Comme un désir d'Astrée
Mercredi 1er février
Sept heures et quart. – La pige correspondant à mes trois premiers papiers pour Enquêtes
a été virée aujourd'hui sur notre compte bancaire et la feuille de paie
correspondant est arrivée ici en même temps. Cela dit, comme voilà
quinze jours qu'on ne me demande pas de travail – mais il est vrai que
Rochechouart était absent – et que rien ne semble arriver non plus cette
semaine, il se pourrait bien que cette première pige soit aussi la
dernière. Du reste, j'ai trouvé tout de même un peu saumâtre que, dans
les quatre cents euros du tarif initial soient inclus les congés payés
et le treizième mois – ce qui, en fin de compte, ramène la pige réelle à
environ trois cent cinquante euros. Je ne fais pas une affaire de la
différence – quoique… –, mais enfin, j'aurais bien apprécié que l'on
n'oubliât pas de me le préciser dès le départ. Et l'emploi du verbe oublier est pure indulgence de ma part.
–
La méchante Marie-Thérèse vient de se réveiller, pour me demander par
mail quand je comptais lui rendre le prochain BM. Je lui ai en gros
répondu que “pas d'argent, pas de Suisse”. Elle en a pris acte par
retour d'ondes, sans faire le moindre commentaire. Il est possible que
cette impassibilité semblant dénoter une grande force d'âme provienne du
fait qu'elle aurait déjà un manuscrit d'avance, ce qui lui permettrait
de faire fi de mes menaces. Auquel cas, qui se retrouverait le derrière
dans l'eau et avec un roman inutile sur les bras ? Tant pis ; décidément
je m'en fous, et de plus en plus.
– Samedi soir, nous
sommes invités à prendre l'apéritif chez nos voisins “de droite”, ceux
qui possèdent le verger et qui ont racheté la grande maison du tondeur
de gazon fou, il y a un peu plus d'un an je crois. Catherine les connaît
un peu car ils fréquentent l'église de Pacy. Elle est professeur de
français, je crois bien, mais lui, on ne sait pas ce qu'il fait – en
dehors d'une heure de jogging chaque week-end, avec leur petit chien
blanc. Je suppose qu'on en saura plus samedi soir. Et puis, j'avoue que
je suis également très curieux de voir à quoi ressemble l'intérieur de
leur maison…
– À propos de maisons, le quatrième tome des Demeures de l'esprit
françaises de Renaud Camus viennent de paraître. Elles concernent cette
fois le quart sud-est du pays. Je devrais recevoir le volume d'ici
trois ou quatre jours. Ensuite, il ne lui restera plus que Paris et
l'Île-de-France pour en avoir terminé. Quant aux Demeures
étrangères, j'ai passé mon tour pour ce qui concerne les deux tomes
scandinaves, mais je vais sans doute me laisser tenter par l'Italie, qui
est censée suivre.
Jeudi 2 février
Sept heures et quart. –
Venant de procéder à une première relecture du mois de janvier de ce
journal, j'ai pu constater avec une certaine affliction que je n'y parle
presque plus que de mes petites histoires de boulot (tel papier à
écrire, tel autre rendu, etc.). Il est vrai que mon changement de
statut, et partant de vie, à FD continue de me plaire beaucoup ; par
conséquent il est sans doute normal que ce journal se fasse le témoin de
cette sorte d'excitation que je ressens encore, un mois après la
survenue du dit changement. Mais enfin, cela ne le rend guère
passionnant à lire.
– Nous venons, Catherine et moi, de
sacrifier au rite de la chandeleur en faisant un dîner de crêpes – à
diverses confitures pour moi, au sirop d'érable pour elle.
–
Demain, dernières journées de travail à FD avant dix jours de vacances.
Qui vont s'employer à l'achèvement de mon ultime BM. Si le temps se
maintient au beau, comme il est depuis quelques jours, nous irons
peut-être passer une journée à Chantilly.
– Reçu ce
matin la biographie de Richelieu par François Bluche, qui prendra tout
naturellement sa place après celle de Mazarin que je lis actuellement –
même si la logique aurait plutôt voulu l'ordre inverse ; mais ma
fantaisie et les livraisons d'Amazon en ont décidé ainsi.
–
Je continue à aller traîner sur divers blogs, malgré la promesse que je
m'étais faite, mais d'une part j'en lis beaucoup moins qu'avant le coup
d'arrêt de la semaine dernière et, d'autre part, je m'astreins à ne
laisser aucun commentaire nulle part, même si parfois le bout des doigts
m'en chatouille.
– Ce pauvre Amiral Woland est
actuellement en exil à Rio de Janeiro, pour son travail, et le moins
qu'on puisse dire, si l'on en juge par les deux billets qu'il a publiés
sur son blog, est qu'il ne semble nullement sensible à la prétendue
magie de cette ville – magie à laquelle je suis persuadé que je
résisterais fort bien moi-même. Du reste, d'une manière plus générale,
le genre de métier qui est le sien, et qui le conduit régulièrement dans
les endroits les plus improbables de cette fichue planète, ce genre de
métier constituerait pour moi une manière de punition divine, ou, si
l'on veut voir les choses d'une façon plus positive, une abréviation de
mon futur temps de purgatoire, voire de ce purgatoire lui-même.
(Le
mot “abréviation” m'est en premier venu spontanément sous les doigts,
dans la phrase précédent. Puis, réfléchissant, je l'ai remplacé par
“abrègement”. Réfléchissant encore, je me suis demandé si ce dernier
existait bien. Vérification faite (dans le Petit Robert), oui. Mais le
même dictionnaire signale l'emploi d'abréviation dans le sens que je
voulais. Comme il le signale “vieilli”, je me suis empressé de rétablir
cette “abréviation” surannée.)
– Pour l'article que je
devais écrire aujourd'hui – et que j'ai en effet écrit -, il m'a fallu
lire (mais suivant une diagonale très pentue…) l'autobiographie d'Axel
Bauer, chanteur de variétés ayant eu sa minute trente de gloire dans les
années quatre-vingts grâce à une chanson intitulée Cargo de nuit.
À propos du “clip” ayant été tourné à cette occasion par Mondino, et
dont je me souviens en effet vaguement, ce Bauer écrit : « J'avais
moi-même un look très proche de celui de l'acteur Brad Davis dans Querelle,
le film culte du célèbre réalisateur homo Jean Genet. » Jean Genet qui,
on le suppose, devait adapter le fameux roman de Fassbinder. Qu'un
chanteur de variétés soit inculte, voilà qui ne devrait surprendre
personne. Mais qu'il ne se soit pas trouvé un type, chez l'éditeur, pour
relever et corriger la bévue, voilà qui continue de m'étonner, moi. Il
est vrai que l'éditeur en question est Michel Lafon…
Vendredi 3 février
Sept heures vingt. –
Et me voilà donc en vacances pour dix jours. D'un autre côté, je passe
désormais tellement peu de temps à Levallois que je me demande si je
vais vraiment m'apercevoir d'une différence.
