LE JOURNAL DU FOU
Mardi 1er novembre
Sept heures et demie.
– Pas de véritable envie de venir ici commencer ce nouveau mois, mais
au moins, aujourd'hui, je sais pourquoi. C'est que j'ai passé
l'essentiel de la journée dans mon journal de 2010, à tailler, couper,
retrancher, récrire parfois, et que mes petites considérations me
sortent par les yeux ! J'en suis à la mi-juin, si bien que le gros du
travail devrait être terminé à la fin du week-end prochain. Je
m'aperçois qu'en fait je ne supprime pas grand-chose : pour l'instant,
presque à mi-parcours, à peine cent mille signes sur plus de neuf cent
mille. Il s'agit essentiellement de choses concernant les blogs, et
notamment mes attaques ad hominem contre tel ou tel blogueur. J'enlève également ce que j'avais pu laisser de considérations un peu filandreuses d'après boire.
Je
ne sais plus si je l'ai noté hier et j'ai la flemme de changer de page
pour aller vérifier : je pense que ce journal 2010 imprimé va s'appeler Autel de non-retour. À moins qu'une idée géniale ne vienne me visiter avant impression.
–
Alors que je pensais être définitivement désencombré de sa présence,
Carine est revenue sur le blog-mère, pour y laisser l'un de ces
commentaires récriminants dont elle a le secret. Puis, Nicolas ayant
évidemment réagi, elle en a laissé un autre, puis un troisième… J'ai
tout supprimé, sans un mot d'explication. Elle m'a bien entendu envoyé
ensuite un mail privé, que j'ai fait glisser dans la corbeille sans même
l'ouvrir.
– Non seulement l'idée de retourner demain à
FD après trois semaines d'absence ne me sourit nullement, mais la
perspective m'en a assombri toute la fin de cette journée-ci.
Mercredi 2 novembre
Sept heures et demie. –
Voici un mois qui démarre petitement, avec ce rhume “toussant” qui se
traîne et s'attarde à plaisir, provoquant depuis plusieurs jours une
montée de fièvre à partir du milieu de l'après-midi. Elle ne monte pas
bien haut, certes, et les jours précédents, parce que je ne bougeais pas
de la maison, elle ne me dérangeait nullement. Mais, aujourd'hui, il a
bien fallu affronter en sus d'elle : 1) le babillage forcené de Brice,
2) les 80 kilomètres du retour dans une circulation assez dense.
–
Axelle Crevette nous a envoyé un mail cet après-midi pour nous inviter à
déjeuner le dimanche 20 de ce mois-ci. Elle nous dit avoir invité en
même temps que nous Robert Marchenoir, ce dont je me réjouis – s'il dit
oui. Nous, en attendant, avons accepté tout de suite l'invitation.
–
Afin de répondre à une question de Brice, ce matin, je suis allé
vérifier sur le document idoine si j'avais bien une nouvelle semaine de
vacances prévue à la fin de ce mois, puis encore deux autres pour clore
décembre et l'année. En effet, elles ont été dûment enregistrées et
paraphées par Ph. B., ce dont je n'avais aucun souvenir. J'ai tout de
même été un peu étonné de découvrir qu'après cela il me resterait encore
quinze jours ouvrables à “prendre” avant le 31 mai, sans compter les
RTT. Je me suis dit que c'était impossible, que j'avais dû truander
quelque part. Mais où, puisque tout est consigné ? En tout cas, je vais
finir par travailler encore moins qu'un professeur agrégé – ce qui
m'irait très bien.
(Nouveau mail de la Crevette à
l'instant pour me dire que Marchenoir, de son côté, vient d'accepter lui
aussi son invitation. Je lui ai demandé, par retour, s'il y aurait
d'autres gens – à quoi je ne tiens pas particulièrement, mais enfin, ce
n'est pas moi le patron…)
– Mon cœur reste en état de
marche. En tout cas je le suppose puisque, tout à l'heure, le Dr Jobbé
Duval n'a fait aucun commentaire à l'électrocardiogramme auquel il
venait de me soumettre. J'ose croire qu'en cas de pépin décelable, et
décelé, il aurait eu la présence d'esprit de m'en toucher deux mots.
(Nouvelle
réponse de la Crevette : il n'y aura, à ce déjeuner, que Marchenoir et
nous – ce qui est parfait pour moi, et encore plus pour Catherine, qui
ne se sent jamais très à l'aise au milieu de gens qu'elles ne connaît
pas, ou mal.)
Jeudi 3 novembre
Sept heures et demie. –
Guère plus envie d'écrire ici que les deux jours précédents. D'abord
parce que je traînaille toujours cette semi-maladie qui me fait tousser
comme une Fantine à qui d'odieux bourgeois de basse époque auraient mis
de la neige dans le cou ; et ensuite parce que, n'ayant pas eu
grand-chose à faire à FD aujourd'hui, j'ai passé l'essentiel de mon
temps dans mon journal 2010 (je suis rendu à septembre). Si bien que le
journal en tant que tel commence à me sortir un peu par les trous de nez
– que j'ai pourtant fort encombrés. Et le fait de passer de celui de
2010 à celui de 2011 ne suffit pas à ranimer mon intérêt pour lui. Pour
ce qui concerne celui de l'année dernière, j'ai pour le moment enlevé
près de 200 000 signes, sur le total de 920 000. Si je ne suis pas plus
débordé demain qu'aujourd'hui, je devrais être rendu au mois de novembre
pour le début du week-end et, donc, avoir terminé cette première
relecture-correction-coupe dès samedi soir. Ensuite, on pourra
commencer, Catherine et moi, à “jouer” vraiment, c'est-à-dire à tenter
d'en faire un livre pas trop vilain, ni sentant trop son amateurisme.
Mais c'est sans amusement excessif que je m'aperçois que je ne couperai
pas à une seconde relecture de l'ensemble avant publication. Pfff…
En
plus, presque personne ne le verra, ce livre, dans la mesure où je ne
crois pas que j'en ferai la publicité sur le blog-mère, je me sentirais
par trop ridicule et fat dans ce rôle d'auto-promoteur. Donc, hormis les
cinq ou six personnes à qui nous l'offrirons probablement, nul n'en
saura rien. Cela dit, il y a plus coûteux, comme divertissement, et
c'est déjà cela.
– Reçu aujourd'hui un petit livre de René Girard, Géométries du désir,
qui est en fait un recueil d'articles et de conférences portant sur le
désir mimétique dans la littérature (Chrétien de Troyes, Dante, Racine,
Malraux…) et réunis par L'Herne. J'ai immédiatement suspendu ma lecture
de Nord pour me précipiter sur Girard. Reçu également un roman et un recueil d'articles parus dans La Nation française, de Jean de La Varende.
– Je pense que je vais, dès ce week-end, puisque j'ai pris de l'avance avec le journal 2010, relire La Madone des chantiers,
le BM dont j'envisage de me servir pour écrire le prochain – qui sera
donc, à nouveau, une “transposition”, probablement dans le milieu des
grandes propriétés agricoles et de leurs travailleurs saisonniers. Je
pourrais également me livrer à une première relecture du journal
d'octobre 2011, mais j'ai peur que ça commence à faire beaucoup…
Samedi 5 novembre
Six heures et quart. –
J'ai terminé à midi de relire, corriger et couper mon journal 2010,
ramené de 920 000 à 700 000 signes. Catherine l'a immédiatement
transporté dans les pages du livre encore fictif qu'elle projette de
réaliser : il comptera environ 350 pages, ce qui me semble très bien. Il
me reste à tout reprendre, page par page, non pour relire mais pour
essayer de gommer les aberrations de mise en page : lignes “creuses” en
haut de page, d'autres se terminant sur la date d'une nouvelle entrée,
etc. Ensuite, ou en même temps, Catherine va devoir faire un choix de
photos pour chacun des douze mois, et nous déciderons ensemble de celle
qui sera retenue. Après quoi, il ne restera plus qu'à faire imprimer le
tout. Le volume s'intitulera donc Autel de non-retour, et sera
dédié à mes parents, ce qui est bien le moins puisque c'est
essentiellement pour eux, pour leur offrir ce livre, que j'ai accepté de
le faire.
– Lectures en cascade : avant-hier recevant
le petit livre de René Girard dont je parlais plus haut, j'ai aussitôt
suspendu ma lecture de Nord pour passer à lui. Mais hier, c'est le Décivilisation
de Renaud Camus qui est parvenu jusqu'ici, et Girard s'en est trouvé
immédiatement abandonné à son tour. Pas pour longtemps puisque les deux
cents pages de l'essai camusien sont déjà presque lues en totalité. Je
tâcherai d'y revenir demain, ici ou sur le blog-mère.
–
Plutôt qu'à celle de Pacy demain matin, Catherine a décidé d'assister à
la messe vespérale qui doit commencer en ce moment même en l'église de
(et zut : je ne me souviens plus du village en question !). Bref, comme
elle m'annonçait qu'elle ne serait pas de retour au mieux avant sept
heures et demie, j'ai aussitôt décidé de m'octroyer un petit apéritif
impromptu et le lui ai annoncé (à mon avis, elle se doutait de la
chose…). Je ne l'ai du reste pas encore commencé, de façon à ne pas être
tenté de trop boire d'ici son retour : on n'est pas plus raisonnable.
