ESCALE RABELAISIENNE
Mercredi 1er
Dix heures. – Je reçois à l'instant ce himmel de la personne qui signe “Mildred” lorsqu'elle vient commenter sur le blog :
Cher Dder,
Surtout
ne déduisez pas tropviteqe je me désnteresse de votre précieux Jonal
aupont de ne voulor enfaele ésmé comme j'enapris l'habtde, mas ansqe vos
le constatee, j'anénormeproblème declaver,et tant qu'ilne sea pas ésol
lest illusoire de pense qe je psse m'attaqe àla tache.
Dès
ae le cangement de clavier aa été opéé,jevosle sgnalerai,et ce sera
àvous de me dire sivous estimez qe cela puisse encore valo la pene qe je
m'attelle à ce travail.
Enattendantje sohateubeasccès àvote Journald'avril !
Benàvous,
M.A.
Voilà trois fois que je relis la chose, sans parvenir à m'en lasser.
–
Depuis hier, les deux paires de mésanges en charge d'enfants sont
passées en “mode forçat” : de l'angélus de l'aube à l'angélus du soir,
comme disait Francis, ce ne sont plus qu'incessants va-et-vient pour
nourrir chacun sa douzaine de petits affamés. Les
malheureux parents ne font plus que se croiser, à l'entrée ou au sortir
des nichoirs, plus moyen d'avoir ne serait-ce qu'un semblant de vie de
couple. Je les imagine très bien, se retrouvant enfin, tombée du jour,
sur leur bout de branche nocturne : « Alors, cette journée ? – Pas à me
plaindre : j'ai trouvé une vraie mine de délicieuses chenilles vertes à
même pas trois arbres d'ici… – T'as bien de la chance ! Moi, ça n'a été
qu'allers et retours au petit bois : j'ai les ailes en compote. – Ça te
dirait, un petit câlin pour te remettre ? – Non, non… t'es gentille,
mais je suis mort, là… Et quand je pense qu'il va falloir remettre ça
demain ! T'auras beau dire : on est quand même plus peinards l'hiver… –
T'as pas tort, mon bel oiseau ; surtout avec les autres grands benêts
qui nous gavent de graines dès la Toussaint… Et puis, les jours passent
trop vite : on voudrait qu'ils restent tout le temps œufs… – C'est vrai !
tu étais si jolie, quand tu couvais… »
– Le journal de
Matthieu Galey n'est pas d'une seule coulée ; c'est d'ailleurs
peut-être ce qui fait une partie de son intérêt. Grosso modo, on peut
diviser ces mille pages, s'étendant sur un peu plus de trente ans, en
trois périodes. La première va du début (ou du presque début) jusqu'au
milieu des années soixante-dix – c'est-à-dire, en fait, l'intégralité du
premier tome. C'est la période où le jeune critique fréquente quasiment
tout ce qu'il reste de grands écrivains en France : Morand, Chardonne,
Cocteau, Jouhandeau, Aragon, etc., plus quelques “petits jeunes” non
dénués d'envergure : Nimier, Blondin, Nourissier, Déon, Frank… Ensuite,
c'est le creux de la vague, entre 1975 (approximativement) et le 28
février 1984 (très précisément) : Galey continue de fréquenter beaucoup
d'écrivains, certes, mais les poids lourds de la première partie
sont désormais tous morts et leurs successeurs sont des nains… quand ils
ne sont pas du néant pur, de simples noms qui ne disent déjà plus rien à
personne. Enfin, la troisième partie commence le 29 février (eh oui !)
1984, jour où Galey apprend de quelle maladie il souffre, et qu'il ne
lui reste que peu de temps à vivre. Là, du jour au lendemain, le journal
bascule dans une tonalité à la fois très différente et pourtant
familière à qui a bien lu ce qui précédait. L'impression est celle de
voir un être nouveau émergeant de sa chrysalide ancienne, à la fois tout
autre mais offrant des points de ressemblance avec son état antérieur.
L'humour notamment est toujours bien là, même s'il se fait plus
tranchant, forcément, s'il s'y ajoute une sorte de cruauté souriante, le
sourire venant du détachement vers lequel tend Galey de toute ses
forces intellectuelles et morales, tandis que les forces physiques,
elles, fondent à vue d'œil (le sien) quasiment d'un jour sur l'autre.
C'est une lecture qui ne laisse pas indemne ; surtout moi, qui me rends
soudain compte que, à quelques semaines près, cette agonie de deux
années (Galey meurt en février 1986) recouvre exactement celle de
Philippe Bernalin, dont le cancer a été diagnostiqué dans les premiers
jours de mars 1984 et qui en est mort en novembre 1985. La seule
différence (mais il y a un abîme à l'intérieur d'elle), c'est que je
n'ai jamais su si Philippe avait eu, un moment ou l'autre, conscience
qu'il allait mourir.
Quatre heures. –
Décidément, je pense que Jacques Brenner et moi ne sommes pas faits l'un
pour l'autre. J'ai essayé de reprendre son journal où je l'avais
laissé, soit à la deux centième page du deuxième tome, mais non, rien à
faire : je ne supporte pas sa façon de ne désigner les gens qu'il
rencontre que par leurs initiales (et encore l'éditeur a-t-il rétabli un
certain nombre de noms entre crochets), et son côté “midinette homo” me
gonfle prodigieusement. En plus de ça, il n'est même pas écrit, ce
journal. Par une espèce de compensation absurde, je viens de reprendre
le journal de Philippe Jullian, ainsi que ses Morot-Chandonneur.
Jeudi 2
Neuf heures et demie. –
Journée chez les Desgranges : je vais partir vers onze heures moins le
quart, de façon à frapper à leur porte à midi juste, comme c'est mon
habitude. En espérant que Catherine, partie au marché et je ne sais où
encore, m'aura ramené la voiture pour cette heure-là ; ce dont
d'ailleurs je ne doute point.
– Terminé Voyage au bout de la nuit
hier matin (ou avant-hier ?). À compter de demain, en tant que
compagnon de l'aube, Céline sera remplacé par Rabelais, en édition
“bilingue”, récemment achetée et pas encore ouverte : je ne sais pas
trop comment je vais m'arranger avec ces deux versions, l'une tout de
même difficile à lire, au moins au début, l'autre sonnant probablement
très faux. Sans doute que le mieux serait de lire une page en langue
d'origine, puis, en cas de non compréhension de tel ou tel passage, me
reporter à celle en français moderne. On verra bien à l'usage. En tout
cas, je compte procéder comme je l'ai fait pour Céline, à savoir pas
plus d'une heure ou une heure et demie chaque matin. Après tout, même
vieux, on n'est pas si pressé que ça…
– Je ne sais plus
si j'ai noté, au dernier jour du mois passé, que mon dernier scanner
(cinq ans et demi après l'ablation rénale) était impeccable, diagnostic
confirmé par le savantissime Dr Pluton. Quand je dis : “dernier”, cela
veut dire à la fois le plus récent et l'ultime. Et je ne peux m'empêcher
de me dire, mais avec le sourire tout de même, que, maintenant qu'ils
ne sont plus sous la menace d'être découverts, tous mes autres
micro-cancers, qui demeuraient bien planqués depuis près de six ans,
vont pouvoir en prendre à leur aise et se mettre à métastaser comme des
bêtes. Ce qui, de fait, me replace exactement sous la loi commune.
