RENVOI D'ASENSIO
Mercredi 1er novembre
Sept heures. – Ce soir, omelette aux lardons accompagnée d'une salade de tomates “cerises”. Ainsi que je l'ai fait remarquer à Catherine : « Tomates du jardin, œufs du jardin ; il ne nous manque plus que d'élever un cochon pour avoir des lardons du jardin… »
– La journée de lecture fut consacrée en alternance à Léon-Paul Fargue (Méandres),
cet admirable écrivain pour amoureux de la littérature, chevaliers
servants de la langue française, et au gros livre de la collection
Bouquins qu'un certain Claude Arnaud a consacré à l'art du portrait (du
portrait littéraire, écrit), qui s'intitule Portraits crachés, ce
qui n'est pas fort heureux. Mais son livre se laisse lire, surtout
parce qu'il comporte de très nombreux portraits, “de Montaigne à
Houellebecq” ainsi qu'il est précisé en sous-titre.
Ces
lectures étaient ponctuées d'interruptions soudaines, à chaque fois que
je voyais Charlus sortir de son sommeil. il s'agissait alors pour moi
de l'empoigner et de l'emmener dehors, sur l'herbe, afin de commencer à
lui faire comprendre que c'était là et nulle part ailleurs qu'il
convenait de se soulager. Il se montrait tout à fait ravi de ces petites
escapades, lesquelles ne l'empêchaient nullement de pisser et chier
dans la maison quelques minutes après notre retour.
Vendredi 3 novembre
Sept heures vingt. – Comme je n'ai guère envie que ce journal devienne celui d'un gâteux canolâtre (j'entends d'ici les ricanements de Marco Polo), je n'ai, du coup, à peu près rien à y noter, vu que, depuis lundi, je m'aperçois que nos journées sont presque entièrement organisées autour de Charlus ; pour une part parce que nous y sommes contraints (pisse et merde à guetter et à faire disparaître avant que de marcher dedans, sortir la bête dix fois par jour pour l'inciter à se soulager dans l'herbe, à l'instar des poules…) et d'autre part par simple plaisir de le voir évoluer, apprendre et retenir certaines petites choses, déjà, s'amuser de la façon qu'il saute sur Golo dès que celui-ci s'aventure dans la même pièce que lui, etc.
J'ai
tout de même trouvé le temps, ce matin, d'écrire six mille signes sur
le “coup de foudre” de Caroline de Monaco et Vincent Lindon, survenu il y
a un peu plus de 25 ans et qui, comme l'on sait, s'est soldé non par un
mariage princier mais par une rupture tout ce qu'il y a de plus
banalement roturière.
Dimanche 5 novembre
Deux heures.
– Je ne sais quand, ni dans quels replis obscurs, l'idée s'est formée.
Toujours est-il qu'elle a jailli à la surface toute armée il y a trois
jours : j'allais arrêter de fumer. Je sais bien que c'est une décision
qui a déjà été prise quatre ou cinq fois, et jamais suivie d'un résultat
durable. Mais, au moment même où elle se présentait à moi, j'ai su que
cette fois elle le serait. J'étais si sûr de mon fait que j'ai
communiqué la nouvelle à Catherine, qui, bien sûr, m'a assuré qu'elle
arrêterait le même jour. Ce sera quand nous aurons fumé les cinq ou six
paquets qui nous restent, soit dans une semaine environ. Le plus étrange
est que je me dis depuis trois jours que, cette fois, ça va être
non seulement possible mais même facile. Ce qui, sans doute, ressortit
davantage à la méthode Coué qu'à une certitude démontrable.
–
En dehors de cela, on peut noter que, à deux mois et demi, Charlus est
déjà un personnage enclin à la facétie. Ainsi, quand, après qu'il eut
fait une sieste d'une heure ou plus, nous le sortons préventivement dans
le jardin, il a à cœur de pisser presque aussitôt, sans doute afin de
recevoir les chaudes félicitations auxquelles il sait qu'il aura droit.
Ensuite, il remonte l'escalier de la terrasse, pour nous faire
comprendre que, son devoir acquitté, il aimerait mieux rentrer à la
maison. Et, une fois là, il se dépêche de se délester de ce qu'il avait
soigneusement conservé par-devers lui, c'est-à-dire au fond de sa
vessie. À moins qu'il ne s'imagine mériter des félicitations non pas
quand il pisse dehors, mais quand il le fait devant nous. Auquel cas on ne serait pas sorti du bois (ou de l'auberge).