Enfin, si, on pourrait l'être plus ; mais bon, hein…
–
Sur la suggestion de Catherine – mais j'y avais pensé de mon côté –,
j'ai proposé à Marchenoir de rentrer ici avec nous, le dimanche 20 de ce
mois, après notre déjeuner commun chez les Crevette. Il a accepté par
retour de mail. Nous irons peut-être à Jumièges le lendemain, si le
temps s'y prête et si notre courage est à la hauteur de cette épopée
romano-gothique.
Neuf heures moins le quart. – Nous sommes presque d'accord, Catherine et moi, pour l'illustration de couverture : moi, de dos, à la Chaise-Dieu.
Lundi 7 novembre
Huit heures moins le quart. –
Deux jours sans rien, ici, pour cause de trop de journal : voilà trois
jours que je passe mes journées dans celui de 2010. Hier, j'ai été à
deux orteils de basculer dans la folie. Cet imprimeur-en-ligne (je ne
sais comment appeler autrement ces nouveaux gagneurs d'argent) et les
épreuves que son logiciel induit, j'ai vraiment failli en mourir. Sans
déconner.
– Cela étant, la chose commence à me plaire
et à m'exciter. L'écrivain en bâtiment se voit écrivain… un vrai volume…
avec ses “pensées” à lui, tout ça… Donc, il y va. Il se relit un an de
journal, il coupe ce qui lui semble devoir l'être, il transpose sur le
site, sur ce site qui s'appelle Blurb, ce qui lui fait dire qu'il aurait probablement mieux fait de s'abstenir. – Mais il y va.
Ensuite,
il bascule dans le cauchemar. Il veut juste faire un petit livre
présentable, pour ses parents, rien que pour eux, même pas pour ses amis
qui n'en ont rien à faire. Et c'est là, précisément, que le cauchemar
commence.
Faire un livre, c'est essayer de maîtriser ce
qui ne peut pas l'être. C'est éliminer les lignes “creuses” en haut de
page ; c'est s'arranger des “blancs” un peu partout, c'est supprimer ce
qu'on voulait dire à seule fin de gagner une ligne, laquelle refuse de
se laisser gagner ; c'est surtout se plier à quoi on ne comprend rien, y
compris dans les micro-détails que je ne serais même pas capable de
développer.
Enfin bon, j'ai été hier à deux secondes
d'imploser. Catherine peut témoigner, qui m'a entendu hurler plusieurs
fois. C'était juste une question, figurez-vous, d'interlignage, ou d'interligne
– je ne sais comment on doit dire. Bref : il n'y a rien de pire que de
vouloir faire un livre dans ces conditions. Et ça va continuer demain…
Mardi 8 novembre
Trois heures. –
La mise en page du futur livre est enfin terminée. Je ne crois pas être
devenu fou, au bout de compte, mais il s'en est fallu de très peu, car
les pièges étaient redoutables. Notamment, par endroit, tendus par le
logiciel lui-même : paragraphes imbriqués les uns dans les autres,
certains se répétant deux voire trois fois, etc. Et puis ce très
irritant problème des “dépassements de texte”, comme on m'en a
constamment indiqués tout au long de ces trois cents pages. À chaque
fois il fallait alors se placer sur la page en question et tenter de
résoudre au mieux le problème de cette ligne “hors cadre”, par exemple
en la faisant repasser à la page suivante. Mais alors, tout se décalait
et les “dépassements de texte” se mettaient à fleurir un peu partout, y compris en arrière, dans les pages déjà “calées”.
Le résultat est loin d'être parfait, mais je suis déterminé à ne plus
toucher à rien, à ne même plus le relire, de peur de voir tout ce
fragile assemblage s'écrouler à nouveau comme château de cartes. Je prie
pour n'avoir pas laissé passer l'un ou l'autre de ces doublons dont je
parlais plus haut.
– Logiquement je devrais m'en ficher
un peu puisque pratiquement personne ne verra le résultat final, à part
mes parents à qui je vais l'offrir : je vois mal qui, parmi mes
lecteurs de blog, irait dépenser trente euros ou plus pour s'offrir un
texte qu'il a déjà lu et qu'il peut retourner lire gratuitement si
l'envie lui en prend.
– Enfin, mon calvaire est
terminé, je vais passer le relai à Catherine pour qu'elle choisisse les
douze photos qui marqueront chaque changement de mois, ainsi que celle,
plus délicate, de la couverture. Pour le moment, après avoir finalement
éliminé celle me représentant, de dos, dans la salle de l'écho de La
Chaise-Dieu, on s'orienterait vers une représentant le cloître du Mont
Saint-Michel ; à condition de pouvoir y mettre mon nom et le titre du
livre. Pour la quatrième de couverture, Catherine penche pour une
“nature morte”, sur laquelle je voudrais ajouter cette phrase retrouvée à
la date du 27 septembre 2010 : Le principe du journal : je vous dis tout mais n'espérez pas en savoir davantage.
–
Demain, retour à FD (mais pour deux jours seulement, grâce au 11
novembre) et déjeuner avec François Rochechouart, le patron du magazine Enquêtes
qui, depuis qu'il a lu mon blog, veut à toute force me faire travailler
pour lui. Son désir de me rencontrer semble si fort que, lorsque je me
suis plaint que le siège de son journal soit si loin
de celui de Lagardère, il m'a aussitôt et spontanément proposé de faire,
lui, le déplacement jusqu'à Levallois. Mon sens de la hiérarchie étant
ce qu'il est, j'en étais presque gêné. Bref, on verra demain ce qu'il a à
me proposer. Comme je ne brûle pas particulièrement de l'envie de
travailler pour Enquêtes, je vais pouvoir me permettre d'être
assez exigeant sur les conditions, financières, de régularité, etc. On
verra bien si tout cela débouche sur quelque chose de concret et de
lucratif. Si ça pouvait me permettre d'abandonner la BM…
Mercredi 9 novembre
Trois heures. –
Mon déjeuner avec Rochechouart s'est fort bien passé. C'est un
jeune homme volubile, tout à fait charmant. Il semble avoir grand besoin de véritables rewriters
et j'ai plus ou moins accepté l'idée de travailler pour lui, ne
serait-ce que parce qu'il m'a assuré – si nous nous convenions
mutuellement – que le travail serait on ne peut plus régulier : au moins
un article par semaine voire un peu peu plus si je ne fatigue pas trop.
Ce qui pourrait me faire un nouveau revenu d'environ 1500 € par mois,
c'est-à-dire l'équivalent exact de la BM au tarif où elle est désormais
descendue.
– J'ai l'impression nette d'avoir perturbé gravement le personnel féminin d'À table ! en ne buvant que de l'eau durant tout ce déjeuner.
Jeudi 10 novembre
Neuf heures moins le quart.
– Une heure trois quart au lieu d'une heure pour revenir de Levallois à
chez moi, sous prétexte que s'annonce un sacro-saint week-end de trois
jours. L'affaire m'a tellement énervé que j'ai fait un peitit crochet
par l'Arabe-de-Pacy pour lui acheter une demi-bouteille de Ricard. Du
coup, il va de soi, Catherine a repris un verre avec moi, et refumé.
–
En arrivant à la maison, j'ai eu la surprise – le choc même – de
découvrir notre tilleul à terre et découpé en épaisses rondelles pour ce
qui est de son tronc. Les tondeurs de pelouse s'étaient annoncés en
début d'après-midi à Catherine et, mués en tronçonneurs d'essences,
avaient fini leur besogne à cinq heures et demie. J'attends demain matin
pour juger de l'effet produit par cette absence sur notre petit jardin.
–
Philippe B. m'a confié tout à l'heure un nouveau petit travail à faire
avec Olivier Lejeune, sur le théâtre de boulevard et ses grandes
figures. Cette fois, il s'agit d'écrire trois courts articles (entre
1500 et 2000 signes chaque) sur Robert Lamoureux, Michel Galabru et
Danièle Évenou. Comme de juste, Lejeune, que j'ai pu joindre vers trois
heures, les connaissait tous les trois et m'a donné plus d'anecdotes que
je ne pourrai en utiliser. Ce sera en tout cas cinq cents euros vite
gagnés.
Vendredi 11 novembre
Trois heures. – C'est assez rare, il me semble, que je vienne traîner dans ce journal à des heures aussi tôtives,
comme dirait Machin-Truc. La raison en est que, pour cause d'apéritif
hier soir, j'ai décidé de ne rien faire aujourd'hui – de ne rien faire
dans le domaine du travail rémunéré, s'entend. J'ai donc fini de lire
les Promenades de La Varende et je vais sans doute m'octroyer une
première lecture du journal d'octobre. Ce qui suffira à mon besoin
d'activité pour aujourd'hui. Demain, on verra à liquider les trois
petits articles que j'ai à écrire pour FD. Et à relire le BM intitulé La Madone des chantiers, afin de voir s'il y a moyen d'en tirer une resucée, voire une ripopée, pour parler comme la Palatine.
–
Il y a une semaine, Hervé XP s'en prenait, d'une manière tout à fait
incompréhensible pour moi, à Jacques Étienne et à son blog. Il a
récidivé hier, mais cette fois avec Ygor Yanka – d'une manière tout
aussi incompréhensible. Sauf que là, il est tombé sur un os : je crains
que se payer Yanka ne soit pas tout à fait dans ses moyens. Ce ne serait
pas davantage dans les miens, du reste.
Samedi 12 novembre
Sept heures vingt. – Journée productive, au point que je m'en étonne encore. Non, en réalité c'est après-midi
productif qu'il faudrait écrire, car ce matin, suite à une nuit
particulièrement mauvaise, au sommeil excessivement “perlé”, je n'ai
rien fait d'autre que lire – ce qui n'est déjà pas si mal, mais enfin.
