MISÈRE DE L'ARCHANGE
Samedi 1er octobre
Midi. –
J'ai bien failli, tout à l'heure, ne pas m'apercevoir que l'on venait
de changer de mois et poursuivre benoîtement ce pauvre septembre qui
n'en pouvait mais.
– Le temps est toujours aussi
estival, l'humeur également – la mienne en tout cas. Je m'accorde cette
journée de loisirs avant de reprendre (et j'espère de terminer) ma série
sur les stars du boulevard. Il me reste trois doubles pages à écrire : La Cage aux folles, Marthe Mercadier et Jean Lefebvre. Si je tiens le rythme, tout devrait être bouclé mardi soir.
– Entretemps je serai allé au garage Renault de Saint-André, pour y récupérer Roselyne, pomponnée de frais.
–
Hier soir, trajet de retour épouvantable, l'A14 presque entièrement
bouchée, l'A13 à peine mieux. Même les rues de Neuilly étaient
résolument impraticables. Nous avons mis près de deux heures au lieu
d'une (car Catherine était avec moi), et dans une voiture dénuée de
climatisation. En somme, nous avions bien mérité l'apéritif que nous
prîmes.
Dimanche 2 octobre
Midi. – Très logiquement je devrais être occupé à compulser fiévreusement ma documentation à propos de La Cage aux folles,
afin de me débarrasser cet après-midi de l'article que je dois écrire à
propos de ladite cage ; c'est du reste la raison que j'ai invoquée
auprès de Catherine pour venir me réfugier ici, à ce bureau. Au lieu de,
je traînasse sur les blogs et les forums, lesquels sont pourtant bien léthargeux
en ce dimanche matin. Il fait très beau, il continue à faire très beau,
pas un souffle de vent, la porte de la Case est grand ouverte sur ce
lambeau d'été égaré, et s'il n'y avait pas les quelques lointains coups
de feu des premiers chasseurs de la saison, nous pourrions en effet nous
y croire, en été.
– Nous nous sommes couchés fort tard, hier, Catherine et moi, en raison d'un film de Kurosawa – Barberousse,
1964 – qui commençait à dix heures et demie et dont ni elle ni moi ne
nous étions avisés qu'il durait trois heures. Mais il en valait la
peine. Il va cependant nous coûter cher, M. Kurosawa, en raison de sa
manière de filmer, qui consiste souvent à écarter l'un de l'autre les
personnages qui dialoguent afin de les disposer aux bords de son cadre.
Notre “vieille” télé (je mets le mot entre guillemets car en réalité
elle ne l'est nullement, vieille) ayant la désagréable manie de nous
rogner une bande verticale de chaque côté de l'écran, nous avons assisté
à certaines scènes sans voir aucun des deux personnages qui
étaient censés l'animer. J'ai par conséquent unilatéralement décidé que,
dès mardi, nous descendrions à Pacy faire l'acquisition d'un écran
plat, en espérant que celui-ci daignera nous offrir la totalité de ce
que les cinéastes se sont échinés à filmer. De toute façon, puisque
certaines cassandres nous annoncent un écroulement général des banques,
autant dépenser tout de suite les maigres économies qui sont les nôtres,
avant qu'elles ne partent en fumée.
– Cela étant, je vais tout de même ouvrir ce fichu dossier Cage aux folles…
Quatre heures.
– De retour devant ce clavier depuis exactement une heure, et toujours
pas la plus petite velléité de commencement de travail : il devient
clair que je ne m'y mettrai pas aujourd'hui. Ce qui est sans la moindre
importance. Enfin, si, tout de même : en toute fin de matinée j'ai
parcouru ma documentation afin d'en extraire les articles les plus
intéressants pour moi, pour le travail que j'ai à faire. Le pire est que
je suis certain que ce papier ne va présenter aucune difficulté d'aucun
ordre. Alors pourquoi cette inertie qui m'empêche de m'y mettre ? J'ai
la réponse, bien entendu, chaque fois la même depuis des décennies : il
n'y a pas encore d'urgence…
– Avant de revenir – en pure perte donc – à ce bureau, j'ai terminé Guignol's band
; avec du mal pour les cinquante dernières pages, mais il est vrai que
j'avais largement dépassé ma capacité de résistance à Céline, en
doublant les quarante ou cinquante pages sans pause que je m'autorise
d'habitude. Je reste avec le même auteur, toutefois : Casse-Pipe d'abord, dont les 110 pages n'ont rien d'effrayant, vues comme ça, puis Féérie pour une autre fois, qui semble nettement plus impressionnant.
Lundi 3 octobre
Neuf heures moins vingt. – Pas le temps de rien noter ici si je ne veux pas manquer le début du film, Quand passent les cigognes,
que je n'ai jamais vu. Récupéré la voiture, mais il faut que j'y
retourne demain matin : l'indicateur de température du moteur est devenu
fou. Voilà pour ce soir.
Mardi 4 octobre
Midi.
– Roselyne est donc revenue au bercail. Je l'ai récupérée hier soir au
garage de Saint-André, propre et joyeuse comme une jeune mariée. Sauf
que, durant le trajet du retour, le témoin de température du tableau de
bord s'est mis à débloquer complètement, passant sans prévenir, et
pratiquement d'une seconde à l'autre, d'une température normale à une
température maximale et donc dangereuse. Au point que, à quelques
centaines de mètres du Plessis, une sonnerie a retenti dans l'habitacle
cependant que s'allumait un voyant rouge m'intimant l'ordre de m'arrêter
immédiatement sous peine de “casse moteur”. J'ai fini le trajet au pas,
bien que je ne crusse pas trop à un problème réel mais plutôt à un
dysfonctionnement électronique. J'ai tout de même rappelé le garage dès
arrivé et l'on m'a invité à repasser ce matin, ce que j'ai fait bien
entendu. Durant les onze kilomètres me séparant du garage, l'indicateur
de température s'est comporté absolument normalement, comme s'il avait
décidé de me faire passer pour un con une fois au garage. Après un
examen rapide, le chef d'atelier – enfin l'homme d'un certain âge dont
j'ai décidé qu'il devait s'agir du chef d'atelier – a décelé la présence
d'air résiduel dans le circuit de refroidissement. Il a purgé bébé et,
depuis, tout fonctionne normalement.
– J'ai profité
d'avoir récupéré la voiture pour entrer dans le GPS notre destination de
vendredi : le gîte se trouve à très exactement 300 km de notre descente
de garage, et Roselyne se fait fort de nous y mener en trois heures
moins trois minutes. Nous partirions donc vers midi et, peut-être,
quitterons-nous l'autoroute plus tôt que prévu afin de découvrir un peu le pays
environnant. En principe, mardi prochain, nous devrions nous rendre chez
Jacques Étienne, qui vit dans l'extrême sud de la Manche, à une
cinquantaine de kilomètres du Mont, afin qu'il nous emmène découvrir la
foire aux veaux qui se tient hebdomadairement chez lui – je veux dire :
dans son village, ou bourg, ou petite ville, je ne sais. J'avais pensé
au départ prendre juste un café ou un verre avec lui, histoire de faire
un peu connaissance en dehors du miroir déformant des blogs, mais il
nous a tout de suite proposé de déjeuner chez lui, après notre matinée
bovine – et j'ai accepté.
– Sont tombées quelques très
fines gouttes de pluie ce matin, le temps reste d'ailleurs très couvert,
ce qui risque de compromettre la tonte que j'avais prévu d'effectuer
cet après-midi. D'un côté je ne me plaindrais pas d'échapper à cette
mini-corvée, de l'autre il faudrait bien tout de même que la pelouse
soit coupée, sous peine de la retrouver savane à notre retour de
vacances.
– Je suis également censé, cet après-midi,
écrire l'avant-dernier volet de ma série “boulevard” sur Marthe
Mercadier. Si je n'en ai pas le courage, ce sera pour demain, à
Levallois. Où je serai d'ailleurs tout seul, Brice étant en RTT et
Nathalie malade, viens-je d'apprendre.
– Nous nous
sommes avisés hier que, malgré la saison bien avancée, il y avait encore
deux titis dans l'un des nids de tourterelles installés dans le
tilleul. Ce matin, l'un d'eux était sorti du berceau pour s'aventurer
sur la branche le supportant. Mais il ne s'est pas encore envolé.
L'autre semble se montrer plus timoré – ou prudent, c'est selon.
Mercredi 5 octobre
Sept heures et demie. –
Journée parfaite, si tant est que cela puisse exister à FD. J'étais
tout seul dans le bureau du rewriting, et avec suffisamment de travail
pour m'occuper de façon continue jusqu'à quatre heures et demie, heure à
laquelle j'ai décidé de rentrer. Dans ce travail, je compte
l'avant-dernier volet de la série “boulevard”, dont je compte fermement
écrire le dernier demain (Jean Lefebvre), afin de m'en désencombrer
l'esprit avant notre départ de vendredi. Il s'agit surtout d'éviter
l'acte manqué qui me ferait oublier ma documentation ici, ce qui
m'interdirait alors d'en finir.
– La conséquence de
cette activité de fourmi ouvrière est que je ne suis quasiment pas allé
traîner sur les blogs et que j'en ai éprouvé une intense satisfaction.
Un peu comme un alcoolique qui parvient à rester une journée et une
soirée entières à l'eau pure – ce que j'ai fait également, du reste.
–
Pour le côté “idyllique” de ma journée, j'oubliais le plaisir retrouvé
de faire les deux trajets au volant de Roselyne et mon renouement
consécutif avec Trenet. En plus, pas de bouchon.