– Les guignols du Monde.fr
viennent de publier, comme cela se fait régulièrement chez les
Importants, une sorte de carte de la blogosphère politique. Dans
laquelle le blog-mère est représenté par un gros point rose, ce qui
signifie que je suis étiqueté “socialiste”. La dernière fois, sur celle
établie par le Mrap, j'étais “droite extrême”. Je n'ai jamais prétendu
avoir des convictions idéologiques bien solides, mais enfin là…
–
J'avais prévu de me débarrasser dès cet après-midi du papier que l'on
m'a confié en fin de matinée. Mais après avoir lu, dans le livre d'un
“thérapeute bioenergéticien” (qui a fait ses débuts avec les Inconnus…)
les pages au fil desquelles Mimie Mathy déverse ses considérations
filandreuses sur la vie, la mort, l'avant-vie, l'après-mort, la
métempsychose, le carré d'agneau, etc., je n'ai plus eu le courage de
m'y mettre et suis retourné au salon avec Mazarin – lequel me plaît de
plus en plus (je parle du personnage lui-même). Les trois feuillets
commandés seront pour demain : un tel fatras de conneries requiert un
esprit à peu près frais et un corps reposé.
– Aucune
nouvelle de Rochechouart. J'ai l'impression que ma collaboration à son
journal est mort-née (ou morte-née ?). Tant pis. Je sens que Catherine
verrait d'un bon œil que je le relance, mais je ne crois pas avoir à le
faire. Après tout, c'est la condition normale du pigiste extérieur : si
on a besoin de ses services, on le sonne ; dans le cas contraire, on se
contente de ne rien lui demander – il n'y a pas lieu de se formaliser ni
de s'inquiéter de cela.
– Contrairement aux semaines
précédentes, je n'ai pas pris, ce soir, mon apéritif de fin de semaine,
au prétexte que nous allons boire de l'alcool demain soir chez nos
voisins (et sans doute un ou deux verres supplémentaires en rentrant
chez nous…) : on devient d'un raisonnable qui ferait presque peur.
Samedi 4 février
Six heures. –
Heure assez inhabituelle pour venir dans ce journal. C'est que, tout à
l'heure, nous sommes attendus chez nos voisins pour l'apéritif, et je
pense qu'ensuite je n'aurai guère le courage de revenir devant ce
clavier. J'étais, je suis encore d'une certaine manière, tout à fait
content de cette invitation ; néanmoins, et comme presque à chaque fois
désormais, plus le moment se rapproche et plus la perspective de cet échange social me pèse. Devoir parler, s'intéresser…
– J'étais ravi, ce matin, de trouver dans la boîte aux lettres le quatrième volume des Demeures de l'esprit
françaises. J'ai aussitôt remisé Mazarin, si je puis dire, pour m'y
plonger. Pas longtemps : après quelques pages tournées, la couverture
s'est brusquement désolidarisée du livre lui-même, ce qui me contraint à
le renvoyer. Comme Amazon préfère, pour des raisons qui
m'échappent, procéder au remboursement plutôt qu'à l'échange, j'ai
immédiatement recommandé le même ouvrage, qui sera ici dans quelques
jours. Et c'est le rusé cardinal qui a profité du contretemps.
–
Je n'ai pas eu trop de peine à écrire mes trois feuillets sur Mimie
Mathy, mais Dieu que je m'y suis ennuyé ! Ces considérations
filandreuses sur la vie, la mort, la réincarnation et autres
billevesées, me sont rapidement sorties par les yeux – et je crains bien
d'avoir finalement rendu mon plus mauvais papier depuis que je suis
passé rédacteur. Le plus terne, en tout cas
– Demain,
retour au BM, qui devrait être fini dimanche prochain et relu lundi.
Ensuite, tout dépendra de GdV et du virement bancaire qu'il me fera ou
ne me fera pas.
– Il y a deux ou trois jours,
découvrant au journal télévisé les affrontements qui venaient d'avoir
lieu en Égypte à propos de je ne sais quel match de football entre deux
équipes locales, et qui ont tout de même fait 74 morts, j'ai dit à
Catherine : « Tu vas voir, dans deux jours, une chose en entraînant une
autre, ça va être de la faute d'Israël et des États-Unis. » Elle a
trouvé que j'exagérais. Eh bien ça n'a pas manqué : ce matin, sur le
forum de l'In-nocence, l'un des intervenants signale que je ne sais plus
quel cheik abruti rejette en effet la responsabilité de l'affaire sur
les deux pays en question. C'est curieux mais il me semble que si
j'étais égyptien – arabe en général –, je finirais par trouver assez
humiliant que rien de ce que je puisse faire ne soit jamais de ma faute.
Il y a des moments où je crois que je préférerais passer pour un salaud
plutôt que pour ce ballot un peu niais qui se retrouve constamment le
jouet de puissances extérieures à lui, et auxquelles bien entendu il
n'est jamais à même de résister, encore moins d'en déjouer les manœuvres
démoniaques.
Dimanche 5 février
Sept heures et quart. –
L'apéritif d'hier, chez nos voisins, s'est globalement très bien
déroulé, même si nous n'avons pas bien compris pourquoi, en même temps
que nous, ils avaient invité un autre couple de villageois que nous ne
connaissions nullement. Catherine a émis l'hypothèse que c'était parce
qu'ils avaient peur de s'ennuyer avec nous seuls. J'ai rétorqué qu'ils
nous avaient peut-être invités, nous, parce qu'ils avaient peur de
s'ennuyer avec les autres…
La femme de ce couple est
professeur agrégé de lettres classiques, tandis que lui œuvre dans le
“commercial” – il se rend à Paris tous les jours de la semaine, en
voiture, tout comme moi ; la différence est que lui ne rentre jamais
avant neuf heures du soir. Mais bon : il est jeune.
Arrivés
à sept heures et demie, nous sommes rentrés à la maison deux heures
plus tard, et Bergotte nous a fait une fête comme si nous étions partis
un mois. Comme cet apéritif était abondamment pourvu en petites
cochonneries à grignoter, nous avons sauté le dîner et, cependant que
Catherine allait s'installer devant la télé, j'ai mis à mal la
demi-bouteille de Ricard qui traînait dans la souillarde. À l'issue de
quoi je suis allé me coucher dans la Case, afin de ne pas importuner
Catherine par mes ronflements d'ivrogne. Ce matin j'avais l'air assez
con, avec mes charentaises dans quinze centimètres de neige.
– Rien fait de la journée si ce n'est lire.
–
Sans trop savoir pourquoi j'ai également rétabli les commentaires sur
le blog-mère et, à peine trois ou quatre heures après, je commence déjà à
le regretter un peu.
Mardi 7 février
Sept heures et demie.
– Les piaulements progressistes provoqués par la petite phrase anodine
de Claude Guéant à propos de la non équivalence des différentes
civilisations atteignent des proportions hallucinantes. J'ai
l'impression d'avoir été jeté brusquement au fond d'un asile d'aliénés
sans aucun espoir d'en ressortir jamais. Le plus étrange est que
personne ne fait mine de discuter ses propos, chacun se contente de
s'indigner de ce qu'il n'a pas dit mais que Pierre, Paul et Jacques ont
cru deviner de sous-jacences dans ses quelques mots. En clair, Claude
Guéant est coupable de n'avoir pas dit ce que Modernœud a cru entendre. À
ce sujet, voici le communiqué publié ce matin par le parti de
l'In-nocence :
« Le parti de l'In-nocence observe avec une fascination stupéfaite la
comédie pourtant prévisible des réactions politiques et médiatiques aux
propos de M. Claude Guéant, ministre de l'Intérieur, sur l'inégalité des
civilisations — propos d'une telle évidence et d'un si élémentaire bon
sens que même les plus indignés de ceux qui y réagissent n'osent pas
soutenir leur contraire, tant ce contraire serait absurde ; de sorte
que, par un tour supplémentaire de la répression idéologique, M. Guéant
n'est pas fustigé pour ce qu'il a dit mais pour ce que, disant, il
aurait pu vouloir dire, insinuer, donner à entendre aux uns ou aux
autres.