(Ah, non, tout de même : j'ai également féminisé mon parcours de vie
en faisant la vaisselle que Catherine m'avait obligeamment laissée, et
descendu les deux poubelles dûment triées.) Vers trois heures cet
après-midi, donc, alors que je commençais de somnoler sur mon livre (Le Centaure de Dieu, La Varende), et que Catherine avait posé le sien (L'Identité de la France,
Braudel) pour dormir tout à fait, je me suis avisé que la désormais
fameuse “couverture nuageuse” venait de se dissiper en lambeaux et qu'il
faisait un temps idéal pour me livrer au jardin à la dernière tonte de
l'année. Que cette réflexion ait pu se former est déjà étonnant, mais
que je me sois précipité sans surseoir le moindre sur la machine à
couper l'herbe nous amène aux frontières du croyable – c'est pourtant ce
que j'ai fait.
– Ensuite la logique interne qui régit
le plus souvent l'auteur de ce journal aurait voulu que, prenant appui
sur ce travail effectué, je revinsse m'écrouler dans mon fauteuil pour y
reprendre le cours de ma lecture siesteuse. Au lieu de cela, je me suis
dirigé, la tondeuse à peine remisée, vers mon bureau avec l'intention
d'écrire le premier (Robert Lamoureux) des trois petits articles pour FD
qui doivent être lundi dans la boitamel de Philippe B. Non seulement
intention devint réalisation, mais j'ai ensuite écrit les deux autres,
quasiment sans reprendre ma respiration. Bref, sans plus d'effort que
cela, je me suis mis en paix avec ma conscience (vaisselle + tondeuse)
et j'ai gagné cinq cents euros. J'ai finalement atteint à l'héroïsme en
me privant volontairement du petit apéritif qui aurait en principe dû
venir couronner une aussi exemplaire journée.
– Demain, relecture de La Madone des chantiers, ce vieux BM que je pense recyclable.
–
Je me suis également trouvé fort bien, non seulement d'avoir fermé les
commentaires du blog hier soir, mais de ne les avoir pas rouverts ce
matin : les incessants échanges d'insultes stériles et puériles de part
et d'autre commencent à me faire légèrement braire. Je les rouvrirai si
je publie un nouveau billet – et encore cépaçur.
Huit heures et quart. –
Depuis quelques semaines Catherine s'est entichée d'une série
américaine (déjà assez ancienne, je crois), que je trouve pour ma part
calamiteuse – et même pas en version originale, qui plus est – au point
de n'être pas capable de me souvenir de son nom. Comme je ne puis l'en
priver et qu'elle est diffusée jusqu'à huit heures et demie, voire
davantage, je me retrouve coincé à ce bureau même lorsque je n'ai plus
rien à y faire, ce qui est précisément le cas en ce moment.
Dimanche 13 novembre
Sept heures et demie. – Grosse déception cet après-midi, en relisant rapidement La Madone des chantiers
: le roman est inutilisable, impossible de le détricoter pour en
rebâtir un autre à partir de la pelote obtenue. Non parce qu'il est
mauvais mais au contraire parce que l'histoire en est trop adroitement
ficelée : tous les détails “font sens”, et chaque fois que j'envisageais
de changer quelque chose ici (dans le but de maquiller mon forfait),
autre chose s'écroulait irrémédiablement quelques pages ou chapitres
plus loin. J'étais à la fois déçu – pour des raisons compréhensibles –
et assez satisfait de me constater capable de construire un mécano aussi
solide. Enfin, de l'avoir été, au moins. En attendant, je me retrouve à poil.
–
En ayant momentanément terminé avec La Varende (mais j'attends de lui
d'autres volumes dans les jours qui viennent), j'ai tenté de me remettre
à DeLillo, mais sans goût particulier. Et, de fait, je les ai trouvées
bien longues, les 180 pages de Cosmopolis.
– Ce
matin, les mésanges ont retrouvé le chemin de la cabane à graines,
désormais suspendue à une grosse branche du cerisier et non plus fixée
au tronc du tilleul comme les années précédentes. Et, dès cet
après-midi, un ou deux chardonnerets se présentaient à leur tour, ce qui
nous a fait bien plaisir. Nous espérons que Golo, qui ne quitte guère
l'affût, ne va pas opérer trop de ravages dans leurs rangs cet hiver.
Notamment parmi les moineaux qui ont la fâcheuse habitude de récupérer
au sol les graines tombées de la boîte.
Lundi 14 novembre
Trois heures moins le quart. –
Je trouve très amusante cette tendance de plus en plus répandue sur les
blogs de gauche (mais pas seulement chez eux : la contagion gagne…) à
hypostasier ce qu'on appelle les marchés. C'est ainsi que tout le monde ou presque, désormais, parle sans rire de la dictature
des marchés. L'hypostasie fonctionne d'ailleurs dans les deux sens du
mot ; son sens philosophique d'abord, puisqu'il s'agit de faire d'une
situation économique une chose réelle, agissante, autonome et douée
d'une volonté propre ; et son sens religieux d'origine d'autre part,
mais en quelque sorte à rebours, puisque d'une donnée plurielle,
multiple : les marchés, on fait un monstre unique mais qui se nomme toujours les marchés. Mon nom est Légion car nous sommes nombreux…
– Reçu ce matin – et lu aussitôt – Le Grand Remplacement de Renaud Camus, recueil de trois conférences et d'une interview au Nouvel Observateur
sur le terme de l'immigration massive qui a très largement commencé à
nous dissoudre avant que de nous détruire. La première des conférences
est à la fois la plus copieuse et la plus riche, les deux autres n'étant
plus ou moins que des dupliquats fortement résumés de celle-ci. En
réalité, ce petit livre (111 pages) est fait beaucoup moins pour qui a
déjà une bonne connaissance de l'œuvre “polémique” de l'auteur, et de
son parti de l'In-nocence, que pour ceux qui en ignorerait encore
les grands thèmes, et particulièrement celui-ci, le plus important de
tous, auprès de quoi tout le reste ou presque n'est plus désormais que
péripéties. Mais qui va le lire ? Et comment les lecteurs potentiels
seraient-ils avertis de sa parution ? On peut compter sur le vertueux
silence des médias inféodés, et des blogs qui ne le sont pas moins,
peut-être même davantage encore.
– Pendant ce temps,
des émeutes violentes et déprédatrices ont eu lieu à Liège, à la suite
de la mort d'un cambrioleur armé, tué par sa victime. Bien entendu,
puisque émeutes il y a eu, inutile de préciser que le “pauvre malfrat”
n'était nullement belge : tout, alors, se serait déroulé dans le calme
le plus complet, et le plus normal. Je reproduis ici la fin du billet
qu'Ygor Yanka vient de consacrer à cette affaire, désormais banale
(l'article intégral est sur son blog) :
« (…) Je ne veux point vous épargner au passage le morceau d'anthologie
pleurnicharde commis par l'une des sœurs de Kasavubu lors du
rassemblement, avant que ça ne dégénère. C'est toujours le même refrain,
du reste : « Sa mort est injuste pour la communauté. On ne peut pas
tuer un enfant
comme cela. Le nombre de personnes présentes prouve à quel point c'était
un garçon bien et très aimé. » Un garçon bien... Cette notion du
bien que l'on nous assène à chaque manifestation de ce type quand
l'individu concerné est Arabe ou Noir, marque précisément la frontière
entre leur barbarie et notre civilisation. Si l'on pense sincèrement
qu'un jeune mâle armé qui braque un commerçant sexagénaire et qui s'y
pique définitivement pour s'y être frotté, puisse être considéré comme
un chic type, eût-il été par ailleurs un chouette frère ou un bon fils,
alors il faut se résigner aux deux seules issues de secours que nous
proposons : la valise ou le cercueil.
« Samedi, c'était les funérailles du binamé (bien-aimé, en liégeois) gamin. Présents en masse, les « jeunes » se recueillirent à la manière coutumière des barbares. Écoutons Le Soir :
Ce samedi, la violence a gagné en ampleur. Contrairement à ce qui a
précédemment été annoncé, aucun cocktail Molotov n’a été jeté samedi
soir. Ce sont des torches pyrotechniques, utilisées pour la
signalisation des voies de chemin de fer, qui ont été lancées à
plusieurs endroits de la ville, dont un sur un bus des TEC Liège et un
autre sur la façade de « La maison du pèket ». Deux voitures ont été
incendiées un peu plus loin, en direction du quartier Saint-Léonard. Les
jeunes ont aussi mis le feu dans les poubelles d’une station-service en
Outremeuse. D’autres dégradations ont été constatées dans les quartiers
précités. Les incidents se sont poursuivis jusque 23 h. Au total, 32 personnes, ont été arrêtées. Six fauteurs de troubles,
quatre mineurs et deux majeurs, ont été déférés ce dimanche au parquet
de Liège. Le plus jeune d’entre eux a 16 ans et le plus âgé une
vingtaine d’années. Deux des mineurs ont été mis à la disposition du
juge de la jeunesse, qui décidera d’une sanction à leur égard. Parmi les
majeurs, un des individus s’est rebellé et un autre a été interpellé en
possession d’un sac contenant deux bouteilles d’essence. Les policiers
ont découvert d’autres bouteilles d’essence dans le centre-ville de
Liège, notamment derrière l’Hôtel de Ville de Liège. Plusieurs des
individus appréhendés portaient également des traces d’essence sur leurs
vêtements. Les dossiers des deux majeurs ont été mis à l’instruction.