– Dans
l'un de mes moments de pause, entre deux travaux de ravaudage
stylistique, je me suis amusé à calculer combien je coûtais à mon
employeur chaque mois. Je parle “tout compris”, c'est-à-dire en
additionnant mon salaire brut et les charges dites “patronales”. À la
louche, cela doit avoisiner les soixante mille euros annuels. Et je me
disais que, si je pouvais négocier un départ, disons en 2012, Lagardère
réaliserait alors – puisqu'il ne saurait être question de me remplacer –
une économie de 60 000 x 6 = 350 000 euros. Si mes vénérés
patrons-comptables pouvaient accepter de partager ce gâteau avec moi et
m'octroyer des indemnités de cent soixante quinze mille euros, je
partirais quand ils le voudraient. Avec cette somme, nous aurions de
quoi vivre au moins quatre ans, ce qui me mènerait à deux ans de la
retraite. Même sans le moindre sou de chômage, ce serait jouable, pour
peu que nous réalisions le projet lozérien. Mais j'ai bien peur de
“rêver en couleurs”, comme dirait Catherine.
Toute la
difficulté, dans ce genre de situation est de bien choisir son moment
et, surtout, d'éviter d'être demandeur : Dès que le patron sait que vous
voulez partir, il vous tient. Surtout si lui-même n'est pas si pressé
que cela de se défaire de vous. D'un autre côté, si vous attendez trop
longtemps, il a de moins en moins intérêt à vous consentir des
indemnités grassouillettes. Et Dieu sait s'il existe de plus fins
négociateurs que moi…
Il y a aussi ces rumeurs
périodiques et insistantes, disant qu'Arnaud Lagardère chercherait à se
débarrasser de certains de ses journaux – ceux qui gagnent de l'argent,
bien entendu. FD est dans le lot. J'ai commencé par considérer cette
perspective comme une chance, dans l'optique de ce que je viens de dire ;
je crois même avoir expliqué pourquoi ici, il y a deux ou trois mois.
Mais je n'en suis plus si sûr aujourd'hui. Car si le groupe devait se
séparer de FD, et donc de tout ou partie de ses salariés, je ne pourrais
plus arguer de la somme que je vais coûter à mon employeur jusqu'à ma
retraite, puisque précisément mon employeur actuel ne le serait plus.
Pour
bien faire, il faudrait que je prenne langue avec un délégué syndical
du groupe, à condition d'en trouver un vraiment intelligent. Et qui,
dans les réponses et conseils qu'il me prodiguerait, ne fasse pas passer
l'intérêt de son syndicat avant le mien. Pfff…
Jeudi 6 octobre
Six heures moins le quart. –
Heure fort inhabituelle pour venir écrire ici. La raison en est que je
n'aurai probablement pas le temps après le repas, qui sera pris plus
tard que d'ordinaire. Et la raison de cette raison est que nous devons
emmener tout à l'heure les trois chiens au chenil alors que nous ne
pensions le faire que demain matin, avant de partir pour le mont
Saint-Michel.
– Journée satisfaisante puisque d'abord
elle n'a pas été bien longue, et qu'ensuite j'ai pu mener à bien
l'article sur Jean Lefebvre, dernier de la série de six sur les stars du
boulevard. Durant la semaine qui s'amorce je n'aurai donc à faire que
le synopsis du prochain BM (qui le devient dangereusement, prochain…), à
quoi je consacrerai notre première journée sur place, samedi, puisque
Catherine sera jusqu'au soir au Mont, avec les gens de la Fraternité de
Jérusalem. De toute façon, je suis déterminé à me resservir
outrageusement du vieux BM intitulé Le Sauvage de la francilienne
et à faire entrer cette histoire dans mon cadre de Jumièges, au
chausse-pied et au démonte-pneu si besoin est. Dans cette optique, la
journée de samedi devrait y suffire.
– Je suis
pratiquement déterminé à avoir un entretien avec l'un ou l'autre de nos
syndicalistes, à mon retour de vacances, pour lui exposer mon cas et
recueillir ses avis quant à ce que je dois faire (me déclarer volontaire
au départ, attendre, etc.) Anne, à qui j'en parlais cet après-midi, me
disait qu'à son avis il valait probablement mieux attendre un peu car,
d'après elle, ou plutôt d'après son ami Emmanuel, syndicaliste de
fraîche date, la direction aurait déjà commencé à sonder les antiquités
salariales dans mon genre pour voir un peu combien seraient prêtes à
s'effacer du paysage. Elle a sans doute raison : comme je le disais
hier, il est toujours préférable d'être démarché par le patron plutôt
que d'être soi-même le demandeur. On verra cela de plus près en
novembre.
Vendredi 7 octobre
Huit heures et demie. –
Nous voilà donc pour huit jours au Mont Saint-Michel – et face à lui
pour peu que nous sortions dans le jardinet –, dans le gîte qu'un
lecteur de mon blog, appelons-le M. S, m'a spontanément proposé. Le
plaisir, déjà, de délaisser l'ordinateur (par la force des choses, le
portable de Catherine étant manifestement entré en agonie) pour écrire
dans ce cahier d'écolier quadrillé, chose qui ne m'est pas arrivée
depuis de nombreuses années. Dans mon dos, du fauteuil où je suis, le
Mont, que je sais être illuminé pour être sorti tout à l'heure le
contempler, à la fois lointain et très proche. Chaque fois que je sors
le voir, je rebascule en ce mois de mai 1979, cette semaine passée entre
les hauts murs de l'abbaye, avec André et Philippe – mort si peu
d'années après. Je dois être à quatre ou cinq kilomètres du Mont, à vol
de mouette, mais plus de trente ans m'en séparent.
– Catherine est montée se coucher, je reste en bas un moment, écoutant Monique Morelli chanter Aragon.
(Mon écriture, déjà déplorable, devient piteuse de ce que j'écris sur mon genou.)
Samedi 8 octobre
Dix heures du matin. –
Journée studieuse et sédentaire pour moi, Catherine étant partie
jusqu'à ce soir avec la voiture, pour sa journée d'étude des textes
bibliques, au Mont, avec les membres de la Fraternité de Jérusalem. Je
vais en profiter pour relire rapidement les deux BM que j'ai apportés
avec moi afin d'en tirer un synopsis viable.
–
Désagréable surprise hier soir, donc, de constater que l'ordinateur de
Catherine refusait désormais tout service : soit il “mouline” sans fin
si on lui demande poliment de bien vouloir ouvrir l'une ou l'autre de
ses applications, soit, l'ayant ouverte, il “plante” tout franchement.
Et comme, bien sûr, nous sommes partis sans papier (pas comme des
clandestins sub-sahariens : réellement sans aucune feuille de papier…),
puisque nous avions le portable, je me vois contraint de tenir mon
journal ici, dans ce cahier servant de livre d'or aux divers
occupants du gîte, en espérant que le maître de céans voudra bien ne pas
me tenir rigueur de cet envahissement excessif. J'ai déjà prévu
d'aller, vendredi prochain, faire photocopier les pages ayant été
écrites afin de pouvoir les retranscrire ensuite dans mon ordinateur,
une fois rentré à la maison.
– Le temps est très
couvert et, chaque fois que je sors fumer une cigarette dans le petit
jardin, je me prends sur le crâne quelques gouttes éparses et
nonchalantes. Mais le Mont est là, face à moi, qui rachète tout. Et
puis, le Clavier bien tempéré, joué par Richter…
Cinq heures. –
Nous nous disions, hier soir, que cette maison, toute exiguë qu'elle
paraisse de l'extérieur, nous conviendrait parfaitement. Elle serait
même assez proche de l'idéal pour peu que l'on transforme l'inutile
garage – inutile pour nous – en bureau bibliothèque, en remplaçant la
porte de bois par une porte-fenêtre.
– Fumant tout à
l'heure sur la terrasse du premier étage, j'ai pris langue avec la
voisine, celle de la maison située tout de suite à gauche de “la nôtre”
lorsqu'on se trouve dans la rue, face au petit parking qui nous est
réservé. Elle m'a dit habiter là depuis 36 ans et a déploré vivement le
fait que le rideau d'arbres situé à une centaine de mètres, voire un peu
davantage, en contrebas, lui bouche désormais la vue sur le Mont et
au-delà. « Avant, on voyait jusqu'à Granville… »
[Ajout du dimanche 16, lors de la retranscription dans l'ordinateur
: Catherine a appris trois jours plus tard, par l'autre voisine, celle
“de droite”, qu'en fait, ces arbres étaient interdits d'abattage.]
Dimanche 9 octobre
Cinq heures.
– J'ai fait trois visites conférences du Mont, depuis trente ans –
chaque fois parfaite. Eh bien celle d'aujourd'hui était nulle,
pitoyable, terriblement dans l'air du temps. Il ne faut absolument pas y
aller, contrairement à ce que j'ai chaudement recommandé à plusieurs
reprises, me basant notamment sur mes souvenirs de 1998 ou 1999, avec
Catherine. En y repensant, j'ai presque envie de maudire sur sept
générations cette pauvre femme grotesque qui nous a dévidé une espèce de
“docu-fiction” imbécile au lieu de la conférence que nous espérions.
Je
m'adresse donc aux dernières personnes non contaminées de ce monde :
fuyez la visite-conférence ! Découvrez le Mont seuls, et en essayant de
faire abstraction de toutes les pitoyables scories que l'on vous y
infligera malgré vous. Et je plains les jeunes, disons les moins de
trente ans, de n'avoir pas connu ces époques antérieures où l'on
pouvait visiter le Mont Saint-Michel sans plaisanter.
La chute de ce monde est terrifiante. Et à pleurer.
[ Ajout “recopiage” : je viens finalement de publier un billet sur ce sujet, qui me reste douloureux, une semaine après. Il est ici.]