Le parti de l'In-nocence estime pour sa part, bien entendu, que les
civilisations sont aussi inégales que les intelligences, les talents,
les aptitudes physiques et les vertus morales ; et que seul un monde
sinistre où la morale, l'esthétique et la réflexion politique seraient
tenues pour nulles et non advenues pourrait soutenir et forcer à
soutenir que les civilisations sont égales alors qu'il n'y a aucune
égalité en art, en morale, en discrimination et en in-nocence ; qu'au
demeurant un tel monde aux valeurs écrasées est bien celui que la Grande
Déculturation, la décivilisation, l'enseignement de l'oubli et
l'industrie de l’hébétude nous ont préparé de longue date. »
Et, sur le même sujet, le billet que j'ai mis en ligne hier soir :
« Claude Guéant a perdu une bonne
occasion de se taire. Non parce qu'il aurait dit une bêtise, ou soufflé
son haleine fétide aux délicats naseaux de Modernœud, ou nausé-abondé
dans le mauvais sens – mais simplement parce qu'il n'est pas, à ma
connaissance, payé sur les deniers de l'État pour proférer des
évidences.
« Que
certaines civilisations soient plus riches, plus fécondes, plus
intenses que d'autres – et, donc, en un mot fort vilain, qu'elles soient
supérieures à d'autres –, c'est l'évidence même, et ce ne sont
pas les piaulements de la basse-cour progressiste qui changeront quoi
que ce soit à cet état de fait. Énoncer cela sur un ton pontifiant et
ministériel, c'est nier l'existence du ridicule, ça ne mérite pas qu'on
s'y arrête une nanoseconde.
« Ce
qui est amusant, en revanche, ce sont les arguments utilisés pour
attacher ce malheureux Guéant à sa roue : en proférant ce truisme, il
aurait cherché à draguer les électeurs du front national. Je reconnais
que c'est très laid, de chercher à attirer des électeurs en période
électorale ; c'est une chose que les socialistes ne s'autoriseront
jamais, par exemple. En dehors de cela, je trouve l'argument
parfaitement saugrenu.
« On
sait à peu près, je crois, quelles franges de la population fournissent
ses gros bataillons de votants au parti de Marine Le Pen : plutôt
Mimile et sa casquette que M. le marquis dans sa tenue de chasse à
courre, pour le dire rapidement. Donc, je m'interroge, je tergiverse, je
dubitative : nos petits camarades de la gauche vertueuse aux idées qui
sentent bon croient-ils réellement que, le soir, au comptoir de toutes
les Comète de France, on tient des meetings passionnés sur les
mérites comparés des civilisations grecque et eskimaude ? Qu'on lance
des débats de fond à propos des réalisations et des apports de la Chine
et du Monomotapa ? Que l'on s'interroge gravement de savoir si le
relativisme culturel est naturel à tous les peuples de la Terre ou bien
s'il est une originalité de la civilisation dite occidentale ? Et le
midi, à la cantine de l'entreprise, on reprend sur le formica des tables
de huit la conversation amorcée la veille au zinc ? Ils croient
sérieusement ça, nos amis ?
« À
mon avis, ils gagneraient à fréquenter davantage les bistrots, ça leur
éviterait de proférer de telles âneries. Enfin, non, ce n'est même pas
sûr. »
– Pour revenir à des préoccupations un peu
moins asilaires (encore que…), le BM avance à bon train : vingt
feuillets par jour, et sans forcer. En principe, il sera bel et bien
fini dimanche.
– Mail tout à l'heure de Rochechouart. Qui me dit qu'il vient seulement de revenir à Paris (mille pardons : sur Paris…) et me demande de l'appeler demain. J'espère que c'est pour du travail à faire.
– Mazarin n'est pas loin d'entrer en agonie : si tout se passe normalement, il sera mort avant demain soir.
Mercredi 8 février
Sept heures vingt. –
Du nouveau sur le front professionnel et financier. D'abord
Rochechouart m'a rappelé aujourd'hui pour me demander si je souhaitais
toujours travailler pour lui, malgré l'interruption de trois semaines
qui vient de se produire. Je lui ai répondu qu'oui ; les papiers
devraient reprendre dès la semaine prochaine.
D'autre
part, cet après-midi, mail affolé de Nancy, la comptable de GdV, me
disant qu'elle venait d'apprendre ma décision d'arrêter la BM et me
faisant (gentiment) le reproche de ne pas l'en avoir avertie. C'est
évidemment un coup de la méchante Marie-Thérèse, qui soit n'a rien
compris au mail dans lequel je l'informais de ce que je ne rendrais pas
le prochain BM avant versement, soit a pris un malin plaisir à répandre
ce faux bruit. Bref, j'ai eu beau jeu de répondre à Nancy que j'étais
d'autant moins décidé à arrêter que j'étais précisément occupé à
terminer celui qui doit paraître début avril. Tout cela par mails.
Là-dessus, je lui téléphone et elle m'informe qu'elle s'apprête à virer
sur mon compte 2300 euros (sur 6800 dus) et que, si j'en suis d'accord,
elle me versera 1500 euros par mois, régulièrement, à compter du mois de
mars. J'ai évidemment dit d'accord, même si cet arrangement me pose un
problème.
Le problème est que j'étais (je suis ?) en
effet décidé à arrêter la BM une fois terminé celui en cours. Mais
comment, et surtout quand le lui dire, au vu de la nouvelle
configuration ? Il serait très incorrect de ma part d'annoncer ma
défection au dernier moment, car je mettrais les éditions dans un vrai
embarras financier. D'un autre côté, si je l'annonce dès la fin de
février, par exemple, je pourrai toujours me brosser pour ce qui est des
mensualités proposées. Catherine me suggère de dire que je ne ferai pas
celui qui est à rendre au 15 mai, et que je reprendrai ma place pour
celui du 15 août, ce qui en effet laissera le temps à la Gecep d'apurer
nos comptes. Ce n'est pas idiot, mais j'hésite encore.
–
À propos de BM : 8 feuillets seulement aujourd'hui. Mais il ne m'en
reste qu'une soixantaine à faire et j'ai jusqu'à dimanche soir pour
cela, ce qui est amplement suffisant. D'autant que la journée à
Chantilly que nous avions plus ou moins envisagée durant ces vacances va
être remise à plus tard, pour cause de neige et de froid.
– Reçu ce matin un deuxième volume des Demeures de l'esprit IV
: celui-ci semble en parfait état. Il n'y a plus maintenant qu'à
renvoyer le premier pour qu'il me soit remboursé. Comme je me refuse à
aller faire la queue au guichet de la poste, cela attendra mon retour à
FD, mardi prochain.