« Nous n'en sortirons ni par le dialogue, ni par aucun des moyens mis à
disposition par la raison, car cela suppose que nous parlions le même
langage et que ces barbares soient doués de raison.
« Que disiez-vous déjà, Roger Hemer ? Ah oui : Bring in the army. Shoot looters and arsonists on sight.
« Feu donc. À volonté. »
Au
passage, je ferai tout de même remarquer à l'ami Ygor que “arabe” dans
la phrase où il emploie le mot est un adjectif et ne doit donc pas, à ce
titre, prendre la majuscule ; quant à “noir”, à ma connaissance il ne
la prend jamais. J'ai laissé chez lui un petit commentaire ironique
(mais au fond pas tant que cela), pour dire qu'avant de se résigner aux
armes lourdes on pourrait déjà essayer du canon à eau. Mais, évidemment,
cela suffirait amplement pour faire hurler au fascisme la volaille
habituelle.
Mardi 15 novembre
Sept heures. – Hier, après avoir dû abandonner l'idée de mitonner un nouveau BM à partir de celui intitulé La Madone des chantiers,
j'ai parcouru des yeux ma collection, tout au moins la première moitié
de celle-ci, c'est-à-dire la cinquantaine de romans suffisamment anciens
pour pouvoir être éventuellement recyclés. J'ai finalement tiré de cet
alignement un livre intitulé Les débordements de M. le maire,
qui date de 1996 et m'avait été inspiré par les graves inondations ayant
ravagé les Ardennes à cette époque. Bonne pioche : j'ai tout de suite
vu que cette histoire – dont je ne me souvenais absolument pas – était
réutilisable, à condition de changer les deux données du scénario qui
pourraient mettre la puce à l'oreille d'un lecteur avisé (ou assez
monomaniaque pour relire régulièrement ses anciens BM : il y en a). La
première donnée ce sont les inondations elles-mêmes, qui d'une part
donnent son “climat” particulier à l'histoire, et d'autre part ont leur
importance dans son déroulement. La deuxième donnée est l'abri
anti-atomique que le méchant a fait installer sous sa maison et dans
lequel il séquestre la victime du premier chapitre : trop repérable,
l'abri. Il l'était d'autant plus, repérable, que du fait de l'inondation
et des débordements de la Meuse, il se retrouvait sous les eaux ; d'où
un dernier chapitre où tout le monde se battait furieusement en
combinaisons d'hommes-grenouilles, où Corentin traversait la maison à la
nage pour sauver la gentille, et d'autres joyeusetés du même type. Gros
obstacles, tout de même, pour réutiliser cette histoire sans trop
risquer de se faire pincer. D'un autre côté, j'avais besoin que ma
bourgade ait été le théâtre d'événements exceptionnels, pour justifier
d'autres composantes du récit que je ne pouvais pas me permettre de
changer à leur tour, sous peine de tout foutre par terre (magouilles
politiques, constructions frauduleuses en zone inondables, etc.).
J'ai
fini par trouver : ma petite ville va se transporter des Ardennes dans
le Var. L'inondation va être remplacée par un feu de forêt ravageant
tout un lotissement pour salauds de pauvres, lequel n'aurait jamais dû
être construit à cet endroit-là (mais le terrain appartenait au maire,
un vrai salaud de tyran et gnin gnin gnin). Quant à l'abri
anti-atomique, il sera remplacé par un vivarium secret bourré de
serpents hautement venimeux et d'importation illégale, dans lequel ma
victime innocente (mais avec un brasero dans le panty) sera enfermée.
D'abord révulsée par les reptiles, elle va vite être fascinée par eux,
allant jusqu'à accepter leur participation à quelques jeux érotiques pas
piqués des crochets à venin. Titre envisagé : La Reine des vipères.
Les deux-tiers des chapitres sont d'ores et déjà écrits et n'attendent
plus qu'à être recopiés ; les autres demanderont tout de même quelques
aménagements, notamment toutes les “scènes vivarium” évidemment. Bref,
on ne peut pas dire que j'aie perdu ma journée. Et à moins qu'un lecteur
ait malencontreusement lu Les Débordements une semaine avant d'aborder celui-ci, mon forfait restera impuni car irrepéré.
– Reçu ce matin le Jésus de Jean-Christian Petitfils, historien dont j'avais lu avec profit et plaisir le Louis XIV
: au vu des cent premières pages, je ne regrette pas mon achat. Il
s'agit d'un point exhaustif des connaissances actuelles sur le
personnage historique du Christ, faisant état des divergences entre les
différentes écoles, tentant d'apporter des réponses aux nombreuses
questions en suspens, etc. Avec, en toile de fond, la situation
politique et religieuse de toute cette région avant et pendant la vie de
Jésus.
– Demain, retour à FD – perspective ennuyeuse s'il en est.
–
Aucune nouvelle de M. Rochechouart, qui devait pourtant – m'a-t-il
assuré à trois reprises à la fin de notre déjeuner – me joindre dès ce
week-end pour me faire “une proposition”, c'est-à-dire en clair me faire
miroiter un tarif supérieur de quelques dizaines d'euros à celui qu'il m'avait initialement annoncé. Ma collaboration à Enquêtes
commence assez mal ; ou plutôt elle ne commence pas du tout. Pourtant,
son journal bouclant le samedi, il aurait eu tout le temps ensuite d'y
songer, à sa proposition – et de me la faire.
– Je
reviens au prochain BM : le synopsis étant donc fait (!) et le livre
devant être rendu début janvier, je vais donc disposer de trois semaines
pour l'écrire : la dernière de ce mois-ci et les deux dernières de
décembre. Si bien que, peut-être, enfin, je vais réussir à le mener à
bien en n'y travaillant que les matinées. Cela doit faire au moins trois
ans que je me promets cela et que je n'y suis encore jamais parvenu. Du
reste, je n'y crois pas beaucoup plus cette fois-ci : l'effet d'une
certaine habitude au renoncement, sans doute.
Jeudi 17 novembre
Trois heures et demie.
– Pas de journal hier, pour cause d'apéritif. J'ai en revanche envoyé
un mail (et un autre ce matin) à Ygor Yanka pour l'assurer de tout notre
soutien, à Catherine et à moi, dans l'invraisemblable différend qui
l'oppose à XP – et surtout pour lui garantir, mais je savais bien qu'il
ne pouvait pas en douter, que jamais nous n'avons été baver sur son
compte devant XP, malgré ce que celui-ci laisse assez venimeusement
sous-entendre.
– Tout à l'heure, alors que je
l'appelais pour tout autre chose, Catherine m'a annoncé que les
“exemplaires papier” de mon journal 2010 étaient arrivés. Ce qui me
semble être une excellente raison pour reprendre un apéro ce soir, alors
que j'avais l'intention de n'en rien faire.
– Hier, dans son bureau, où j'étais venu pour tâcher d'obtenir un petit article publicitaire pour l'agenda Dimanche et Croix 2012
de Catherine, Philippe B. m'a demandé si cela m'intéresserait de
travailler davantage pour FD, et “en changeant de statut”, ce qui
signifierait cesser d'être rewriter pour devenir rédacteur et, donc,
écrire des papiers directement à partir de documentation (hors de
question pour moi de me livrer à cette activité honnie : le reportage).
Le plus alléchant dans cette amorce de proposition – il ne faisait que
tâter le terrain –, et en dehors de la nécessaire augmentation de
salaire, c'est qu'il me serait alors possible, tout en travaillant
davantage, de venir moins souvent à Levallois, ainsi que Philippe me l'a
clairement laissé entendre. Il doit en principe me faire une
proposition prochainement : je le laisse venir.
Si je devais travailler un peu plus à FD et, d'autre part, faire régulièrement du rewriting pour Enquêtes (mais Rochechouart fait le mort…), je pourrais sans regret dire un adieu définitif à la BM.
Vendredi 18 novembre
Trois heures. –
À propos de dire adieu à la BM, j'ai reçu hier un mail de Nancy, la
comptable de GdV, m'informant que, pour le deuxième mois consécutif, je
ne toucherai pas un centime sur la “traite” de novembre, prétendument
pour cause de retours massifs. Je lui ai aussitôt répondu que si tout ce
qu'on me doit (un peu plus de cinq mille euros pour le moment) ne
m'était pas réglé avant la fin de l'année, je cesserais toute
collaboration à la série. En réalité, si elle m'en payait déjà la moitié
au 15 décembre je m'estimerais satisfait. Mais quoi : il faut bien
montrer un peu les dents de temps à autre.
– J'ai
commencé à trouver que le temps s'allongeait alors qu'il n'était pas
encore midi. Pour tenter de contrer cela j'ai procédé à une seconde
lecture du journal d'octobre, laquelle m'a en effet conduit jusqu'à
l'heure du déjeuner. C'est à partir de maintenant que les minutes vont
peser chacune son poids de plomb.
– Ce matin, Catherine
a rendu public l'accès en ligne à mon journal 2010, pour ceux qui
souhaiteraient le commander en dépit de son prix nettement prohibitif
(plus ou moins 70 €). Nous avons quant à nous reçu les trois exemplaires
différents que nous avions commandés. J'ai pu constater, tout comme
Catherine, que la version “couverture rigide avec jaquette” est
nettement plus agréable à l'œil que sa sœur, “couverture rigide
illustrée”, où la photo sort moins bien. Sinon, pas de trop mauvaises
surprises après feuilletage rapide : les erreurs semblent assez peu
nombreuses et sont de peu d'importance, ne portant que sur de petits
détails de mise en page. L'avantage d'avoir mis ce livre en vente à prix
coûtant est je me fiche éperdument d'en vendre ou non ; même si,
évidemment, il serait malgré tout plus satisfaisant qu'il rencontre
quelques amateurs.