Mardi 7 novembre
Sept heures vingt. – Je viens de commander un roman de Louise de Vilmorin (son premier : Sainte-Unefois,
1934), envie qui, ces quarante dernières années, ne m'avait jamais
effleuré ; tout cela parce que Fraigneau lui rendait hommage, au moment
de sa mort, dans un article lu tout à l'heure et que j'ai bien aimé.
Aussitôt, je me suis senti presque obligé de lire quelque chose
d'elle : c'était comme un hommage que je devais lui rendre ; ou un salut
à la fois respectueux et fraternel, alors que, je le répète, jamais je
n'ai été le moins du monde tenté de m'intéresser à cette dame, même si,
évidemment, je savais plus ou moins qui elle était. C'est un phénomène
qui se produit de plus en plus souvent, l'âge venant : lorsque ma route
croise un écrivain que je n'ai jamais lu (il faut que ce soit un
écrivain mort : les vivants n'ont nul besoin de moi), je ressens –
parfois, pas toujours, heureusement pour mes précaires finances – comme
un appel impératif : il faut que j'ouvre un livre de lui, quitte à ne
pas l'aimer. C'est un peu comme dans ces films de maison hanté, où les
occupants doivent accomplir tel ou tel rite pour que, enfin, l'âme
errante du fantôme puisse goûter la paix et le repos éternel. Les
écrivains morts que je n'ai jamais lus sont ces âmes errant dans des
limbes d'un genre particulier (que l'on appelle généralement des
bibliothèques), d'où il faut absolument que je les tire par la lecture
que je vais faire d'eux ; et il n'y a bien sûr que moi qui puisse le
faire. Je me sens, dans ces moments, comme une sorte de lecteur
missionné.
Mercredi 8 novembre
Deux heures. – Je ne découvre qu'aujourd'hui, et par le plus parfait des hasards, le billet que Juan Asensio a bien voulu consacrer à En territoire ennemi, le 18 septembre dernier. En en découvrant le titre (En territoire ennemi de Didier Goux, Dupont Lajoie de la critique (dite) littéraire),
je jubilais d'avance, à la pensée du flot d'ordures et d'imprécations
baveuses qui devaient m'attendre. J'étais encore, pour mon plus grand
bonheur, très en dessous de la réalité. Ensuite, j'ai nettement eu
l'impression, depuis le temps que je n'avais pas essayé de m'enfoncer
dans le marécage de sa prose asilaire, que le cas de Juan s'était
considérablement aggravé, qu'il faisait désormais du Ansensio au carré.
Rien que les proportions de ce palud : sur 33 000 signes au total (ce
qui est déjà une preuve patente de dérangement mental, il me semble), il
ne commence à être question de moi qu'au bout de 21 000, lesquels
forment un magma préambulatoire dont je serais en peine de dire
ce qu'il entend signifier. Enfin, on en arrive à mon pauvre bouquin
(après un détour par ma personne, coupable de racisme, d'ivrognerie
perpétuelle, de camusisme aigu, plus deux ou trois autres tares de
moindre importance). Là, le tombereau de détritus se déverse comme prévu
; mais d'une manière si outrée, si écumante, avec une sorte d'hystérie
de femelle en manque, qu'elle provoque rapidement le rire le plus franc,
ce qui n'était probablement pas son but premier. À mesure que la
logorrhée se déverse et que le dégorgeoir s'emplit, on a l'impression de
voir un dément en crise, martelant des poings et des orteils les parois
capitonnées de sa cellule de confinement. On repense irrésistiblement à
ce que Léon Daudet disait de la prose de Jean Lorrain : « Le
clapotement d'un égout servant de déversoir à un hôpital. »
(Au passage, Asensio me reproche par trois fois de tenir un journal interminable
: il me semblait, moi, que c'était justement le propre d'un journal, de
ne jamais se terminer, sinon avec la vie de celui qui le tient.)
Un peu plus tard. – Mon idée première était, maintenant, de composer un petit florilège des éructations les plus drolatiques du forcené. Je me suis donc astreint à relire entièrement ce long pensum boursouflé de graisse jaune pour y trouver mes perles. Or, de perles point. Il n'y a même pas ça : juste un flot épais qui s'écoule entre deux rives désertes. Rien à y repêcher, même dans le genre grand-guignol. Pour les téméraires qui aimeraient se faire une idée, c'est ici que ça fermente.
Où
ça devient vertigineux, c'est lorsqu'on s'aperçoit que, ayant compris
dès les premières pages qu'il avait entre les mains un livre situé bien
au-dessous du nul, Asensio s'est tout de même astreint à le lire jusqu'à
la dernière, texte après texte, qui plus est en prenant des notes. Il
ferait presque peur.
