lundi 1 avril 2024

Mars 2024

 

 

 

 

 

 LA FIN DE PHILIPPE MURAY

 

 

 

 

 Mercredi 28 février (oui, oui, je sais...)

Sept heures du soir. — Le blogueur pseudonommé Authueil me ravit décidément : chacun de ses billets est une enfilade des clichés les plus éculés et pompeux, lesquels sont déjà savoureux considérés séparément mais, présentés ainsi “en collier”, ont un effet comique pour moi irrésistible.


Jeudi 29 février

Sept heures. — Cette journée “surnuméraire” se passera en grande partie chez Michel Desgranges ; que je vais d'abord retrouver, mais avec trente ans de moins, dans le journal de Muray.

— De Muray, justement, ironisant en janvier 96, à propos de “la jeunesse” sanglotant sur le cadavre encore tiède de Mitterrand :

« Non, il ne faut rien leur laisser, aux jeunes. Rien leur confier sur cette terre. Les mettre tout de suite dans des hospices verdoyants et qu'on ne les entende plus. Les enfermer à perpétuité avec de la musique, des orchestres, des CD, ce qu'ils voudront, n'importe quoi. De toute façon, entre la vie et la musique ils ne voient pas la différence. Qu'ils flonflonnent entre eux. Qu'ils restent entre eux. Surtout. Voilà. Qu'on ne les voie plus. Jamais. »

Hé ! Hé !

— Himmel de Mme Groupama, dès potron-minet (ils travaillent la nuit, ces assureurs ? Ils font les trois-huit ou bien ?), pour me dire que le contrat concernant la voiture-poubelle de Ludovic était dûment résilié à compter du 27 février. Je suis toujours un peu étonné, dans ces sortes d'affaires, quand les choses s'arrangent effectivement comme il était prévu qu'elles le fissent.

 

Vendredi 1er

Sept heures. — Cette fois, nous sommes bien en mars. Enfin, j'espère.

— Une dinde quelconque, ramassée sur Touitteur, se présente comme journaliste et autrice. Deux qualifications qui ne l'empêchent nullement d'écrire : « Il me tarit d'éloges. » Elle évoque aussi un article “que j'avais écris”. Il faudrait aller jeter un coup d'œil à ses livres : s'ils sont rédigés de la même plume, ça promet une lecture gratinée.


Samedi 2

Sept heures. — On touche le fond. Je me suis réveillé il y a une heure avec la cervelle investie par une ritournelle particulièrement stupide, chantée par une greluche qui a aussitôt redisparu une fois son ânerie enregistrée, laquelle ânerie doit dater d'au moins 45 ans, et jamais réentendue depuis. Le thème — si l'on peut dire... — de cette œuvre impérissable était... mon cul ; c'est-à-dire celui de “l'artiste” bien entendu. Je me souviens parfaitement de la “mélodie” (qui, en ce moment même sautille sous ma boîte crânienne tel un lutin vomi par les enfers) et aussi de deux “vers” particulièrement gratinés :

Mon cul ne fleurit pas qu'en automne

Faudrait pas l'confondre avec une pomme

C'est l'occasion d'apprendre que, pour l'auteur de cette merde, de deux choses l'une : soit il pense que les pommes peuvent fleurir, soit il croit que les pommiers fleurissent à l'automne. Finalement, au vu de cet impérissable distique, je commence à regretter de ne pas me rappeler le reste des paroles.

— Il charrie un peu, le Muray ! Voici ce qu'il écrit en mars 1996 : « Mis en prison injustement, puis libéré sans jugement, Giono, après 1945, se choisit Angelo comme riposte. De même que moi, après l'échec de Postérité, je me suis choisi Rubens. Figures de la souveraineté au milieu des boues du temps présent. »

Je veux bien tout ce qu'on veut, mais enfin, ce “de même que moi” me paraît assez nettement abusif  : quel parallèle peut-on établir entre un emprisonnement arbitraire, en une époque particulièrement troublée, et donc dangereuse, et l'échec à la fois prévisible et mérité d'un roman lourdement raté ?

Dix heures. — Le 16 de ce même mois de mars, Muray fait la connaissance d'un jeune écrivain n'ayant encore publié qu'un seul roman. Le récit de cette première rencontre (mais j'ignore s'il y en eut d'autres ensuite) m'a paru suffisamment savoureux pour être retranscrit ici. Voici donc :


« Captivée par son Extension du domaine de la lutte, Nanouk avait insisté pour qu'on invite à la maison Michel Houellebecq. Lakis [il s'agit de Lakis Proguidis, fondateur de la revue L'Atelier du roman] et Doris arrivent quelques minutes avant. On le guette par la fenêtre, on le voit enfin débarquer dans la rue, dans cette rue où je viens d'apprendre par Lakis qu'il avait habité il y a une dizaine d'années, côté impair, et précisément dans l'immeuble qui fait face au nôtre. C'est d'ailleurs vers lui qu'il se dirige d'abord, avec son grand bouquet d'iris dans du papier cristal. “Il essaie le code”, dit Lakis. Je crois plutôt qu'il regarde si son nom est encore sur la liste des locataires. Quelques minutes plus tard, il est à la maison. C'est un type jeune et d'une grande laideur, visage de paysan normand analphabète de l'époque Maupassant. Une sorte de Bourvil adolescent. Cheveux blonds rares et raides qui partent dans tous les sens, tonsure, pull incroyable tricoté avec des grâces de serpillère. Tête d'idiot de village. Devant la porte de notre appartement, il reste en arrêt face au digicode. “C'est impressionnant”, répète-t-il. Je lui explique que c'est un truc contre les cambrioleurs. Parce qu'il n'y a pas de concierge. “Pas de concierge…” Il reprend la phrase dix fois en me regardant de ses doux yeux bleus d'autiste léger. Merde, je me dis. Ça y est, on est dans du Beckett ou du Duras, on est parti pour une soirée dans le genre théâtre de l'absurde. Mais non, il est plutôt charmant quand même, on sent qu'il se force à avoir des contacts humains. Ça ne lui est pas absolument nécessaire, mais il est de bonne volonté. Son séjour rue Le Verrier nous fournit un début de conversation. Ensuite, ça s'enchaîne à peu près. Ce n'est pas un feu roulant, mais ça cahin-cahate pas trop mal. Le seul problème, c'est qu'on ne sait jamais s'il a fini ce qu'il voulait dire lorsqu'il se tait. Il peut cesser de parler mais continuer son idée souterrainement, pendant que les autres changent de sujet, et, au bout de dix minutes, lâcher de nouvelles phrases qui prolongent sa pensée. Type du “Rain Man” surmonté. Avec un métier (informaticien, et même dirigeant du service d'informatique de l'Assemblée nationale) finalement pas si mal accordé à son caractère. »

 

— Sinon, nous avons, hier soir, commencé à regarder la dixième et ultime saison de Blacklist, qui vient de débarquer sur Netflisque. J'ai eu, au vu des trois premiers épisodes, une vague et un peu ennuyeuse sensation de “réchauffé”. Mais, en même temps, comme il s'agit d'une saison “conclusive”, il y a l'envie de savoir comment tout cela se termine, connaitre le “fin mot de l'histoire” ; donc, impossibilité de jeter l'éponge… Et le pire est qu'il y a 22 épisodes, donc encore 19 à se farcir ! La vie du téléphage n'est pas toujours une vallée de roses.

Quatre heures. — Je suis, depuis quelque temps, sans doute sous l'influence pernicieuse de Muray, titillé par l'envie de replonger dans Céline. Et plus spécialement dans Guignol's band, que je n'ai lu qu'une fois. Le problème est que je n'ai guère envie de reprendre mes vieux livres de poche exténués et que je préférerais nettement un volume de Pléiade... que je n'ai pas. Dépense, dépense... L'idéal serait que je vendisse un volume supplémentaire de Proust, histoire de me déscrupuliser.

Six heures. — Muray continue de m'amuser chaque fois qu'il se met à grogner contre le tourisme de masse, la festivisation des villages, etc. : qu'est-ce qui l'oblige à partir presque systématiquement en vacances non seulement dans le Lubéron, mais en plus... au mois d'août ?

De même hurle-t-il contre “les masses d'inconnus furieux, enragés, des milliers et des milliers de mégalomanes automobiles”. Certes... mais qui le force à remonter vers Paris par l'autoroute du Sud... le 30 août au soir ?


Dimanche 3

Huit heures. — Raccourci saisissant de Muray (31 décembre 1996), évoquant le “couple vedette” de son futur roman (On ferme) : « il cherche des aventures sans lendemain, elle veut des lendemains sans aventure. »

— Trouvé hier soir le volume III de la Pléiade célinienne, celui qui contient les deux Guignol's band, à 40 €, port inclus : commandé.

— Si la transformation soudaine d'un gentil benêt, du genre de Renépol, en fou furieux vous semble une expérience amusante à faire, c'est tout simple. Il suffit de prononcer à portée de ses oreilles de sourd l'un ou l'autre des “mots clés” qui le mettent en branle, tel le petit lapin de Duracell : religion, catholicisme, pape, sexualité, etc. Vous le verrez aussitôt se mettre à régurgiter en hoquetant des mots sans suite, à écumer des anathèmes sans queue (!) ni tête, tout en agitant le spectre d'un Moyen Âge de ténèbres, comme un Philippulus martelant son tambourin. C'est un spectacle que l'on aurait bien tort de se refuser… une fois de temps en temps. 