Samedi 4
Quatre heures. – Commencé Gargantua
ce matin : pas à dire, ça réveille. À côté de Rabelais, Céline fait
figure d'écrivain pour enfant, si l'on s'en tient aux difficultés que
présente leur lecture. Cela dit, je suis assez content de moi, pour
avoir constaté que, après seulement une dizaine de pages, je ne faisais
déjà presque plus référence à la version “traduite” qui se trouve en
regard du texte original ; et, quand je le fais, pour tel ou tel
paragraphe, c'est le plus souvent pour m'apercevoir que j'ai à peu près
compris ce que je viens de lire. Il n'empêche que, avec une prudence qui
confine à la lâcheté, je me suis arrêté au bout d'une quarantaine de
pages, remettant la suite à demain : ne pas risquer l'indigestion, tout
est là.
En lecture “de journée”, j'ai repris les Mémoires sur le règne de Napoléon III
d'Horace de Viel Castel, achetés (en collection Bouquins) sur les
conseils de Michel Desgranges il y a déjà un petit moment et dont, pour
je ne sais quelle raison, je n'avais lu qu'une petite centaine de pages
avant de remiser le volume. Voilà un monsieur qui a volontiers la dent
assez dure.
Dimanche 5
Six heures. – Gargantua d'abord ; puis Les Rats de Bernard Frank ; enfin, les Mémoires de Viel Castel : encore une journée que les Boches n'auront pas.
Lundi 6
Trois heures. – Les Rats
: roman étonnamment mauvais (eu égard à son auteur) ; roman pesant à
force de se vouloir léger. Comme quoi on peut être écrivain sans pour
autant être romancier (belle découverte, mon ami !). On peut aussi,
d'ailleurs, être romancier et n'être que cela : voir Simenon. On peut
enfin n'être ni l'un ni l'autre, ce qui est de loin le cas le plus
fréquent ; notamment parmi les gens qui publient des livres (attention :
ça vire à l'autoportrait…).
En revanche, mes deux
heures de Rabelais du matin me sont un vrai bonheur. Et me voilà tout
fiérot de ce que je le lis avec beaucoup plus d'aisance que je ne le
craignais avant de commencer. Je dois avoir le Rabelais infus. De façon
anecdotique, marginale, m'amuse le fait qu'il m'est déjà arrivé deux ou
trois fois de rencontrer chez lui des mots que je pensais être de purs québéquismes,
et qui en effet le sont devenus, sans forcément réaliser que les
québéquismes [note du 31 mai : après vérification, il semblerait que
l'on dît québécisme…] en question ne peuvent évidemment venir que
du français (ou parfois de l'anglais hâtivement et littéralement
traduit), et d'un français qui n'a plus cours ici. Ainsi le verbe grafigner,
que j'entends Catherine employer depuis bientôt trente ans, à la place
de griffer ou d'égratigner. Existe aussi (chez Catherine : chez Rabelais
je ne sais) le substantif grafigne, pour désigner une écorchure, une estafilade.
Mardi 7
Dix heures. – Non, décidément, Les Rats
n'est pas un roman lisible. J'ai tenu bon jusqu'à mi-parcours,
peut-être un peu plus, avant de d'abandonner sans regret ces personnages
de pâle intérêt, crispants à force de ratiocinations nombrilistes. Pour
ne pas que Frank et moi restions sur une mauvaise impression mutuelle,
j'ai aussitôt repris Un siècle débordé : ça nous a fait vraiment
plaisir de nous retrouver. Cela dit, je viens de tomber sur une phrase
curieuse. Frank est en train de parler des mémoires de Clara Malraux et,
donc, de la jeunesse d'André. Il écrit : « Ils étaient partis pour le
Cambodge comme des aventuriers qu'on aurait pu extraire des albums de
Tintin : par exemple Les Bijoux de la Castafiore. » Notation
étrange car, de l'ensemble des albums, celui-ci est le plus éloigné de
tout esprit d'aventure, dans la mesure où il se déroule tout entier à
l'intérieur de Moulinsart, et qu'il ne s'y passe à peu près rien. Mais
c'est peut-être tout simplement le seul titre qui ait traversé l'esprit
de l'auteur au moment où sa phrase se formait ; ou bien il y a là une
subtilité qui m'échappe.
– Sinon, j'ai terminé Gargantua
ce matin : la guerre picrocholine est gagnée, l'abbaye de Thélème
dûment fondée, on va pouvoir, dès demain matin, se pencher sur le destin
de Pantagruel.
– Hier, Jérôme Vallet a fermé son blog,
après l'avoir officiellement annoncé par un billet ; et c'est cela qui
est nouveau chez lui : d'habitude – je dirais une fois par an à peu près
–, il opère cette fermeture en toute discrétion, ce qui lui permet de
remonter la grille de fer quelques semaines plus tard comme si de rien
n'était. Un peu comme ces gloires du music-hall qui faisaient chaque
année en grandes pompes leurs adieux à la scène, pour les recommencer
douze mois plus tard. Wait and see, donc.
–
Petit choc désagréable, tout à l'heure, en ouvrant ma boitamel : un
message de Netflix m'informant que mon compte était suspendu, car ils
avaient éprouvé des “difficultés de paiement” ; et on m'engageait à
cliquer sur un petit cartouche rouge pour “mettre à jour mes moyens de
paiement”. Dans les temps anciens, je l'aurais fait aussitôt. Mais la
mésaventure Amazon survenue il y a deux ou trois semaines m'a rendu
légèrement paranoïaque : et si c'était la ruse d'un hacker à la
manque ? D'un autre côté, il était bien vrai que Netflix ne pouvait pas
prélever mon abonnement de mai, puisqu'ils ne possèdent, ces braves
gens, que le numéro de mon ancienne carte dorée, celle que j'ai fait
annuler à la suite du susdit incident Amazon. Me rendant sur le site
Netflix, puis sur ma “page personnelle”, j'ai pu constater qu'on m'y
disait la même chose et que, en un clic tremblotant de crainte, j'avais
également accès au centre d'aide de cette aimable société dispensatrice
de chefs-d'œuvre filmés. Prenant sur moi, j'ai réussi à me persuader
qu'aucun hacker n'était en vue, et j'ai frileusement entré mon
nouveau numéro de carte dorée. Aussitôt, un himmel netflixien m'est
arrivé, me disant que, gloire, Montjoie saint Denis, tout était rentré
dans l'ordre. Et, de fait, retournant sur ma page, j'ai constaté que je
pouvais de nouveau me saouler de films et de séries. Il n'empêche que je
ne me sens pas encore tout à fait remis de l'aventure : on devient
fragile, en vieillissant…
Mercredi 8
Dix heures. – Himmel expédié à l'instant à Rémi Usseil, Orléanais d'adoption et néanmoins de haut lignage :
Mon cher Rémi,
Sais-tu pourquoi ta bonne ville d’Orléans est célèbre pour ses vinaigres ? J’en ai découvert la vraie raison, ce matin, en lisant Rabelais.