Jeudi 9 février
Sept heures et demie. – Grosse déception à la lecture du dernier volume paru des Demeures de l'esprit,
consacré à la France du Sud-Est. Les photographies tout d'abord. Elles
me semblent moins nombreuses que dans les précédents tomes (mais il
faudrait vérifier cela), et surtout moins bien choisies : trop de
détails et pas assez de vue d'ensemble des maisons elles-mêmes. Le choix
des personnages bénéficiant d'une entrée, ensuite : que viennent faire
ici les frères Montgolfier ou Claude Bernard, par exemple ? Loin de moi
l'idée de nier l'intérêt de la papeterie, de l'aérostatique ou encore de
la médecine expérimentale, mais enfin, il me semble qu'on s'éloigne,
avec eux, beaucoup du concept original de la collection. Enfin, les
textes : on croit y ressentir une certaine lassitude chez l'auteur,
laquelle lassitude le conduit à “dérouler” un peu trop longuement les
biographies et généalogies de ses personnages, lesquelles ne sont
évidemment que le démarquage – talentueux, certes – de textes écrits par
d'autres et ailleurs. Bien sûr que Camus a procédé comme cela dès le
début, mais il y mettait, me semble-t-il, plus de lui-même. Je crois
qu'il devrait songer, sinon à interrompre ces Demeures, du moins à
les produire à un rythme moins soutenu : deux volumes par an, c'est
trop. Mais, évidemment, il y a les contrats, qui doivent rapporter
l'argent destiné à nourrir le moloch Plieux.
Cependant, gros dégât collatéral de cette lecture : j'ai non seulement envie de relire le Sentiment géographique de Chaillou, ce qui n'est pas très grave, mais aussi celle de commander l'Astrée,
dont Camus signale en passant que le premier volume paru est fort cher.
Je vais m'efforcer d'attendre quelques jours, afin de laisser à ce
désir le temps de s'évaporer. D'autant que je soupçonne qu'il y a une
part de snobisme dans ce désir (pas pour Chaillou, pour d'Urfé).
Vendredi 10 février
Sept heures et quart. – Eh bien, on dirait que mes problèmes de timing
avec la BM sont en passe de s'arranger pratiquement tout seuls. Hier –
j'ai oublier de le noter ici –, mail de la méchante Marie-Thérèse, pour
me demander 1) le titre du roman en cours de rédaction (titre que je lui
ai fourni il y a au moins deux mois, si ce n'est trois…) et 2) si je
comptais toujours écrire celui qui est à rendre le 15 mai. J'ai sauté à
pied joints sur cette perche tendue, au risque de me rompre le dos : je
lui ai répondu que non, justement, que je me trouvais contraint (sans
lui expliquer pourquoi) de “passer mon tour” et que je ne me remettrais
sur les rangs que pour celui devant lui être remis vers le 15 août. Bien
entendu, je n'ai nulle intention d'écrire celui-ci, ni aucun des
suivants, mais au moins, ces quelques mois de délai devraient permettre à
Nancy d'éponger presque complètement la dette de la GECEP à mon égard.
Vers la fin mai, je signifierai officiellement à tout ce petit monde que
je me retire complètement de la série. Après cela, si les paiements
s'interrompent, comme je le pense, je ne devrais perdre que deux ou
trois mille euros, ce qui ne sera pas bien grave. De toute façon, grave
ou pas, je me vois mal avoir recours aux services d'un avocat pour si
peu.
– Il faut que je nuance mon appréciation sévère d'hier, à propos des Demeures de l'esprit
: si mon opinion n'a pas changé quant au choix des photographies, j'ai
lu aujourd'hui un certain nombre de textes (ceux consacrés à Voltaire,
Rousseau, Picasso et les frères Reinach notamment) qui justifieraient à
eux seuls l'achat du volume.
– Le drame des mauvais peintres : ils veulent réussir croûte que croûte.
–
Comme dirait l'autre, le froid dure : - 12° encore ce matin. Les
services compétents nous annoncent un net radoucissement à compter de
lundi. Tant mieux car je suis de ces personnes que la neige ne charme
jamais plus de deux ou trois jours.
Dimanche 12 février
Sept heures et demie. –
À cinq heures et demie, j'ai fini le BM en cours, qui se trouve être
mon dernier (en principe ; car si dans trois ou quatre mois j'ai trouvé
un vieux roman capable d'en donner un nouveau sans trop d'effort et de
rapporter 4500 euros, il est probable que je repiquerai au truc). Pour
l'instant, il n'empêche que je viens de sacrifier à la tradition et de
prendre un apéro (court, très court) afin d'enterrer ma vie d'écrivain
en bâtiment.
– il reste que Catherine est d'humeur
renfrognée, qu'elle supporte mal d'être obligée de se passer d'apéritif
en raison du manque de tabac. Et, du coup, elle supporte encore moins
bien que je puisse, moi, boire quelques verres sans souffrir le moins du
monde de ce manque-là. Alors, sans s'apercevoir qu'elle le fait, elle
s'ingénie, comme ce soir, à me pourrir l'apéro en question. Exemple
aujourd'hui :
Au milieu du déjeuner, j'annonce – à
propos de tout à fait autre chose – que je vais ce soir sacrifier à la
tradition, et donc prendre ce fameux apéritif de fin de BM. Je précise
qu'en plus il s'agit de la fin de mon dernier BM. Catherine feint de se
rendre à cet argument, mais je la vois se raidir et je sais d'ores et
déjà qu'elle va tâcher de me gâcher ce début de soirée. Et en effet…
Je
termine le BM vers six heures moins le quart, je vais aussitôt nourrir
les chiens, puis remonte à la maison. Je sors du vaisselier le verre que
je vais bientôt me remplir. Aussitôt, Catherine, qui n'a pas bougé du
canapé de l'après-midi, se sent prise d'une frénésie d'activité. Elle
commence par s'occuper des choux de Bruxelles dont elle menace de nous
nourrir demain midi. J'ai à peine le temps de m'asseoir au salon, après
avoir lancé la sonate D 960 de Schubert, qu'elle est “obligée” de mettre
en route cette saloperie de soufflerie au-dessus de la cuisinière.
J'arrête la musique.
« Ce ne sera pas long ! », me
dit-elle. Je n'y crois pas une seconde. En effet, c'est assez court (une
dizaine de minutes quand même). Le silence revenu, je rends la parole à
Schubert, persuadé que je vais avoir droit à une “deuxième couche”. Et,
tout juste, cinq à dix minute plus tard, la soufflerie se remet en
marche. Je recoupe sa chique à Schubert. Puis la soufflerie s'interrompt
et Schubert revient.
Là, je me demande quel va être le
prochain stade. Car voilà maintenant trois quarts d'heure que Catherine
ne sort plus de la cuisine : son but est de me dire qu'elle désapprouve
formellement cette heure agréable que je suis en train de m'octroyer,
et qu'elle a décidé de ne plus partager. Non seulement de ne plus
partager, mais de me la gâcher aussi complètement que possible. Bien
entendu, elle trouve : vider le lave-vaisselle propre est une chose
qu'il est difficile de faire en silence, surtout si l'on a décidé de
faire du bruit.
Finalement, elle finit par venir
s'asseoir dans le salon, ayant épuisé toutes les raisons possibles de me
pourrir ce moment de grâce. Là, elle s'offre le luxe de me demander
pourquoi j'ai l'air de faire la tronche, mais sans insister.
Il
va de soi, je pense, que je ne lui en veux nullement, dans la mesure où
elle ne se rend pas du tout compte qu'elle reporte sur moi le fait que
le manque de tabac l'empêche de prendre tranquillement un apéritif comme
avant – alors que moi, oui.