Sept heures et demie. – Je repensais à Asensio, tout à l'heure, entre deux chapitres du Camp volant
de Fraigneau. On en plaisante, comme ça, mais je me demande vraiment ce
qui peut pousser un homme à ouvrir un livre, à le trouver au bout de
dix pages atrocement mauvais, à le lire pourtant jusqu'à son terme, en
prenant des notes, puis à écrire sur lui et son auteur plus de trente
mille signes, dont près des trois quarts parlent de tout à fait autre
chose, à quoi on ne comprend à peu près rien. Je sais bien ce qu'on va
me répondre : qu'Asensio avait décidé, avant même de l'ouvrir, que mon
livre serait une merde absolue. C'est naturellement vrai ; c'est même
pour ça que j'avais tenu à lui faire parvenir, et avec un envoi en plus,
ce que je n'ai fait pour à peu près personne ; j'étais curieux de voir
quelle option il allait choisir, entre les deux que je lui accordais :
le silence complet, c'est-à-dire le mépris, ou la descente en flamme. Vu
le temps qu'il a mis à se réveiller, j'ai longtemps cru que
l'affectation de mépris l'avait emporté ; ce qui m'a surpris de lui, vu
que c'était évidemment la solution la plus intelligente des deux. Donc,
finalement, depuis midi je suis en quelque sorte rasséréné : Asensio a
bien réagi comme, d'une certaine manière, je l'avais incité à le faire.
L'appât était trop tentant, il a fini par le gober. En vérité, je jouais
un peu sur du velours : cet homme vit dans un tel chaudron de petites
haines, recuites dans le bouillon de ses rancœurs intimes, qu'il est
tout à fait incapable de s'en départir, de les suspendre durant deux ou
trois heures, le temps d'une lecture. C'est en ce sens qu'il n'a jamais
été un critique intéressant, et c'est la raison pour laquelle il a
complètement échoué dans ce domaine où il espérait faire une brillante
carrière de “plume influente”, alors qu'il se retrouve, à près de 50
ans, à tenir un blog, dont je suis bien certain qu'il n'a pas le quart
des lecteurs dont il se targue. Le fiel lui a corrodé l'entendement et
tordu le jugement (cette remarque ne vaut nullement pour En territoire ennemi,
qu'il a évidemment le droit de trouver raté, mauvais, ridicule même,
etc.). Par moment, lorsqu'il devient la caricature de lui-même (ce qui
n'est pas facile…), il me fait penser au loup bavant et dentu de Tex
Avery.
Vendredi 10 novembre
Quatre heures. – Petite palinodie du jour. Il y a environ deux mois, Catherine me signala que je devrais bien m'occuper de prendre rendez-vous avec le Dr R., notre oculiste levalloisien commun pour un examen du fond de l'œil ; ma frousse de devenir aveugle est telle que je le fis aussitôt ; il fut fixé au 10 novembre. Ce matin, nous partîmes peu avant onze heures, à deux car Catherine devait conduire au retour (les gouttes que l'œillologue vous colle dans les deux yeux une demi-heure avant l'examen proprement dit rendent la conduite risquée durant plusieurs heures ensuite), et seulement à deux car, après hésitation, il fut décidé de laisser Charlus ici. À midi moins cinq, j'entrais en salle d'attente, muni du volume “Pochothèque” des œuvres à peu près complètes du jeune Radiguet, qu'une sorte de prévention diffuse m'avait interdit de lire jusqu'à maintenant. À midi dix, le Dr R. n'était toujours pas venu m'arroser les iris avec son produit magique et je prévoyais donc un vrai retard pour l'examen lui-même. Elle apparut enfin à midi vingt. Ce fut pour m'apprendre que mon dernier “fond de l'œil” ne remontait qu'à février de cette année et que, par conséquent, elle ne pouvait en pratiquer un autre avant au moins février 2018. C'est comme cela qu'on se retrouve à faire 160 kilomètres exactement pour rien, sinon pour le plaisir de revoir la place Georges-Pompidou de Levallois-Plage, joie qui n'est certes pas à la portée de tout le monde. La cerise sur le gâteau (ou l'étoile au haut du sapin, comme on voudra) fut posée lorsque je trouvai le moyen d'érafler et même de cabosser légèrement le flanc droit de Liselotte sur un poteau du parking souterrain, à la suite d'un virage un peu court.
– Ce soir, une sorte d'apéritif dînifiant (j'en ai assez du sempiternel dînatoire…)
est prévu ; non pour noyer notre sottise mais parce que demain doit
être notre dernière journée avec tabac, et que nous voulons sortir par
la grande porte, avec sourire et panache.