– Hier j'ai soudain pensé que si
jamais XP décidait de s'inviter chez la Crevette le week-end prochain,
nous risquions de nous retrouver nez à nez avec lui. Moi, encore,
j'aurais pu l'accepter, bien que ses attaques ignobles contre Yanka ne
m'incitent pas – et c'est le moins que je puisse dire – à le revoir.
Mais du côté de Catherine l'esclandre aurait été certain et immédiat.
Pour obvier à ce danger, j'ai envoyé un mail à Axelle, lui demandant,
dimanche, de ne pas aborder le “sujet XP”, Catherine étant un peu
remontée contre lui – ce qui est encore une litote –, en me disant que
si elle avait eu vent de sa visite chez elle elle m'en aurait alors
averti. Comme elle ne l'a pas fait, j'en conclus que tout risque est
écarté de ce côté-là.
– Bien que n'étant pas certain
que nous nous rendrons effectivement à Jumièges lundi, avec Marchenoir,
j'ai tout de même réservé une table pour trois personnes à L'Auberge des ruines,
dont les différents menus ont l'air prometteur. D'ici là, il me reste à
faire un grand ménage de la Case en prévision du bivouac, dimanche
soir, du même Marchenoir.
Samedi 19 novembre
Sept heures et quart. –
J'ai passé une partie de cette journée à faire ce que je n'aurais pas
dû faire, à savoir relire (très vite) mon journal 2010 imprimé.
Évidemment, de multiples bourdes m'ont sauté à la face, mais
curieusement je les ai prises avec un fatalisme limite hindou. Même, à
trois reprises, la répétition à l'identique de deux paragraphes n'a pas
suffi à m'assombrir l'humeur.
– Pendant que je passais
l'aspirateur dans tous les recoins de la Case afin d'y recevoir
dignement le sire de Marchenoir, et que Catherine vaquait à ses
occupations marchandes, le voisin d'en face aidé de son fils cadet
s'occupait d'embarquer les tronçons du tilleul abattu il y a une dizaine
de jours. Ils ont fait place nette en deux heures – depuis, le jardin
est immense.
– Cet après-midi, sur le blog-mère, un
commentateur qui signe Fabrice s'est cru obligé de me signaler qu'il
n'achèterait pas mon journal 2010 parce qu'il est trop cher – il a
entièrement raison – et aussi parce qu'on est, dit-il, toujours déçu
avec les livres auto-édités – il n'a pas tort non plus sur ce point.
Mais la perle vient en dernier, lorsqu'il ajoute une précision : “Sauf
dans le cas de Nabe, mais lui c'est un grand écrivain.” Le pis est qu'il ne doit même pas voir ce qu'il peut y avoir de malotruisme
dans le fait de dire à quelqu'un venant de sortir un livre (quelle que
soit la forme prise par cette sortie) que tel autre que lui est un grand
écrivain, étant très fortement sous-entendu : contrairement à toi,
pauvre minable prétentieux. Comme je disais à Catherine que, s'il y
avait désir de blesser, celui-ci ratait tout à fait sa cible, puisque je
passe mon temps à dire qu'en effet je ne suis pas écrivain, Catherine
m'a soutenu qu'il ne devait pas y avoir volonté d'être méchant, ou mal
élevé, mais qu'il fallait y voir plus simplement une bêtise en action.
Sans doute, en effet. Il est néanmoins possible que ce Fabrice, tout
reluisant d'un vernis de freudisme, pense que je ne dis cela qu'afin de
désarmer les critiques, alors qu'au fond de moi je serais persuadé
l'être, écrivain. Auquel cas, l'hypothèse de la hargne redeviendrait
recevable. Enfin, comme disait Paul Valéry, de toute façon on s'en fout.
–
Demain, donc, déjeuner chez les Crevette en compagnie de Robert
Marchenoir, qui se rendra chez eux par ses propres moyens et reviendra
ici avec nous pour y passer la soirée, avant de nous accompagner le
lendemain à Jumièges. C'est triste à dire mais les récentes attaques de
XP contre Ygor Yanka m'ont rendu un peu moins désireux de la rencontre
de demain. J'espère que cette espèce de désenchantement cessera lorsque
nous serons sur place – je le crois d'ailleurs.
– Pour
ce qui est de Yanka, il a dans un premier temps fort mal pris les
calomnies ignobles dont il a été l'objet, les a ressenties très
douloureusement si j'en juge par les longs mails que nous avons échangés
ces derniers jours. Mais, ce matin, il semblait tout ragaillardi et
bien décidé à rejeter par-dessus son épaule ce paquet visqueux reçu en
pleine poire. Il fera bien.
– Je ne sais pas si j'ai
noté que nous avions décidé d'aller passer deux ou trois jours à Sedan
le mois prochain. Ce sera en fonction des disponibilités chimiothérapiennes de mon père, et nous en profiterons pour nous aventurer en terre belges afin d'y déjeuner avec Yanka justement.
– Ce matin, je me suis souvenu juste à temps que Renaud Camus était de nouveau l'invité d'Alain Finkielkraut dans Répliques,
sur France-Culture. Il y était en compagnie de Claude Habib qui vient
de publier un livre sur la galanterie. L'échange fut loin d'être
inintéressant, même si, pour quelqu'un qui a lu et relu les livres de
Camus, notamment les derniers, il n'y avait pas grand-chose à y
apprendre. Mais je suppose que ce genre d'émissions est fait pour
promouvoir un livre, ou son auteur, et non pour satisfaire ceux qui
pratiquent déjà l'un et l'autre.
Lundi 21 novembre
Sept heures et demie. –
Deux journées presque parfaites, hier et aujourd'hui. Le “presque” veut
faire référence aux deux trajets d'hier, pour aller chez la Crevette et
surtout pour en revenir : très épais brouillard qui, surtout au retour,
a rendu la conduite vraiment pénible. En dehors de cela aucune fausse
note : les quatre ou cinq heures que nous avons passées chez les
Crevette, en compagnie de Robert Marchenoir, furent parfaites, comme
toujours en fait, les discussions animées – notamment lorsque MM.
Crevette et Marchenoir se sont lancés mutuellement sur le libéralisme.
Dame Axelle a tenu sa partie de façon méritoire, cependant que Catherine
et moi nous contentions de compter les points. Je fus, de mon côté,
suffisamment héroïque pour me satisfaire d'une petite bière en guise
d'apéritif, puis rien d'autre que de l'eau ensuite.
–
Il n'en fut pas de même le soir, chez nous, avec Marchenoir que nous
avions ramené dans nos bagages. J'avais prévu trois bouteilles de
chablis (premier cru, Fourchaume) et une bouteille de chinon, de son
côté notre hôte avait apporté une bouteille de vieux bordeaux : ce
matin, il ne restait qu'un flacon de chablis – et encore, entamé.
Inutile de préciser que, de ces libations, prolongées jusqu'à une heure
du matin environ, ma part ne fut pas la moindre.
– Aujourd'hui, nous étions attendus aux alentours d'une heure à L'Auberge des ruines,
restaurant de haut mérite situé juste en face de l'abbaye de Jumièges,
où nous fîmes un excellent déjeuner, absolument seuls dans la vaste
salle. Ensuite, visite de l'abbaye elle-même, parce qu'il fallait bien
justifier ces dispendieuses agapes. Visite en partie gâchée – mais en
partie seulement, et en faible partie –, par les nombreux échafaudages
nécessités par le programme d'entretien des ruines en question. À la
suite de quoi nous avons ramené Robert Marchenoir à la gare de Vernon,
non sans avoir traversé la ville pour lui montrer le moulin suspendu sur
la Seine, curiosité de cette ville où, rappelons-le au passage,
Philippe Auguste ressentit les premières atteintes du mal qui devait le
tuer dès le lendemain, à Mantes-pas-encore-la-Jolie.
–
Les plus perspicaces des lecteurs de ce journal se doutent déjà que la
bouteille de chablis rescapée d'hier n'a pas survécu à la soirée
d'aujourd'hui : ils ont raison.
– Ce matin (conséquence
de notre déjeuner crevettien d'hier ?) m'attendait dans ma boitamel la
lapidaire injonction suivante, émanant de XP (ai-je déduit d'après
l'adresse électronique, puisque les quelques lignes que l'on va lire ne
sont pas signées) :
Tu seras gentil, à l'avenir, de ne plus m'évoquer dans ton "journal" .
Contente-toi d'y parler des gens que tu intéresses, de tes amis et de tes relations. Jusqu'à preuve du contraire, je n'appartiens à aucune de ces trois catégories.
Merci d'avance.
Contente-toi d'y parler des gens que tu intéresses, de tes amis et de tes relations. Jusqu'à preuve du contraire, je n'appartiens à aucune de ces trois catégories.
Merci d'avance.
J'aime beaucoup les guillemets à “journal”.
Mardi 22 novembre
Midi et quart. –
Je viens de recevoir l'appel téléphonique libérateur de Nathalie,
m'apprenant que, malgré la mort de la veuve Mitterrand, on se passera
fort bien de moi aujourd'hui au rewriting. Je vais donc pouvoir me
consacrer à mes travaux les plus urgents – c'est-à-dire à aucun.