Lundi 10 octobre
Huit heures et demie du soir. –
Petite journée fort agréable. Ce matin, les quelques courses
indispensables à Pontorson, avec visite rapide de la ville – qui n'en
demande ni n'en mérite pas plus. Cet après-midi, nous avons poussé
jusqu'à Dol-de-Bretagne, ce qui ne représente pas vraiment un exploit.
Cathédrale puissante, massive, ramassée, râblée de l'extérieur, mais
étonnamment élancée et lumineuse une fois passé le narthex. Cette visite
– libre et silencieuse, elle… – m'a fait un peu oublier la navrante
expérience d'hier, au Mont.
– Là-dessus,
café-goûter chez Élodie et Nicolas, qui vivent à quelques kilomètres
d'ici, à Roz-Landrieux (quand nous sommes, nous, à Roz-sur-Couesnon).
Auparavant, dans Dol, très gentille ville de province française (très
française même : aucune “diversité” en vue…), nous avons trouvé une
librairie ouverte bien que nous fussions lundi. Je voulais trouver un
cahier pour ici, afin de me faire pardonner les pages que je noircis
dans celui-ci. J'en ai trouvé un assez joli, que je me suis empressé
d'acheter.
– Demain, Dinan et Combourg.
– Ah, sinon : Catherine, voulant se faire chauffer une pizza (Catherine adore
les pizzas : la perfection n'est pas de ce monde…), s'est héroïquement
battue avec le four de la maison, lequel lui a non moins héroïquement
résisté. Je pense qu'on peut conclure à un match nul : le four a fini
par battre en retraite, mais la pizza est restée tiède.
(Je
souffre toujours autant lorsqu'il s'agit d'écrire à la main : vivement
le retour à l'ordinateur, même s'il signifiera la fin de notre séjour
ici et la reprise du travail.)
– Oublié encore ceci : à
Dol, Catherine et moi, repris par une poussée de fièvre immobilière,
avons fait un peu le tour des agences et constaté que les maisons dans
cette région étaient vraiment fort peu coûteuses. Notamment à Dol même,
cette petite ville calme, tellement “France d'avant” qu'elle semble
presque sortir d'une chanson de Trenet, et qui nous conviendrait
parfaitement. J'espère que la Lozère ne va pas trop mal le prendre.
Mardi 11 octobre
Quatre heures et demie.
– Comme on peut le voir à l'heure que je viens de noter, nous ne sommes
pas vraiment des stakhanovistes de la visite, puisque nous voilà déjà
revenus au gîte (curieuse expression pour de prétendus humains…). La
journée, pour courte, fut néanmoins très agréable, passée avec Élodie
que nous sommes allés prendre chez elle vers dix heures ce matin.
Ensuite, direction Dinan pour une visite de la ville, ou plutôt de la
haute ville. Catherine, dans une minuscule boutique proche de
Saint-Sauveur, a trouvé un chapeau superbe et fort original, tout en
plissés juxtaposés, superposés, entremêlés (je ne sais trop comment
dire…), en dominante de gris clair. Elle ne voulait pas l'acheter à
cause des cent soixante euros de son prix mais j'ai fait acte d'autorité
en brandissant la carte Visa avec une virile assurance. Ensuite,
déjeuner dans un excellent restaurant situé au bout du viaduc et qui
s'appelle du reste Le Bistrot du viaduc, preuve que l'homme a
parfois le sens de l'observation et de la suite logique dans les idées.
Il est tout à fait recommandable, et ne ruinera que ceux qui le sont
déjà.
– Un peu trop lourdement lestés de ce repas (le
feuilleté de pied de cochon avant le pavé de bœuf aux girolles était
peut-être de trop, dans mon cas – sans même parler du nougat glacé
terminal…), nous avons reculé devant la visite guidée du château de
Combourg (chat échaudé…) et nous sommes contentés d'en faire un tour
extérieur. Mais ce fut pour le regretter tout de suite après et nous
dire que, la prochaine fois (les touristes pensent toujours qu'il y aura
une prochaine fois), nous viendrons à Combourg le matin afin d'être un
peu plus allants.
– Le temps s'est un peu éclairci par
rapport à hier, mais pas de quoi pavoiser pour autant, ni sortir les
glaçons dans le jardin.
Mercredi 12 octobre
Huit heures et demie.
– Catherine s'est avisée tout à l'heure que, ce jour, nous vivions
ensemble depuis 21 ans. Et j'ai réalisé que j'avais désormais davantage
vécu avec elle qu'avec mes parents, puisque j'ai quitté la maison de La
Ferté-Saint-Aubin en octobre 1976, à 20,5 ans.
(Mes
douleurs au poignet non seulement me donnent une écriture hideuse –
presque celle d'un débile –, mais me rendent son exécution très pénible
et laborieuse. Du reste, Catherine me disait hier qu'on voyait bien que
j'écrivais ce journal à la main depuis quelques jours : il en est
quasiment réduit à son propre squelette. Il y a aussi que j'évite
d'écrire certaines choses, dans cet “espace public”.)
– Titre possible pour mon journal d'octobre : Misère de l'Archange
; par référence bien sûr à cette visite calamiteuse du Mont, dont
décidément je ne me remets pas, et compte faire un billet vengeur sur le
blog-mère dès rentré à la maison.
– En dehors de cela, journée parfaite, ciel se déchirant en début d'après-midi pour des miroitements magnifiques sur la baie.
–
Si les futurs occupants de ce gîte en tous points agréable à habiter
ont le courage de déchiffrer mes chiures de mouche, je leur signale que
la visite du Scriptorial d'Avranches est quasiment indispensable.
Musée moderne et didactique, donc n'incitant pas à la rêverie erratique
et paresseuse, mais extrêmement bien conçu : visite à faire juste avant
ou juste après celle du Mont (mais je pencherais plutôt pour juste
après). Le cœur du Scriptorial est bien entendu cette salle climatisée
et plongée dans la pénombre où sont présentés (par roulement afin de les
exposer le moins longtemps possible) une douzaine des deux cents livres
manuscrits et enluminés par les moines copistes du Mont, entre le Xe et
le XVe siècles – dont certaines œuvres d'Aristote et autres Grecs, qui
prouvent, comme l'a établi Sylvain Gouguenheim, que contrairement à ce
que nous assène la “vulgate” moderne nous ne sommes en rien redevables
aux Arabes d'une quelconque “redécouverte” de classiques qui n'ont en
fait jamais été perdus. Mais bon…
En dehors de ce
trésor, bouleversant à plus d'un titre, le reste du musée est très
intéressant – et il serait dommage de dédaigner les six courts films
proposés dans la petite salle de projection, où l'on découvre des hommes
et des femmes de notre temps possédant dans leurs mains, tête et cœur
différents métiers de haute noblesse : relieurs, calligraphes,
enlumineurs, restaurateurs de manuscrits anciens, etc. : l'inverse
absolu des fonctionnaires inutiles que nous sommes tous plus ou moins.
Jeudi 13 octobre
Six heures et demie. –
J'écris ce qui suit à Roz-Landrieux, dans la grande et très lumineuse
maison louée depuis deux ou trois ans par Élodie et Nicolas, son
dessinateur de pas encore mari, où nous allons passer la soirée et la
nuit. Ce n'est pas que nous soyons loin de notre demeure temporaire, une
vingtaine de kilomètres je crois, mais Catherine a fermement émis
l'idée que, pour une fois, elle pourrait ne pas ramener la voiture à bon gîte et, par voie de conséquence, boire au dîner autre chose que de l'eau.
–
Avant cela, notre journée fut parfaitement équilibrée : ce matin,
visite de Dinard, notamment le quartier surplombant la mer où se
trouvent ces étonnantes et parfois somptueuses villas de la fin du XIXe
siècle. L'une d'elles notamment, rose, élégante et très vaste, ceinte
d'un véritable parc, avait toutes nos faveurs et nous nous sommes pris à
rêver que, si par hasard Catherine daignait gagner au loto… Enfin, les
gamineries habituelles.
Ensuite, excellent déjeuner chez Didier Méril (1 place du Général-de-Gaulle, pour les ceusses qui…), restaurant “avec vue” – mais aussi quelqu'un en cuisine – que je recommande sans la plus petite hésitation.
L'après-midi,
assez longue marche sur la presqu'île de Saint-Jacut, à marée basse (du
reste, depuis que nous sommes ici, nous n'avons encore pas réussi à
voir la mer autrement qu'à marée basse – à croire qu'elle se retient de
monter pour marquer sa désapprobation de notre présence), afin d'y faire
notre plein d'iode – et celui de photos pour ce qui concerne Catherine.
(Je
note tout cela trop rapidement, avant qu'Élodie ne photocopie toutes
les pages écrites ici, dans ce cahier, depuis notre arrivée au gîte ;
pages que je remporterai à la maison samedi afin de les incorporer à mon
journal dimanche, en en développant peut-être certaines parties.)
– Demain, dernière journée, promenade à Cancale et dans ses environs, achat d'agneau de pré salé et déjeuner chez Roellinger.
Vendredi 14 octobre
[Entrée
rédigée (plus ou moins…) le lundi 17, d'après les trois notes prises à
la date indiquée, au dos de l'une des photocopies faites par Élodie.]
Trois heures et demie. –
La soirée chez Élodie et Nicolas s'est fort bien passée. Comme
Catherine avait exigé de manger des moules et des frites au moins une
fois durant notre séjour, il fut donné droit à ce caprice gastronomique ;
et si le vin n'était pas de Moselle, il n'en manqua pas pour autant.
– Ce matin, nous sommes repartis de Roz lestés d'un album dédicacé de Golden City,
la bande dessinée fleuve dont Nicolas est l'auteur et qui lui vaut,
semble-t-il, une belle notoriété dans ce milieu dont j'ignore tout.