Onze heures. — Pour prétendre apprendre aux enfants à s'exprimer et à écrire clairement et sans trop de fautes, peut-être serait-il judicieux de confier leur apprentissage à des gens sachant eux-mêmes parler et écrire autrement qu'en petit-racisé. Voici par exemple ce qu'écrit un professeur :

« Troisième roman que je lis et qui tisse ensemble : autrice québécoise, récit post apocalyptique, polyphonie narrative, voix animale. Plus que nous, les québécois•es ont touché du doigt les dérèglements climatiques. L'expérience nourrit leurs fictions. »

Cela dit, soyons juste : grâce à cette dame (oui, il s'agit d'un professeur femelle), j'ai tout de même appris ce matin deux choses : 1) qu'un roman était capable de tisser ensemble, 2) qu'on pouvait toucher du doigt un dérèglement, et même plusieurs. Ce qui n'est tout de même pas rien.

Six heures. — Un blogueur dont l'acuité intellectuelle ne m'a jamais semblé être le trait saillant titre son dernier billet sur Léonard de Vinci et le Clos Lucé. Agréablement surpris, et davantage étonné, je commence à lire... Bon, tout reste normal : Léonard n'était là qu'en “produit d'appel”. Il s'agissait, par ce biais, d'exprimer amour et admiration pour le gros nul Dan Brown et son grotesque Da Vinci Code ainsi que pour la courgette humaine Tom Hanks. Ce qui m'a aussitôt rassuré.


Lundi 4

Huit heures. — Terminé à l'instant le dernier volume du journal de Muray. Il en reste une sorte de vague tristesse, de savoir que sa vie va encore se prolonger durant huit ans et qu'elle le fera dans l'ombre, qu'on n'en saura rien. J'ai presque un sentiment d'abandon, comme si j'étais coupable de quelque chose ; comme si j'étais en partie responsable de cette fin “suspendue”.

Il faut dire que subsiste, entre Muray et moi, mais à sens unique une espèce de lointaine fraternité mondaine. Ainsi, quand il doit s'appuyer les interminables conversations avec Bernard Touchais, le “maître d'œuvre” de la BM, ou batailler avec la mauvaise foi de Gérard de Villiers, doublée par celle de son comptable Kulterer, je sais parfaitement de quoi il parle, m'étant trouvé cinquante fois dans la même situation qu'il décrit, et face aux mêmes personnages.

(Un qui se frotte les mains, c'est Proust, dont la correspondance va de nouveau occuper toute la place...)

— En attendant que les Guignol's band arrivent ici, dans leur joli costume Pléiade, je relis La Vie brève de Juan Carlos Onetti.

Cinq heures. — Mon dernier paiement “proustien” est arrivé dans mon porte-monnaie Rakuten (mais pas encore sur mon compte bancaire…). Bilan sans doute définitif de mes ventes : 405 €. Le coffret ayant été payé par moi 485 € , plus une quinzaine d'euros pour le port, il me revient donc, finalement, à 95 €.

(Mais non, voyons ! dans les 405 € euros reversés par Rakuten, est inclus le remboursement des frais d'envoi que j'ai payés pour les différents volumes ; lesquels frais, si ma mémoire comptable est bonne, doivent se monter à environ 70 €. Donc, en réalité, le coffret m'est revenu à 165 €. Ce qui est toujours mieux que 500, de toute façon.)


Mardi 5

Neuf heures. — Lorsque le chien de nos connards de voisins d'en face est saisi d'une crise d'aboiements prolongée, généralement en fin d'après-midi, Catherine a pris l'habitude de couvrir ses cris en mettant un disque, soit de chant grégorien, soit de luth arabe : on ne saurait être davantage multicul' que nous le sommes...

— Aujourd'hui, matinée-de-merde, qui va se perdre dans les différentes échoppes à bouffe qui ont notre régulière pratique.

Onze heures. — On débute le circuit infernal par l'Intermarché de Pacy. On était proche d'en finir quand, des haut-parleurs de merde, jaillit la voix pénible du pénible Pierre Bachelet de consternante mémoire : Et moâââ, je suis tombé en esclavâââge !, etc. Comme il la brait douze fois de suite, sa putain de phrase, elle entre dans nos deux cervelles tel le couteau dans la motte de beurre à température ambiante. On se voit parti avec ce boulet sonore pour toute la journée…

Heureusement, le trajet jusqu'à Évreux plus quelques pages de Bernard Frank sur le parking du Grand Frais suffisent à me débarrasser de l'esclavage en question et faire de nouveau de moi un homme à peu près libre. Au retour, juste avant de sortir du cloaque artisano-commercialo-industriel ébroïcien, mes yeux tombent distraitement sur la façade d'une entreprise quelconque. Au fronton d'icelle s'étale cyniquement le nom de son fondateur et patron : Bachelet. Foutredieu ! retour illico dans les fers et les chaînes…


Mercredi 6

Huit heures. — Catherine m'apprend que, dans ses moments de loisir, Thérèse d'Ávila avait coutume de jouer des castagnettes. Je ne vois pas du tout ce que je pourrais conclure de cet intempestif rapprochement entre la sainte de Castille et la volcanique cigarière de Séville, mais je suis sûr qu'on devrait en tirer quelque chose...

Midi. — Reçu à l'instant la Pléiade célinienne, commandée la semaine dernière à Herr Momosque. J'ai comme l'impression que le señor Onetti va devoir céder la place au Guignol's band de Louis-Ferdinand...

Quatre heures. — En début d'après-midi, au Super U, je m'achète une barquette de céleri rémoulade (pour accompagner mon hamburger de ce soir...). Il a été préparé par un certain Pierre Martinet, qui se présente fièrement comme “le traiteur intraitable”. Avec un nom aussi menaçant, se montrer intraitable est bien le moins. Ou alors, toujours en raison de son patronyme, il nous prévient qu'il ne tolérera pas d'être traité de tel ou tel nom d'oiseau.

— Lu à l'instant les quatre pages, imprimées en italique, qui ouvrent Guignol's band. On a beau avoir déjà lu et relu Céline, se persuader qu'il y a sans doute des Polonaises pour le feuilleter dès le petit-déjeuner, quand on s'y replonge on ne peut éviter la minute de stupeur & suffocation. Pas à dire : c'est du brutal.

— Dans une lettre à Mme Catusse, octobre 1903, Proust remercie la destinataire pour un certain dyptique : il eût été mieux avisé de parler d'un diptyque...

Six heures. — Phrase extraite d'un article du site Causeur : « En analysant le cas de jeunes Finlandais souffrants de dysphorie de genre entre 1996 et 2019, des chercheurs avancent que, si le taux de suicide est effectivement plus élevé chez ces personnes, ce n’est pas en raison du rejet dont elles feraient l’objet, mais parce que cette dysphorie a tendance à toucher des gens qui ont déjà des fragilités psychologiques. »

Comment ? Des filles voulant devenir garçons et des garçons désirant être transformés en filles présenteraient des “fragilités psychologiques” ? Mais il faut être ignoblement réactionnaire, pour oser balancer de telles horreurs ! C'est faire le jeu, au minimum, du RN, mais sans doute aussi du réchauffement climatique,  de Depardieu et Poivre d'Arvor, et peut-être même des carottes élevées aux pesticides ! Des fragilités psychologiques… Mais où ces “chercheurs” (probablement d'anciens nazis mal repentis) vont-ils chercher de pareilles fables ?


Jeudi 7

Onze heures. — Matinée passée au grand air, plus ou moins. J'avais rendez-vous à dix heures moins vingt au contrôle technique de Saint-Aquilin. Tout le monde était à l'heure, parfait. Je suis ensuite allé à pied (c'est la partie “plein air”...) jusqu'à la boulangerie de Pacy, et retour par le même moyen de locomotion. Temps total : 45 mn. Quand je suis arrivé au contrôle, Soraya m'attendait, toute vérifiée de partout. Quand j'ai sorti la carte dorée de ma poche, le contrôleur m'a signalé que tout avait été payé au moment de la prise de rendez-vous auprès de Dame Ternette, ce que j'avais évidemment oublié. Bref, une excellente matinée. D'autant que, longeant à pied la prairie qui jouxte le Super U, j'ai eu le loisir de compter neuf chevreuils y broutant tout tranquillement.

Midi. — Reçu de la part de Herr Momosque deux romans de Benoît Duteurtre, dont je n'ai encore jamais rien lu : Tout doit disparaître, en poche, et La Rebelle en gallimarderie. Aussitôt commence le premier cité.

— Phrase de Duteurtre : « Sous la pression de ma mère sévère, je persévère. » Voilà bien le genre de calembour qu'un écrivain devrait s'interdire rigoureusement. Ou supprimer à la relecture s'il a eu la faiblesse de se l'autoriser dans le feu de l'action. À moins d'être un grand écrivain ; auquel cas, il peut à peu près tout se permettre : le génie est accueillant.

Cinq heures. — Nouvelle descente à Pacy, afin d'aller ouvrir l'un des tiroirs magiques du locker Mondial Relay ; lequel tiroir m'a livré sans coup férir le volume “Bouquins” proposant les mémoires de Talleyrand ainsi que sa correspondance inédite avec la duchesse de Bauffremont. On notera que le locker en question se trouve dans l'enceinte... du contrôle technique où je me trouvais ce matin.

Le maître d'œuvre de ce volume est M. de Waresquiel, auteur de l'une des deux biographie de Talleyrand que je possède (et ai lues...), l'autre étant celle de Jean Orieux.