Le
jeune Pantagruel, après un séjour très-instructif à l’université de
ladite ville, s’apprêtait à rejoindre Paris, sa Sorbonne et ses
sorbonnagres, lorsqu’il apprit que la grosse cloche de l’église
Saint-Aignan était chue à terre. Elle s’y trouvait depuis 214 ans car,
si énorme était-elle, que nul n’avait jamais été capable de la mouvoir.
Lui-même la souleva du petit doigt (comme clochette d’épervier, nous
est-il précisé) avec l’intention de la remettre en place dans son
clocher.
Or,
voilà-t-il pas qu’il eut l’idée, avant ce, d’offrir un concert aux
habitants de la ville, en promenant la cloche par rues et venelles en la
faisant sonner à grand branle. Le vacarme fut tel, alors, que tous les
vins de l’Orléanais tournèrent au vinaigre. Le lendemain, ne s’étant
point aperçu de la chose, les malheureux bourgeois en burent et,
aussitôt, dégueulèrent tripes et boyaux par toute la ville.
Voilà.
Amitiés,
Didier
– Sinon, hier après-midi, me prit tel un coup de sang – ou comme une envie de pisser, si l'on veut faire populo –, l'envie d'aller sans retard visiter La Devinière, pour des raisons faciles à deviner,
justement. L'expédition aurait pu tenir dans la journée, la
rabelaisienne demeure n'étant qu'à 273 km de notre chaumine. Mais je
m'avisai bientôt que, à une lieue de là, se trouvait le château de Saché,
haut lieu balzacien s'il en est, ainsi que celui d'Azay-le-Rideau,
qu'il eût été dommage de négliger, ce nonobstant que jà le visitâmes en
notre jeunesse motocyclée. Tous ces plaisants séjours rayonnant autour
de la bonne ville de Chinon, point n'était envisageable de tourner le
dos à icelle, et non plus de ne pas faire étape à Vendôme qui se trouve
sur le chemin de Normandie à Touraine. Il fallait donc prévoir
confortable relais lès nos divers points de curiosité. Nous résolûmes de
demander table et asile aux aimables seigneurs du château de Marçay,
nom très-balzacien pour peu que l'on remplace le ç par une s. C'est
ainsi que nous serons tourangeaux et chinonnais, ainsi que fugitivement
vendômois, les 18 et 19 de ce mois de mai.
Cinq heures. –
Blogger fait à nouveau des siennes : depuis quelques heures, je ne
reçois plus de himmel lorsque quelqu'un poste sur le blog un commentaire
demandant à être validé ; ce qui n'est pas très grave en soi, vu la
drastique raréfaction des commentaires en question. D'ailleurs, j'ai
supprimé la “modération”, afin de régler, en quelque sorte, le problème
par l'absence.
– J'ai également transformé en billet le
paragraphe précédent, selon ma nouvelle et pas très bonne habitude. En
attendant (en attendant quoi ?), il choit des hallebardes et il vente
comme une veille d'apocalypse ; au point que me voilà coincé dans ce
bureau, à écrire n'importe quoi pour faire passer le temps jusqu'à
l'hypothétique éclaircie qui me permettra de rejoindre la maison sans
risquer la saucée.
Jeudi 9
Deux heures.
– Je sais bien que je me suis déjà plaint de la même chose ; mais si je
ne peux plus radoter ici, où donc irai-je le faire ? Donc, il s'agit du
gros volume que Flammarion a consacré à Bernard Frank, dans sa
collection Mille & une pages (je ne saurai jamais si les noms
de collections doivent s'écrire en romain comme ceux des éditeurs ou
alors en italique à l'instar des titres d'œuvres : en général, j'y vais
absolument au hasard, un coup l'un, un coup l'autre). Déjà, le livre est
titré Romans, alors que sur les neufs ouvrages qu'il renferme
deux seulement en sont, des romans. Mais ce n'est là que broutille. Le
plus étrange, et le plus pénible, est ceci : comment peut-on une seule
seconde envisager de publier ensemble neuf livres, eux-mêmes divisés en
parties, chapitres, etc., sans y adjoindre la moindre table des matières,
afin que le lecteur ait une chance de s'y retrouver ? Non, on ne peut
pas, mais ça n'a pas empêché les gens de Flammarion de le faire ! Que la
pestilence les transforme en grands squelettes noircis, et que cette
malédiction retombe sur les sept générations suivantes.
Il
reste que c'est avec une jubilation intacte que je relis ces livres qui
ne ressemblent à rien à part eux-mêmes, ce qui est exactement le
caractère que l'on attend d'un vrai livre. Dieu sait pourtant que mon
dernier passage au milieu d'eux ne remonte pas à Mathusalem, ni même
seulement à Nicolas Sarkozy. Je retrouve avec le même plaisir, une aussi
forte jouissance cette impression, face à Frank, de me trouver devant
un gros chat somnolent au coin d'une commode ancienne et patinée.
Passe-t-il près de lui un fâcheux ? Tchac ! la patte se détend, la
griffe sort, et voilà le cuistre balafré (grafigné…) de belle
manière. Il sursaute, pousse un cri, cherche des yeux le coupable, mais
rien à faire : le félin a été si rapide et précis, que la griffe est
déjà rentrée, la patte nonchalamment repliée sous le poil, les yeux
refermés ; peut-être même perçoit-on un imperceptible ronronnement.
L'animal a l'air si abandonné, si inoffensif, que le fâcheux en vient à
douter de l'agression, se dit qu'il a sans doute rêvé, que ce n'est pas
possible… Pourtant l'estafilade vermeille est bien là, cuisante, en
travers de sa joue.
Je vais noter ici un petit exemple de cette façon de faire, de ces “coups de griffe éclairs”. Je le tire du début de Solde,
livre de 1980 : « Bernard Grasset avait certainement autant de jugeote –
et c'est litote qui parle – que son neveu, Bernard Privat, qui sera le
dernier à vouloir me contredire. Bien que Fémina en 1958 ou 1959,
Bernard Privat n'en a pas eu la tête tournée et, pour mieux se consacrer
aux auteurs de sa maison, il a tout fait pour qu'on oubliât qu'il avait
été un écrivain de prix : c'est fait. » L'attaque est si brève,
arrivant en outre après deux ou trois fausses chatteries, qu'un lecteur
un peu pressé ou distrait a toute chance de passer à côté sans se rendre
compte de rien. Et c'est comme cela presque à chaque paragraphe.
Il
y aurait encore bien des choses à dire, à propos de Frank, que je tiens
pour l'un des trois ou quatre meilleurs écrivains français du second
XXe siècle (et comme il dirait lui-même : ne me demandez pas qui sont
les autres, vous savez bien que c'est une simple figure de style). Je
n'en noterai qu'une, car je sens la lassitude poindre, la mienne et
celle de mes douze lecteurs. C'est que l'on peut ouvrir les livres de
Bernard Frank n'importe où, au hasard, et se mettre à lire sans se
soucier de ce qu'il y avait avant la page sur laquelle on vient de
tomber : le charme opère immédiatement.