L'album est pour le patron de la clinique vétérinaire de Pacy, lequel
est un admirateur inconditionnel du travail de Nicolas. Pour ce qui est
de mon ignorance en la matière, elle devrait être partiellement comblée
dans les mois qui viennent puisque, Nicolas nous ayons un peu parlé des
mœurs de ce petit monde clos, et aussi de l'ambiance particulière des
festivals, nous sommes convenus que Catherine et moi nous rendrions avec
Élodie et lui au prochain de ces festivals afin d'en tirer le cadre et
l'intrigue d'un futur BM.
– Dès après le
petit-déjeuner, nous avons filé à Cancale où, à la boucherie recommandée
par Élodie (sur la place de l'Église), Catherine a fait une ample
provision d'agneau de pré salé. D'après elle, nous en avons pour une
douzaine de repas, ce qui est heureux puisque la facture avoisinait les
deux cents euros. Pour ce prix, nous avons eu droit, en cadeau, à une
délicieuse petite terrine.
– Après l'obligatoire
flânerie sur le port, il était l'heure de nous rendre chez Roellinger,
où j'avais réservé une table trois ou quatre jours plus tôt. Bien m'en
avait pris car, entrant juste derrière nous, un couple d'Anglais qui
avait négligé cette précaution s'est fait impitoyablement refouler, sous
les quolibets rigolards des ignobles nantis que nous étions – nantis et
prévoyants. Dire que nous avons bien déjeuné serait fort en dessous de
la réalité ; affirmer que la vue panoramique sur toute la baie est
splendide serait un truisme. Elle l'était d'autant plus, splendide, que
le temps jusque-là aussi bouché qu'un cidre breton s'est brusquement
dégagé alors que nous passions à table, et qu'il s'est mis à faire si
doux que nous avons finalement pris le café dehors, sur une petite
terrasse en surplomb de la mer. Loin dans un reste de brume un peu
parkinsonienne, la silhouette du Mont se laissait deviner, mais sans que
l'on pût être jamais certain qu'il s'agissait réellement de lui.
–
Ce soir, Élodie et Nicolas doivent revenir ici, au gîte, pour prendre
un dernier apéritif avec nous, avant notre départ demain matin. Apéritif
que sera probablement “dînatoire”, si j'en juge par toutes les petites cochonneries
que Catherine a achetées ce matin à la boucherie de Cancale. – Et notre
séjour, parfait ou presque, se terminera sur cette ultime libation.
Dimanche 16 octobre
Sept heures et demie. –
Je n'ai pas encore fini de recopier ici, et ce faisant de récrire, mon
“journal rozéen” (stupidement noté par moi, dans le cahier du gîte,
“journal rozois”…) qu'il me faut l'abandonner pour tenir à jour
celui d'aujourd'hui, mais aussi d'hier puisque je n'ai rien écrit hier
soir. Cela commence à tenir de la voltige. Le trajet de retour, hier, a
été parfait en tous points. Le temps était superbe et, forts de ce que
nous n'avions que trois cents kilomètres à parcourir, nous n'avons pris
que des routes secondaires, dont une bonne partie traversait les très
beaux paysages du sud de la Manche puis de l'ouest de l'Orne. Nous avons
fait une halte à Domfront, que je ne connaissais pas, puis une autre à
Sées afin d'y revoir la cathédrale. Petite évocation de Jean Sebaux en
traversant Courtomer, où il avait une maison de campagne lorsque nous
habitions nous-mêmes à Sainte-Scolasse-sur-Sarthe, située huit
kilomètres plus à l'est – c'était entre 1998 et 2000.
Arrivant
à la maison assez fatigués tout de même, déjà peu réjouis par la
perspective de devoir vider la voiture, qui se donnait les allures d'une
Mercedes de Portugais retournant au pays pour trois mois, nous avons eu
un bref mais très intense moment d'accablement en constatant que notre
deuxième voiture, la vieille Peugeot, était là – ce qui signifiait que
Ludovic y était également. Il était venu de Rennes, avec Solène, pour
reprendre ses affaires qui nous encombraient le sous-sol depuis deux ou
trois ans. Sa mère lui ayant nettement dit que nous étions fatigués et
aspirions au calme, il a reçu le message cinq sur cinq et a hâté la
manœuvre afin de pouvoir repartir pour la Bretagne (dont nous
arrivions…) dès six heures. Deux bouteilles de muscadet plus loin,
Catherine et moi étions au lit.
J'ai oublié de préciser
que, dans l'intervalle, nous étions allés au chenil récupérer les trois
chiens, forts satisfaits de nous voir comme on se doute, et encore plus
de retrouver leurs paniers respectifs. Quant à Golo, il n'a pas semblé
se formaliser de cette semaine d'abandon, à quoi nous l'avons contraint.
–
Mon programme pour aujourd'hui était de faire un billet sur le
blog-mère pour relater le désastre de notre visite conférence au Mont,
d'expédier divers mails, et de recopier tout le journal de la semaine
dernière ici. Naturellement je n'en ai pas fait plus de la moitié, si
bien que j'ai décidé (la mort dans l'âme, ainsi que l'on pense…) de ne
commencer le prochain BM que mardi et non demain.
–
L'un des mails que je devais envoyer (et je l'ai fait) était pour le
père B qui a eu la gentillesse de m'adresser le livre sur La Divine Comédie
qu'il a traduit de l'italien il y a quelques années et dont nous avions
parlé lors de sa venue chez nous. Il y a joint le volume écrit par Jean
de La Varende au début des années quarante sur le Mont Saint-Michel.
J'ai commencé à le lire : la langue en est un peu surannée, à la
frontière du maniéré, mais on sait que le suranné a toute ma faveur.
C'est en tout cas un vagabondage littéraire très plaisant, qui n'est pas
sans rappeler les Départements de Renaud Camus.
–
Dans un peu plus de cinq minutes maintenant, nous connaîtrons le nom du
candidat social-démocrate à la future élection présidentielle : la
déferlante bloguesque devrait suivre immédiatement…
Lundi 17 octobre
Huit heures moins le quart.
– Fini tout à l'heure mon recopiage ici du “journal rozéen” : je vais
pouvoir me pencher dès demain sur le BM à écrire. À quoi je ne suis
guère incité par le mail reçu en milieu d'après-midi de Nancy, la
comptable de GdV, m'annonçant fermement qu'il ne fallait pas compter, ce
mois-ci, sur le premier sou des quatre mille euros qui me sont dus à ce
jour. J'ai beau me répéter que je suis “pété de thunes”, ça passe mal.
– Poursuivi et presque achevé la lecture du Mont Saint Michel
de La Varende, que le père B a eu la délicate pensée de m'adresser. Du
coup, parce que je sens l'auteur d'une fiabilité historique imparfaite,
j'ai envie de lire une autre histoire du Mont, qui sera sans doute moins
agréablement écrite mais plus rigoureuse. Or comment choisir ? Quel
auteur ? Comment établir des critères tenant à peu près debout au seul
vu de la présentation plus que succincte d'Amazon ?
–
Depuis ce matin, les blogueurs de gauche me font penser à des enfants à
qui, au début de la récréation, on vient d'apprendre qu'il y aurait
distribution de chocolat pour tout le monde. L'un d'eux en appelle même à
un nouveau Front populaire… Ils sont aussi joyeux et excités que s'ils
venaient de voir élire un président socialiste. Or, pour l'instant, ils
ont juste un candidat – résultat qui était de toute façon
certain, primaires ou pas. Finalement, une période électorale est
peut-être le meilleur moment pour se désintoxiquer des blogs. Et je
persiste à me demander comment ils font pour ne pas s'apercevoir qu'ils
écrivent rigoureusement tous la même chose au même moment. Pour ce qui
me concerne, mon intérêt pour cette élection, déjà bien vacillant, ne
devrait pas tarder à s'éteindre tout à fait : Sarkozy ou Hollande, je
n'y vois aucune différence. La pente de la dégringolade sera peut-être
un peu plus raide avec le second, mais ce n'est même pas certain. Seule
une montée significative des sondages en faveur de Marine Le Pen
pourrait arriver à me soulever une paupière, en raison des guignolades
citoyennes qu'elle engendrerait automatiquement – mais c'est parce que
j'ai très mauvais fond et que je ne respecte rien.
Mardi 18 octobre
Sept heures vingt. –
Comme prévu, je n'ai à peu près rien fait aujourd'hui, pour ce qui
regarde le BM encore dans limbes, cet “à peu près” tenant à ce que j'ai
mollement collecté un semblant de documentation sur l'abbaye de
Jumièges, qui me servira pour mon premier chapitre essentiellement, et
relu l'embryon de synopsis établi lors de notre première journée au Mont
Saint-Michel. Si je me suis servi d'internet pour cela, c'est que je
n'avais nulle envie d'aller à Jumièges, en tout cas d'y aller maintenant
et en coup de vent. Je préfère laisser passer quelque temps et y
retourner tranquillement, sans but utilitaire – et avec Marchenoir,
comme nous avions prévu de le faire initialement. Pour ce qui concerne
le travail proprement dit, je m'y mets demain matin, croix de bois,
croix de. (Je n'écris pas “croix de f..” en entier : je sais que mes
ennemis ne font jamais relâche.)
– J'ai commencé à lire cet après-midi le livre de Valeria Capelli, consacré à La Divine Comédie,
traduit de l'italien par le père B et envoyé par lui. Lecture d'emblée
passionnante, même si assez ardue pour moi à certains moments (nombreux,
les certains…). En tout cas, le livre pour l'instant remplit sa mission
puisque j'ai commandé tout-à-l'heure le volume de La Pléiade consacré à
Dante. Mais j'ai été raisonnable en choisissant un exemplaire
d'occasion (“comme neuf”) : 41 € au lieu de 58.