–
En principe, nous devrions aller à Sedan le week-end du 3 décembre,
sous réserve que Maître Yanka soit disponible à déjeuner le dimanche 4 :
j'attends sa réponse par mail. En fait, ni mes parents ni nous ne
tenions particulièrement au week-end, mais les occupations de Catherine
au presbytère étant de plus en plus prenantes, il n'était pas possible
que nous y allassions en milieu de semaine. Nous en profiterons pour
donner mon Journal 2010 imprimé à mes parents,
(Interruption
de quelques minutes, le temps de choisir, pour illustrer mon
micro-billet du jour, l'une des photos faites hier par Catherine à
Jumièges.)
… à mes parents, mais dûment emballé et
avec la recommandation de ne pas l'ouvrir avant le moment de la
distribution des cadeaux de Noël, qu'ils fêteront chez eux avec
Isabelle, Olivier et, je crois, Clémence.
Mercredi 23 novembre
Cinq heures. –
Matinée épouvantablissime : parti à neuf heures et demie de la maison,
je ne suis arrivé à Levallois qu'à une heure moins dix, soit un trajet
de trois heures vingt au lieu d'une – le plus éprouvant étant qu'il m'a
fallu deux heures et demie pour parcourir les quinze derniers
kilomètres.
Avant même le départ du Plessis, Roselyne
m'avait signalé que la route était “coupée” à 71 km de mon point de
départ. J'en avais déduit (à juste titre) que le souterrain de la
Défense devait être fermé, pour une raison inconnue – et qui l'est
d'ailleurs restée, au moins pour ce qui me concerne. L'information ne
m'a pas spécialement alarmé dans la mesure où j'ai vécu trois semaine au
mois d'août sans ce fameux souterrain et que le raccord avec l'A86 me
permettant de rejoindre Levallois par Colombes et Courbevoie ne m'a
jamais posé le moindre problème. La seule erreur, ce matin, a été de ne
pas suffisamment me rappeler que cette précédente fermeture avait eu
lieu précisément au mois d'août, c'est-à-dire à l'époque la plus creuse de l'année.
Ce
matin, donc, peu avant l'embranchement de l'A13 et de l'A14, un petit
panneau triangulaire ordinaire se contentait de signaler laconiquement
un “bouchon” sur la seconde de ces deux autoroutes, mais sans rien
préciser d'autre. Il va de soi que si la SAPN avait pris la peine
d'indiquer – ce qu'elle fait à plaisir lorsque la circulation est fluide
et que, donc, l'information ne sert à rien – que le boulevard
périphérique se trouvait à deux heures et demie de trajet au lieu des
quinze minutes habituelles, je serais bien évidemment resté sur l'A13
jusqu'au pont de Sèvres. Mais cela aurait manqué de charme, évidemment.
J'ai
donc commencé par passer une heure et quart sur ce ruban d'asphalte d'à
peine quinze kilomètres : première, arrêt, première, arrêt – jamais
au-delà. Après, une fois quittées l'A14 puis l'A86, bien évidemment, la
situation ne pouvait pas s'arranger, dans la mesure où nous
étions des centaines à nous précipiter sur les mêmes carrefours (déjà
rendus problématiques par les travaux du tramway), nous engouffrer dans
les mêmes goulets d'étranglement.
Naturellement,
lorsque je suis arrivé, mon premier travail a été d'appeler Catherine
qui se consumait d'inquiétudes de plus en plus mortelles, à mesure que
l'hypothèse d'un simple “bouchon” lui paraissait moins probable. Ce fut
d'ailleurs le seul, de travail, car Nathalie, voyant que je n'arrivais
décidément pas, avait expédié seule le peu que nous aurions dû faire à
deux. De plus, la détente nerveuse se produisant tout de même, au bout
d'environ une heure, je me suis retrouvé aussi fatigué que si je venais
de conduire sept ou huit cents kilomètres d'une traite. Si bien qu'après
avoir déjeuné rapidement d'un sandwich à mon bureau, j'ai pris la
décision de rentrer – en serrant les miches à la pensée que le damné
souterrain pouvait très bien ne pas être encore rouvert – mais il
l'était.
Personne ne sera surpris que, proposant le
vote à main levée d'un apéritif vespéral, j'aie pu bénéficier d'une
écrasante et enthousiaste majorité.
La moralité de tout
cela est que j'ai passé environ quatre heures et demie dans ma voiture –
et dans des conditions rien moins que plaisantes – absolument en pure
perte puisque ma présence à Levallois s'est avérée inutile au dernier
degré.
– Pour changer de sujet, je ne crois pas avoir
noté ici que j'avais reçu de la “branche retraite” de la Sécurité
sociale, un récapitulatif complet de ma situation. D'où il ressort que
j'aurai mon compte de trimestres en septembre 2016, soit à 60,5 ans. Et
que ma retraite – sauf changement de ma situation d'ici là ou
effondrement des dites retraites – sera égale à 2900 € brut, soit 2650 €
net, prise à 62 ans. Si l'on ajoute à cela les brimborions de retraites
française et canadienne auxquelles Catherine a droit, nous devrions
dépasser les trois mille euros de revenus net mensuels, ce qui est plus,
assez nettement plus même, que ce que je me figurais. Mais, évidemment,
il serait mieux, pour cela, que la France ne fasse pas faillite et que
l'on n'emploie pas une part de plus en plus grande de nos maigres
ressources à entretenir nos légions de parasites sub-méditerranéens. On
verra.
Jeudi 24 novembre
Trois heures et demie. –
Je reviens sur mon “Grand Embouteillage” d'hier. Il n'était évidemment
pas le premier que j'aie eu à subir dans ma longue carrière
d'automobiliste – même si très peu, à mon souvenir, ont eu une telle
ampleur. Eh bien il s'est produit pour celui-ci ce qui s'était passé
pour ses prédécesseurs : alors que je suis capable – Catherine en
témoignera sans peine – de m'énerver au-delà du raisonnable pour quatre
ou cinq voitures bloquant un carrefour durant trente secondes, dès que
les problèmes dépassent un certain niveau de nuisance, je deviens
brusquement, mais vraiment d'une minute sur l'autre, d'une zénitude
absolue, d'un fatalisme de brahmane. Plus rien, absolument rien n'est
alors susceptible de me faire sortir de moi-même : je deviens
acceptation pleine, pure attente.
– J'ai terminé hier le Jésus
de Petitfils (hormis les quelques “annexes” qui me restent à lire), qui
est vraiment un ouvrage remarquable à tous points de vue. Et, une fois
de plus, on enrage de ce qu'on ne va pas retenir le tiers du quart de ce
qu'on vient de lire. Je pense que, dès demain, je vais revenir à La
Varende, dont le père B., hier, par mail, me demandait ce que j'en avais
pensé.
– Comme il est désormais de coutume, cette
après-midi levalloisienne s'annonce longue et morne ; je me répète en
boucle que je serai en vacances la semaine prochaine afin de m'aider à
la faire passer – mais cela ne marche qu'à moitié, et de moins en moins à
mesure des heures, comme un vieux poison à demi éventé.
–
Hier soir, se couchant la dernière, Catherine a oublié de mettre la
télécommande hors de portée de nos divers bestiaux, comme je le fais,
moi, scrupuleusement chaque soir. Ce matin, elle l'a retrouvée en
miettes, littéralement. Le coupable est forcément Elstir, puisque les
deux autres chiens dorment dans le salon, porte fermée, et que je vois
mal Golo se livrer à une déprédation aussi franche et massive. Le
résultat est que, comme au beau temps de notre jeunesse, nous allons,
ces prochains soirs, changer de chaîne à la main, mais en plus après nous être déplacés.
Dans ces conditions, évidemment, pas question de “zapping dodo”, tel
que je le pratique presque chaque soir, juste avant la dormition.
–
J'ai reçu hier, en fin de journée, un appel téléphonique de François Rochechouart, qui s'est considérablement excusé de ne pas m'avoir
recontacté plus tôt (emploi du temps surchargé, problèmes imprévus,
etc.). Yapadsoussi, lui ai-je en substance répondu, cependant
qu'il m'assurait vouloir toujours me faire une proposition financière et
m'envoyer un article à récrire en guise d'essai. Comme je suis en
vacances la semaine prochaine (et hop ! un p'tit coup de mantra…), ce
serait bien qu'il passe à l'exécution lundi ou mardi, ce qui me
laisserait le temps d'expédier le travail avant de partir pour les
Ardennes, samedi.
Huit heures. – J'ai décidé,
cet après-midi, que Catherine et moi allions arrêter de fumer le 2
janvier prochain, et je le lui ai annoncé. Pourquoi cette date ? D'abord
parce que. J'arrête quand je veux. Quand je peux. Néanmoins, ce deux
janvier correspondra, comme chaque année, à l'anniversaire de ma mère.
Il est aussi le début d'une année, ou presque. Bien entendu, le premier
janvier aurait eu plus de cohérence symbolique. Oui, mais alors fuck
: si on doit arrêter de fumer au tournant de l'année, on va évidemment
se faire un vrai petit réveillon le 31 (décembre). Et, par conséquent,
on ne sera pas en état d'arrêter de fumer le premier du mois suivant.
Donc, voilà.
Il se trouve en tout cas que j'en ai marre de retousser
et recracher mes bronches. Et surtout : depuis que j'ai reçu mon
relevé de retraite (ça s'appelle comme ça ?), j'ai envie d'en profiter un peu. Donc, de ne pas mourir tout de suite. Je sais bien que c'est absurde, mais enfin…
Après tout, qui m'empêche de vouloir vivre un peu plus
? Et, du reste, un peu plus que quoi ? Que qui ? Voilà un sujet de
pensée qui me sépare radicalement de mes amis plus jeunes : ils ne
peuvent pas se préoccuper de cela ; et je ne peux rien leur en dire ;
nous sommes donc dans l'impossibilité de parler des choses les plus
essentielles, qu'ils découvriront quand le temps sera venu pour eux.