Samedi 11 novembre
Sept heures vingt.
– Normalement, nous devrions fumer nos dernières cigarettes ce soir ;
mais, comme j'ai mal calculé mon coup (par peur de manquer ?), il va
nous en rester une demi-douzaine pour demain. Nous arrêterons donc dans
le cours de la journée, lorsque les deux dernières auront été fumées.
–
Ce minuscule politicien lyonnais de Romain B. y est allé ce matin de
son petit billet répugnant et annuel pour nous expliquer que, en vrai
rebelle de gauche qu'il croit être, il ne célébrerait pas le 11
novembre, dont il “pense” qu'il contribue à entretenir la haine au sein
du “peuple européen” qui n'existe que dans sa pauvre imagination de
décérébré modernœud. Lui, cet âne semi-couronné, il est pour célébrer le
9 mai, la “fête de l'Europe”, évidemment. Comment peut-on être aussi
aveugle, ou aussi con ? Est-ce qu'il ne se rend pas compte qu'il est
suffisamment insignifiant et conformiste pour que tout le monde se foute
de ce qu'il célèbre ou ne célèbre pas ? Il y a vraiment des individus
qui feraient douter le plus armé des croyants que Dieu ait créé l'homme à
son image.
– Alerté par Michel Desgranges, je me suis abonné à L'Incorrect,
mensuel de droite que les imbéciles, je suppose, doivent déjà qualifier
d'extrême droite, voire de droite extrême (ce qui est pire, si j'ai
bien compris). Je n'ai jamais été fou du sieur de Guillebon (que je
lisais dans La Nef au temps où nous y étions abonnés), mais
enfin, après lecture de deux des trois premiers numéros, il me semble
que l'entreprise est, pour le moment, plutôt réussie. Argument lourd
(quoique puéril) en faveur de ce nouveau venu : Asensio le trouve très
mauvais.
Dimanche 12 novembre
Sept heures vingt. – Ce qu'il y a de bien, avec l'arrêt du tabac, c'est que ça occupe parfaitement l'esprit : depuis ce matin dix heures, moment de la dernière cigarette, je suis rigoureusement incapable de penser à quoi que ce soit d'autre ; et je sais qu'il devrait en aller encore ainsi demain : la situation ne s'améliorera (un peu, un très petit peu…) qu'à compter de mardi, selon toute vraisemblance. Là, je suis en plein dans la phase où l'on se demande par quelle aberration mentale on a décidé d'arrêter de fumer alors que nul ne vous y forçait ; et où l'on est tout à fait assuré que la suite des jours qui restent, dussions-nous vivre 103 ans comme ma grand-mère Suzanne, ne pourra être qu'une morne et grise étendue, quelque chose comme le paysage régnant dans La Route de McCarthy. Incapacité totale à la lecture, évidemment.
Mardi 14 novembre
Trois heures et demie. – La palinodie du sevrage tabagique aura donc duré quarante-huit heures. Hier soir, tandis qu'elle SMSsait
avec ses filles, Catherine leur a dit que, depuis deux jours, elle
avait l'impression de vivre à côté d'une sorte de zombi, prostré dans
son fauteuil, le regard totalement vide. Et c'est bien, en effet, ce que
j'étais, incapable de lire plus de deux paragraphes de n'importe quel
livre, et même de remplir une grille de mots croisés. Ce matin, vers
sept heures, alors que j'étais levé depuis une heure et que j'avais déjà
repris la même attitude prostrée, j'ai brusquement décidé que la
plaisanterie avait assez duré : je suis allé partir une cafetière
(expression strictement d'usage local) dans la cuisine, avant d'aller
rechercher mes pipes et mon tabac dans la Case. Une tasse et une
demi-bouffarde plus loin, j'avais miraculeusement récupéré toutes mes
facultés de naguère. Du coup, bien sûr, Catherine m'a demandé de lui
remonter un paquet de cigarettes en allant chercher le pain. L'arrêt a
tout de même eu ceci de bon, que Catherine a repris sa “consommation
basse” de quatre cigarettes par jour, et moi de me cantonner à six ou
sept demi-pipes, en évitant de piocher dans son paquet. (La phrase qu'on
vient de lire est assurément incorrecte grammaticalement ; mais elle me
convient ainsi, c'est pourquoi je la laisse telle.) De fait, depuis ce
matin neuf heures, j'ai dû fumer l'équivalent d'une pipe, et sans
souffrir du moindre manque : le fait de savoir que je vais pouvoir en fumer une autre plus tard suffit à ne pas céder immédiatement à l'envie lorsqu'elle surgit.