– Golo,
que nous avions initialement pris pour une fille – parce qu'Élodie chez
qui ce chat est né nous l'avait “vendu” comme telle –, Golo cessera
définitivement d'être un garçon vendredi prochain. Je n'ai pas trop hâte
de voir quel cirque il va nous faire à cause de la maudite collerette
obligatoire durant les deux semaines qui vont suivre l'opération. À
moins que le temps de cicatrisation soit moins long dans le cas des
mâles ?
– Catherine a appris aujourd'hui que,
contrairement à toute attente, elle avait droit à une retraite bien
qu'elle ait fort peu travaillé en France. Si elle attend 65 ans, et
compte tenu des trois enfants qu'elle a élevés, l'homme qu'elle a eu au
téléphone lui a assuré qu'elle aurait même droit au fameux “taux plein” ;
mais il n'a pas été en mesure de lui dire à combien se montera le
pactole : suspense. Si la retraite existe toujours d'ici cinq ans, je
sens que l'on va se goinfrer, comme me l'a fort élégamment dit GdV, un jour que nous parlions d'argent, de chèque, d'à-valoir et autres menus propos.
Mercredi 19 octobre
Huit heures. – J'arrive un peu en retard ici car je viens d'écrire un petit billet sur le blog-mère, pour me moquer de Lou Ravi,
mon Rrum préféré. Je reviendrai le mettre en lien demain car je crois
qu'il n'est pas possible de le faire tant que le billet n'est pas
publié, qu'il est seulement planifié, comme on disait sur l'ancien Blogger, ou prévu,
ainsi que l'on dit sur le nouveau – or, c'est ce que j'ai fait. En
gros, mon favori y souligne que Gilad Shalit, le militaire
franco-israélien libéré par ses ravisseurs palestiniens hier, n'est
qu'un français “de hasard” et qu'il ne parle même pas correctement la
langue. J'imagine très bien ce que je me serais pris dans la tête si
j'avais écrit la même chose de tel ou tel de nos braves immigrés. Du
reste, Lou Ravi n'en reste pas là puisqu'il insiste ensuite sur le fait
que Salah Hamouri, Franco-Palestinien condamné par un tribunal israélien
pour avoir prévu d'assassiner un rabbin, parle lui parfaitement le
français. Et même le patois de Bourg-en-Bresse, ajoute notre
inénarrable, avec une absence de sens du ridicule qui l'honore. Enfin,
chamailleries de dessous de préau que tout cela.
– La chose vraiment sérieuse de la journée est que j'ai bel et bien commencé le BM n° 331, Les Exaltées de Jumièges,
ce matin. Dix feuillets annoncés à Catherine, neuf en réalité : la
gaminerie tend vers l'infinitésimal. J'espère pouvoir boucler le premier
chapitre demain afin d'être tranquille ensuite. En effet, c'est le seul
qui réclame vraiment d'être tiré du néant, les suivants ne devant être
qu'un simple (mais habile…) démarquage d'un produit ancien.
– France Dimanche ne me manque absolument pas.
– Le livre que Mme Capelli consacre à La Divine Comédie : j'y ai passé tout le temps que m'a laissé la Brigade mondaine aujourd'hui. (Car, oui, chez moi, la Brigade mondaine passe avant la Divine Comédie…) Il me tarde de me plonger dans le livre-source, que je devrais d'ailleurs recevoir d'ici quelques jours.
–
Tout à l'heure, j'ai signé une pétition contre le droit de vote pour
les étrangers, mais je n'ai pas reçu le mail par lequel je devais
confirmer ma signature : encore un coup de l'ultra-boboïsme, je gage.
J'y retournerai demain s'il le faut. Qu'on puisse seulement envisager de
donner le droit de vote aux étrangers m'a toujours semblé un pur
non-sens, puisque le droit de vote est précisément ce qui fait le
citoyen, soit l'exact contraire de l'étranger, les deux se définissant
très largement l'un par rapport à l'autre. C'est non seulement absurde
mais profondément ridicule. Je me demande même pourquoi j'en parle ici.
D'ailleurs je m'arrête.
Jeudi 20 octobre
Sept heures vingt. –
Cette fois le BM est réellement parti, après le simple tour de chauffe
d'hier. Certes, je n'ai encore écrit que treize feuillets, mais enfin le
premier chapitre sera fini demain midi, ce qui est toujours une
“frontière psychologique” importante. D'autant plus cette fois-ci que,
après, je n'aurai plus qu'à démarquer le vieux numéro dont je me suis
servi pour bidouiller le synopsis de celui-ci.
–
Presque terminé la lecture du livre de Valeria Capelli et j'ai de plus
en plus hâte que Dante atterrisse dans ma boîte aux lettres, ce qui
devrait être le cas d'ici deux ou trois jours, je pense.
–
Dans une heure ou deux nous allons supprimer sa gamelle à Golo de
manière à ce qu'elle soit parfaitement à jeun pour son opération. Et je
m'aperçois que, lorsque j'en ai parlé une première fois, de cette
opération, il y a deux ou trois jours je crois, j'ai trouvé le moyen de
m'emmêler encore plus les crayons entre les sexes, puisque j'ai dit
espérer qu'une castration soit plus légère qu'une opération de femelle.
Or Golo est une fille, bon sang ! Donc, non seulement il va
s'agir d'une véritable opération, mais elle va en outre nous coûter
trois fois le prix d'une castration. Charmant.
– C'est
curieux comme les conversations de blog ont ce pouvoir de dévier
rapidement et loin du sujet initial. Mon billet d'hier (que j'ai du
reste oublié d'aller mettre en lien)
n'avait d'autre objectif que de me moquer de mes chers Rrums qui ne
semblaient pas s'aviser que leurs arguments étaient étrangement proches
de ceux des “réacs” qu'ils font profession de vomir. Et voilà que, en
commentaires, tout le monde se met à discourir sur Israël, la Palestine,
la double nationalité, etc. Je n'y vois aucun inconvénient, d'ailleurs,
mais enfin ce n'était pas du tout mon propos, pour la bonne raison que
je me fiche absolument que les Palestiniens libèrent celui-ci ou que les
Israéliens conservent celui-là sous clé.
– En fin de
matinée, Brice m'a appelé pour me demander si je ne voulais pas écrire
pour FD un article en pige (sur Courtemanche, je crois bien) : j'ai
refusé tout net. J'ai déjà bien du mal à m'atteler au BM, si en plus je
dois m'interrompre une demi-journée (enfin, plutôt une heure et demie ou
deux heures…) pour gagner à peine deux cents euros, ça va vite devenir
impossible.
Vendredi 21 octobre
Sept heures et quart. –
Golo a donc été opérée ce matin. Catherine est allée la rechercher à la
clinique à cinq heures et demie et a eu une bonne surprise : les
techniques d'opérations s'étant affinées depuis notre dernière chatte,
il n'y a maintenant plus besoin d'imposer la collerette à ces
malheureuses bêtes, qui en étaient en général fort empêchées. Il faut
juste éviter qu'elles ne lèchent trop leur minuscule pansement. Consigne
assez gratuite au demeurant : je vois mal comment on peut dissuader un
chat de se lécher, à moins de le garder sous les yeux vingt-quatre
heures par jour pendant deux semaines. On verra bien. Cette minuscule
incision nous a tout de même coûté la modeste somme de 130€.
–
Dix-sept feuillets écrits aujourd'hui, premier chapitre terminé et le
second bien entamé. J'aurais sans doute atteint les vingt si je ne
m'étais pas mis en tête de tondre la pelouse durant le temps que
Catherine était à la clinique vétérinaire, afin de lui en faire la
surprise à son retour. Peine perdue : l'esprit tout occupé du chat, elle
n'a vu que pouic. Je n'ai de mon côté rien dit, évidemment ; on verra
si elle s'aperçoit de quelque chose demain matin.
–
J'ai reçu au courrier le volume de la Pléiade contenant les œuvres
complètes de Dante. J'ai aussitôt jeté un rapide coup d'œil à La Divine Comédie
: fichtre ! traduction en vers et en français nettement archaïsant,
avec de nombreux néologismes : pour une première lecture j'ai peur que
ce soit un peu brutal. Du coup, j'ai commandé (en poche cette fois…) L'Enfer
dans la traduction de Jacqueline Risset, que je suppose à tort ou à
raison être plus accessible. En attendant, je me suis replongé dans
Céline, désirant finir Féérie avant de passer à Dante.
– France Dimanche
ne me manque toujours pas. En fait, je m'astreint d'écrire ce nom pour
tenter de me souvenir que j'y travaille toujours, car rien, je crois, ne
me serais plus facile à oublier. D'autant que, déjà maintenant, et
depuis deux ou trois ans, j'ai l'impression d'y avoir travaillé,
mais de n'y être plus vraiment. Ce journal m'est désormais quelque chose
comme le couteau de Lichtenberg, dont on avait remplacé la lame après
en avoir changé le manche.
– Lorsque je suis plongé
dans un BM, je suis tout à fait capable d'écrire à peu près n'importe
quoi durant des pages et des pages, sans le moindre souci de véracité,
et à peine de vraisemblance, puis, d'un coup, de me buter et de
m'obstiner sur un détail parfaitement secondaire, pour ne pas dire
insignifiant, et d'y perdre un temps ridiculement disproportionné.