Vendredi 25 novembre
Quatre heures moins le quart. –
Je viens de terminer les “annexes” du livre, décidément précieux, de
Jean-Christian Petitfils. Ce qui m'a donné l'idée de proposer une série
pour FD à Philippe B, sur les reliques de la Passion, à savoir la
tunique d'Argenteuil, le suaire d'Oviedo et, bien entendu, le linceul de
Turin qui mériterait deux doubles pages rien que pour lui.
(Au
moment où j'achevais d'écrire le paragraphe précédent, Philippe B
répondait à mon mail, pour me dire que nous en parlerions de vive voix
mercredi prochain – ce qui ne sera pas possible, à moins qu'il ne me
téléphone, puisque je ne serai pas à FD. Mais enfin, il n'a pas dit non,
ce qui est déjà bien.)
– Ce matin je me suis arrêté à
Pacy, chez le “concessionnaire” (je ne suis pas sûr que le terme soit
approprié en la circonstance) Canal-Sat afin d'y récupérer une nouvelle
télécommande, Elstir ayant déchiqueté l'ancienne. Non seulement on m'en a
donné une, mais on me l'a réellement donnée. Alors que
l'ustensile coûte une dizaine d'euros sur internet. Le principal est que
nous allons de nouveau pouvoir regarder des films étrangers en VO
sous-titrée, ce qui était devenu impossible.
Samedi 26 novembre
Onze heures du matin. –
En prévision de notre nouvel arrêt du tabac le 2 janvier prochain, j'ai
commencé, ce matin, par supprimer le cendrier et les cigarettes qui se
trouvaient ici, dans la Case, afin d'éradiquer dès maintenant
quelques-uns des automatismes les plus difficiles à supprimer :
désormais, si je veux fumer, je dois quitter ce bureau et me rendre
jusqu'à la maison, ce qui supprime de facto un certain nombre de
fumaillages inutiles et, en fait, pas vraiment désirés. Lorsque je
reprendrai le travail, le 7 décembre, je compte bien faire la même chose
avec la voiture (je veux dire par cette phrase maladroite que je vais
m'astreindre à ne plus fumer au volant).
Huit heures moins le quart. – Plutôt que de me débarrasser de l'article sur Renaud, j'ai préféré ouvrir le livre de La Varende intitulé Grands Normands
et y lire pour commencer la dizaine de textes qu'il consacre à
Flaubert. Avant cela, dans sa courte introduction au volume, j'étais
tombé sur cette anecdote qui continue de me ravir :
«
J'ai connu la princesse de M… Elle trompait outrageusement son confiant
mari. Après la mort du prince, cette ardente personne tint, à toute
force, malgré les supplications de sa famille et les pleurs de ses
enfants, à épouser son dernier amant, hélas ! si jeune. Quelqu'un lui
dit : “ Mais voyons… épargnez-nous ce scandale… Du temps du pauvre Guy,
vous n'aviez pas de tels scrupules… ”. Le conseilleur lui proposait, en
somme, de continuer… La princesse eut cette réponse : “ Du temps où Guy
vivait, j'arrivais à lui cacher mes liaisons. Maintenant qu'il me voit,
ce n'est plus possible ”… Je salue, bien bas, la princesse moustachue,
et remariée. »
La Varende met Salammbô
au-dessus de tout, alors que j'ai toujours trouvé ce roman fort
ennuyeux et “clinquant”, la première fois que je l'ai lu, vers 18 ou 19
ans, mais aussi à seconde lecture, il y a quatre ou cinq ans je crois –
peut-être un peu plus. Ce n'est pas cette divergence d'appréciation qui
me gêne mais deux petites choses annexes : d'abord le fait que, à en
croire La Varende, je me trouverais en plein accord avec Émile Faguet,
ce qui m'ennuie ; et ensuite que les raisons d'admirer qu'il donne me
troublent beaucoup en ce sens qu'elle me font soupçonner être totalement
passé à côté de cette œuvre. Bref, je vois arriver le moment où il me
faudra lire Salammbô pour la troisième fois, ne serait-ce que pour lever l'incertitude, dans un sens ou l'autre.
Il
est d'une dureté vis-à-vis de Maupassant qui me semble bien près de
l'injustice, mais je ne suis qu'au milieu du premier texte consacré à
cet autre “Grand Normand”, donc attendons. Le troisième – et en fait le
premier par ordre à la fois chronologique et d'apparition dans le livre –
est Barbey d'Aurevilly, dont je suis presque certain de n'avoir jamais
rien lu d'autre que Le Rideau cramoisi. Encore ne suis-je pas sûr de ne l'avoir pas abandonné au beau milieu. Mais j'ai acheté il y a deux ou trois semaines Le Chevalier des Touches, que je vais lire avant d'aller voir ce qu'en dit La Varende.
– J'ai commandé tout à l'heure deux livres, découverts dans la NRH
de ce deux-mois-ci : celui de Reynald Secher sur le génocide et ce
qu'il appelle le “mémoricide” vendéen, et celui de Michèle Cointet sur
Vichy. J'ai même fait un petit billet sur le blog-mère pour l'annoncer,
ce qui n'a rigoureusement aucun intérêt, et est même “limite foutage de
gueule”, comme dirait Marcel Meyer imitant Renaud Camus dans ses moments
de bouffonnage.
– J'ai oublié de dire, hier,
que Philippe B m'avait commandé quatre feuillets (6000 signes) sur
Renaud (le chanteur) à écrire pour lundi matin. Je vais probablement
m'en débarrasser dès cet après-midi. Et, dimanche, sans doute commencer
le prochain BM, bien que la pénible branquignolette qui remplace
Marie-Thérèse chez Vauvenargues ne m'ait évidemment pas envoyé les
contrats qu'elle m'avait pourtant promis. De toute façon, comme GdV ne
paie plus depuis deux mois…
Dimanche 27 novembre
Sept heures et demie. – Ce soir, l'une de nos chaînes vouées au cinéma rediffuse La Chute,
ce film austro-allemand qui relate les derniers jours de Hitler dans
son bunker, avec Bruno Ganz dans le rôle principal. Je l'avais vu peu
après sa sortie, et déjà à la télévision, mais Catherine avait refusé de
le regarder, au prétexte qu'on allait y voir la femme de Goebbels
empoisonner la totalité de ses enfants avant de se suicider avec son
mari, perspective qui la glaçait. Tout à l'heure, constatant la basse
indigence des programmes proposés, elle s'est résignée à le voir, après
que je lui eus assuré que la scène en question était parfaitement sobre,
pour ne pas dire éludée. « Oui, peut-être, me répond-elle, mais c'est
l'idée de l'acte qui me révulse. En plus, ils en avait beaucoup,
d'enfants, non ? » Alors, moi : « Oh oui ! Six ou huit, je ne sais plus…
Les Goebbels, c'étaient un peu les von Crevette de l'époque… »
–
J'ai évidemment remis à cet après-midi mon article sur Renaud, pour FD,
alors que je m'étais bien promis de l'écrire ce matin, durant le temps
que Catherine sacrifierait à la liturgie catholique, apostolique et
romaine. Mais enfin, il est terminé et envoyé. Demain, je commence
l'écriture du prochain BM, bien que n'ayant encore signé aucun contrat
s'y rapportant.
– Après avoir terminé les Grands Normands de La Varende, j'ai enchaîné avec Le Chevalier des Touches,
histoire de ne point quitter trop vite la Normandie. Et je continue à
me demander pourquoi, entre 17 et 25 ans, en cette période où j'ai
dévoré tous les “classiques” me passant par les mains, mon chemin n'a
jamais croisé celui de Barbey d'Aurevilly. Cela dit, en cherchant un
peu, et même sans doute pas tant que cela, il doit bien y en avoir
d'autres pour ne pas avoir été pris dans mes filets d'alors. Par
exemple, mais là on sort des classiques à proprement parler, je dois
être l'une des rares personnes à n'avoir jamais lu une ligne d'Agatha
Christie. Non par une volonté délibérée ou un préjugé agissant de ma
part ; simplement, l'envie faisait défaut et le hasard n'y a pas
suppléé. Idem pour Conan Doyle, du reste, ce qui devrait me valoir les
foudres d'André, si André prenait la peine de déclencher ses foudres
pour si peu.
– À propos du verbe “déclencher”, j'ai eu l'étonnement de constater que La Varende l'écrivait déclancher. Et il ne peut s'agir d'une faute d'impression car je l'ai retrouvé à plusieurs reprises et dans des livres de lui différents.
–
Demain, Catherine, les trois chiens et moi allons bivouaquer ici, dans
la Case, car le menuisier va passer la journée à nous installer une
porte neuve à l'entrée de la maison – dans laquelle, par conséquent, il
risque de faire un peu trop froid pour y demeurer au fauteuil.
Lundi 28 novembre
Sept heures et demie. –
Il y a, chez Barbey d'Aurevilly certaines exagérations qui, lorsqu'on
les rencontre pour la première fois, ou la deuxième, peuvent paraître
ridicules, au point d'oblitérer la lecture durant une minute ou deux.