Mais
enfin, je pourrai bien dire tout ce que je voudrai, il faut tout de
même reconnaître qu'il s'agit là d'un échec patent ; et tellement rapide
qu'il en devient également un peu ridicule.
Mercredi 15 novembre
Sept heures et demie.
– J'ai commencé hier un gros roman – 800 pages – russe contemporain
(son auteur s'appelle Prilepine) qui se passe dans les années vingt et
aux îles Solovki, ce prototype du goulag ouvert dès le temps de Lénine.
Après environ cent cinquante pages, je ne peux pas dire que j'en sois
lassé, c'est même un assez bon roman, très “russe” avec ses nombreux
personnages (et allons-y les clichés !) ; mais je ne parviens pas, le
lisant, à m'affranchir des “grands anciens” tels que Chalamov, Grossman,
Dombrovski, Soljénitsyne, etc. Et, bien sûr, la comparaison ne joue pas
en faveur du “jeunot”, d'autant qu'on ne peut s'empêcher de se dire que
lui n'a forcément qu'une connaissance livresque de ce qu'il met en
scène, même s'il le fait avec une réelle puissance, alors que les autres
témoignaient d'un enfer dont ils étaient effectivement revenus. C'est
bien pourquoi je ne suis pas encore capable de déterminer si j'irai
jusqu'au bout de ce voyage ou si le livre va me tomber des mains dans
les jours qui viennent.
Dimanche 19 novembre
Sept heures et demie. –
Rémi Usseil nous a fait le plaisir, hier, de venir déjeuner ici et d'y
passer l'après-midi. Il est arrivé avec trois livres pour moi, deux
prêtés et un donné. Pour ce dernier, c'était Rolandin, sa
troisième chanson de geste publiée comme les deux précédentes par les
Belles Lettres. J'en ai lu le préambule, qui est un alliage parfait de
modestie non feinte et d'élégante érudition. Mais, préférant me garder
le texte même pour un jour sans gueule de bois, c'est aux deux autres
livres que j'ai consacré ma journée. Ma matinée à un gros volume,
richement illustré, consacré aux cafés littéraires, du XVIIe siècle à
nos jours, en France (c'est-à-dire à Paris) et un peu partout en Europe,
ainsi qu'en Orient. Je n'ai réellement lu avec attention que les
chapitres concernant la France des XIXe et XXe siècles, me contentant de
picorer dans le reste. Cet après-midi, la correspondance
triangulaire entre Bloy, Huysmans et Villiers de L'Isle-Adam, dans les
années 1884 à 1889. Du reste, elle est plus que triangulaire, cette
correspondance, puisqu'on y trouve des lettres de ces trois-là,
adressées à des tiers, mais où chacun évoque les deux autres (j'espère
que je me fais bien comprendre…). Ainsi, un échange serré et émouvant,
en juillet et août 1889, au moment de l'agonie de Villiers, entre
Huysmans et Mallarmé, qui tous deux se sont démenés pour leur ami, et
surtout pour son fils et la mère de celui-ci.
Ce qui
est sûr, c'est que ce n'est pas cette correspondance qui me fera changer
d'avis au sujet de Léon Bloy, qui se montre d'une bassesse et d'une
violence tout à fait répugnantes, notamment vis-à-vis de Huysmans, avec
qui bien entendu il se fâche irrémédiablement et se met à se répandre en
articles venimeux, n'hésitant pas à couvrir d'opprobre des livres de
lui qu'il avait admirés au moment de leur parution (comme À rebours par exemple).. De ce point de vue, et de celui-là seulement, Asensio peut être satisfait : il ressemble en effet à Bloy.
Quant au Rolandin
de l'ami Rémi, il devra attendre que j'en aie terminé avec le gros
roman de Prilepine (ou que je l'aie abandonné). À propos de Rémi,
d'ailleurs, s'il est arrivé avec trois livres pour moi, je me suis bien
vengé en lui collant trois pavés russes sur les bras, juste au moment où
il allait s'esquiver : Vie et Destin de Grossman, Récits de la Kolyma de Chalamov et La Faculté de l'inutile de Dombrovski. À eux trois, cela doit bien faire deux mille à deux mille cinq cents pages : je ne me suis pas fichu de lui.
Mardi 21 novembre
Sept heures dix.
– Pas de journal hier, en raison d'un accès de fièvre, certes modérée,
qui m'a pris vers quatre heures de l'après-midi et a eu tendance à
augmenter (la fièvre, pas l'accès), au point de m'envoyer au lit dès
avant neuf heures (et sans apéritif…). À cinq heures et demie ce matin,
lorsque je me suis levé, il n'en restait rien.