– À part ça, revenons à la
vie telle qu'elle va, je ne ressens rien de plus de la fin de ce BM-là
qu'à celle de tous les autres, durant les 25 années qui viennent de
s'écouler, alors qu'il est censé être le dernier de ma vie et que, donc,
une certaine solennité semblerait de mise. Mais au fond, c'est normal :
j'ai suffisamment dit que la fin d'un roman ne déclenchait rien de
particulièrement joyeux, et même que l'auteur s'en sentait plutôt
grisâtre, cendreux, un peu perdu, etc. Pourquoi en irait-il différemment
pour le dernier BM ? On aurait même dû s'en douter, en fait : on n'est
pas plus grisâtre, pas plus cendreux, pas plus perdu. En dehors du fait
qu'on n'est pas tout à fait sûr qu'il s'agisse du dernier, ce dernier-là
ne représente à peu près rien. Bien sûr, on aurait pu, dans l'épilogue,
glisser une allusion amusante pour soi seul, comme je l'avais fait dans
le dixième volume de L'Empire des sectes, parce que je savais qu'il n'y en aurait pas d'avantage. Mais en fait, on s'en fout. Et on ne s'en fout pas tout ensemble.
Un
quart de siècle, tout de même, à écrire ces livres. Les romans sont
tous pareils, mais l'auteur ? Il a vieilli, il a du mal, maintenant.
Parfois, il pense à la vitesse à laquelle il travaillait avant, et
lui-même a peine à y croire. (Tiens, je me souviens d'une discussion
avec un intervenant du forum de l'In-Nocence, il y a deux ou trois ans –
Francis Marche je crois. Il refusait de croire que j'avais été capable
d'écrire un BM en quatre jours. Et, moi, je savais que cela m'était
arrivé, au moins deux fois. Mais il me démontrait que, non, c'était
impossible. Et je finissais presque par le croire alors que je savais
bien que je l'avais fait.) Bref, il n'est pratiquement plus capable de
rien, maintenant. Sauf de recopier et d'arranger des livres déjà écrits.
Et encore, ça lui est pénible, c'est pour cela qu'il arrête, qu'il
vient de mettre le point final à son dernier.
Et
comment il le prend ? Bien ? Mal ? Il essaie de le prendre, c'est tout.
Il se souvient, forcément (il se voit à telle table, ou bureau, dans
telle maison et à tel âge), il sait qu'il a fait tout cela. C'est sans
importance, évidemment. Mais enfin, il n'en est plus capable. Du coup,
quand il songe à cette époque où il le faisait, il a l'impression de
penser à quelqu'un d'autre. Un type qui lui ressemble de façon
indubitable mais qui n'est pas tout à fait lui, une sorte de jeune homme
qui vivait dans une maison presque oubliée et qui tapait si vite sur le
clavier.
Lundi 13 février
Sept heures vingt. –
La neige a presque totalement fondu depuis ce matin. Mais voilà que,
depuis une petite heure, il tombe une pluie assez soutenue : s'il regèle
par là-dessus, je ne suis pas sûr que les routes soient praticables
demain matin, pour moi aller à Levallois comme je suis censé le faire
après ces dix jours de vacances.
– Le BM a été
entièrement relu et corrigé aujourd'hui. il est donc prêt à être expédié
à qui de droit, si qui de droit vire sur mon compte bancaire les 2300
euros que ce même qui de droit m'a promis pour cette semaine.
–
Nous pensions qu'accrochée en hauteur comme elle l'est, la cabane à
graines était hors d'atteinte des velléités prédatrices de Golo. Il n'en
est rien : cet après-midi, alors qu'elle était au téléphone avec l'une
de ses filles, Catherine a vu l'animal sauter à la verticale et chiquer
le verdier qui prenait tranquillement son goûter. Comme malgré tout ces
tueurs sont délicats dans leurs approches, nous avons réussi, en nous y
mettant à deux, à coincer Golo dans un coin et à lui faire lâcher sa
proie ; laquelle s'est aussitôt envolée sans le moindre dommage
apparent.
– Le même Golo, avant-hier soir, se sentait
d'humeur joueuse, et c'est avec ma main qu'il prétendait se divertir. Je
me suis donc employé à l'exciter davantage, chose qui m'a toujours
amusé avec tous les chats qui ont croisé mon existence. Le résultat,
aujourd'hui, est que ma main gauche est lacérée de marques de griffes
d'un très beau rouge sang.
Mardi 14 février
Huit heures vingt. –
Gros échange de mails entre Catherine et moi, ce jour. Elle supporte
mal d'avoir arrêté de fumer, et, du coup, nous avons repris, de concert,
ce soir, autour d'un verre et même de plusieurs. Pour ce qui me
concerne, rien à cirer, je n'avais pas vraiment arrêté de fumer.
– Reçu aujourd'hui le premier volume de L'Astrée.
Je ne sais pas si je vais être capable de lire ce livre. Je veux en
être capable, pourtant, je veux plonger dans ce siècle déjà si lointain
et tenter de comprendre pourquoi ce roman a été un véritable best-seller. Et puis, relire Chaillou en même temps.
Je
veux revenir vers cette époque révolue, parce que la mienne, d'époque,
ne me convient décidément pas. Voilà : je mourrai dans un de ces siècles
passés, mais certainement pas dans le mien. Je me fous de ce qui va
arriver à ce monde ; vraiment, certains soirs comme celui-ci, je me
moque bien de l'avenir de cette Europe ouverte à tous vents, et
spécialement aux vents de sable.
Le monde qui m'a
engendré est en train de mourir, nous sommes en voie de
tiers-mondisation accélérée, la France (et l'Europe) est en train de
sombrer à mesure qu'elle s'assombrit. Que va-t-il se passer ? Simple à
comprendre : fatiguée d'elle-même, l'Europe va s'effondrer sur elle-même
telle une étoile à bout d'hydrogène. La géante blanche va se
métamorphoser en naine noire, et ce sera laid à voir.
Mercredi 15 février
Sept heures et demie. –
Nancy m'a finalement viré 2300 euros ce matin, comme elle me l'avait
promis la semaine dernière. Reste à voir, maintenant, si elle va pouvoir
assurer les 1500 euros mensuels qu'elle est censée me verser jusqu'en
août.
– Terminé La Mélodie céleste, de Trinh
Xuan Thuan. Je me suis aussitôt attaqué au livre du biologiste Michael
Denton consacré à la controverse qui fait rage autour du darwinisme.
Honoré d'Urfé et son Astrée attendront encore un peu, et Michel Chaillou avec eux…
–
Ce matin, accident sur l'A 13. Résultat : trajet de deux heures et
quart au lieu d'une. Et tout ça pour rien puisqu'on ne m'a, à mon
arrivée, donné aucun travail à faire pour le numéro qui se bouclait.
Enfin, tant pis pour moi : je n'avais qu'à habiter plus près.
Jeudi 16 février
Huit heures moins le quart. –
En réalité, je suis assez triste. Triste de voir certaines gens que
j'aime bien s'abîmer dans le militantisme le plus “bas de plafond”, et
notamment Nicolas, bien sûr. Je ne lis plus ses billets, simplement
parce que je tiens à préserver ce que je pense de lui. Pour l'instant,
il est en train de se ravaler au rang d'un “Intox 2007”, d'un bœuf
militant, alors qu'il est évidemment quelqu'un d'autre que ce parasite
socialiste que je viens de nommer.