Six heures. — Parvenu à la page 120 du roman de Duteurtre, soit à son exacte moitié, je me dis que j'ai bien eu raison, jusqu'aujourd'hui, de ne pas le lire... Grosso modo, on dirait du Muray tout aplati, presque scolaire. On a envie de l'aimer, pourtant, ce grand garçon sympathique, qui paraît regarder notre monde post-moderne avec des yeux si proches des nôtres. Mais il fait tout pour décourager cette complicité a priori que l'on était tout prêt à instaurer avec lui. En fait, ce qu'il nous a vendu pour un roman ne semble guère être plus, au stade où j'en suis, qu'un catalogue de bonnes intentions. C'est bien décevant, allez...


Vendredi 8

Sept heures. — Je viens, au triple galop, de terminer le roman de Duteurtre. Il s'intitule, je le rappelle, Tout doit disparaître. C'est une injonction à laquelle je ne saurais me soustraire : poubelle jaune. Comme il est possible que, achetant ce livre un peu au hasard, je sois tombé sur une “cuvée” particulièrement mauvaise, je vais tout de même offrir une seconde chance à Benoît et lire La Rebelle. Mais sans grande illusion.

Ouvrant le volume Gallimard, je m'aperçois qu'il s'agit d'un exemplaire dédicacé par l'auteur, “pour Marie Astrid et Antony”, ainsi orthographiés.

— Je viens de trouver à quoi me font penser les “personnages” de Duteurtre : à ces silhouettes de contreplaqué mises en faction, naguère, par les restaurateurs à la porte de leurs établissements, lesquelles silhouettes figuraient généralement des cuisiniers joviaux et présentaient aux passants le menu complet de ce qui se concoctait à l'intérieur en fait de nourritures. Ici, c'est pareil : dès qu'un personnage apparaît, il brandit son “mode d'emploi” sous les yeux du lecteur, afin que celui-ci sache tout de suite à quoi s'en tenir et s'attendre, sans le moindre risque de se perdre, ni même d'être tant soit peu surpris. D'autant moins surpris que l'auteur ne manque jamais de nous infliger aussi l'intégralité du CV de ce nouvel arrivant, quasiment depuis sa naissance. Le résultat, prévisible lui aussi, est un vague mais tenace ennui. Et, malheureusement, ça ne semble pas devoir s'arranger dans le second roman de lui que j'ai, et dont je viens de lire les trente premières pages.

En fait, le seul aspect vraiment amusant de ces romans, c'est le regard que Duteurtre pose sur la “communauté” des pédés post-modernes et les propos acides qu'il n'hésite pas à tenir à leur sujet. L'amusant est qu'on ne peut rien lui dire puisqu'il est lui-même pédé, si j'ai bien compris. Et, le lisant, je me disais que ce devait être particulièrement pénible, pour les ravis de la petite crèche homo, d'être ainsi passés au laser par un “frère d'armes”.   

On va sans doute, encore, m'accuser de je ne sais quelle “homophobie”. On aura bien tort, du moins le crois-je. Si je dois absolument être quelque chose à ce sujet,  je me dirais plutôt nostalgique ; nostalgique des homosexuels de ma jeunesse — et j'en ai connu pas mal —, qui étaient toujours plus moins en marge, toujours un peu à côté, rendus à la fois plus lucides et plus indulgents par le fait d'être toujours vaguement en dehors des choses, tout en étant pleinement dans le monde. Alors que ceux des temps présents me dépriment assez, eux qui semblent n'avoir plus d'autre ambition, de but plus fun dans l'existence que de se bricoler, chacun dans son coin, de consternantes caricatures homos des familles petites-bourgeoises les plus pépères. S'ils voulaient prouver qu'ils étaient “des hommes comme les autres”, c'est, hélas, pleinement réussi.

Onze heures. — J'avais tout à fait oublié (tu m'étonnes !) que c'était aujourd'hui le Pétasse's day : les MeTouffes vont être intenables toute la journée… Et je me demandais à l'instant combien de femmes, dans le monde, se préoccupaient de cette pantalonnade : 2% ? 5% ? 10% ? Sachant, en plus, que, quel qu'en soit le nombre, il y a des chances qu'elles soient fortement concentrées presque uniquement dans les grandes villes de ce qui fut l'Occident.

Cinq heures. — Bon, il faut tout de même reconnaître que La Rebelle est nettement moins  ennuyeux que le précédent roman de Duteurtre. Cela dit, le maximum de louange que je puisse lui adresser est qu'il se laisse lire. Ce qui suffira à lui éviter la poubelle jaune — mais de justesse.


Samedi 9

Sept heures. — Vu hier soir Monuments Men, film écrit, réalisé et interprété par, entre autres, George Clooney. Je me souviens qu'à sa sortie, il y a dix ans, le film avait reçu d'assez mauvaises critiques : elles étaient amplement méritées. Ce n'est pas tous les jours que l'on peut voir un scénario aussi mal écrit, aussi maladroitement construit et aussi paresseusement réalisé. Sans même parler de la musique grandiloquente, qui fait l'effet d'une sauce trop lourde tentant de faire passer le rôti mal cuit ou le poisson plus très frais. Et ce n'est pas le bref et à peu près inutile rôle de Jean Dujardin qui sauve quoi que ce soit.

Trois heures. — Dès la troisième page de ses mémoires, Talleyrand fait allusion au fameux “esprit des Mortemart” (sa bisaïeule, Marie-Françoise de Rochechouart était une Mortemart) ; mais, pas plus que Saint-Simon dans les siens, il ne prend la peine de nous dire, fût-ce rapidement, en quoi pouvait bien consister cet esprit. Encore un qui va nous agacer et nous frustrer le jeune Marcel P...

D'un autre côté, un esprit qui se laisserait définir, expliquer, mettre en fiches, mériterait-il encore le nom d'esprit ?

Cinq heures. — Je laisse rarement passer une occasion de dauber sur le français charabiesque des contributeurs d'Atlantico, mes analphabètes de référence. Pourtant, je dois bien reconnaître qu'ils ont une assez solide excuse à s'exprimer de manière sabiroïde, l'exemple leur venant du sommet, c'est-à-dire de M. Ferjou, le patron du site, capable, du haut de sa grande sagesse éditoriale, de laisser tomber des sentences telles que : « Il y a une rationalité à mettre les Européens face à la réalité. » Continue, Jean-Seb', continue : tu finiras par y arriver…

Sans doute pour se mettre dans les petits papiers du boss, l'un de ses grouillots écrit un peu plus bas : « L'économie allemande connaît notamment une stagnation du PIB depuis près de nombreuses années. » Et la banqueroute, c'est pour dans pas loin de bientôt ?

Six heures et demie. — Terminé il y a une vingtaine de minutes l'année 1903 (celle de la mort du père) de la correspondance proustienne, et lu dans la foulée la toujours parfaite introduction de Philip Kolb à l'année 1904.


Dimanche 10

Neuf heures. — À propos des mémoires de Talleyrand, dans l'éditions “Bouquins” de Robert Laffont, il me faut noter ceci, suffisamment rare de nos jours pour l'être : les assez nombreuses notes, dues au duc de Broglie [j'avais d'abord attribué les notes en question à Emmanuel de Waresquiel, mais Michel Desgranges a eu vite fait de me signaler la bourde…] sont en tout point dignes d'éloges, brèves et riches tout à la fois, strictement informatives et d'une clarté parfaite.

— Dans ces notes, on fait la connaissance de (ou on retrouve, quand on les connaissait déjà) beaucoup de personnages des deux sexes. Et je suis frappé de voir que, parmi eux, un assez grand nombre est mort octogénaire, quand ce n'est pas nona. Ce qui n'empêche pas nos contemporains de croire dur comme fer qu'avant l'avènement de la médecine moderne, c'est-à-dire en gros avant le XXe siècle, tout le monde mourait entre quarante et cinquante ans...

Midi. — Page 151 de l'édition Bouquins, ce tronçon de phrase de Talleyrand : « il n'a fallu rien moins que la Révolution pour que, etc. ». La locution conforme à ce qu'il veut dire est : “rien de moins que”. Avec la propension qu'on me connaît au réactionnariat, je pensais que c'était là une bourde langagière n'appartenant qu'à mes contemporains, tous plus ou moins analphabétisés par notre grande Garderie nationale. Il appert donc que non, puisque le Diable boiteux la commettait déjà il y a deux siècles. 

Cela dit, je vais peut-être un peu vite en besogne : ces mémoires n'étant pas, ou fort peu, de la main même de Talleyrand, il est possible que la faute vienne du copiste... dont le nom évidemment m'échappe. Ou encore de l'éditeur. Ou même... Bref, dans le doute, je propose l'acquittement de Charles-Maurice.

— M. de Talleyrand aurait-il eu, par quelque mystère temporel, connaissance de la France de M. Macron ? Voici ce qu'il écrit (p. 156) : 

« La grande facilité dans les souverains inspire plus d'amour que de respect, et au premier embarras l'amour passe. On essaye alors quelques coups d'autorité ; mais il est trop clair que cet emploi de l'autorité n'est qu'un effort, et un effort ne dure pas. Le gouvernement, n'osant pas donner de la suite à ce qu'il entreprend, retombe nécessairement dans une fatale indolence. Arrive alors la grande ressource du changement des ministres ; on croit que c'est remédier à quelque chose ; c'est contenter telle maison, c'est plaire à telle personne et voilà tout. La France avait l'air d'être composée d'un certain nombre de sociétés avec lesquelles le gouvernement comptait. Par tel choix, il en contentait une et il usait le crédit qu'elle pouvait avoir ; ensuite il se tournait vers une autre, dont il se servait de la même manière. Un tel état de choses pouvait-il durer ? »

Poser la question, toute rhétorique, est évidemment y répondre.