– J'ai
pratiquement terminé les sept cents et quelques pages du livre de Fanjul
consacré au mythe d'Al-Andalus : extrêmement intéressant, d'une
solidité qui semble à toute épreuve ; mais, évidemment, je ne connais à
peu près rien au sujet, et n'ai jamais eu connaissance des multiples
sources sur lesquelles s'appuie l'auteur, dont l'érudition, dans son
domaine, paraît vraiment prodigieuse. Il reste que ce n'est pas
exactement un styliste, même si je trouve que Rémi Pellet exagère
lorsqu'il parle, en commentaire du billet que j'ai consacré tout à
l'heure à l'ouvrage, d'une traduction “abominable”. Du reste, si l'on en
croit ma commentatrice qui signe Ana Maria, et qui a lu le livre dans
sa langue d'origine, certaines lourdeurs et redites seraient imputables à
Fanjul lui-même et non à son traducteur.
Mercredi 22 novembre
Sept heures vingt. – Nous avons, hier soir, regardé un film arrivé le matin même : Tel père, tel fils, du Japonais Kore-Eda, dont nous avions, il y a quelques semaines, beaucoup aimé Notre petite sœur.
Il y avait fort longtemps que je n'avais pas vu un film (je parle de
celui d'hier) aussi implacablement triste. C'est au point que, peu après
en avoir passé la première moitié – il dure deux heures –, j'ai cru que
j'allais devoir quitter le salon, ayant de plus en plus de mal à
supporter ce sentiment qui m'envahissait telle une marée dans la baie du
mont Saint-Michel ; seule une assez sotte crainte du ridicule m'a
retenu dans mon fauteuil ; ainsi, tout de même, que l'envie de voir la
fin.
En tout cas, j'ai eu la preuve éclatante que, en
matière d'art, le sujet ne compte à peu près pour rien. Prenons-en un,
au hasard (tu parles !) : pour se venger de quelque chose, peu importe
de quoi, une infirmière intervertit deux nouveaux-nés à la clinique, un
fils de bourgeois aisés, l'autre rejeton de gens nettement plus modestes
et moins “policés”. À partir de là, vous pouvez soit faire l'espèce de
chef-d'œuvre que nous avons vu hier soir, soit la pochade basse et
vulgaire d'Étienne Chatilliez. La grande force du film de Kore-Eda est
qu'il ne sollicite pas notre émotion, qu'il semble même ne pas être
vraiment conscient de la tristesse qu'il peut susciter chez son
spectateur ; et c'est bien sûr cela qui la rend d'autant plus puissante,
agissante. Sentiment encore augmenté par le fait que le dit spectateur
se doute bien que la fin du film ne lui apportera aucune certitude
apaisante, en forme de happy end plus ou moins plaqué : d'entrée
de drame, il sait qu'il n'y en aura pas parce que, en vérité, dans ce
genre de situation (faut-il échanger les enfants ? Quand ? Comment ?
Etc.), il ne peut pas y en avoir. Or, Kore-Eda cerne la vérité des
situations et des sentiments, ce semble même être son unique
préoccupation, de film en film – des situations et des sentiments qui
sont le plus souvent liés à des problèmes de filiation, de paternité, de
famille (les deux titres que j'ai cités le montrent à l'évidence). À
l'autre bout du spectre, donc, nous avons La Vie est un long fleuve tranquille,
d'une indigne sottise et d'une fausseté à hurler. Du coup, j'ai
commandé aujourd'hui deux autres films du Japonais. En plus de m'être
réabonné à Valeurs actuelles, sous la pernicieuse influence de
Michel Desgranges. Et de m'être livré cet après-midi à une tonte du
jardin, que j'espère fermement être la dernière de l'année.
Jeudi 23 novembre
Sept heures et quart. –
À part un petit tour de marché avec Catherine ce matin (il s'agissait
de m'acheter une chaude veste d'intérieur, pour remplacer ma vieille
bretonne qui est en lambeaux), j'ai passé l'essentiel de ma journée,
tout comme hier, à lire le Rolandin de Rémi, terminé juste avant le dîner. Je ne sais pourquoi, je craignais qu'il ne retombe à un niveau un peu inférieur à ses Enfances de Charlemagne,
qui m'avaient pas mal impressionné, par la maîtrise et l'aisance dont
Rémi faisait preuve dans ce livre. Mes craintes étaient vaines. Je me
demande même si je ne placerai pas le dernier-né au-dessus du précédent.
