien, de manière ridiculement péremptoire, qu'il s'agissait de Ravel. À coup sûr : j'avais déjà la main sur le tranchoir à viande. Puis, le récoutant et ne trouvant toujours pas son titre, j'en suis venu à me dire qu'à la réflexion, il pourrait bien plutôt s'agir d'une pièce de Debussy. Actuellement, j'en suis à me demander s'il ne faudrait pas chercher du côté de Stravinsky. Et me voilà, fouillant comme un hystérique les entrailles d'iTunes pour tenter de retrouver le morceau en question. Non seulement j'y perds un temps fou, je m'énerve, ça me frustre, mais en plus je passe pour un parfait guignol à mes propres yeux : ne pas être foutu de déterminer si une œuvre est de Ravel, de Debussy ou de Stravinsky, il faut vraiment avoir des oreilles de lavabo. Le pis est que, demain, dans une semaine, le mois prochain, je vais retomber ailleurs sur ce même morceau, qui s'avèrera alors être d'un quatrième compositeur auquel je n'aurai pas songé le moins du monde.

Vivement février, tiens.

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