Quatre heures. — Pour qui a lu et relu À la recherche du temps perdu, l'une des choses les plus intéressantes, dans les lettres de Proust largement antérieures au grand œuvre est d'y repérer les petites graines, souvent insignifiantes en elles-mêmes, mais dont on sait que, jetées bientôt sur une terre fertile, elles vont donner de superbes massifs et de grands arbres formant cette forêt immense dont personne, alors, en tout cas aucun des correspondants de Proust, ne peut encore avoir la moindre idée.

— À propos de Proust, il écrit à Marie Nordlinger (cousine de Reynaldo Hahn et plus ou moins amoureuse de Marcel qui n'en peut mais...), le 6 février 1904 : « J'ai travaillé comme un nègre à Sésame et refait, etc. »

Comme un nègre, vraiment ? Qu'est-ce qu'on attend pour l'autodafer en place publique, cette immonde correspondance qui rappelle les heures, etc. ?

Et puisqu'on parle de nègre, ceci que je viens de découvrir et qui me fait jubiler. Si, sur l'iBigo, je commence à taper negr, il me propose aussitôt le mot “négrier”. Mais si, aux quatre premières lettres déjà tapées, j'ajoute un seul e, il ne propose rien du tout et écrit seulement  negre, sans accent grave, comme pour attester à la face du monde qu'il ignore jusqu'à l'existence du mot tabou et qu'il n'est responsable, ni même complice, de rien du tout.

Mais, dans ce cas, que peut bien être un négrier si on fait disparaître les nègres ?

— De l'analphabétisme croissant chez mes ex-confrères. Ce titre sur cinq colonnes dans La Provence d'avant-hier : « Mais c'est quoi le problème des maths avec les filles ? » Première chose : à quoi ce “mais” initial fait-il opposition, puisque personne n'a encore rien dit ? Deuxième chose : le journaliste pense-t-il vraiment que “c'est quoi” est la formule la plus élégante à utiliser ici ? Troisième chose : ne serait-ce pas plutôt d'un problème des filles avec les maths qu'il s'agit, plutôt que l'inverse ? Ah ! on me souffle que c'était à cause de l'astuce “problème de math”… Malheureusement, l'astuce en question, déjà anodine en soi, passe complètement à la trappe et il ne reste plus, bien visible elle, que l'incohérence logique.


Lundi 11

Sept heures. — J'avais tout à fait oublié que Guignol's band s'ouvrait sur cette grande scène de bombardement du pont d'Orléans, encombré  de véhicules et de réfugiés fuyards. Dix page d'apocalypse avant le fameux paragraphe, dont je croyais qu'il était le début du roman : 

« On est parti dans la vie avec les conseils des parents. Ils n'ont pas tenu devant l'existence. On est tombé dans les salades qu'étaient plus affreuses l'une que l'autre. On est sorti comme on a pu de ces conflagrations funestes, plutôt de traviole, tout crabe baveux, à reculons, pattes en moins. On s'est bien marré quelques fois, faut être juste, même avec la merde, mais toujours en proie d'inquiétudes que les vacheries recommenceraient... Et toujours elles ont recommencé... Rappelons-nous ! On parle souvent des illusions, qu'elles perdent la jeunesse. On l'a perdue sans illusions la jeunesse !... Encore des histoires !... Comme je dis... Ça s'est fait d'emblée. On était petit, con de naissance, tout paumé de souche. »

Après ça, il n'y a plus qu'à se laisser embarquer, sans résistance surtout. La suite est encore plus roide, mais je ne peux pas tout recopier non plus...

Six heures. — Je viens de vendre l'un des deux volumes de correspondance proustienne qui restaient proposés à la convoitise générale chez Rakuten. L'un l'était à 95 €, l'autre à 10 : c'est le second qui est parti, pas de bol. J'ai failli refuser la vente, n'ayant pas envie de me livrer à tous les petits rituels de l'expédition pour une somme aussi dérisoire ; finalement, ma conscience a parlé plus haut que ma flemme, cette conne prétentieuse...


Mardi 12

Huit heures. — À cause de Louis-Ferdinand, me voilà avec La Valse brune tournant en boucle dans ma cervelle :

C'est la valse brune

Des chevaliers de la lune

Qui recherchent un coin noir...

Cela dit, je préfère nettement ça à certaines tartignoleries variéteuses qui m'encombrent régulièrement la tête le matin.

— Sinon, je note que, pour exprimer le fait de rire, Céline ne dit pas “se poiler” mais “se poêler”. Je ne me souviens pas d'avoir rencontré cette orthographe ailleurs que chez lui. Il est vrai que je me souviens de moins en moins de choses...

Midi. — Les gaucho-woko-féministes qui, par terreur d'être soupçonnés de “racisme”, sont toute bienveillance et humilité devant les islamopithèques me font penser à ces aristocrates de la fin des années 1780 qui n'avaient de cesse de saper les fondements de la royauté et appelaient de leurs vœux les plus ardents cette République qui, quelques années plus tard, allait les conduire tout droit à l'échafaud. 

Je crains malheureusement d'être trop vieux pour profiter du jour où un désagrément du même ordre écherra à la lie terminale sus-évoquée.

— Je me trouve tout à fait d'accord avec Clemenceau, quand il affirmait que la Révolution “est un bloc”. Et c'est bien pourquoi il convient de la rejeter tout entière.

Quatre heures. — Il arrive parfois que les compliments hyperboliques déversés par Proust sur le moindre auteur de ses connaissances lui retombent sur le nez. Ainsi, le 13 mars 1904, pour avoir plus ou moins égalé Maeterlinck à Racine, il se fait, gentiment mais fermement, rappelé au sens des proportions par Maurice Barrès.

Du reste, quelques jours plus tard, Proust conteste vivement avoir tracé ce signe = que vient de lui reprocher le “prince de la jeunesse”. Et, ma foi, il se défend d'une manière plutôt convaincante.

Mais il faut croire que la “leçon” ne lui a guère servi puisque, deux ou trois semaines plus tard, dans une lettre à Henry Bordeaux, il n'hésite pas à hisser son correspondant à la même hauteur que Chateaubriand. (Cela dit, je dois avouer n'avoir jamais lu la moindre page de cet Henry-là, et que, donc, je me moque un peu sans savoir ; ou, si l'on veut, “de confiance”.)

Mais elle est tout de même importante, cette lettre à Bordeaux, en raison des trois premières lignes de son dernier paragraphe :

« Et pourtant si, il y a une reprise de possession possible du passé. C'est celle qu'on tente en remontant le cours des souvenirs enchantés et en écrivant un beau livre. »

Quatre ou cinq ans avant d'en tracer le premier mot, Le Temps retrouvé commence ici sa germination.

Six heures. — Sur le site de Causeur, le radoteur impénitent Philippe Bilger se pâme littéralement (et, bien sûr, nous fait profiter de sa pâmoison…) devant quelques déclarations de Fanny Ardant. La comédienne — que je n'ai jamais vraiment supportée, mais on s'en fout un peu ici — provoque l'admiration béante du magistrat en retraite en disant, entre autres perles, ceci : « Mon père me demandait d’être douce et de ne pas donner de leçons, mais j’ai toujours vendu le bonheur contre l’intensité. »

Vendre le bonheur contre l'intensité : il suffisait d'y penser. Rien de plus astucieux pour redresser notre économie chancelante, je suppose.

— Pendant ce temps, sur le site qu'il a créé, Atlantico, l'enfonceur de portes ouvertes Jean-Sébastien Ferjou, évoquant les discussions et les projets sur la mise à mort des vieux et des malades (en langage post-moderne : “l'aide à mourir”) nous l'assure : « On est sur un débat qui nous détourne de sujets fondamentaux. »

Deux remarques de ma part. La première est que, si Jean-Seb' ne se sent pas bien sur son débat, il n'a qu'à en descendre. La seconde est que ce même Jean-Seb' semble faire partie de ces gens qui pensent, ou feignent de penser qu'on ne peut pas s'occuper de plusieurs sujets simultanément ; que dès qu'un dossier est ouvert, tous les autres disparaissent aussitôt au fin fond des caves ou des greniers.


Mercredi 13

Sept heures. — Hier soir, sous l'annonce du journal de février, sur le blog-mère, bref commentaire d'André, pour me préciser que son appartement de la rue du Sommerard, entre 1977 et 1979, était situé au cinquième étage. Comme on voit, le riesling frais qui, rituellement, nous attendait là-haut, Bergouze et moi, savait se faire mériter. André me signale aussi que, depuis, un ascenseur a été installé dans cet immeuble (mais comment le sait-il ?) : les ivrognes des jeunes générations n'ont plus le moindre effort à fournir avant d'apaiser leur soif, ce qui est parfaitement immoral, je trouve.

— Décidément, Céline consommé au saut du lit ne me vaut rien. Hier, c'était La Valse brune qu'il me collait dans la cervelle, ce matin c'est For he is a jolly good fellow qui y tourne en boucle. Au moins, quand j'entame la journée avec les mémoires de Talleyrand, je suis à l'abri de ce genre de mésaventures mélodiques.

Midi. — Scène étonnante racontée par Talleyrand. Elle se situe en 1794 ou 95. Alors en Amérique, Talleyrand visite l'arrière-pays avec deux compagnons. Un soir, au fond du Connecticut, une famille leur offre le gîte et le couvert... mais surtout la bière forte et l'eau-de-vie. Un peu plus avant dans la soirée, les deux grands fils de la maison apprennent à leurs hôtes qu'il doivent partir dès le lendemain pour la chasse au castor, laquelle doit durer plusieurs semaines. Sans doute plus qu'à moitié bourrés, Talleyrand et ses deux comparses s'enflamment à l'idée de se faire eux aussi chasseurs et de partir à pied, barda sur le dos, pour vivre plusieurs semaines au fond des bois. L'accord est aussitôt conclu avec les deux fils, et tout le monde sombre dans le sommeil.