Il me reste à tenter de définir pourquoi d'ici demain, car j'ai la
ferme intention de lui consacrer un billet sur le blog ; j'ai même pris
des notes pour cela, ce qui ne m'arrive à peu près jamais. Donc, inutile
de “faire doublon” : si le billet en question ne me semble pas trop
indigne de son objet, je me contenterai de le mettre ici, pour rappel.
Disons pour le moment que, dans Rolandin, Rémi a réussi à créer
d'intéressants et riches “effets de miroir”, en se dédoublant de façon
fort adroite, voire en se détriplant ; il s'agit, bien entendu, d'un
miroir temporel, dont il me semble qu'il ne jouait pas avec autant d'art
dans ses deux précédentes chansons. C'est en tout cas une réussite dont
il peut être fier, je crois.
Vendredi 24 novembre
Sept heures. –
Petite expédition à Vernon avec Catherine : il s'agissait, pour elle,
d'aller faire régler ses oreilles (c'est-à-dire les petits appareils qui
les aident à jouer leur rôle naturel) chez Mme Amplifon, et pour moi
d'acquérir un pantalon de velours à ma taille. C'est l'inconvénient,
quand on passe en moins d'un an de 105 à 90 kg : tous vos vêtements
anciens vous donnent des allures de clown. Je taille donc désormais du
46, qu'on se le dise dans les chaumières, moi qui naviguais plutôt dans
les 56 ou 58 jusqu'alors. Cela dit, celui que j'ai finalement choisi,
après avoir hésité avec la taille au-dessus (ce journal atteint des
sommets d'intérêt, même Asensio sera bien obligé d'en convenir…), est
vraiment très ajusté : si jamais, par hasard, je venais à
reprendre deux ou trois kilos, l'infortuné grimpant se retrouverait
pendu dans l'armoire sans avoir jamais été porté.
–
Sinon, j'ai tout de même trouvé le temps et le semblant d'inspiration
suffisants pour écrire et publier le billet que je voulais consacré au Rolandin de Rémi Usseil. Je le remets ici, pour les distraits auxquels il aurait échappé sur le blog :
« Comme un triptyque ne saurait offrir que deux panneaux, ni un trépied une paire de jambes, il était bien normal qu'après Berthe au grand pied puis Les Enfances de Charlemagne, Rémi Usseil nous offrît le troisième volet d'une œuvre que l'on pressentait dès l'origine trilogale. Avec Rolandin,
nous ne sortons pas de la famille carolingienne. Le point de départ est
aussi simple qu'éternel : Gisèle, la sœur de Charlemagne, et
l'avantageux Milon, duc d'Anjou, sont amoureux l'un de l'autre, mais le
roi de France s'oppose à leurs épousailles : on se croirait dans un
livret d'opéra romantique (George Bernard Shaw, je crois que c'est lui,
disait : « Un opéra, c'est un ténor et une soprano qui veulent coucher
ensemble, et un baryton qui les en empêche. »). Sauf que, ici, malgré
tous ses prestige et autorité, le baryton se fait flouer : Gisèle et
Milon jouent malgré lui – et un peu malgré eux – à la bête à deux dos,
puis sont contraints de fuir vers l'Italie pour échapper à la colère du
futur empereur. C'est aux abords de la ville de Sutre, emprès
Viterbe, que Gisèle met au monde le fruit de ses amours pécheresses avec
Milon : Roland, le futur héros de Roncevaux, très vite sobriqué Rolandin. Ce sont les premières années du chevalier en devenir que nous conte Rémi Usseil.