Ainsi, aujourd'hui, en fin de matinée. Pour clore mon premier chapitre,
j'avais prévu de faire découvrir le corps de la traditionnelle victime
par l'homme chargé du ménage dans les locaux administratifs et d'accueil
touristique de l'abbaye de Jumièges, qui se trouvent dans la porterie
de celle-ci. Je décide dans un premier temps que ce brave homme devait
prendre son service à huit heures du matin. Mais voilà que je m'avise
qu'il faut tout de même un certain temps pour se livrer à un nettoyage
correct et qu'il ne faudrait pas que les horaires de mon bonhomme (que
je me suis amusé à appelé Christophe Wandrille) viennent “cogner” dans
ceux de l'ouverture au public. Donc, j'arrête tout afin de trouver les
dites heures d'ouverture. Or, les sites internet sont à ce point mal
faits (ou moi à ce point idiot) que j'ai passé plus d'un quart d'heure à
errer de l'un à l'autre sans jamais trouvé ce pourtant simple et
élémentaire renseignement. J'ai fini par m'interrompre car Catherine m'a
alors appelé pour le déjeuner. Et c'est au moment où j'allais quitter
ce bureau que j'ai avisé, posé à portée de ma main droite et ouvert à la
bonne page, le Guide du Routard de la Normandie, où bien entendu
les horaires en question étaient notifiés dès la première ligne
consacrée à l'abbaye de Jumièges. Bilan : pas loin de deux feuillets
perdus, ou au moins restant à faire. C'est un peu énervant, surtout
lorsque, ensuite, on ne peut passer son agacement sur autre que
soi-même.
Samedi 22 octobre
Huit heures moins le quart. –
Je m'aperçois que nous ne sommes plus qu'à huit jours de la fin du mois
et que je n'ai encore procédé qu'à une seule relecture du journal de
septembre – lequel n'a d'ailleurs toujours pas de titre. Avec le BM en
cours, je ne vois vraiment pas quand je vais trouver le temps d'en faire
au moins une seconde avant la parution du 1er novembre (qui pourra bien
attendre le 2 ou le 3, du reste…).
– Parlant du BM en cours : 21 feuillets aujourd'hui, et sans le moindre effort. Pourvou qué…
–
Ce matin, Marcel Meyer m'a proposé par mail de participer au premier
numéro de la revue lancée prochainement par Renaud Camus, Les Cahiers de l'In-nocence.
J'en ai d'abord été flatté, je l'avoue, au point de presque accepter sa
proposition. Laquelle consistait à écrire un article sur le livre de
Richard Millet, Fatigue du sens, le dit Millet participant lui-même à ce premier numéro des Cahiers à venir. Je me suis vite repris et ai décliné en ces termes :
Cher Marcel Meyer,
je suis très flatté de votre proposition de collaboration ; très flatté et donc très ennuyé de devoir, après tergiversations intimes, finalement la repousser, pour la simple raison que je ne me crois pas capable de produire quoi que ce soit qui serait au niveau de votre revue – niveau dont je ne doute nullement. La conséquence, si j'acceptais votre invitation, serait de vous mettre dans l'une ou l'autre de ces deux situations pénibles : soit publier un texte inférieur aux autres, et qui “ferait tache” ; soit vous contraindre à me le refuser expressément, ce qui n'est jamais agréable, surtout lorsqu'on connaît personnellement le collaborateur malheureux. Comme, d'autre part, je pense que ne pas voir figurer mon nom au sommaire ne peinera que fort peu la grande majorité de vos contributeurs, il me semble préférable d'en rester là – au moins pour cette fois : si le thème de l'un des futurs numéros de la revue me donnait l'envie d'écrire quelque chose, quelque chose que je pense pouvoir mener à bon port, je ne me ferais certainement pas faute de vous le proposer.
En attendant, je vous souhaite tout le succès que cette initiative mérite, et attends avec impatience et curiosité le premier numéro.
Avec mes regrets renouvelés et ma plus vive sympathie,
Didier Goux
je suis très flatté de votre proposition de collaboration ; très flatté et donc très ennuyé de devoir, après tergiversations intimes, finalement la repousser, pour la simple raison que je ne me crois pas capable de produire quoi que ce soit qui serait au niveau de votre revue – niveau dont je ne doute nullement. La conséquence, si j'acceptais votre invitation, serait de vous mettre dans l'une ou l'autre de ces deux situations pénibles : soit publier un texte inférieur aux autres, et qui “ferait tache” ; soit vous contraindre à me le refuser expressément, ce qui n'est jamais agréable, surtout lorsqu'on connaît personnellement le collaborateur malheureux. Comme, d'autre part, je pense que ne pas voir figurer mon nom au sommaire ne peinera que fort peu la grande majorité de vos contributeurs, il me semble préférable d'en rester là – au moins pour cette fois : si le thème de l'un des futurs numéros de la revue me donnait l'envie d'écrire quelque chose, quelque chose que je pense pouvoir mener à bon port, je ne me ferais certainement pas faute de vous le proposer.
En attendant, je vous souhaite tout le succès que cette initiative mérite, et attends avec impatience et curiosité le premier numéro.
Avec mes regrets renouvelés et ma plus vive sympathie,
Didier Goux
À quoi Marcel Meyer a lui-même répondu ceci :
Ah
non, ça ne va pas, cher Didier ! Que le thème de ce numéro ne vous
inspire pas, que l'article proposé ne vous dise rien, que vous ayez la
flemme ou pas envie, soit, mais que vous ayez la crainte de ne pas être à
la hauteur, alors là, si vous voulez bien me pardonner ma franchise,
c'est limite foutage de gueule, comme dit une connaissance commune.
Mais bon, je ne peux pas vous forcer, hein ? J'attendrai donc patiemment le bon vouloir de notre écrivain en bâtiment bien-aimé.
Bien amicalement vôtre,
Marcel Meyer
Pour conclure, je lui ai adressé la réponse suivante :
Ah
mais non, mais non, je ne noie pas le poisson et cherche encore moins à
vous “enfumer” avec de faux prétextes, cher Marcel ! Le thème de votre
premier numéro me semble excellent, et même inspirant, aucun doute
là-dessus. Mais si je ne me livre que si rarement au périlleux exercice
de la critique littéraire sur mon propre blog, c'est parce que j'ai
constamment la certitude assez paralysante que, le faisant, je vais
proférer au mieux des banalités, au pis de grosses sottises. Alors, me
demander la même chose face au “tribunal” des In-nocents et surtout en
sachant que je serai lu par l'auteur lui-même du livre dont j'aurai
parlé, non, ce m'est vraiment impossible, je vous demande de bien
vouloir me croire.
Amicalement,
Didier
Amicalement,
Didier
Dans
une dernière réponse, il dit qu'il me croit, ce que j'espère vivement
car les raisons que je lui ai données correspondent à la plus
scrupuleuse vérité. Vérité consciente en tout cas : il se peut
que j'ai d'autres motifs, plus profondément enfouis, qui échappent à mon
entendement et à ma légendaire lucidité. Et puis, comme j'ai tenté de
le dire à Marcel Meyer à mots couverts, je ne me soucie que fort peu de
donner à certain nombre d'In-nocents la confirmation que je suis bien le
guignol sans fond ni forme qu'ils voient en moi. Je ne suis pas
masochiste non plus.
Il reste que, dès la décision
prise d'une réponse négative, et cette réponse envoyée, j'ai presque
immédiatement commencé à la regretter…
– En attendant de recevoir Dante dans la traduction de Jacqueline Risset, j'ai terminé Féerie et commencé D'un château l'autre, après avoir hésité un moment entre ce roman et un petit DeLillo que j'ai sous le coude droit.
– Catherine s'est finalement avisée que j'avais tondu la pelouse : l'effort vertueux finit toujours par être récompensé.
–
Quant à moi, j'ai pu constater tout à l'heure, parce que le mot
“apéritif” est venu dans notre échange du moment, que je n'y avais pas
pensé une seule fois depuis notre retour du Mont Saint-Michel, il y a
maintenant huit jours. En fait, les vacances ne me valent rien, de ce
point de vue. Au fond, comme je n'aime pas tant que ça me trouver
transplanté ailleurs que chez moi, ni crapahuter de visite en visite, je
crois que je compense ces semi-désagréments en buvant tous les soirs.
Il suffirait bien sûr de supprimer les vacances. Mais, outre que cela
priverait sans doute Catherine, modérément peut-être mais tout de même,
il se passe que, lorsque nous ne sommes pas partis depuis quelques mois,
l'idée de vacances me redevient attrayante. Et, deux ou trois
jours maximum après notre arrivée, je n'ai qu'une envie c'est qu'elles
soient derrière nous. Heureusement nous ne partons jamais plus d'une
semaine.
– Depuis deux jours le temps est beau et froid : on dirait Catherine Deneuve jeune.
Dimanche 23 octobre
Sept heures et demie. –
23 feuillets. Ce qui porte le total à 83. Il me reste huit jours pour
les 150 restant, ce qui est tout à fait suffisant. Sinon, rien à noter
ici, en dehors de l'aspect studieux et tranquille de cette journée. Ah,
si : ce soir, pour accompagner le céleri rave râpé par Catherine, j'ai
monté une mayonnaise. Elle a pris beaucoup plus vite et mieux que le BM.
Lundi 24 octobre
Huit heures. –
Depuis hier soir, mais enfin surtout depuis ce matin, Catherine est
malade. Rien de grave : mouchages, toux, quelques difficultés
respiratoires consécutives… Du coup, j'ai passé une mauvaise journée,
malgré mes 32 feuillets de BM tombés au champ d'honneur. Non tant parce
que Catherine n'a aucune patience face à la maladie, pas la moindre
ombre d'un quelconque stoïcisme, mais parce que je ressens comme un écho
lointain, et certes affaibli, des sentiments qui étaient les miens
lorsque ma mère était malade. J'ai toujours détesté cela, et grâce à qui
l'on voudra ce n'est pas arrivé très souvent. Que mon frère ou ma sœur
soient contraints de garder le lit, je l'avoue crûment : je m'en fichais
tout à fait. Mon père déjà un peu moins, même s'il y avait quelque
chose d'un peu étrange dans le fait qu'une grande personne puisse
être malade, une étrangeté qui était d'un ordre onirique. Mais enfin,
que mon père soit sur le flanc ne m'empêchait nullement de vaquer à mes
minuscules occupations d'enfant. En revanche, lorsque la grippe fauchait
ma mère pour plusieurs jours (ma mère n'était jamais un peu malade ; ou, si elle l'était, personne ne s'en apercevait), je ne vivais plus. J'étais suspendu.