Trois heures et demie. – Commandé à l'instant – alléché par Bernard Frank – un livre de Cyril Connolly : Ce qu'il faut faire pour ne plus être écrivain. Le plus simple est certainement de ne jamais commencer à vouloir l'être, sagesse à laquelle j'aurais bien dû me tenir.
Samedi 11
Trois heures. – Dans Solde,
Bernard Frank note ceci : « Paulhan avait raison qui voulait éditer en
Pléiade les wagons immobiles des écrivains refusés, gorgés de
marchandises, en souffrance. » Les écrivains refusés, je ne sais pas (et
où les dénicher, ceux-là ?) ; en revanche, je trouve que ce serait une
excellente chose que de faire entrer en ce panthéon les écrivains
oubliés, ceux qu'on ne lit plus ni ne réédite, ceux dont on ne sait
rien, sauf parfois leurs noms, pour les avoir vu passer très vite, dans
le journal des Goncourt ou dans celui de Léautaud. On pourrait, soyons
raisonnables dans un premier temps, se limiter à la période 1870 – 1940.
On appellerait ça Les Recalés de la IIIe, on en ferait trois
volumes de mille huit cents pages proposés dans un coffret, dont je
serais à coup sûr l'un des premiers acheteurs, et pas seulement pour
bénéficier du prix de lancement. On y mettrait tous les Élémir Bourges,
tous les André Billy, tous les Henri Céard de l'époque, plus quantité
d'autres dont le nom me fuit. Un roman par personne, pas plus, et tout
le monde en rang : on verrait bien ce qu'on verrait. Si j'avais eu cette
idée dans les années soixante ou soixante-dix, je n'aurais évidemment
pas osé l'émettre, hors en mon for, tant elle m'aurait paru sacrilège, à
tout le moins saugrenue. Mais puisque nous vivons un temps où Gallimard
ne rougit pas d'installer un d'Ormesson dans sa Pléiade, je peux y
aller sans remords ni inquiétude. D'Ormesson pléiadisé, quand on y
pense, franchement… Vous avez déjà lu du d'Ormesson ? Moi oui, hélas. Et
pourquoi pas Michel Tournier ou Gérard de Villiers, pendant que nous
sommes sur cette pente? Du reste, pour le premier des deux, ça ne
m'étonnerait guère qu'on l'y voie débouler un de ces quatre ; à moins
que les ligues de vertu progressiste, les punaises de sacristie
féministes ne viennent brandir sa passion un peu trop vive des petits
écoliers. Mais enfin, on n'a jamais rien prouvé, n'est-ce pas ? Quant au
second, Villiers, eh bien sa béatification me semblerait sans doute la
moins ridicule des trois, n'importe quel SAS valant mieux, à mes yeux du moins, que les pompeuses boursouflures du Roi des Aulnes
et que n'importe quelle dissertation ormessonienne. Je me demande ce
que Gallimard attend pour m'embaucher. D'autant que, bénéficiant déjà
d'une copieuse retraite, je ne serais pas très exigeant sur les
émoluments et notes de frais.
– Sinon, éclat de rire
sardonique, en apprenant que la consternante Fred Vargas s'était trouvé
une nouvelle noble cause à défendre, sur le mode : « Si la terre se
réchauffe encore d'un degré, on va tous mourir dans d'atroces
souffrances. ». En un sens, que ce soit cette pie grièche qui le dise a
quelque chose de réconfortant : n'est-ce pas elle qui, déjà, avait pondu
un bel opuscule afin de nous persuader de la totale innocence de
l'assassin Cesare Battisti ? Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin… elle
continue de jacter. Alors qu'un minimum de pudeur, ou simplement de
sens du ridicule, aurait dû fermement l'inciter à fermer son
claque-sottise au moins jusqu'au siècle prochain : pars vite et reviens
tard, Freddie !
Lundi 13
Quatre heures. –
L'action se précipite du côté des mésanges, en tout cas chez les
charbonnières du cerisier : depuis ce matin, régulièrement, notamment
juste après que parent 1 ou parent 2 (soyons résolument modernes) est
ressorti, on voit apparaître la tête de l'un ou l'autre des petits, qui
vient pointer son bec au mini œil de bœuf qui sert de sas entre le
nichoir et le vaste monde. D'après mon expérience, certes courte, cela
veut dire que l'envol aura lieu d'ici deux jours maximum. En tout cas,
avant que nous partions pour la Touraine. En revanche, rien encore à
signaler du côté des bleues du petit volet.
– Remisé
Bernard Frank pour me replonger dans Jouhandeau ; plus précisément dans
le “cycle de Chaminadour”, que Gallimard a eu la bonne idée de réunir en
un seul volume de sa collection Quarto. D'autre part, puisque nous en
sommes aux écrivains prolifiques, je viens d'apprendre incidemment par
Michel Desgranges que Simenon était dans la Pléiade ; information du
reste sans intérêt pour moi, puisque possédant l'œuvre complète en
vingt-cinq gros volumes publiés par les Presses de la Cité – mais
achetés par le truchement de France-Loisirs à l'époque où ma mère était
affiliée à ce truc – il y a exactement trente ans (je viens d'aller
vérifier, alors hein…). Comme les volumes m'arrivaient au rythme de deux
par trimestre, chacun contenant en moyenne huit titres, j'ai pu lire
les quelque deux cents romans de Simenon sans avoir l'impression de
gravir une montagne qui, se présentant d'un seul bloc, m'aurait
peut-être un peu découragé. Découragé je ne le fus pas, ni dégoûté,
puisque, depuis ce temps, j'en ai relu avec plaisir quelques dizaines,
Maigret et non-Maigret. En revanche (?), je n'ai jamais lu une ligne
d'Agatha Christie, ni de Léo Malet, ni d'Arthur Conan Doyle.
Du reste, je me disais l'autre jour que je devrais tenter d'établir une liste de ces auteurs incontournables
que j'ai, jusqu'à présent, parfaitement contournés, dont je me suis
tenu constamment à l'écart, mais sans qu'il y ait volonté délibérée de
ma part ; simplement parce que “ça ne s'est pas trouvé”. On y trouverait
pêle-mêle des gens aussi divers que les trois que je viens de citer, et
aussi Goethe, Byron, Dos Passos, Ibsen et un certain nombre d'autres de
semblable calibre, lesquels ne me viennent pas à l'esprit pour le
moment – d'où l'utilité d'établir la liste et de la compléter au fur et à
mesure que les noms se présentent. Mais utilité pour qui et pour quoi ?
Mardi 14
Trois heures.
– J'ai l'impression de m'être fait avoir. Ce matin, les deux
charbonnières étaient toujours occupées à leur va-et-vient incessants
entre je ne sais où et le nichoir du cerisier. Faisant bêtement
confiance à ma mère, qui professe que les oisillons devenus grands
quittent toujours leur nid natal aux premières heures du jour,
j'ai cessé d'épier le nichoir vers dix heures. Or, lorsque Catherine et
moi sommes sortis prendre sur la galerie notre café d'après déjeuner, il
a bien fallu se rendre à l'évidence : les allées et venues avaient
totalement cessé. Et plus aucun bec n'apparaissait à l'œil de mini-bœuf.