Évidemment, le lendemain matin, la gueule de bois ayant remplacé l'ivresse, l'ex-évêque d'Autun et ses acolytes trouvent nettement moins drôle la perspective d'aller traquer le beaver en se coltinant des kilos de matériel de camping ! Et c'est assez honteux d'eux-mêmes qu'ils reviennent piteusement sur leur mâle engagement de la veille.

Bien entendu, ce qui est hautement savoureux dans cette anecdote, c'est de s'imaginer M. de Talleyrand-Périgord, beurré comme un Petit-Lu et se prenant de passion pour la chasse au castor, avant d'aller s'écrouler en tanguant sur sa paillasse de fortune.

Quatre heures. — Quel petit malin, ce Marcel !  Et un poil retors, aussi. En mai 1904, il adresse une lettre à Édouard Rod, journaliste, romancier et critique suisse dont nous ne devons pas être bien nombreux à nous souvenir qu'il ait seulement existé. Comme il vient de publié un roman, Marcel commence par l'enfouir sous des tombereaux de louanges hyperboliques, ainsi qu'il est habitué à le faire : deux pages bien tassées. Et, soudain, le petit Machiavel éditorial pointe le bout du nez :

« Si je n'étais dans un état de santé chaque jour empiré j'aurais été vous dire tout cela un peu moins mal, et vous remercier aussi d'avoir pris la peine de m'écrire à propos de mon étude sur Ruskin et de ma traduction de La Bible d'Amiens. Si jamais au cours d'un article vous aviez l'occasion de les signaler j'en serais très fier et très heureux. »

C'est ce qui s'appelle : s'y entendre dans le placement de produit... Enfin, sans doute pas tant que cela car, à ce moment, Philip Kolb intervient par cette note :

« Nous ne trouvons aucune mention de La Bible d'Amiens dans les articles que Rod publiait à cette époque dans Le Figaro. »

¡ Caramba ! Encore raté...

 

Jeudi 14

Onze heures. — Deux petites phrases qui se suivent gentiment, chez le jamais décevant Renépol : « Cela s'appelle de l'antisémitisme. C'est inqualifiable. »

Faudrait savoir, mon bon…

Deux heures et demie. — Je regarde la télé (dernière saison de Blacklist, décidément bien poussive), avec la porte extérieure grand ouverte : et vive le réchauffement climatique !

Trois heures. — Abandon de la série susnommée au milieu de l'épisode 14 : ça devenait vraiment trop ennuyeux et je me suis aperçu que je n'en avais vraiment rien à foutre de connaître ou non la fin. D'autant que, pour la déflorer, il suffit de poser aimablement la question à Dame Ternette.

— Dans mon billet du 6 mars, je notais que le 9 novembre avait vu mourir de Gaulle et Montand, et que c'était également la date des noces de diamant de Suzanne et René. Un de mes commentateur, Cherea je crois, avait ajouté que c'était aussi le jour où le mur de Berlin était tombé.

Mais personne ne s'est avisé qu'à une certaine époque, le 9 novembre s'est appelé 18 brumaire....

— Passant des mémoires de Talleyrand aux lettres de Proust, j'apprends, par une note de Kolb, que, pour sa baronne de la Chanterie (L'Envers de l'Histoire contemporaine), Balzac se serait inspirée d'une certaine Mme de Combray ; ce qui fait un lien de plus entre Proust et lui.

Vendredi 15

Quatre heures (PM...). — commencé, après la sieste, à regarder la neuvième et dernière saison de Suits, série “judiciaire” qui, à chaque nouvelle saison, s'enfonce un peu plus dans l'insignifiance ; mais qui devient fascinante en raison de son irréalisme “décomplexé”. Et puis, quel que soit l'aspect superficiel et convenu des personnages de ce qui n'est finalement qu'un soap opéra un peu moins niais que d'autres, on finit par se créer des sortes d'habitudes avec eux...

Sur ce, revenons à Proust et à ses missives.

— Voilà deux fois déjà que, dans une note, Philip Kolb évoque la vicomtesse de Villeparisis. Or, je suis bien certain que, dans La Recherche, Mme de Villeparisis est marquise. Une telle erreur m'étonne de lui.


Samedi 16

Huit heures. — Terminé à l'instant la première partie de Guignol's band : plus de deux cents pages Pléiade sans jamais la plus petite occasion de reprendre un peu son souffle. La longueur d'une course de fond, mais à l'allure d'un sprint. Et il en reste le double devant moi, avec la seconde partie...

— Mes lectures restent inchangées depuis un petit moment. Le matin, Céline et son band ; après le déjeuner, Talleyrand et ses mémoires ; et, en fin d'après-midi, une heure ou deux de farfouille dans le courrier proustien. Tout cela me paraît assez bien équilibré, finalement.

— J'avais plus ou moins oublié que, dans l'argot “classique”, le mot vanne, dans le sens de plaisanterie, taquinerie, était du genre masculin, et non féminin comme on l'a employé plus tard, pour des raisons évidentes d'homonymie. Encore un transgenre, quoi.

Quatre heures. — De Proust à Marie Nordlinger, fin août 1904 : « Vous avez une mémoire inouïe, moi qui à cause de ces horribles médicaments antiasthmatiques ne me rappelle rien de la veille, je vous envie de garder des jours de Venise un souvenir si précis. »

Rendons grâce au Ciel d'avoir donné à Marcel une mémoire aussi défaillante, quasi-alzheimerienne : dans le cas contraire, combien de dizaines de milliers de pages aurait compté La Recherche ?

— En prime, ce premier paragraphe d'une lettre adressée à un certain Dr Lenossier : « Cher Monsieur, je ne sais pas si vous vous souvenez que dans des jours plus heureux mon père, le Dr Proust, m'avait présenté à vous, et je m'étais permis de vous dire la très grande admiration que j'éprouvais pour votre livre, L'Hygiène du dyspeptique. »

Imaginer Proust pantelant d'admiration devant un livre intitulé L'Hygiène du dyspeptique vient de me faire éclater de rire, à la surprise vaguement réprobatrice de Charlus, réveillé en sursaut.


Dimanche 17

Neuf heures. — Depuis hier, l'envie me titille d'acheter un autre volume de la Pléiade célinienne, celui qui propose la trilogie “allemande”, à savoir D'un château l'autre, Nord et Rigodon. C'est une envie à laquelle je ne vois guère de raison de résister...

En attendant, je refile à Londres, cavaler au cul de Ferdinand, Sosthène de Rodiencourt et la troublante Virginie. Virginie qui, d'après les estimations de Ferdinand qui en est amoureux, doit avoir dans les 12 ou 13 ans : il n'a pas honte, ce répugnant, de sexualiser ainsi une gamine tel un vulgaire Depardieu ? L'a eu de la chance que MetooRomans n'existât pas à son obscure époque, le Céline...

— Se replonger dans les livres de Louis-Ferdinand, c'est un peu comme se mettre à biberonner aux boissons d'homme : les premiers jours, on se retrouve raide bourré au bout de dix ou quinze pages ; et puis l'organisme s'habitue, les beuveries qu'il tolère deviennent de plus en plus généreuses... Évidemment, il y a le risque d'accoutumance... d'où, sans doute, ce désir de Pléiade dont je viens de parler...

— Sinon (?), ma grand-mère paternelle, Denise, aurait, ce jour, 122 ans ; ce qui ne va rajeunir personne.

Quatre heures. — Terminé, à marche forcée, la neuvième et dernière saison de Suits, série qui a fini par sombrer dans la plus complète niaiserie ; ce qui était peut-être une volonté charitable de la part de ses concepteurs qui auraient été chagrinés de nous laisser un quelconque regret, même léger, de leur disparition définitive.

Sur ce, voici qu'arrive l'heure du goûter : c'est bien beau de nourrir son esprit, mais le corps compte aussi...

— Dans sa lettre au médecin que j'évoquais hier, Marcel décrit son régime alimentaire. Ça donne ceci :

« Je fais un repas par 24 heures (et entre parenthèses je me permets de vous demander si au point de vue ration d'entretien vous trouvez ce repas suffisant pour vingt-quatre heures : deux œufs à la crème, une aile entière de poulet rôti, trois croissants, un plat de pommes de terre frites, du raisin, du café, une bouteille de bière) et pendant l'intervalle des vingt-quatre heures la seule chose que je prends est en me couchant un quart de verre d'eau de Vichy (neuf ou dix heures après mon repas). Si je prends un verre entier je suis réveillé par de l'oppression ; à plus forte raison si au lieu d'eau de Vichy c'est un aliment. »

Marcel Proust, c'est la tante Léonie de Combray, en version jeune (je rappelle qu'il a alors 33 ans) et masculine. Le génie, ici, est d'avoir su observer ses propres ridicules avec suffisamment de distance et de lucidité pour en tirer un personnage profondément attachant et au comique irrésistible. Les deux pages de cette lettres qui suivent le paragraphe que je viens de donner sont tout aussi délirantes, mais je ne peux pas tout recopier non plus...