Et pas seulement moi, il me semble : tous les bien portants vivaient
sur la pointe des pieds. Même mon père paraissait rebrousser vers
l'enfance. Il me semblait que la maison, et donc le monde, ne pourrait
jamais tout à fait se remettre de ce coup-là. En mode très mineur, c'est
ce qui revient chaque fois que Catherine attrape un virus quelconque.
La
preuve la plus frappante que l'ordonnancement des choses se dérègle,
c'est que, ayant prévu ce soir de m'autoriser un apéritif – après dix
jours de sobriété –, je me le suis accordé en effet, mais pour y
renoncer dès après le premier verre, n'éprouvant absolument aucun
plaisir à boire au salon en sachant Catherine déjà au lit à six heures
et demie du soir. Je ne suis même pas certain d'être capable de regarder
un film, tout-à-l'heure.
En fait, je préfère nettement
être malade moi-même. Mais peut-être y a-t-il là une forme d'égoïsme
assez immature, un désir d'être le centre du monde de Catherine, alors
que bien entendu, comme c'est le cas chez tout le monde je pense, le
fait qu'elle soit malade opère au contraire un repliement sur elle-même
et me renvoie du même coup à une sorte de néant provisoire assez peu
agréable à vivre.
Mardi 25 octobre
Sept heures vingt. –
32 feuillets, exactement comme hier – mais c'est bien sûr un hasard. Ce
qui m'amuse c'est qu'avec mes conneries de “selon la police” et “selon
les organisateurs”, Catherine ne me croit plus lorsque je lui annonce le
nombre effectif de pages écrites.
– Tout à l'heure,
peu avant de raccrocher les gants jusqu'à demain, j'ai mis trois ou
quatre feuillets de ce BM en ligne sur le blog-mère ; simplement parce
que j'étais content de moi. Non pas content de ce que je venais
d'écrire, bien sûr, mais content de moi en général. Content de
cette journée, de son déroulement ; content de ce que Catherine aille
mieux et de ce que le travail avance pour ainsi dire tout seul. Il y en a
peu, des comme ça, mais il y en a – la preuve.
(J'étais
en train de me dire que l'on voyait bien que nous avancions dans
l'automne car les oiseaux ne chantaient plus. C'était oublier qu'il fait
nuit depuis déjà trois quarts d'heure au moins et que même le merle
batteur de rappel doit être endormi depuis belle lurette. À moins que
les oiseaux, certains oiseaux, puissent eux aussi souffrir d'insomnie ?
Qu'en savons-nous, au fait ?)
– Après le déjeuner,
Catherine et moi (mais surtout elle) avons décidé qu'il était temps de
nous colleter avec cette épreuve pénible voire effrayante : débrancher
l'ancien décodeur “Canal Sat” pour le remplacer par le nouveau, reçu il y
a quelques jours. Naturellement nous avons sombré corps et biens dès
les premières lignes de la notice jointe ; et, après un coup de
téléphone passé par Catherine auprès de l'assistance technique et
psychologique chargée de nous éviter la folie furieuse et le jet de
décodeur par la fenêtre, nous n'étions pas plus avancés. J'ai finalement
trouvé la solution a priori parfaite : on ne touche à rien,
demain on file à Pacy acheter un téléviseur à écran plat, et on met
comme condition à notre achat que le technicien-livreur nous installe aussi le nouveau décodeur, en lui faisant miroiter un pourboire munificent. Je ne vois pas d'autre issue à ce cauchemar amorcé.
–
Ce soir au dîner, rougaille de saucisses. J'aime assez bien ce plat
réunionnais, découvert il y a environ trente ans, avec Carlos, dans tel
ou tel petit restaurant de la rue Daguerre, à l'époque où lui et moi
avions des placements sexuels dans cette île exotique. Je continue à
bien aimer cela, la rougaille ; mais enfin, comme me le faisait observer
Catherine cependant que nous mandibulions de concert, « c'est jamais
que des bouts de saucisses avec du riz et une sauce-qui-pique ». Et, en
effet, il faut être bien jobard pour s'extasier sur la cuisine créole
ou, pis, africaine, qui sont le plus souvent de l'arrache-gueule basique
et rien d'autre. Mais, évidemment, on sait très bien pourquoi il convient de célébrer ces ragoûts comme des sommets de la gastronomie.
Bien
sûr, comme on ne manquera pas de nous le faire sévèrement remarquer,
dans les restaurants africains de Paris il y a aussi cette ambiance si
chaleureuse, si loin de nos “chichis” d'Européens coincés. Une ambiance chaleureuse
à l'africaine, dans les restaurant de Paris que j'ai pu fréquenter il y
a longtemps, cela revenait à se faire entasser à une table plus ou
moins commune dans une salle bondée et atrocement bruyante, à se faire
entendre dire que la moitié de la carte "y en a plus", à attendre trois
quarts d'heure dans le meilleur des cas qu'on veuille bien vous servir
une assiette de poulet mal cuit (ah ! la merveilleuse nonchalance de
l'Afrique !) et à supporter les familiarités d'une “mama” de cent trente
kilos, bariolée et sentant la sueur. Tout cela assommés par les
décibels d'une musique que je ne me hasarderai pas à qualifier pour ne
pas risquer de passer pour un gros raciste. Mais le pire était encore,
sans aucun doute, l'obligation où le petit blanc transplanté dans ce
bouge se sentait de s'extasier de tout. Obligation tellement bien
assimilée qu'il lui arrivait, en effet, de s'extasier réellement, et de
déclarer en ressortant de ce piège, congestionné et solidement bourré
(à cause de l'attente nonchalante entre les plats), qu'il était ravi – non mais vraiment ravi, tu vois – de cette soirée si originale, si typique.
– Restait ensuite à trouver un taxi pour tenter de rejoindre les
arrondissements civilisés et les habituels abreuvoirs nocturnes.
Mercredi 26 octobre
Sept heures et demie. –
25 feuillets. Dans le BM qui me sert de base (merveilleux pouvoir de la
litote) pour celui-ci, il y avait un personnage de jeune beurette, 20
ans, décidée à devenir journaliste et qui interférait “grave” dans
l'enquête de Boris Corentin et Aimé Brichot. Je l'ai bien sûr gardée
dans celui-ci, mais en la transformant en Togolaise, simplement parce
que j'ai déjà une beurette (Jamila, dite “Pipette”, 16 ans) dans mes
personnages récurrents annexes. Comme dans le modèle, Boris Corentin
couche avec elle – que j'ai rebaptisée Anne-Solange Ouedraogo.
Anne-Solange parce que, soudain, ce prénom m'est apparu très beau, et
Ouedraogo parce que, en Algérie, dans la cité militaire où nous vivions,
se trouvait une famille très pourvue d'enfants qui s'appelait ainsi et
dont tous les membres étaient noirs de la tête aux pieds.
L'idée
m'est venue cet après-midi de faire d'Anne-Solange la maîtresse
attitrée de Corentin, lequel en est dépourvue depuis que je me suis
débarrassé du personnage totalement raté de Ghislaine Duval-Cochet,
malencontreusement inventé par le créateur de la BM. Du coup, me voilà
excité comme un jeune écrivain en bâtiment à son premier coup de truelle
à phrases, c'est tout juste si je n'ai pas hâte d'être au prochain
roman afin de me servir de ce nouveau personnage. Après plus de vingt
ans, faut-il être bête, tout de même.
Pour corser un
peu l'affaire – et parce que, dans une mini-scène du travail en cours le
thème était apparu comme de lui-même –, je pense que cette gamine (elle
a vingt ans, juste la moitié de l'âge de Corentin) qui n'a jamais eu de
rapports sexuels avec une autre fille va développer une curiosité pour cette expérience et, du coup, instaurer des rapports assez troubles avec Géraldine, ma gouinette de service.
Togolaise
d'ascendance elle est. Mais elle ne connaît l'Afrique que pour y être
allée quatre ou cinq fois en vacances, et je compte bien, si réellement
je l'utilise et la développe, lui donner un regard très acide sur son
continent d'origine. Il faudrait même que ce soit les autres (Corentin,
Géraldine, Brichot…) qui la traitent, elle, de “raciste”. Bref, de quoi
s'amuser un peu.
Je compte centrer l'épilogue de ce
volume-ci sur Corentin et elle, et m'en servir comme “ressort” principal
dans le prochain. Pour l'installer dans la série. La série
durera-t-elle suffisamment pour me permettre d'en faire un personnage à
part entière ? Autre question…
En attendant, ce BM
devrait être fini après-demain soir, ce qui me laissera trois jours pour
le relire et aussi corriger et publier mon journal de septembre. De ce
point de vue tout va sur des roulettes.
– Catherine se
sent mieux, mais pas encore bien. Du coup, elle reste à ne pas prendre
avec des pincettes. Je persiste à ne pas comprendre comment elle peut
supporter avec autant de stoïcisme une chose aussi lourde et pénible
(apparemment) que les acouphènes, et devenir aussi invivable au moindre
rhume. Je sens bien qu'elle guette le moindre mot de travers de ma part –
et même un mot “droit” devrait faire l'affaire – pour exploser.
Évidemment elle ne s'en rend nullement compte. Pour le moment, ce sont
les chiens qui prennent, ce qui m'arrange bien.