Une seule conclusion restait possible, une fois éliminés le suicide
collectif, le micro-nuage radioactif, l'attaque d'un chat miniaturisé,
etc. : profitant de notre inattention, ces salopes de charbonnières
avaient bel et bien pris leur envol sans nous. J'en ai conçu une sourde
irritation, qui tarde à disparaître, même en me traitant de crétin pour
la ressentir. Il ne manquerait plus, maintenant, que les bleues du petit
volet choisissent de s'envoler entre dimanche et mardi, quand nous
serons dans le Val de Loire. Il n'empêche : elles feront moins les
malignes vers novembre, lorsque la cabane à graines tardera à ressortir
du sous-sol nourricier…
Mercredi 15
Onze heures. –
L'affaire des charbonnières est confirmées : ces ingrates se sont
tirées sans un mot, hier. J'en ai eu confirmation en montant, il y a dix
minutes, à l'échelle (toute une aventure !) afin de décrocher le
nichoir ; qui était vide, ce qui prouve que tous les petits ont réussi à
s'extraire de là et à suivre leurs parents Dieu sait où (car les
parents mésanges nourrissent encore leurs petits durant une vingtaine de
jours après la sortie du nid). Catherine a passé la cabane au jet,
j'irai la remettre en place dès qu'elle sera sèche, et ainsi prête pour
une éventuelle deuxième “fournée”, d'ici un mois ou un peu davantage.
Les mésanges bleues du petit volet, elles, continuent de nourrir sans
désemparer.
Trois heures. – À l'instigation de Michel Desgranges, je viens de commander Cinoche,
un roman d'Alphonse Boudard, écrivain dont je crois bien n'avoir jamais
lu une ligne (à mettre sur la liste dont je parlais il y a deux ou
trois jours, donc). Je viens aussi de tondre le jardin et de remettre en
place le nichoir aux mésanges, mais ça n'a vraiment rien à voir.
Vendredi 17
Deux heures.
– Romain Blachier, politicien lyonnais dont il m'est impossible de
donner avec précision l'envergure faute d'un pied à coulisse sous la
main, Romain Blachier, donc, écrit ceci, tout frétillant de
post-modernité : « La légalisation du mariage pour tous par le parlement
taiwanais réjouit
l’ami de longue date de Taiwan que je suis et confirme décidément l’ile
comme un oasis de liberté dans une région du monde qui compte bien des
régimes autoritaires. » J'ignorais que l'on pût être ami avec un pays.
Je ne savais pas non plus que, résolument transgenre, cette brave oasis
fût devenue masculine. En revanche, je savais depuis déjà un moment que
M. Blachier maniait la langue de bois inhérente à son état avec la
sûreté d'un vieux maire radical des années 1930. Le fait de s'arborer
lui-même comme un progressiste échevelé ne l'empêche pas de sentir la
poussière des greniers à en faire cracher et pleurer l'auditoire. Mais
enfin, que ne pardonnerait-on aux amis de Formose, n'est-ce pas ?
– Après-demain, en début de matinée, nous quitterons notre verte Normandie pour la non moins verte Touraine. As usual,
plus l'événement se rapproche, plus je me demande ce qui peut bien nous
pousser à ce genre de déplacements, alors qu'il serait si sage, si
agréable, si économique de rester tranquillement à la maison. Le
questionnement devient, cette fois-ci, franchement ridicule, dans la
mesure où cette escapade dans les environs de Chinon n'existe que par
mon fait, Catherine ne songeant à rien moins lorsque j'en ai parlé, il y
a deux ou trois semaines. Et, en plus, cette absence vagabonde va nous
faire manquer l'envol des mésanges bleues du petit volet ; en tout cas,
c'est bien parti pour.
Quatre heures. – À mettre dans ma future liste des “incontournables contournés” : Cocteau.
Lundi 20
Quatre heures. –
L’escapade tourangelle touche, déjà, à sa fin. Pour l’heure, on peut me voir installé
dehors, dans notre petite courette végétale et privative, un verre de 1664 «
une 64, 16 soupapes », ainsi que disait, et dit peut-être encore, mon ami Jef)
à portée de main gauche, l’ordinateur de Catherine devant moi. Le ciel est
lumineux, le silence serait total si les oiseaux décidaient brusquement de
déserter le château et son parc.
La journée d’hier fut en demi-teintes. D’abord parce que
nous avons dû faire tout le trajet dans le brouillard ; brouillard assez
léger, ne gênant en rien la circulation, mais interdisant toute vision un peu
profonde des paysages qui, en principe, auraient dû s’offrir à nous. J’avais
prévu une halte culturello-gastronomique à Vendôme : elle fut fort peu
culturelle et pas du tout gastronomique. Désespérant de trouver un restaurant
accueillant un dimanche midi, nous avons fini par acheter un fromage de chèvre
local et un demi-chaource dans une échoppe miraculeusement ouverte, ainsi
qu’une baguette de pain chez la boulangère qui tenait boutique juste en
face ; et nous avons, si je puis dire, saucissonné dans la nature.
Le château de Marçay nous a fait bonne impression, la
chambre qui nous y attendait aussi. Chambre qui aurait fait les délices de Renaud
Camus : située en bout de couloir, avec une première porte, puis un
couloir privé, puis une seconde porte permettant d’accéder à la chambre
proprement dite. Enfin, elle aurait fait ses délices jusqu’au lendemain matin
exclusivement : à huit heures tapantes, l’énorme camion du blanchisseur
manœuvrait juste devant l’une de nos fenêtres, et nous aurait immanquablement
réveillés si nous ne l’avions été déjà. Nous avons ensuite bénéficié d’une
superbe embellie puisque, le ciel se dégageant enfin, sur les coups de six
heures, nous avons pu prendre l’apéritif sur la terrasse, laquelle commande une
vue miraculeusement préservée. Après, nous sommes passés dans la salle de restaurant.
C’est là que le climat s’est assombri. Le chef local
pratique une cuisine à la fois approximative et prétentieuse (ce qui va souvent
de pair, ai-je cru pouvoir noter). De plus, sans doute pour montrer à quel
point il est un artiste peu soucieux des contingences vulgaires, il sert des
portions qui auraient peine à rassasier un canari adulte. En fin de soirée, et
encore ce matin, nous étions fermement décidés à plier les gaules pour les
transporter ailleurs. Mais notre quête d’un Relais et Châteaux régional dont le
restaurant serait ouvert un lundi soir s’est avérée vaine ; du coup, nous
nous apprêtons à endurer un second dîner chichiteux. Heureusement, le chinon
blanc recommandé par le très jeune sommelier a tenu, hier, toutes les promesses
qui nous avaient été faites en son nom, et je pense qu’il va de nouveau être de
service tout à l’heure.