— Des nouvelles de mes analphabètes de référence ? Ce titre : « (In)Sécurité aérienne : et s'il était temps que l'Europe exige des comptes à Boeing ? »  Et s'il était temps que les ânes couronnés d'Atlantico apprennent d'écrire par français ? »


Lundi 18

Midi. — Je ne sais trop quelle inspiration saugrenue m'a poussé, il y a quelques minutes, à aller jeter un coup d'œil au forum du parti de l'In-nocence, où je n'ai pas mis un orteil depuis au moins un an, si ce n'est deux. Situation fascinante : depuis sept ou huit mois, en dehors de quelques “communiqués” dus à Renaud Camus, on n'y lit plus que les interventions d'Alain Eytan — innocent qui, si je le souviens bien, vit en Israël —, auquel personne, absolument personne ne répond jamais. On dirait d'un navire fantôme, une épave dérivant dont tous l'équipage aurait brusquement disparu, à l'exception du gabier, reste coincé sur sa hune, tout en haut du grand mât.


Mardi 19

Sept heures. — 68 ans dans exactement douze heures, puisqu'il paraît que je suis malencontreusement apparu en ce monde pile pour l'apéro. Apéro que, d'ailleurs, nous ne prendrons pas, ne voyant guère l'intérêt de fêter un âge aussi ridiculement avancé.

Deux heures. — Même pas encore au printemps, et déjà la deuxième tontine de l'année. On aura beau dire : le réchauffage climateux n'a pas que des bons côtés.

Mais enfin, devoir accompli, c'est l'esprit libre que je puis aller rejoindre le Congrès de Vienne (le Yalta de l'époque, en quelque sorte, sauf que c'était nous les méchants) dans les fourgons de Charles-Maurice.


Mercredi 20

Huit heures. — Hier en fin d'après-midi et encore ce matin, j'ai lu du Didier Goux. Je ne sais pas trop comment j'en suis venu là, et ça n'a guère d'importance ni d'intérêt. C'est un livre que personne n'a lu, hors ma mère ; en tout cas, lu dans sa “forme livre”. C'est une blurberie que j'ai composée vers 2018 ou 2019, après que ma mère m'avait dit qu'elle venait de relire En territoire ennemi avec grand plaisir. M'est alors venue l'idée de réunir les moins ratés de mes billets de blog, postérieurs à 2013, et a en faire un volume pour elle ; ce qui fut fait et intitulé Retour au camp de base.

Eh bien, quitte à passer pour ridiculement fat, je dois dire que j'y ai trouvé, dans ces presque 400 pages, une dizaine ou une douzaine de textes dont je ne pense pas avoir à rougir.

Midi. — Lisant ses mémoires depuis plusieurs jours, j'ai ressenti le besoin de reprendre une des deux biographies de Talleyrand qui sont ici : pour en éclairer les zones d'ombre, si l'on veut, me servir de socle, ou d'étai. Celle d'Orieux, plus séduisante ? Celle de Waresquiel, plus rigoureuse ? J'ai opté pour cette dernière... mais avec un vague regret de l'autre !


Jeudi 21

Huit heures. — Pourquoi la fontaine de la place Saint-Sulpice, à Paris, est-elle surnommée “des quatre points cardinaux” ? Parce qu'elle fut élevée en l'honneur des quatre plus grands théologiens français, anciens élèves des Oratoriens, dont le séminaire s'élevait à cet endroit jusqu'à ce que Bonaparte le fît démolir en 1803, à savoir Bossuet, Fénelon, Massillon et Fléchier ; et qu'aucun de ces quatre illustres ne fut jamais fait cardinal.

Midi. — Je me demande si l'une des plus grandes erreurs de Louis XVI, qui pourtant n'en fut pas chiche, ne serait pas l'absurde soutien aux rebelles américains contre la couronne d'Angleterre ; soutien qui, non content d'assécher gravement les finances royales, n'a rien rapporté de tangible à la France, les tout neufs États-Unis ne tardant pas, comme on aurait pu le prévoir, à se rapprocher de leurs “frères” naturels, à savoir ces mêmes Anglais dont ils venaient de s'émanciper. 

Quatre heures. — Dans ses lettres à sa mère, Proust n'épargne aucun détail à la pauvre femme, dès lors qu'il est question de sa santé ou de son confort, lesquels forment généralement l'essentiel de ce qu'il est urgent de lui écrire. Ainsi, le 15 novembre 1904 (c'est lui qui souligne) :

« Ma chère petite Maman,

D'abord ce qui va te surprendre j'ai passé une excellente soirée, pas au point de vue moral, mais au point de vue asthme et état général. La salle à manger s'étant fort refroidie et ayant été obligé aux cabinets de laisser fenêtre ouverte pour chaleur, et porte ouverte pour entendre sonner j'ai pris un peu froid depuis mais vais toujours très bien. »

Je ne sais pourquoi, imaginer Marcel assis sur la lunette et le pantalon aux chevilles en train de guetter la sonnette de la porte d'entrée m'a mis en joie durant au moins trois minutes. Mon mauvais fond probablement.

Par ailleurs, ce même jour (mais avant la séance cabinets), Proust s'est rendu au Mercure de France pour y rencontrer Alfred Vallette, malheureusement absent, et a eu, là, une assez longue conversation avec Louis Dumur. Si bien que, pendant un instant, j'ai cru avoir sauté par distraction de la correspondance de Proust au journal de Léautaud.


Vendredi 22

Huit heures. — Comme l'histoire serait morne si les maris et les épouses se montraient toujours d'une inébranlable fidélité ! Prenons l'exemple de Talleyrand, qui m'occupe ces jours-ci. Au milieu des années 80, il fait un enfant, évidemment illégitime, à la belle Adélaïde de Flahaut, dont le vieux mari ne gêne guère. Plus tard cet enfant, Charles de Flahaut fait lui-même un enfant illégitime à la reine Hortense, fille de Joséphine de Beauharnais et épouse de Louis Bonaparte, éphémère roi de Hollande par la volonté de son grand-frère. Cet enfant, lui aussi prénommé Charles, se trouve donc être le demi-frère du futur Napoléon III et, devenu le duc de Morny, il sera l'un des principaux piliers, sinon le principal, de ce Second Empire qu'il aura largement contribué à faire naître. 

Tout cela parce que, trois quarts de siècle plus tôt, un abbé boiteux, bientôt évêque, a sauté sa volage grand-mère ! On perd beaucoup de sources d'amusement avec notre maudite et puritaine “transparence”...

Midi. — Oublié de noter que j'avais, avant-hier,  abandonné Guignol's band à 200 pages de la fin (ce qui signifie que j'en ai tout de même lu près de 500...). Pourquoi cet abandon ? Pas de raison bien précise... il m'a soudain paru que ça suffisait comme ça, au moins pour le moment...

— Derrière la satisfaction affichée par les gardiennes de l'ordre moral depuis l'annonce de la mort de Frédéric Mitterrand (« Un pédocriminel de moins ! »), on sent bien la rage et la frustration qu'elles éprouvent à voir l'une de leurs victimes émissaires leur échapper “par le haut”. L'idée que l'on puisse passer directement de son salon à sa tombe sans passer par les cases tribunal et prison, cette idée leur est difficilement tolérable. Heureusement, les cibles de substitution ne risquent pas de leur manquer.


Samedi 23

Huit heures. — Je découvre, tout à fait par hasard, qu'il existe à Paris, rue Taitbout, un restaurant dont le nom est “Mangez et cassez-vous”. Certes, il semble s'agir d'un fast food, mais tout de même...

— Tout nouveau ministre des Affaires étrangères (ou plutôt : des Relations extérieures, comme on disait sous le Directoire), en 1797, Talleyrand juge les ambassadeurs qu'il est obligé de laisser partir vers les différentes cours européennes : « On voit bien qu'il n'y a pas très longtemps qu'ils marchent sur du parquet. » Ce qui me fait repenser aux réflexions que se permettait Gérard de Villiers dans ses premiers SAS (ensuite, il apprit la prudence...), lorsqu'il parlait de gens importants, ministres ou milliardaires, des pays “exotiques”, notant qu'ils étaient passés “directement du cocotier à la Rolls”.

Dix heures. — Une conférence à laquelle je vais évidemment faire des pieds et des mains pour y assister, le 6 avril prochain. Après un titre imbitable en petit-racisé, ce sous-titre : « Vers une décolonisation des masculinités martiniquaises. » Il y a déjà longtemps que j'espère trouver, sans jamais y parvenir, un mode d'emploi efficace pour décoloniser les masculinités : voilà enfin l'occasion. (En fait, plus qu'à la conférence d'une certaine Joëlle Kabile, c'est surtout au début prévu ensuite que j'aimerais assister : je sens qu'on va faire dans le grandiose.)

Quatre heures. — On peut être perpétuellement souffrant, ou au moins souffreteux, et considérer son propre état avec ce qu'il faut d'humour, ainsi ce qu'écrit Proust à Montesquiou, en novembre 1904 :

« Jusqu'ici j'étais malade. Maintenant je le suis encore, mais en plus je me soigne. Les deux réunis sont au-dessus des forces humaines. »

Cela pour se justifier d'avoir manqué la dernière “sauterie” du comte et lui annoncer qu'il sera également contraint de zapper la suivante, qui menace déjà.

Six heures. — Terminé tout à l'heure le premier des cinq volumes de la correspondance proustienne. Aussitôt rapporté au salon le second, qui s'ouvre sur l'année 1905, sans doute la pire de la vie de Marcel, puisque celle de la mort de sa mère.