Jeudi 27 octobre
Sept heures vingt. –
23 ou 24 feuillets, je ne sais déjà plus. Ce que je sais, c'est qu'il
m'en reste une trentaine à écrire et que, pour la première fois depuis… ouf !
depuis fort longtemps, je vais terminer un BM en avance ! Bon, en
avance de deux jours ou trois, certes, mais enfin, tout de même.
À
propos de BM, je me suis avisé, il n'y a pas si longtemps, d'un
phénomène assez étrange (enfin, peut-être pas d'ailleurs) : si je
commence un nouveau livre en écoutant, mettons, du piano, je vais aller
au bout de ce même livre en n'écoutant rien d'autre que du piano. Je me
souviens d'un, il y a déjà deux ou trois ans, que j'ai écrit accompagné
uniquement par les chansons de Dean Martin. Ce n'est pas que je sois fou
à ce point de son répertoire ni de sa voix ni de sa façon de chanter,
mais ayant commencé avec lui il me semblait naturel, chaque matin, de
reprendre avec lui. Celui qui est en voie d'achèvement restera sous le
signe de la symphonie : les neuf de Bruckner d'abord, les neuf de Mahler
ensuite, les neuf de Dvorak pour continuer et, aujourd'hui, quatre ou
cinq de Chostakovitch. Ce qui est curieux c'est que cela marche aussi
“en creux”, si je puis dire : il m'est arrivé plusieurs fois de
commencer un BM sans mettre de musique du tout ; eh bien j'allais
jusqu'au bout dans le silence, aucune musique ne trouvant alors grâce à
mes oreilles.
(Lorsque je dis que j'écoute ceci
ou cela en écrivant, il s'agit évidemment d'un abus de langage : en
réalité je n'écoute rien du tout, me contentant de faire défiler les
œuvres concernées en fond sonore et rien de plus. Mais quant à changer
de fond sonore en cours d'écriture il ne saurait en être question.)
– J'ai lu tout à l'heure le premier chant de L'Enfer
en “lecture double” : traduction de Jacqueline Risset d'une part,
traduction de la Pléiade de l'autre. Je crois bien qu'après avoir
dépenser des fortunes (44 €…) pour m'offrir le volume de la Pléiade, je
vais me cantonner à l'autre version. J'essaie de me consoler en me
disant que le volume de la Pléiade contient également toutes les autres
œuvres de Dante…
– Bref, pour en revenir à ce BM-ci, il
sera terminé samedi soir au plus tard et corrigé dimanche. Ce qui va me
permettre, lundi, de relire pour la seconde fois mon journal de
septembre, de lui trouver un titre et de le publier mardi, ou peut-être
mercredi puisque mardi est un jour de congé et qu'il n'y aura pas
grand-monde sur les blogs.
Je dis qu'il sera terminé
seulement samedi car, demain, nous avons prévu d'aller, Catherine et
moi, à Giverny, où se tient depuis presque trois mois une exposition de
peintres impressionnistes que nous avions décidé de voir. À force de
traîner et de remettre, il est plus que temps d'y aller, puisqu'elle
sera close le 31 octobre au soir.
– Non seulement FD ne
me manque toujours pas, mais la perspective de devoir y retourner
mercredi prochain commence à m'assombrir quelque peu l'humeur.
Vendredi 28 octobre
Huit heures moins le quart. –
BM terminé, cet après-midi peu avant cinq heures. Comme d'habitude, il
n'en résulte rien de tangible. Même mon apéritif rituel a été petit, à
peine rituel, presque pas saoulant. J'ai même failli passer outre à
cette tradition, c'est dire.
Durant tous ces jours, où
j'ai quasi littéralement (mais habilement…) recopié un ancien BM,
j'avais presque envie qu'un lecteur s'en avise et proteste auprès de
l'éditeur. (Du reste, le fait de dévoiler ici même mon escroquerie le
prouve.) Si cela se produisait, je ne chercherais à rien nier, au
contraire je revendiquerais cette petite arnaque comme un fait d'arme.
Du reste, je compte bien recommencer avec le suivant : transposer celui
qui s'intitulait La Madone des chantiers – un des meilleurs que
j'ai écrits, l'un des plus “mondaine” – dans le milieu des ouvriers
agricoles (par exemple dans la vallée de la Garonne). En fait, mon
“ambition” maintenant est de ne plus produire que des BM déjà écrits.
En attendant le moment où la supercherie éclatera. Elle n'éclatera
d'ailleurs peut-être jamais : j'en ai déjà recyclé ainsi au moins cinq
ou six, et personne n'a jamais rien vu. La différence est que, jusqu'à
présente, je le faisais en espérant que personne ne s'en avise, alors
que j'en viens à désirer que cela se sache.
Samedi 29 octobre
Dix heures du matin. –
J'ai oublié de dire, hier, que si j'ai finalement pu terminer le BM
avec une journée d'avance, c'est parce que nous avons renoncé à notre
petite équipée givernienne : Catherine m'ayant gentiment refilé le virus
qui la fait tousser et moucher depuis cinq ou six jours maintenant, je
n'avais nulle envie de sortir de la maison. Tant pis pour les
impressionnistes, qui de toute façon ne m'attiraient pas plus que cela.
Sept heures et demie. –
J'avais déjà un peu de fièvre ce matin, ça ne s'est évidemment pas
arrangé, le temps passant. Rien de préoccupant cependant, même si je
n'ai été capable de relire et corriger que 120 pages sur les 240 du BM
terminé hier. Je finirai donc demain, au lieu de m'atteler à la
relecture et à la “réduction” de mon journal 2010, en vue de l'édition
papier, avec photos d'elle, que Catherine veut en faire. J'avoue que le
projet m'amuse assez. Mais je pense que, lorsqu'il sera réalisé, je n'en
ferai pas l'annonce sur le blog-mère : un certain sentiment de ridicule
à l'idée de proposer une marchandise payante (et de valeur très
incertaine…) alors que la même est depuis un an disponible gratuitement
pour qui veut. En fait, la seule chose qui me séduit vraiment est de le
dédier à mes parents et de le leur offrir, par exemple à Noël,
puisqu'ils tiennent à Noël depuis toujours – mon père surtout. Pour les
autres, je m'en fous un peu. Ah, si : pour le clin d'œil, j'en enverrai
certainement un à Renaud Camus, afin qu'il le range avec les trois BM
qu'il a déjà.
– Mais avant cela, lundi, il me faut
relire le journal de septembre (2011, cette fois) afin de pouvoir le
publier, sans doute mercredi matin, puisque mardi est férié.
Dimanche 30 octobre
Sept heures et demie. –
BM expédié à qui de droit. J'ai même eu le temps, ensuite, de relire et
de corriger mon journal de septembre, qui portera finalement le titre
de Conversation au Petit Château, en référence à la journée que
nous passâmes chez Nefisa, à Lonny, près de Charleville. Je pense que je
vais le publier dès demain (après une ultime relecture), mais ne
l'annoncer sur le blog-mère que mercredi matin, lorsque tout le monde
sera rentré de cet interminable week-end.
– Demain, je
m'attaque au chantier de la réduction du journal de 2010. Le format du
livre sera de 21 x 25, ce qui me semble tout à fait satisfaisant.
– En relisant le mois de septembre, tout à l'heure, je suis tombé sur le passage où, plongé dans Guignol's band,
je disais n'être pas capable de lire plus de 25 ou 30 pages de Céline
sans devoir m'interrompre. Aujourd'hui, et principalement cet
après-midi, j'ai lu près de 200 pages de Nord sans le moindre
problème. La langue de Céline me semble désormais d'un naturel parfait,
fluide et bouillonnante à la fois, épousant parfaitement les contours de
son objet. C'est au point que je me demande comment j'ai pu buter sur
elle. Il faudra donc que je reprenne Guignol's band de fond en comble, car je sais maintenant que, la première fois, je ne l'ai évidemment pas bien
lu. Je pense que la langue de Céline, tout comme la musique de Wagner,
agit très rapidement comme une drogue. Et que me voilà accro.
Lundi 31 octobre
Sept heures et demie. –
Relu janvier et février, de mon journal 2010. J'ai supprimé environ
quinze mille signes de chacun de ces mois, principalement lorsqu'il
était question de blogs. J'aurais pu continuer, j'avais encore du temps.
Mais, soudain, j'ai éprouvé comme une sorte d'écœurement de moi-même,
de mes petites histoires, etc. Et je pense que si j'avais continué,
j'aurais quasiment tout sabré, tellement ce que je lisais me semblait
inintéressant, terne, mal écrit, etc.
– Il y a la
question du titre. J'ai décidé ce matin (ou hier soir avant de
m'endormir, je ne sais plus) de ne pas laisser subsister les titres
mensuels du journal d'origine. Ce qui implique d'en trouver un général
pour l'année. Arrivant, dans ma lecture, au moment où il commence à être
question de notre mariage, il m'est évidemment apparu que c'était cela
l'événement de l'année et qu'il fallait que mon titre, etc. Reste à le
trouver. J'ai d'abord pensé à quelque chose du style : La Saison des vieux mariés. Mais il y a là une niaiserie, un “côté Brel” qui m'est évidemment insupportable. Donc, non. M'est venu ensuite : Autel du non-retour,
qui me plaît déjà beaucoup plus ; attendons quelques jours. En tout
cas, le fait d'avoir déjà trouvé la tonalité général de ce journal
annuel (notre mariage) va permettre à Catherine de réfléchir sans
attendre à son choix de photo de couverture.
– Sinon,
j'ai publié aujourd'hui le journal de septembre. Pour l'annonce que j'en
ai faite sur le blog-mère, j'ai même trouvé une photo de la maison de
la mère de Nefisa, que je me suis empressé d'utiliser. L'ayant lu tout à
l'heure, Catherine me disait que cette “livraison” lui semblait plus
courte que les précédentes. Je vais aller vérifier.
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