Au contraire d’hier, aujourd’hui fut éminemment culturel et
littéraire. Nous avons commencé par la visite du château d’Azay-le-Rideau –
visite non guidée, comme je les aime. Rien à reprocher à ce vénérable édifice,
si ce n’est, peut-être, les animations visuelles et auditives qui se mettent en
branle dans chaque salle dès qu’un être tant soit peu vivant y pénètre :
un peu pénible et tout à fait idiot. Ensuite, cap sur le château de Saché,
celui où Balzac est venu séjourner de nombreuses fois au cours de sa vie, et où
il a écrit quelques-unes de ses œuvres les plus célèbres, tels que Le Père Goriot et, naturellement, Le Lys dans la vallée. Le château lui-même n’est pas très séduisant,
et le musée Balzac qui y a été installé pas beaucoup plus. Enfin, peut-être
l’est-il pour des gens qui ne connaissent rien du tout de l’écrivain. Mais
pourquoi quelqu’un ignorant tout de Balzac irait-il visiter un musée à lui
consacré ?
Après cette légère déconvenue, cap sur Chinon, où nous avons
déjeuné, sur une placette fort accueillante, de ce plat typiquement
tourangeau : le hamburger. Vif succès de Charlus, toiletté de frais mais
arborant une superbe crête punko-iroquoise. Nous sommes ensuite montés au
château, dont les restes sont très impressionnants (comme c’est souvent le cas
pour les forteresse médiévales, on l’aura remarqué). De là, cap sur la
Devinière, but originel de ce mini-périple…
Six heures. – Je
me suis octroyé une “pause somnolence”, suivie d’une douche censée combattre la
précédente : me revoici. Catherine ne va pas tarder à me quitter pour
aller se faire masser, comme les filles généralement aiment à le faire, chose
que je ne comprendrai sans doute jamais (cela dit, pour me donner une chance de
comprendre, il faudrait que, moi aussi, je me soumisse à l’un de ces massages,
ce qu’onc ne fis). Donc, La Devinière. Le cadre en est bucolique à souhait, ou
au moins quiètement campagnard : pas un bruit humain alentour. Pour le
reste… Comme les reproches que l’on peut adresser à la maison de Rabelais sont
en gros les mêmes que ceux que j’ai faits au musée Balzac de Saché, on se
reportera quelques paragraphes en amont. J’ai tout de même, à la librairie,
acheté le livre de Mikhaïl Bakhtine consacré à Rabelais. J’ai lu ce livre il y
a fort longtemps, à une époque où je ne connaissais pratiquement rien de
Rabelais. Je crois que c’est Carlos qui me l’avait mis entre les mains
(Bakhtine, pas Rabelais) : ce serait assez son genre.
Là-dessus, il n’était qu’à peine trois heures, comme
écrirait Didier Goux dans l’un de ses bons jours, c’était un peu tôt pour
regagner nos pénates provisoires. Comme Catherine souhaite depuis longtemps
voir l’abbaye de Fontevraud, et que celle-ci ne se trouve qu’à une quinzaine
de kilomètres de La Devinière, nous y fûmes. Mauvaise idée : nous sommes
tombés au beau milieu d’une campagne de travaux titanesques, échafaudages
partout, poussière, bruit infernal des machines, etc. Nous sommes donc
finalement rentrés ici. Avec l’impression un peu curieuse d’avoir passé une
bonne journée, chose qui, je m’en aperçois, ne cadre que fort peu avec ce qu’on
vient de lire.
Demain, retour par les voies secondaires, avec passage à La
Ferté-Bernard, où nous devrions en principe déjeuner. Avant de retrouver la
maison, ce qui mettra fin à cette pantalonnade migratoire.
Mardi 21
Quatre heures et demie.
– Nous voici de retour à la maison, sains et sauf mais un peu fatigués
tout de même : à nos âges, ma bonne dame, chaque minuscule changement
dans la routine des jours, la moindre innovation de l'emploi du temps,
tout cela se paie instantanément. Mais, heureusement, il ne faut pas
plus de vingt-quatre heures pour tout rembourser. Suite et fin du voyage
(je veux dire : son récit) demain. Là, je dois me préparer
psychologiquement pour le traditionnel apéritif de retour.
Mercredi 22
Dix heures.
– La journée d'hier fut tout entière consacrée au voyage de rentrée,
effectué par des voies de traverse, en évitant toute grande ville :
Saumur, Le Lude, Le Grand-Lucé, Saint-Calais, avec arrêt pour le
déjeuner à La Ferté-Bernard. Nous prîmes repas à l'enseigne du Dauphin,
établissement tout à fait recommandable, si jamais l'un de mes chers
douze lecteurs venait à traverser cette bourgade à l'une ou l'autre des
heures où les gens civilisés passent à table. Ensuite, Bellême,
Mortagne-au-Perche, Verneuil-sur-Avre et maison. Depuis ce matin, la vie
reprend tranquillement son cours ; très tranquillement, même, pour
Charlus, qui ne semble pas avoir encore tout à fait récupéré de sa folle
équipée.
Trois heures et demie. – Afin de nous
remettre de nos bien modestes excès (qui auraient fait sourire de pitié
ceux que nous étions il y a encore vingt ans…), j'avais prévu de ne
strictement rien faire aujourd'hui. Eh bien, ce nonobstant, j'ai trouvé
le fantastique courage de passer la tondeuse dans le jardin. Ce mec,
j'te dis pas : une vraie bête !
Sinon, j'ai eu le
plaisir de recevoir deux livres de Bernard Frank. L'un, modeste,
contient les chroniques qu'il a données un temps à une revue d'urbanisme
: il y parle des rues et lieux où il a vécu et de ses nombreux
déménagements subséquents. L'autre, nettement plus volumineux (sept
cents pages) réunit les chroniques qu'il donnait au Monde, entre 1985 et 1989, juste après avoir quitté le Matin de Paris,
ce quotidien tristement socialiste que je ne lisais jamais, bien que
fréquentant près de la moitié de sa rédaction au Big Buddah, restaurant
voisin.
Par contre, toujours pas de nouveaux écrits
lucratifs en vue, alors que nous venons de claquer environ mille cinq
cents euros en trois jours : la S.A.R.L. Goux commence à prendre les
inquiétantes allures de la maison Birotteau.
Jeudi 23 (Saint-Didier)
Dix heures. –
Je viens de commander la correspondance échangée par Jean Paulhan et
Marcel Jouhandeau durant près de cinquante ans (1921 – 1968), et qui ne
fut interrompue que par la mort du premier cité. Jouhandeau, né en 1888
devait lui survivre onze ans. C'est la faute à Bernard Frank, qui en
parle dans l'une de ses chroniques du Monde ; chronique qui me semblent un peu moins savoureuses que celles du Matin
qui les ont précédées – peut-être parce qu'il se mêle davantage de
politique. Car la politique française des années quatre-vingt, très
franchement… Je me demande, en outre, si Frank ne serait pas un peu
impressionné, malgré lui, par le fait de se retrouver à l'honneur dans
ce qui fut considéré, avec le recul on se demande bien pourquoi, comme
le “journal de référence” (de révérence, disait ce mauvais esprit de Muray, ou encore de déférence).
Si le ton épistolaire de Paulhan me convient et me plaît, j'ai déjà mis
dans mon petit “panier”, sa correspondance avec Gaston, tout aussi
volumineuse : pour une fois j'ai été raisonnable, ne commandant qu'un
volume sur ces deux – on apprend à tout âge.