Dimanche 24

Quatre heures. — De la simplicité proustienne. Voici, intégralement, la courte lettre que Marcel fait porter à Louisa de Mornand, actrice de seconde zone et maîtresse de Louis d'Albufera :

« On me désespère en me disant que vous attendez chez vous mon téléphonage. Ma petite Louisa, même dans les cas probables ou certains, je ne peux admettre la pensée que vous attendiez un téléphonage de moi, que vous enchaîniez votre soirée pour me voir. Si je le pensais jamais je serais trop triste. Je ne dois jamais venir que comme le dernier des pis-aller. Mais ce soir en particulier c'est si improbable souffrant comme je souffre que je puisse me lever et vous recevoir que ce serait de la folie d'attendre à cause de moi. Tout ce que je voulais dire, et dis encore, est de prévenir chez vous pour que si je téléphone, on puisse vous transmettre mon téléphonage de façon que s'il signifiait que j'étais mieux et si en rentrant chez vous vous ne saviez que faire vous puissiez passer chez moi. Mais je vous le répète pour ce soir c'est très improbable. Dieu sait à quelle heure je vais commencer à reposer. Mon téléphonage d'hier vient de ce qu'ayant été de nouveau souffrant les jours précédents je n'avais pu aller vous voir (ni aller ailleurs, si j'étais sorti cela aurait été pour aller chez vous). Me sentant hier soir plus pris et craignant de me mettre au lit pour quelques jours j'avais voulu tâcher de vous embrasser avant. Si je ne peux me lever ce soir, je m'arrangerai pour pouvoir vous recevoir demain ou mercredi à moins de catastrophes. »

Question simple mais épineuse : que doit finalement faire la pauvre Louisa ? Question corollaire : réussira-t-elle, un jour, à voir le fantomatique Marcel ? 


Lundi 25

Midi. — J'avais suggéré à Élodie J. De regarder la série espagnole intitulée Machos alfa : j'étais un peu curieux de savoir comment elle allait prendre cette caricature plutôt réjouissante d'hommes et de femmes plongés dans les délires féministoïdes ambiants. Elle vient de me faire savoir qu'elle trouvait la charge fort drôle, ce qui est bien rassurant : cela prouve que l'on peut devenir vice-cheftaine des Metouffes sans perdre pour autant son sens de l'humour et son goût de la dérision.

Six heures. — Dans exactement une semaine d'ici, si tout se passe comme prévu, je serai tout seul dans cette maison avec Charlus. J'aurai sans doute un verre de whisky dans la main gauche, dont je tâcherai de ne point abuser : quand on vient de passer six mois sans la plus petite goutte d'une boisson alcoolique quelconque, le blended peut avoir, dans ses premières gorgées, le même effet sismique qu'une giclée de kérosène.

Le matin, j'aurai fait un aller-retour à Paris, afin de déposer Catherine et nos Québécois devant l'hôtel Boileau, rue éponyme, le même où nous bivouaquâmes, au printemps dernier lors de ma double opération cataractique.

Je serai probablement ravi du silence régnant dans toute la maison, après les deux jours riches en décibels et agitations de toutes sortes que j'aurai subis, toujours avec le sourire un peu figé de l'hôte qui s'applique à être content de la visite qui lui est échue.

Il est à peu près certain que, dès le mardi matin, je commencerai à trouver le temps long et me mettrai à compter les heures me séparant du retour de Catherine, que j'irai récupérer samedi matin à  l'hôtel Ibis de Roissy-Charles-de-Gaulle.

Ensuite de quoi, la vie reprendra son cours normal — du moins l'espéré-je.


Mardi 26

Dix heures. — Depuis trois jours, me pousse dans le dos un genre d'abcès, relativement peu douloureux pour l'instant. Les dernières fois que pareille chose m'est arrivée, je me suis finalement retrouvé aux urgences pour y faire inciser et vider la bête. Ensuite, dix jours de visites quotidtiennes de l'infirmière pour refaire le pansement. Bien entendu, ça ne pouvait pas tomber à un plus mauvais moment, celui où je vais avoir à faire pas mal de voiture, puis me retrouver seul ici durant près d'une semaine. Il me reste l'espoir que, comme il arrive parfois, cet abcès incongru me fasse la grâce de percer de lui-même, sans intervention bistourienne.

Je n'en ai pas soufflé mot à Catherine, dont le cerveau est déjà de plus en plus en surchauffe à mesure que se rapproche le spectre de la visite...

Deux heures. — Il y a déjà un bon bout de temps que je consulte quotidiennement deux comptes-à-touittes, celui de madame la vice-présidente Jauneau et celui de l'asilaire professeur Cingal, alias Saint-Graal. Je viens d'y ajouter celui de Renaud Camus.

Quatre heures. — Les aventures de Marcel et Louisa, suite. lettre du 18 au 19 avril 1905 :

« [...] je me suis levé de façon à pouvoir vous recevoir si vous étiez libre et j'ai envoyé ma concierge au Vaudeville comme il était déjà trop tard (huit heures et demie) pour que vous fissiez encore chez vous, afin de vous demander si vous auriez la bonté de venir me voir ce soir mardi (hier soir, je vous écris dans la nuit de mardi à mercredi) vers onze heures. Ma concierge est revenue en me disant qu'on lui avait dit au Vaudeville que vous n'y étiez pas et que vous n'y reviendriez pas de toute la saison ! Seriez-vous plus souffrante ? Voulez-vous avoir la gentillesse de me faire dire deux choses :

1) Si vous sortirez tous les jours, à quelle heure le soir, et à quel endroit je peux vous faire téléphoner (par exemple vers neuf heures) pour vous dire si j'ai pu me lever et par conséquent si vous pouvez venir.

2)  Si vous ne sortez pas, étant plus souffrante, si je peux aller vous voir un soir tard, en ne vous prévenant que quelques heures d'avance puisque je ne puis jamais savoir qu'au moment si je serai en état de sortir et de me lever. Tâchez que j'aie ce petit mot de vous demain mercredi (aujourd'hui quand vous aurez ce mot) après-midi de façon que si par hasard j'étais bien portant demain (je suis mieux depuis quelques jours) je puisse soit vous recevoir, soit aller vous voir. Si je ne pouvais pas demain, je tâcherai jeudi.

Tendrement à vous

Marcel. »


Mercredi 27

Neuf heures. — Lisant que, autour de son château de Valençay, Talleyrand disposait de 12 000 hectares de terres, bois et étangs, je me disais que c'était l'idéal, que vivre au centre d'un carré (grosso modo) de dix kilomètres sur douze était le plus sûr moyen de rendre ses plus proches voisins tolérables. 

Sauf que tout dépend de la place qu'occupe la demeure dans cet espace. Et je me suis souvenu que, lorsque nous vivions dans l'Orne, à Sainte-Scolasse, nous disposions de près d'un hectare. Notre plus proche — et en fait unique — voisin en avait à peu près autant. Le problème était que, notre maison se trouvant à l'extrême bord gauche de notre terrain, et la sienne à l'extrême bord droit du sien, elles se retrouvaient en fait quasiment mitoyenne, n'étant séparées que par la double largeur de nos deux allées d'accès. Et comme cette maison voisine, occupée à notre arrivée par une vieille dame seule, avait rapidement vendue à un couple d'imbéciles hyperactifs, et donc bruyants, nous nous sommes vite retrouvés victimes des mêmes nuisances que si nous avions emménagé dans une quelconque zone pavillonnaire — moins les pétarades continuelles des racailles mongoloïdes à mobylette, toutefois, ce qui n'était pas rien.

Deux heures. — La cocasserie atteint son comble (comble momentanée : on peut toujours faire mieux…) : j'apprends par la vice-présidente de ce gynécée la création d'un MetooArmée. Car il paraît que ça viole dur dans les chambrées mixtes des casernes. Si les femmes, dans l'armée, étaient restées à leurs deux places traditionnelles, c'est-à-dire aux cuisines ou au BMC, aucun débordement non prévu n'aurait été à déplorer…

Cinq heures. — Je sais bien qu'en matière de compliments “plus c'est gros mieux ça passe”, mais enfin, tout de même, il me semble que Marcel pousse un peu trop loin son bouchon pour rester crédible, même auprès d'auteurs surgonflés de suffisance. 

Le cas le plus criant est évidemment celui de l'implacable Montesquiou. Dans son cas, la drôlerie naît de l'écart de plus en plus grand — on n'en est pas encore au gouffre mais ça s'en vient, comme disent les Québécois — entre la manière obséquiosissime dont Proust s'adresse à lui et le ton mi-acerbe, mi geignard qu'il utilise pour parler de lui à certains de ses autres correspondants, Mme Straus notamment.

Il faut dire que Sa Suffisance a l'art de se montrer particulièrement pénible et tenace, voire retors, dès qu'il s'agit de convoquer ses admirateurs pour qu'ils viennent applaudir ses dernières productions versifiées et panteler d'adoration devant leur génial auteur. Heureusement pour lui, Marcel, avec l'expérience des années, est passé maître pour tout ce qui concerne les “stratégies d'évitement”...

Il n'empêche : vivant de nos jours, il pourrait porter plainte contre le comte pour “harcèlement moral”. Et même fonder un genre de MetooMarcel destiné à le ruiner de réputation.


Jeudi 28

Neuf heures et demie. — Comme il fallait s'y attendre, me voici aux urgences de la clinique Pasteur, par la faute de ce foutu abcès qui n'a manifesté aucune velléité de disparaître de lui-même. Il doit bien y avoir, dans cette salle d'attente où la télé règne en maîtresse, une dizaine de personnes qui étaient déjà là à mon arrivée ; ce qui augure assez mal de la suite. D'autant que l'agitation, dans la “zone de soins”, ne semble pas excessive...