Il faut attendre ;
attendre la fin de cette période de crétinerie ardente qu'est une
élection présidentielle, mais qui en même temps est si importante.
Moi-même je balance entre deux visions de notre avenir proche. Je sais
que l'élection de Hollande serait (ou sera) une catastrophe. Mais
quelque chose en moi se réjouit de cette catastrophe : le voir, ce
camarade-énarque-qui-n'aime-pas-la-finance aller à Canossa devant
Merkel, l'entendre déclarer au “peuple-de-gauche” qu'il faudra
finalement se serrer la ceinture, comme il en a assuré, à tout petit pas
et à voix presque inaudible, la City il y a deux jours, eh bien j'ai envie de vivre cela – et il semble probable que c'est ce que je vais vivre en effet.
Samedi 18 février
Sept heures et demie. –
Je suis revenu m'installer devant cet ordinateur par pure habitude, et
surtout sans la moindre envie d'écrire dans ce journal. Et c'est pour
constater que je l'ai déjà déserté hier : le début de la fin ?
–
Le livre de Michael Denton consacré à Darwin et à la crise de la
sélection naturelle est passionnant. Bien entendu, comme je peine tout
de même un peu à bien comprendre ce que je lis, je sais parfaitement
qu'il ne m'en restera pratiquement rien. En tout cas que les quelques
lambeaux qui subsisteront dans ma mémoire seront bien insuffisants pour
prétendre expliquer quoi que soit à quiconque de cette lecture, et
encore moins pour faire face à la moindre contradiction. J'y ai tout de
même passé l'essentiel de cette journée, alors que j'étais censé écrire
un article pour FD, consacré aux amours ducales de Pippa Middleton…
–
Coup de téléphone, hier, de Rochechouart, me demandant si cela
m'amuserait d'écrire un article pour un autre magazine dont il a la
charge, et que nous appellerons Astrologia. Je ne puis pas
affirmer que l'astrologie soit l'une de mes passions, mais enfin
pourquoi pas ? En fait, il n'y a rien de mieux que d'écrire sur des
sujets dont on se fout : ça élimine un certain nombre de blocages, on
travaille plus vite, nettement plus vite, et le résultat n'est pas plus
mauvais ; plutôt meilleur, même, je crois.
– Moi qui
envisageais, il y a quelques semaines, de me désintoxiquer de la lecture
des blogs en employant je ne sais quels grands moyens drastiques, je
suis en train de m'en déprendre sans faire pour cela le moindre effort,
tout à fait naturellement. Bien aidé en cette cure par le niveau de
bêtise et d'insignifiance militantes atteint par la plupart. C'est au
point que, s'il me vient l'idée d'un billet à résonance plus ou moins
politique, un tant soit peu en rapport avec l'actualité, je renonce
finalement à l'écrire, pour ne pas avoir à descendre dans ces arènes
fangeuses. De toute façon, pour le peu que j'ai à dire sur ces
sujets-là, autant s'abstenir, quelles que soient les circonstances et le
climat.
– Ce matin, Catherine est revenue des courses
avec (entre autres) un paillasson neuf. Vingt minutes plus tard, il
était déjà au milieu du jardin, à moitié déchiqueté par Elstir qui le
tenait solidement entre ses pattes avant.
Dimanche 19 février
Sept heures et demie. –
Fort de ma lecture du livre de Denton concernant l'évolution, le
darwinisme, etc, et de l'enthousiasme qu'elle a suscité en moi, je me
suis fendu d'un billet sur le sujet. J'aurais dû avoir la modestie et la
prudence de m'en abstenir : me voilà quasiment obligé maintenant de
contrer les objections qui me sont faites, alors que je suis loin d'en
être capable, évidemment. C'est qu'il y a une trotte entre la
compréhension (et encore : très partielle et superficielle) d'un sujet
et la capacité de soutenir une discussion sur lui !
–
Plus simple, d'avantage à ma portée, j'ai mené à bien en une demi-heure
les deux feuillets et demi que je devais écrire pour FD sur Pippa
Middleton, la sœur de l'épouse du prince William d'Angleterre. Laquelle
sœur semble avoir mis le grappin sur le futur duc de Northumberland et
aurait bien tort, je trouve, de le laisser filer, vu les biens mobiliers
et immobiliers dont peut se targuer cette respectable famille angloise.
(Comment ce journal est en train de virer à Point de vue.)
–
Toujours au chapitre des lectures, j'ai très envie de rester dans le
domaine des sciences, mais n'ai plus de nourriture à portée de main. Je
pense que je vais commander un livre de Thomas Kuhn, historien des
sciences américain, intitulé : La Structure des révolutions scientifiques,
dans laquelle, si j'ai bien compris ce qu'en dit Trinh Xuan Thuan, il
aborde la question des paradigmes – laquelle m'intéresse beaucoup et a
des chances d'être moins “technique” que ce que je viens de lire depuis
une quinzaine de jours.
Lundi 20 février
Huit heures. – Cet après-midi, troisième et dernière relecture du journal de janvier : il ne devrait pas rester trop de fautes…
–
Ensuite, relecture (décidément…) de deux anciens BM, l'un de 2000 qui
se passait à Sydney, Australie, l'autre de 2003 qui avait pour toile de
fond une boîte échangiste de luxe à Vincennes. Je me suis rapidement
rendu compte que ni l'un ni l'autre ne pourrait être réutilisé – pour
des raisons différentes d'ailleurs – mais je les ai tout de même relus
jusqu'au bout, les deux, en les trouvant vraiment bien ficelés. Le début
du gâtisme ?
– En reprenant le mois de janvier de ce
journal, je suis tombé sur le passage où je disais que la biographie du
Grand Condé (Simone Berthière) me donnait envie de retourner à Chantilly
et que nous allions probablement le faire “un de ces lundis". Or,
aujourd'hui aurait été la journée idéale, Catherine et moi n'ayant rien
de plus intelligent ni pressé à faire, et le temps se prêtant
admirablement à l'expédition. Sauf qu'alors, il était déjà trois heures
de l'après-midi…
Mardi 21 février
Huit heures moins le quart. –
Je suis allé à Levallois aujourd'hui (160 km) pour écrire une feuillet
et demi, ce qui m'a pris une demi-heure – et encore je compte large.
D'un autre côté, je ne peux m'en plaindre : la même chose m'arrivait
déjà couramment lorsque j'étais rewriter, sauf qu'alors il me
fallait néanmoins rester jusqu'à des heures avancées de la journée.
Tandis que, là, j'ai décidé tout seul, à trois heures et demie, que je
m'autorisais à rentrer chez moi – ce que j'ai fait.
Demain,
le réveil va sonner à six heures et demie car il faut que je sois sur
le pont à huit heures et demie. Tout en sachant que si aucun sujet
nouveau n'entraîne un “repiquage”, je me serai arraché du lit en pleine
nuit pour rien. Mais, là encore, à deux heures au grand maximum je serai
reparti.
Mercredi 22 février
Six heures et quart. –
Heure assez inhabituelle pour venir ici. La raison en est que
Catherine, pour cause de mercredi des Cendres je crois bien, va
m'abandonner entre sept heures moins le quart et huit heures et quart
(environ) et que, par voie de conséquence aisément prévisible, j'ai
décidé de m'octroyer mon apéritif hebdomadaire aujourd'hui.