– Rien ne
s'arrange, du côté des In-nocents. Alors que la volonté de Renaud Camus
de présenter une liste aux élections européennes imminente ressemblait
déjà fâcheusement à une plaisanterie, un gag surréaliste, voilà que tout
se résorbe en pantalonnade assez piteuse, et finalement triste :
« Renaud Camus, communiqué de presse, 22 mai 2019
J’ai décidé de retirer de la compétition électorale la liste que je menais, La Ligne claire.
Je viens de découvrir qu’il existait, d’une personne haut placée sur
cette liste, des photographies et une vidéo relativement récentes la
montrant traçant dans le sable, sur une plage, une croix gammée, puis
s’agenouillant devant elle dans une attitude de prière. Cette personne,
très jeune, m’explique que c’était à la suite d’une soirée et d’une nuit
d’anniversaire, qu’il s’agit d’une plaisanterie de (très) mauvais goût
entre étudiants, que ces gestes ne correspondent en rien à ses
convictions. C’est bien possible. Il reste que je ne puis prendre la
responsabilité de demander aux électeurs d’envoyer au Parlement européen
quelqu’un qui s’amuse à tracer des croix gammées dans le sable, et à
faire semblant de prier devant elles.
Je ne puis non plus l’exclure de notre liste, il est trop tard.
Il n’est pas assez de dire que nous ne sommes pas nazis, ou néo-nazis,
comme se plaisent à l’insinuer ceux de nos adversaires qui sont le plus
de mauvaise foi. Je n’ai jamais compris, même, pourquoi nous serions
d’“extrême droite”, comme ils le prétendent : depuis quand défendre son
pays d’une invasion, même migratoire, et sa civilisation d’une
destruction, même par substitution, vous placerait-il à l’extrême-droite
? Quant au nazisme, non seulement nous n’avons aucun rapport avec lui
mais je le vois pour ma part comme le plus atroce épisode d’une histoire
commencée avec la révolution industrielle, aggravée par le taylorisme
et le fordisme, et qui hélas n’est pas finie : celle de
l’industrialisation de l’homme, de sa déshumanisation, de sa réduction à
l’état de produit, importable, délocalisable et remplaçable à merci. Le
remplacisme global, l’idéologie économiste qui promeut le Grand
Remplacement et tous les autres, n’est pas le fils du nazisme, mais il
est son neveu. Ils participent de la même généalogie de l’horreur. Nous
ne pouvons être associés à cela.
Retirer la liste n’est pas exact, puisque ça non plus ce n’est pas possible, juridiquement. Disons que je la désavoue. »
On ne se méfie jamais assez de ce qu'on dessine sur la plage, les soirs de biture.
Sept heures.
– Depuis le mitan de l'après-midi, dans la pâture s'étendant derrière
la Case, les deux veaux qui y paissaient sans discontinuer depuis
quelques semaines ont été rejoints par une dizaine de moutons de tous
âges ; les deux espèces mènent une coexistence (pardon : un vivre-ensemble) on ne peut plus pacifique ; mais je crois que c'est parce qu'elle recouvre une totale indifférence.
Et
puisque nous en sommes au chapitre animalier, j'ai le regret de devoir
noter ici que ces ingrates de mésanges bleues ont, comme il était
craint, choisi de quitter leur nid natal alors même que nous avions pris
nous-mêmes notre envol vers la Touraine ; il n'est pas exclu que ce
soit, dans leur esprit, une punition qu'elles nous ont infligée.
Vendredi 24
Deux heures. – Puisque nous sommes, encore et toujours, dans Bernard Frank (il me semble que ses chroniques du Monde ne valent pas tout à fait celles du Matin,
à ce propos), je dois ajouter un nom à ma liste des “incontournables
contournés” : Françoise Sagan, dont je n'ai jamais ouvert un livre, sans
bien savoir pourquoi d'ailleurs. Je devais aussi, juste avant ma
sieste, faire suivre son nom d'un second, mais, sommeil aidant, j'ai
oublié lequel : il reviendra sans doute… à un moment où je ne serai plus
devant ce clavier. En revanche, je dois en ôter un, celui d'Alphonse
Boudard dont, sur les amicales instances de Michel Desgranges, je viens
de lire Cinoche. Roman fort drôle, en effet, et qui renferme une
double pépite hautement savoureuse, constituée par les deux portraits de
Georges Simenon et de son fils Marc (avec, en prime, la silhouette de
Mylène Demongeot). Néanmoins, le roman n'a beau faire que deux cent
cinquante pages (en édition de poche), on est tout de même content d'en
voir le bout, sentant, dans la dernière ligne droite, la lassitude
poindre. Il y a, chez Boudard, m'a-t-il paru, un côte “Céline du pauvre”
dont on finirait bien par apercevoir la trame.
À mettre dans ma liste – mais ce n'est pas à lui que je pensais tout à l'heure : Michelet.
Samedi 25
Deux heures. – Approchant de la fin du gros volume contenant les chroniques de Bernard Frank au Monde,
lesquelles ont pris fin en 1989, je me demandais, et me demande encore,
n'ayant pas trouvé la réponse, ce qu'attendent les éditions Grasset
pour réunir et publier celles qu'il confia ensuite aux bons soins du Nouvel Observateur.
Je dis Grasset comme j'aurais dit autre chose : Frank a changé presque
aussi souvent d'éditeur que de journal et de domicile. Mais enfin,
treize ans après sa mort, il me semble qu'il serait temps de se remuer
un peu, messieurs !
Dimanche 26
Quatre heures et demie.
– Les veaux, les moutons, les mésanges, bleues ou charbonnières… c'est
bien joli tout cela, mais j'en ai oublié de parler des poules ; au grand
dam, j'en suis sûr, de M. Arié. Or, voici : il y a déjà quelque temps,
nos trois grâces se sont mises à pondre de moins en moins, voire, dans
le cas de Ninon, plus du tout. Catherine s'est donc rendue sur un forum
voué aux gallinacés, où elle a appris qu'un arrêt de ponte pouvait être
dû à la présence de vers (vers et prose étant par nature liés, comme
chacun le sait). En fermière consciencieuse, elle est donc allée faire
emplette d'un vermifuge efficace, qu'elle a trouvé à notre clinique
vétérinaire habituelle. La cure était de trois jours, le produit devant
être mélangé à l'eau de leur petit abreuvoir personnel. En effet,
miracle, la dite cure était à peine terminée que les trois braves se
sont remises à pondre avec un enthousiasme qui faisait plaisir à voir.
Sauf que… eh bien, sauf que le produit en question rend les œufs
incomestibles durant un mois entier. Si bien que, depuis une dizaine de
jours, nous récupérons quotidiennement deux à trois œufs qui partent
directement à la poubelle. Il reste à souhaiter que, le 15 juin
prochain, lorsque la quarantaine œufrière aura pris fin, les vers
n'aient pas déjà opéré un retour en force, nécessitant ainsi un nouveau
traitement de choc.
Lundi 27
Deux heures.
– La leçon que je tire de l'élection ridicule qui vient d'avoir lieu :
lorsque votre candidat se vautre dans les grandes largeurs et se
retrouve dans les profondeurs abyssales du classement (voir Mélanchon,
Hamon, etc.), écrivez doctement qu'il “n'a pas démérité”. Non, en effet :
dans la plupart des cas, ils ont bel et bien mérité ce qui leur arrive.