Midi. — Eh bien, finalement, ça ne s'est pas trop mal passé, cette affaire ! Une fois exfiltré de la salle d'attente en direction d'un des box de soins, il devait être dix heures un quart à peu près, j'ai encore patienté un moment (mais sans fucking télé cette fois !) avant de voir arriver le médecin. Ma crainte était qu'il se déclare incompétent (ça m'est déjà arrivé) et qu'il faille ensuite faire se déplacer un manieur de bistouri jusqu'aux urgences, ce qui n'est jamais une petite affaire. Or, non : mon toubib s'est emparé de l'instrument avec une mâle résolution et, après l'indispensable injection anesthésiante, a rapidement fait son affaire à l'abcès importun. Arrivé à neuf heures moins le quart, j'étais de retour dans la voiture à onze heures et quart, ce qui est le mieux que je pouvais espérer.

Évidemment, il reste à subir les visites quotidiennes de l'infirmière durant une grosse semaine, laquelle infirmière devra s'arranger de mes horaires variables, les Québécois m'obligeant à diverses absences auxquelles je ne puis me soustraire. 

(Je continue à me demander pourquoi les directeurs des hôpitaux et cliniques s'obstinent à faire fonctionner leurs téléviseurs de salles d'attente, dans la mesure où, désormais, tous les patients sont plongés dans leurs iBigos respectifs. Tous sauf un, ce vieux réactionnaire, là-bas, dans le fond, qui se croit malin en lisant un livre.)

Une heure et demie — Comme nous trouvions cette journée un peu pauvre en divertissements de qualité, nous avons décidé de faire dès tout de suite nos courses pour ce week-end pascalo-québécois qui nous menace. Donc, retour à Évreux, cette fois sur le parking du Grand Frais. Après cela, cap sur Pacy : Carrefour Market + pharmacie.

Six heures. — Ayant inhumé M. de Talleyrand-Périgord en son château de Valençay, et ne sachant pas trop quoi lire ensuite, mes yeux sont tombés sur La Régente, gros roman de 700 grandes pages, publié chez nous par Fayard et dû à la plume de Leopoldo Alas, plus et mieux connu par ses compatriote sous son pseudonyme de Clarín (1852 — 1901). Je l'ai évidemment déjà lu, au moment de son achat, mais, et ça n'étonnera personne, je n'en conserve aucun souvenir. Même pas s'il m'a plu ou ennuyé. D'après Mario Vargas Llosa, ce serait le meilleur roman espagnol du XIXe siècle ; ce qui ne veut pas dire grand-chose, la production ibérico-romanesque de ce temps-là ne m'ayant jamais paru particulièrement brillante, surtout si on la compare à ce qui s'écrivait simultanément en France, en Angleterre et en Russie. Mais bon : ne nous montrons pas bêtement et méchamment espingophobe, on pourrait s'en servir pour épaissir notre dossier à charge...

Eh bien, après une brève recherche sur le blog-mère, il appert qu'en 2017 j'avais suffisamment aimé ce roman pour le dire dans un billet (que je mettrai en lien plus tard, sur l'ordinateur, étant infoutu de le faire avec ce rétif iBigo) ; billet que je me suis gardé de relire afin de ne pas risquer de m'influencer...

 

Vendredi 29

Dix heures. — Voici donc le billet que j'évoquais hier soir.

— Commencé ma journée en faisant l'ouverture de l'Intermarché de Pacy, à huit heures et demie tapantes. C'était très bien : nous ne devions pas être plus de huit ou dix zombis à errer entre les gondoles, et l'unique caissière bâillait de sommeil ou d'ennui en n'attendant que moi pour s'ébrouer. J'y allais pour récupérer la commande de l'agneau que Catherine avait passée pour son tajine de dimanche, et surtout pour faire provision de chablis et de sancerre, plus une bouteille de champ' pour Adeline, qui en a spécifiquement passé commande à sa mère. Comme je n'ai pas bu la moindre goutte d'alcool depuis exactement six mois, j'ai intérêt à y aller mollo mollo… En outre, elle tombe assez mal, cette “rupture du jeûne”, dans la mesure où, depuis hier, je suis sous antibiotique. Mais j'ai décidé de n'en point tenir compte : que le festif et le médical se débrouillent entre eux…

Quatre heures. — Il me semble bien que, dans le délire louangeur de Proust, Anna de Noailles atteint des sommets auxquels même Robert de Montesquiou ne saurait prétendre. Il aurait sans doute, s'il avait pu le savoir, été froissé de voir cette palme échapper à son génie...

Six heures. — Chez Toitube, je viens de tomber, Dieu sait comment, sur un enregistrement de la voix d'Ernest Renan, réalisé par Eiffel en 1891, à l'issue d'une soirée passée ensemble. Évidemment impressionnant. Légère sensation de vertige.

Et quand je pense qu'on ne possède aucun enregistrement de la voix de Proust, pourtant mort plus de trente ans après celui-ci, je me reprends à traiter de tous les noms Gaston Gallimard, Jacques Rivière et toute la clique gallimardeuse, qui n'ont même pas été fichu d'en faire réaliser un. Pas plus que d'images filmées, du reste. J'espère au moins que cela leur vaut quelques siècles de Purgatoire, au minimum.


Samedi 30

Quatre heures et demie. — Parce que nous avons prévu de partir pour Roissy à six heures, et parce que je n'aime pas trop me bousculer dès le matin, j'avais réglé la sonnerie de mon réveil sur quatre heures dix. Comme souvent, j'étais réveillé avant qu'elle ne se déclenche. Charlus n'a marqué aucune surprise de me voir surgir si tôt de la chambre et il a englouti ses croquettes avec l'enthousiasme habituel.

Nos Québécois sont censés atterrir à sept heures moins le quart ; ce qui veut dire, si l'avion est ponctuel, que nous devrions les récupérer entre sept heures et demie et huit heures : en principe, à cette heure-là — mais on n'est jamais certain de rien en ces matières —, la circulation devrait être encore fluide, même en tenant compte des transhumances pascales.

Pour l'instant, je me contente de savourer ma dernière plage de silence avant lundi midi...

— Exclamation étonnante et même cocasse de Proust, dans une lettre à Robert Dreyfus (1905) : « Ah ! comme j'aimerais savoir écrire comme Mme Straus ! » Et, juste ensuite, l'explication : « Mais je suis bien obligé de tisser ces longues soies comme je les file, et si j'abrégeais mes phrases cela ferait des petits morceaux de phrases, pas des phrases. »

C'est qu'il n'est pas donné à tout le monde d'écrire comme Mme Straus...

Cinq heures et demie. — D'après Dame Ternette, l'avion en provenance de Québec est prévu d'atterrir à l'heure. C'est déjà ça.

Neuf heures et demie. — De retour à la maison. Tout s'est passé idéalement, en dehors du temps pourri : pas l'ombre d'un bouchon, ni à l'aller, ni au retour, et nos voyageurs ont débarqué cinq minutes après notre arrivée. Pour l'heure, les dits voyageurs se bourrent de viennoiseries, achetées en passant à notre boulangerie de Pacy. Ils mangent et ils parlent...

Deux heures. — Le décalage horaire produisant ses effets bien connus, les trois Québécois sont au lit. Par solidarité morphéique, Catherine et Charlus roupillent sur le canapé, juste en face de moi, qui viens tout juste de conduire Mme Proust mère au Père-Lachaise.

— À propos de Proust, anecdote : reclus à l'hôtel des Réservoirs de Versailles, il lit les romans que Reynaldo Hahn lui apporte. Parmi ceux-ci, un de Dumas, Le Chevalier d'Hermental, dans lequel le héros loge rue du Temps-Perdu, rue de Paris qui a réellement existé et a cessé de s'appeler ainsi en 1646. D'après Philip Kolb, c'est très probablement là que Proust a découvert ce nom, dont il se resservira bientôt. Conjecture séduisante, même si ne reposant sur rien de tangible.

— En décembre 1905 et janvier suivant, Marcel est entré dans une clinique de Boulogne pour une cure (il a failli aller à celle de la rue Blomet, située juste en face de la maison de famille de mon feu ami Yves Josso, où j'ai passé un certain nombre de soirées dont le souvenir m'est doux). À chacun de ses correspondants, il commence par signaler qu'il lui est rigoureusement interdit d'écrire des lettres...

— Avec la brutale franchise qui semble avoir été la sienne, le prince Bibesco disait à Proust qu'il écrivait, dans ses lettres, “interminablement à propos de rien”. C'est assez souvent vrai...


Dimanche 31

Trois heures et demie. — Sur le parking du château Gaillard. Les Québécois se sont tapés la grimpette, Catherine et moi avons refusé l'épreuve — Charlus aussi, pour le coup. 

— Luc, le chum de Maléna, est un garçon étonnant. Bien que catalogué “à problèmes” — problèmes ayant, si j'ai bien compris, à voir avec l'autisme, il s'intéresse à toutes sortes de choses, semble avoir beaucoup lu et possède une mémoire que j'aurais pu lui envier même en étant jeune. Par exemple, hier, quand Catherine a prononcé le nom de Château-Gaillard, il a aussitôt dit qu'il avait été bâti par Richard Cœur de Lion, il se souvenait de la façon dont les soldats de Philippe-Auguste s'en étaient emparés, etc. Et c'est comme ça sur les sujets les plus variés.

Cinq heures. — Retour maison. Comme nos hôtes ont décidé d'aller faire le tour du Plessis à pied, c'est une massive chape de silence qui s'est soudainement abattue sur Catherine et moi — ainsi que sur Charlus qui, du reste, dort déjà.



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