Quand
je dis que j'ai décidé, c'est très exagéré puisque, devançant cette
décision, Catherine m'avait acheté de quoi boire avant même de
m'annoncer sa petite sortie, voilà trois ou quatre jours. Le fait
notable est que la bouteille alors achetée par elle est restée intacte –
ce qui prouve chez moi une volonté de fer.
– J'ai tout à l'heure commencé La Structure des révolutions scientifiques,
livre paru en 1962 et dû à l'historien et philosophe des sciences
américain Thomas Kuhn – livre que je me propose d'envoyer ensuite à
Adrien, s'il ne l'a déjà lu, car je pense que le sujet devrait
l'intéresser – sinon, il en sera quitte pour faire semblant. Pour ma
part, n'en ayant lu qu'une quinzaine de pages avant de piquer du nez
dessus, je me garderai pour l'instant d'en dire quoi que ce soit.
–
Si j'ai piqué du nez c'est en grande partie parce que je me suis levé à
six heures et demie ce matin, devant être à FD deux heures plus tard :
j'étais “de tonneau”, comme disaient les maquettistes il y a quelques
années, pour désigner celui qui se tapait le bouclage du journal à
l'imprimerie jusqu'à des heures parfois avancées de la nuit, et en
référence à la célèbre histoire du mousse dans le tonneau percé sur les
bâtiments de la marine à voile. Ce départ matinal m'a valu de
contempler, durant plus de dix minutes, roulant vers le levant, un ciel
absolument superbe. Partant, juste au dessus du sol d'un mauve profond,
presque moiré, s'élevant vers le rouge, passant par toutes les nuances
d'orangé et de rose, avant de virer au jaune, puis, en continuant
d'élever le regard, de basculer vers un bleu presque blanc d'abord et de
plus foncé jusqu'à s'annuler presque complètement dans la nuit qui
était derrière moi aux deux sens de la préposition, géographique et temporel.
–
À part cet instant magique, qui justifiait à lui seul le double trajet,
je suis allé à Levallois pour rien, aucun travail ne m'ayant été
confié. J'en suis reparti à une heure et demie. Arrivé à la maison, coup
de fil de la rédactrice en chef d'Astrologia (si c'est bien
ainsi que j'ai appelé son magazine il y a quelques jours) afin que nous
parlions du plan de l'article que je dois écrire pour elle. Comme elle a
accepté de ne le recevoir que lundi, son journal étant mensuel, je
disposerai donc du week-end prochain pour mener à bien les dix mille
signes qu'elle attend de moi.
– J'ai appris ce matin
que quatre des cloches de la tour nord de Notre-Dame de Paris, fondues
en 1856, venaient d'être déposées afin d'être remplacées par d'autres,
qui seront fondues en Normandie, mieux accordées au gros bourdon de la
tour sud, accroché là, lui, depuis les années 1660 et qui produit,
paraît-il, un fa dièse d'une exceptionnelle pureté. J'aurais bien aimé
assisté à la dépose : on n'a pas tous les jours l'occasion de contempler
une cloche non humaine sur un trottoir parisien.
– Catherine vient de partir pour Pacy : il va être temps de passer à des activités libatoires.
Vendredi 24 février
Sept heures et quart. –
Me voilà incapable de me souvenir pourquoi je ne suis pas venu écrire
ici hier. Du reste, il n'y avait peut-être aucune raison particulière,
ce qui expliquerait que je l'aie oubliée.
– Mon nouveau
travail à FD comporte tout de même des aspects assez étranges. Hier, je
suis reparti de Levallois avec un livre (peu importe son sujet) à
parcourir pour en extraire un sujet d'article – article que j'aurais
donc écrit ici aujourd'hui, ce qui m'aurait dispensé d'un aller-retour.
Malheureusement, je me suis vite aperçu de quel néant j'avais entre les
mains et sous les yeux, et qu'il ne saurait être question d'en tirer
quoi que ce soit. Je me suis donc vu contraint, n'ayant plus le moindre
travail à effectuer aujourd'hui, d'aller à Levallois ce matin. Où l'on
m'a donné un autre livre à lire, avec lequel je suis reparti presque
immédiatement. J'ai donc passé deux heures dans ma voiture et parcouru
160 kilomètres pour prendre et livre à FD et y manger un sandwich – ce
qui est un peu absurde. Mais, somme toute, moins pénible, et de loin,
que d'y passer la journée entière à attendre, ainsi qu'il m'arrivait
couramment lorsque j'étais rewriter.
« Bon, alors, de quoi tu te plains ? – Mais de rien, mais de rien ! »
–
En commençant la repeinte de notre chambre, hier matin, Catherine s'est
fait un genre de lumbago, qui non seulement a stoppé net ses velléités
de rénovation, mais l'immobilise sur le canapé le plus clair de la
journée. Par conséquent, je vais devoir l'accompagner demain afin
qu'elle puisse se livrer aux emplettes dont nous avons besoin. Et,
pendant le même temps, je dois également écrire dix mille signes pour Astrologia. Il est vrai que j'ai aussi toute la journée de dimanche pour cela.
–
Quant au livre d'Anne Sinclair, que l'on m'a confié ce matin à FD, je
l'ai lu cet après-midi et n'y ai pas trouvé moins de trois sujets
possibles. Je peux m'attendre à ce qu'on m'en donne un à écrire lundi
matin, puisque exceptionnellement je travaille lundi – je ne sais trop
pourquoi d'ailleurs ; pénurie d'effectifs probablement.
– Pratiquement pas de lectures ces deux derniers jours, hormis celles à but lucratif.
–
Ma mère m'a appelée pour me dire que mon père et elle iraient
volontiers passer une semaine en juin, dans le gîte proche du mont
Saint-Michel où nous sommes allés nous-mêmes, en octobre dernier. Je me
suis donc mis en rapport avec le propriétaire : aucun problème, il leur
envoie les contrats dès la semaine prochaine. Comme il a l'air fort
méticuleux pour tout ce qui concerne sa maison, je me suis empressé de
le rassurer en lui affirmant que, quoi qu'il puisse faire dans ce
domaine, ma mère est sans doute la seule femme au monde qui lui rendra
de toute façon une maison plus propre que ce qu'elle aura trouvé en arrivant – ce qui n'est nullement exagéré.
Samedi 25 février
Huit heures. –
J'ai passé la première partie de la matinée à étudier la documentation
que l'on m'a remise pour écrire l'article commandé par la rédactrice en
chef d'Astrologia. La raison aurait voulu que j'enchaînasse
directement sur l'écriture de ces dix mille signes et que je revinsse
les terminer après le déjeuner. Au lieu de cela, j'ai préféré tout
remettre à demain, sous le pitoyable prétexte qu'il était préférable de
tout écrire d'une seule coulée (ce qui en soi n'est pas faux), et que la
matinée de demain serait idéale pour cela. Il est vrai que j'avais
également l'excuse de devoir, en début d'après-midi, servir de chauffeur
à Catherine, que son début de lumbago empêche de conduire. Avec, en
excuse subsidiaire, le fait qu'un jeune peintre a squatté notre salle de
bain toute la journée afin de nous la rendre plus propre et blanche que
nous ne la lui avons confiée.