Elle surviennent généralement, ces outrances, lorsqu'il s'agit d'exalter
le courage ou la force d'un personnage – généralement mâle mais pas
toujours. Et puis, à force de les voir revenir, une atmosphère nouvelle
se crée, étrange, inattendue, mal définissable. Jusqu'à ce qu'on
comprenne à quoi, par elles, nous ramène Barbey : aux épopées
médiévales, aux chansons de geste, dans lesquelles il n'est pas rare
qu'un chevalier, d'un seul coup d'épée, tranche tout uniment et par le
milieu le cavalier ennemi et son cheval. Cet exemple m'a surgi à
l'esprit juste après avoir lu le passage suivant du Chevalier des Touches (GF-Flammarion, p. 142), dans lequel il est question du chouan Juste Le Breton :
« Un jour, ici, sur la place du Château, il était entré à cheval chez un de ses amis qui logeait Hôtel de la Poste,
et, ayant monté ainsi les quatre étages, il avait forcé à sauté par la
fenêtre son cheval, qui, en tombant, se brisa trois jambes et s'ouvrit
le poitrail, mais sur lequel il resta vissé, les éperons enfoncés
jusqu'à la botte, n'ayant pas, pour son compte, une égratignure ! »
On
veut bien que les plafonds de l'Hôtel de la Poste aient été
particulièrement bas (mais alors comment faisait Le Breton pour circuler
sous eux, juché sur sa monture ?), mais tout de même, ce saut de quatre
étages…
Dans le même roman, il est question du
chevalier éponyme ramenant un certain M. Jacques d'Angleterre jusqu'aux
côtes normandes, dans une coque de noix tenant plus du radeau précaire
que de la barque. Et il est dit que, pour s'alléger au maximum, les deux
hommes se servirent pour ramer de la crosse de leurs deux fusils.
Enfin,
pour revenir au Le Breton sauteur d'obstacle de tout à l'heure, lors de
l'attaque de la prison de Coutances – où les douze sont venus délivrer
des Touches, qui doit être guillotiné le lendemain –, il saute sur la
sentinelle pour l'empêcher d'alarmer. Puis, au lieu de la tuer, il la
maintient en l'air en la serrant au cou durant tout le temps que dure le coup de force de ses camarades…
Mais
enfin, la question qui me trotte, ayant refermé le roman, est celle de
savoir si des Touches est homosexuel ou non. Peut-être d'ailleurs
suis-je le dernier, pour cause de lecture tardive, à enfoncer cette
porte depuis longtemps ouverte. Mais enfin… cette insistance suspecte de
l'auteur à parler de sa beauté toute féminine – laquelle d'ailleurs
inspire une sorte de sourde répugnance à Mademoiselle du Percy,
elle-même assez “virile” dans son aspect –, à indiquer le peu d'intérêt
qu'il montre aux jeunes femmes qui peuplent le récit, mais au contraire à
valoriser l'amitié indéfectible et étroite entre le chevalier et le
mystérieux M. Jacques… Et surtout, il y a cette étrange scène presque
finale, lorsque, pour sauver le chevalier réfugié dans sa chambre, la
très prude et très vierge Aimé de Spens se dénude entièrement devant sa
fenêtre, afin de faire croire aux poursuivants de des Touches qu'elle
est bel et bien seule chez elle : ne le fait-elle pas parce qu'elle sait
que son protégé ne tentera rien pour lui ravir son innocence ? Que le
regard qui ne manquera pas d'effleurer son corps ne peut rien avoir de sacrilège
? Bien sûr, on pourrait aussi imaginer qu'au contraire elle s'efforce
de le tenter, parce qu'elle éprouve du désir pour lui. Mais d'une part
cela ne cadre pas avec ce personnage, si entier et solennellement promis
de fraîche date au fameux M. Jacques. Et d'autre part, même si elle
avait voulu le tenter, le fait est qu'elle n'y réussit pas du tout.
Je me demande ce qu'en pense Renaud Camus, tiens.
– Sitôt terminé ce Chevalier des Touches, j'ai enchaîné sur Nez-de-Cuir : je suis très chouan, à c't'heure.
–
C'est fait, nous avons depuis cet après-midi une nouvelle porte
d'entrée à la maison. En plastique blanc, moche à en faire dégobiller un
camusien de stricte obédience, mais enfin étanche à l'air du dehors et
double vitrée. Les chiens étaient tout décontenancés de devoir passer la
matinée dans la Case en notre compagnie.
– Bloqué,
donc, devant ce clavier, j'en ai profité pour commencer le prochain BM,
ainsi qu'annoncé. 20 feuillets. Je pourrais triompher de ce nombre, mais
comme il ne s'est agi que de recopier sans presque rien y changer le
premier chapitre d'un précédent numéro, l'exploit n'en est pratiquement
pas un.
– Constaté que ma paie de fin novembre venait
d'être virée (contrairement à moi qui ne parviens pas à l'être) sur mon
compte. S'y ajoutent le treizième mois ainsi que deux ou trois, je ne
sais, des quatre séries (théâtre de boulevard) que j'ai écrites en
octobre. Montant net : 6150 €. Catherine commençait déjà à effectuer les
premiers pas de la danse de la richesse, lorsque je lui ai signalé, nez
sur les comptes, que d'ici deux jours on allait nous ponctionner trois
mille euros de carte bleue. La danse s'est arrêtée là. On la reprendra
si GdV nous verse quelque chose à la mi-décembre.
Mardi 29 novembre
Sept heures et demie. –
Petite journée BM : 12 feuillets. Mais il est vrai que j'ai, cette
fois-ci, tellement d'avance, que c'est tout juste si j'ai pensé à le
noter. D'autre part, la méchante Marie-Thérèse m'a annoncé par mail que
m'envoyer les contrats s'y rapportant, à ce BM, “était dans son
programme de cette semaine”. Impressionné je suis…
–
Cet après-midi m'est venue l'idée de faire un autre livre “Blurb” (non,
rien à faire : je ne m'y habituerai pas) à partir des 2400 billets
publiés sur le blog-mère depuis novembre 2007 (je laisserai de côté le
paléo-blog qui a vécu de février à novembre de cette même année). Le
gros obstacle est bien sûr qu'il va d'abord falloir tout passer en revue
depuis le début, afin de ne garder que les trois ou quatre cents qui
restent lisibles, ce qui va prendre un temps infini et ne sera pas
forcément bien excitant. Puis, à l'intérieur de ce premier choix, en
éliminer encore trois sur quatre, et enfin tâcher de les regrouper en
trois ou quatre parties plus ou moins “thématiques”. Et tout ça pour
quoi ? Pour qui ? Pas sûr de mener le petit au bout, finalement.
– J'ai commencé le livre de Reynald Secher (reçu ce matin) à propos du génocide/mémoricide
vendéen. Lecture effrayante, un gouffre s'ouvre, là, juste devant votre
fauteuil. Tous les procédés du communisme puis du nazisme, ces deux
grands génocidaires, sont déjà sinon mis en place du moins testés,
tentés. Tous, y compris le gazage – qui est vite abandonné : l'époque
n'est pas encore assez technicienne… Même la récolte des cheveux et des
dents des cadavres sont présents, certains, attestés, ainsi que le
tannage des peaux humaines. Et l'on se demande (je n'en suis pas encore à
la partie mémoricide) comment on a pu à ce point occulter ces
horreurs – occultation dont nous portons tous plus ou moins la
responsabilité – aussi longtemps et aussi presque-parfaitement.
–
Je vais publier le journal d'octobre dès que je serai sorti de
celui-ci, puisque nous sommes demain le dernier jour de novembre. Mais,
auparavant, je suis chargé par Catherine d'aller m'enquérir auprès de
Messire Google de la différence entre le vacherin et le mont-d'or…
Mercredi 30 novembre
Sept heures vingt. –
Seulement huit feuillets écrits aujourd'hui, pour cause de dissipation
culturelle et touristique. Le temps était si beau, à midi, lorsque
Catherine est remontée du presbytère, que je lui ai proposé de nous
faire déjeuner d'assez bonne heure afin que nous ayons tout le temps,
ensuite, d'aller découvrir l'abbaye de Saint-Wandrille, située à 90 km
d'ici, à quelques encablures de celle de Jumièges et pratiquement sous
le pont de Brotonne. Il en fut fait ainsi, sauf que la seule visite
guidée de la journée, à trois heures et demie, n'a lieu que du printemps
à la Toussaint, ce dont j'avais négligé de m'aviser avant de partir.
Nous nous étions décidés pour celle-ci car, dirigée par un des moines de
l'abbaye, nous pouvions espérer qu'elle soit un peu moins festive
que ce que nous avons dû endurer au Mont Saint-Michel. Festive, en
effet, elle ne le fut pas du tout. C'est d'autant plus dommage que, en
visite libre, on ne voit vraiment pas grand-chose de l'abbaye, pour
ainsi dire rien de ses bâtiments du XVIIe siècle, et le cloître reste
tout à fait invisible. La seule chose accessible, hormis le cadre dans
lequel s'inscrit l'abbaye, la vallée de la minuscule rivière Fontenelle,
qui donna son premier nom à l'abbaye, ce sont les ruines de l'abbatiale
gothique qui, si ma mémoire est bonne, doit dater du XIIIe siècle,
peut-être même du XIVe. Mais n'en reste pour ainsi dire que la partie
nord du transept : le reste se devine au sol plus qu'il ne se laisse
voir. En tant que ruine, Saint-Wandrille ne saurait rivaliser avec sa
voisine Jumièges. Mais enfin, la promenade fut tout de même fort belle
et a clos ce mois d'une façon plus agréable que si j'étais resté devant
ce fichu écran lumineux.
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