Cela dit, même si la déconfiture des guignols gauchistes fait toujours
plaisir, je ne vois pas bien pourquoi mes amis nauséabonds se
réjouissent du score de Marine Le Pen (oui, je sais que, officiellement,
ce n'était pas elle…), une femme qui réussit à ne pas avoir d'idées,
mais à en changer pourtant, toutes les semaines ou presque, au gré des
vents. Décidément, les abstentionnistes sont des sages (sans me vanter).
–
Changement dans mes lectures, en ayant terminé, provisoirement, avec
Bernard Frank, et n'ayant toujours pas repris Rabelais depuis notre
retour de Touraine : d'une part la correspondance Paulhan – Jouhandeau
(lecture), d'autre part la biographie de Flaubert par Maurice Bardèche
(relecture). Contrecoup de celle-ci : je viens de commander les Souvenirs de Maxime du Camp.
Trois heures. –
La liste présentée par Renaud Camus n'est pas lanterne rouge puisque,
avec 1898 voix, elle devance encore le parti révolutionnaire communiste
(?) qui n'en obtient que 1452. On notera, “pour la petite histoire”,
comme on dit, que, l'ayant in extremis désavouée, Camus lui-même n'a pas
voté pour sa propre liste, ainsi qu'en témoigne le score réalisé par
celle-ci à Plieux : 0 %. À ce stade, on ne sait plus trop si l'on a
envie de rire ou de s'affliger.
(Vérification faite
chez dame Wiki, le parti en question s'appelle “Parti révolutionnaire
communisteS”, avec une “s” au bout du mot magique. La première chose que
l'on apprend sur Wiki est la suivante : « Ne doit pas être confondu
avec Parti communiste révolutionnaire. » Seigneur ! je m'en garderais
bien ! La seconde information c'est qu'elle a été fondée, cette pièce
majeure de notre échiquier politique, en 2002, par une sénatrice
communiste en rupture de Colonel-Fabien, aujourd'hui âgée de 87 ans et
qui répond au joli nom de Rolande Perlican, qui évoque irrésistiblement
le Perdican de Musset. On est là, et pas seulement en raison de ce nom,
dans la poésie pure, le rêve impalpable, la bulle de savon
collectiviste.)
Mardi 28
Sept heures. –
Michel Desgranges m'annonce par himmel que le troisième volume du
journal de Philippe Muray sera, par la grâce des Belles Lettres, dans
toutes les bonnes librairies ainsi que dans les écuries amazoniennes au
mois de septembre prochain ; ce qui est une excellente nouvelle, car je
commençais à m'en inquiéter un peu. J'en avais d'ailleurs parlé à Michel
lors de notre dernier déjeuner, d'où son petit message de tout à
l'heure.
Mercredi 29
Onze heures.
– Francis Marche, l'impitoyable phraseur du forum de l'In-nocence,
celui auprès de qui même Juan Asensio paraîtrait limpide et sobre,
Francis Marche est de retour, à l'instar du Michael de la chanson.
Aujourd'hui, il tente de définir (ou de cerner, dans tous les sens du
verbe) Renaud Camus. Ce qui donne ça (c'est un simple extrait) : « Ce
type est un passionné de réel, et mais son péché politique est de
confondre le réel et la vérité ! ce que personne, âgé de plus de cinq
ans ne sait plus faire. Nous aimons l’auteur mais nous n’aimons pas
vraiment le piteux bonhomme qui nous ressemble que trop, parce que lui
ose, ou plutôt il n’ose rien, il est dans la vérité du réel
(accoler ces deux termes relève du scandale mais Renaud Camus est
scandale, toute sa vie, à tous les instants !). Tous ses livres «
politiques » sur la France, ses régions, son être et l’évolution de cet
être sont humblement vrais et réels. Le réel est un pari intense
lorsqu'il s’identifie au vrai, voilà la « pensée » de Renaud Camus. »
Comme son amphigourique message s'adressait au départ à Jérôme Vallet
(lequel, à l'heure où nous mettons sous presse, n'est toujours pas sorti
d'un prudent silence…), c'est à lui qu'il lance sa péroraison : « Mon
bon, mon vieux et très respectable ami, il y aura ceci à graver sur
nos morts : que par ce pauvre type, vous avons été des amants
chevaucheurs de la vérité conjointe au réel, quelques mois, quelque
temps, un petit toujours, audacieux, dressés, trissés de vérité, et
tristes. » Moi aussi, quand j's'rai grand, je veux être amant
chevaucheur de la vérité conjointe au réel : y a pas d'raison.
– Reçu à l'instant : Travelingue (le livre) et Uranus (le film). Restent en attente d'attente d'acheminement : Liaisons étrangères d'Alison Lurie, romancière jamais lue encore, Le Sang noir de Louis Guilloux, lu il y a une trentaine d'années, à la louche, ainsi que les Souvenirs littéraires de Maxime du Camp, jamais lus.
Jeudi 30 (Ascension)
Dix heures. – Nous avons regardé Uranus hier soir : bon film, adaptation fort honnête. Sans génie, évidemment, mais si Claude Berri avait eu du génie, ça se saurait,
comme dit l'autre. Les acteurs sont tous bons, mais il m'a semblé que
trois d'entre eux se détachaient du lot : Marielle, Galabru, et surtout
Depardieu, dans le rôle, il est vrai “valorisant” de Lajeunesse, le
cabaretier alcoolique et touché par la grâce de la poésie. Voilà qui
renforce mon envie de poursuivre un peu mes lectures aymesques (ou aymables ? aymiennes ?) : je vais aller me commander de ce pas un ou deux romans, parmi ceux que je n'ai encore jamais lus.
Vendredi 31
Onze heures.
– J'escomptais fermement qu'une pluie d'or virtuel allait s'abattre sur
notre petit magot bancaire, conséquence de mes signes lucratifs du mois
dernier ; je l'escomptais d'autant plus qu'il s'agirait d'éponger tant
soit peu les sommes absurdes dilapidées en Touraine récemment. Or, ce
matin, nib de virement : une fois de plus, un mois se termine assombri
par les ailes gigantesques de la misère prochaine. Ce qui, inconscients
que nous sommes, ne nous empêchera pas d'attaquer gaillardement juin et
son soleil ardente lyre, comme disait Guillaume.
– Repris Rabelais ce matin, où je m'étais interrompu avant notre séjour chez lui, soit à la moitié du Tiers, si je puis dire.
Deux heures. – Marée du jour, dans la bourriche du facteur :
– Souvenirs littéraires de Maxime Du Camp (que, plus haut dans ce journal, j'ai orthographié fautivement “du Camp”),
– Liaisons étrangères d'Alison Lurie,
– Le Sang noir de Louis Guilloux.
Juin s'annonce confortable, finalement.
Deux heures. – Marée du jour, dans la bourriche du facteur :
– Souvenirs littéraires de Maxime Du Camp (que, plus haut dans ce journal, j'ai orthographié fautivement “du Camp”),
– Liaisons étrangères d'Alison Lurie,
– Le Sang noir de Louis Guilloux.
Juin s'annonce confortable, finalement.
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