Mais quelle importance
que celle de ce peintre dans la salle de bain de la maison, puisque tu
travailles à ton bureau dans la Case ? va-t-on s'exclamer ci ou là.
Aucune importance géographique, en effet. Mais la moindre rupture
dans l'ordonnancement des choses suffit désormais à scier les branches
professionnelles sur lesquelles je comptais m'asseoir. – L'article sera
donc pour demain.
– Par voie de conséquence, j'ai eu tout le temps d'avancer dans ma lecture de La Structure des révolutions scientifiques, ouvrage qu'il me semble comprendre. Et encore : dans certaines de ses parties davantage qu'en d'autres.
Dimanche 26 février
Huit heures moins vingt.
– Cet après-midi, vers cinq heures, le peintre et moi nous sommes
trouvés, en même temps, très contents de nous-mêmes, lui pour avoir
terminé de repeindre notre salle de bain et moi pour avoir expédié à la
rédactrice en chef d'Astrologia les dix mille signes que je
m'étais engagé à lui fournir pour lundi matin. J'ai peiné dans la
première partie du texte, mais la suite est venue plus facilement – sans
doute parce que la conscience de l'échec et de mon inaptitude avait
plus ou moins relâché son emprise, à mesure que la bête allait
s'échauffant.
– Dès demain, retour à FD,
exceptionnellement : il y a bien longtemps, je crois, que je n'avais pas
eu un week-end aussi court, d'autant plus qu'il fut partiellement
laborieux.
– Yanka est revenu de son escapade amoureuse
à Perpignan, chez Sand. Il semble assez nettement refroidi, sans que
l'on discerne bien si cette chute de température est due à une
connaissance plus précise de la dame ou bien à l'apaisement momentané de
ses sens.
Lundi 27 février
Sept heures et demie. –
J'avais décidé de publier dès ce soir mon journal de janvier, afin que
Catherine puisse le lire dès demain, “avant tout le monde”, comme elle
dit un peu comiquement si l'on songe aux douze personnes qui doivent le
lire effectivement. Au moment de ce faire, je me suis aperçu que j'avais
omis de lui chercher un titre, à ce journal. Je l'ai donc reparcouru
très rapidement, jusqu'à ce que mes yeux accrochent le paragraphe où je
disais que la lecture de la biographie du Grand Condé me donnait envie
de revoir le château de Chantilly. ce sera donc : La Tentation de Chantilly. J'aurais sans doute pu trouver mieux, mais hein…
–
Cette assurance des gens de gauche de réunir sur leurs têtes à peu près
toutes les qualités humaines qui se peuvent concevoir atteint des
sommets dans le comique. Le nommé Dedalus a fait aujourd'hui ou hier un
billet pour dire qu'il ne comprenait pas pourquoi ni comment les gens à
faible revenu pouvaient encore envisager de voter pour Sarkozy. Bon,
jusque-là, c'était du classique, dans le genre. La suite était plus
intéressante, puisque pour montrer sa belle âme, son abnégation, son
altruisme, presque son héroïsme, il proclamait que ses hauts revenus et
son capital devraient normalement le faire voter à droite, que ce serait
même son intérêt, mais que malgré ça il continuait d'être de gauche.
Et, ce faisant, avec une satisfaction puérile dont il ne semble même pas
avoir conscience, il détaillait pour ses lecteurs éblouis tout ce qui
tombait dans son escarcelle ou s'y trouvait déjà. Bien entendu, à aucun
moment il ne percevait la contradiction criante qui faisait exploser son
argumentation. À savoir que si lui est capable de voter contre ses
intérêts, ainsi qu'il le proclame, les pauvres, ces pauvres de droite
qui lui sont une énigme, pourraient fort bien en être capables
également. Je ne suis pas loin de voir là l'expression du vague mépris
que les pauvres en question doivent plus ou moins lui inspirer.
J'imagine qu'il doit les considérer comme “victimes du bourrage de crâne
de TF1 et du grand capital réunis”. alors que lui, Dedalus, bien
entendu, est trop intelligent et lucide pour tomber dans les pièges
idéologiques qu'on lui tend.
Il faut rire ; rire d'eux sans relâche.
– La rédactrice en chef d'Astrologia
(appelons-là Oriane Délaumes, tiens : si par extraordinaire elle
passait par ici un jour, elle comprendrait pourquoi) semble avoir été
satisfaite de mon travail, bien que son jugement soit resté fort
laconique : « J'ai reçu votre article, qui se lit fort agréablement. »
Oui, c'est bien le moins : je ne connais pas ses lecteurs
personnellement, mais je n'ai aucune raison de vouloir les rebuter.
Mardi 28 février
Sept heures vingt.
– Commencé le livre d'entretiens entre Matthieu Ricard et Trinh Xuan
Thuan, pour l'instant sans enthousiasme particulier. il est vrai que
c'était dans la salle de réunion, à FD et juste après mon déjeuner, si
bien que j'avais une nette tendance à l'endormissement “post-prandial”
comme dirait l'autre. Cependant, j'ai au moins obtenu, ou cru obtenir,
la réponse à une question que je me posais depuis que je lis
l'astrophysicien vietnamo-américain. Je me demandais lequel (ou
lesquels) de ses trois noms représentait son patronyme et lesquels (ou
lequel) étaient ses (ou son) prénoms. Comme Mathieu Ricard parle en
premier et que son intervention est précédée de son seul prénom, j'en ai
déduit que le “Thuan” qui ouvre la réponse de son interlocuteur devait
correspondre au sien. Mais l'affaire se complique tout de même car
j'aurais eu tendance, moi, à penser que son prénom était Xuan Thuan et
son nom Trinh, c'est-à-dire sur le modèle chinois : M. Mao, Tsé Toung de
son prénom. Bref, à la réflexion, je suis à peine plus avancé.
Je
pense que si, pour l'instant, mon intérêt ne s'est que faiblement
éveillé, c'est que le bouddhisme ne m'intéresse pas et ne m'a jamais
intéressé. Ce n'est même pas que je rejette : je m'en fous. C'est sans
doute fort dommage mais je n'ai pas l'impression que c'est ce livre qui
va me ramener à de meilleurs sentiments.
– Demain,
debout à six heures et demie, départ à sept heures et quart, afin d'être
à Levallois avant huit heures et demie : pour cause de vacances
scolaires, les jeunes membres de la rédaction, tous plus ou moins cousus
d'enfants, se sont égaillés comme une volée d'étourneaux et je demeure à
peu près seul sur le pont. Donc, me voilà "d'astreinte" pour la seconde
semaine consécutive. En revanche, comme on m'a donné aujourd'hui à
parcourir le livre d'entretiens que vient de sortir Eddy Mitchell, je
compte bien m'appuyer sur ce “gros” travail pour ne pas aller du tout à
FD jeudi.
Mercredi 29 février
Sept heures et demie. –
Pas grand-chose à noter ici, mais il ne s'agissait pas de manquer la
date. Lorsqu'elle reviendra j'aurai presque soixante ans. J'espère bien
être en retraite ou sur le point de l'être, mais rien n'est moins sûr.
J'espère aussi ne pas être mort, mais rien n'est moins sûr non plus.
Combien me reste-t-il de 29 février, d'ailleurs ? Un ? Deux ? Trois ? À
coup sûr pas davantage, en tout cas – et trois me semble déjà une
hypothèse optimiste.
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