» Mais
est-ce bien lui que nous lisons ? Lui appartient-elle vraiment, cette
langue admirable, qui semble couler librement, s'engendrer elle-même
sans effort, comme les plus grands pianistes parviennent à s'effacer
totalement derrière le compositeur auquel ils prêtent leurs doigts et
leur esprit ? Cette langue est le résultat d'une alchimie difficile à
expliquer. C'est celle que s'est forgée Rémi Usseil, comme il le prouve
dans son préambule – remarquable de tranquille érudition, et d'une
modestie si naturelle que le lecteur aurait presque l'impression de
savoir de longue date ce qu'il est tout juste en train d'apprendre –,
mais éclairée de l'intérieur, enrichie, fécondée par ce parler d'oc
qu'Usseil maîtrise mieux que moi le français inclusif. En un mot :
est-ce bien lui qui écrit ce livre que nous lisons ? Il faut répondre :
non. D'abord parce qu'il nous prévient d'emblée qu'il ne fait que
transcrire le rouleau qu'un docte moine avait écrit en latin, après
avoir, passant par Sutre, recueilli les témoignages de ses habitants
quant aux hauts faits de l'enfançon Roland. Et ce “il” ne peut
encore être Rémi Usseil. Alors qui est-il ? Aucune indication précise ne
nous est donnée à son sujet. Est-il un clerc ? Un trouvère ? On
l'imagine homme d'un Moyen Âge plus récent que ce qu'il nous conte ; du
XIIIe siècle, peut-être ? Ou un peu plus vieux que cela : il n'est pas
impossible qu'on l'ait vu passer à la cour d'Aliénor, en Aquitaine…
Toujours est-il que je tiens ce narrateur pour la principale création
d'Usseil dans cet ouvrage, celle qui lui donne son relief, sa force, son
originalité, même par rapport aux deux précédents, où sa présence me
semblait moins affirmée, moins libre, moins naturelle, moins vivante. Du
coup, voilà : en ouvrant Rolandin, on croit avoir affaire à un
livre, et on se retrouve plongé dans un kaléidoscope, un jeu de miroirs
temporels dont Usseil, en démiurge, a seul la maîtrise des facettes ; et
c'est la multitude de ces reflets qui nous donne cette impression d'une
histoire intensément vraie, qui nous permet d'accepter le merveilleux
comme s'il allait de soi, qui nous fait redevenir, fugitivement,
pâlement, l'un de ces hommes qui croyaient assez fort au Ciel pour bâtir
Notre-Dame de Chartres ou partir délivrer le tombeau du Christ.
» Est-ce
à dire que Rémi Usseil disparaît totalement de son œuvre ? Qu'il s'est
dissout entièrement dans ce narrateur à qui il a confié la plume ? Non,
il réapparaît, de çà, de là, fort discrètement, tels ces peintres qui se
représentaient dans un coin bas de leurs tableaux, simple silhouette au
milieu d'un groupe. Il le fait d'une touche si légère que le lecteur
pourra fort bien ne pas tenir compte de ces petites lumières qu'il fait
clignoter par endroits et qui, elles, arrivent tout droit de notre
siècle : c'est sa suprême élégance. Mais comment ne songerait-il pas à
lui-même, au moins un peu, lorsque, à la toute fin de sa chanson, il
fait ainsi s'exclamer son narrateur : « On doit louer ceux qui
s'appliquent à garder en leur remembrance les hauts faits des
prudhommes du passé ! » Puis, parlant de ceux qui méprisent toutes ces
“vieilleries”, de Roland, d'Olivier et des autres, il ajoute : « Ceux-là
n'ont point mon estime. Ils ont le cœur si pourri et si dégénéré que le
récit de nobles exploits du passé ne saurait les émouvoir, de sorte
que, n'ayant point de beaux exemples à méditer, ils n'entreprennent
jamais rien de grand. Lorsqu'ils meurent, sans avoir rien fait qui
vaille la peine qu'on en parle, ils sont aussitôt oubliés de tous. Mais
de Charlemagne et de Roland on se souviendra, tant qu'il y aura de
nobles cœurs et de grandes âmes. » Ne peut-on voir là quelque chose
comme une leçon donnée aux hommes du XIIIe siècle par l'un de leurs
contemporains ? Leçon qui aurait déjà traversé les temps et deviendrait
avertissement pour nous, gens du XXIe ?
» Je ne vous dirai rien des péripéties qui vous attendent dans Rolandin
; seulement qu'il y est question d'amour, de fidélité, d'honneur, de
respect, de lignage, de bravoure, de récompense et de pardon, entre
autres choses. Aucun de ces mots, bien sûr, ne figure dans le “glossaire
des termes désuets” que Rémi Usseil a établi en fin de volume. Mais il
n'est pas impossible que, si on venait à rééditer Rolandin d'ici
quelques lustres, il faudrait songer à les y introduire. En attendant
ces temps barbares, piquons droit sur l'Italie de Roland ! »
À
la relecture, je me dis que j'aurais pu faire plus et mieux, notamment
mettre davantage en relief le tour de force (à mes yeux) accompli par
Rémi en créant son narrateur. Et magnifier davantage son style, qui me
semble grandir d'un livre à l'autre, gagner en fluidité, en miroitements
divers, presque en grâce. Mais enfin…
– Je comptais
fermement recevoir aujourd'hui (Doña Amazonia s'y était engagée !) le
volume Quarto commandé hier et contenant huit ou dix romans de Modiano.
J'en ai lu un, peut-être deux, voi là près de 40 ans, dont je ne garde
aucun souvenir, pas même celui de les avoir aimés ou non. L'existence de
ce volume était une excellente occasion de s'y plonger pour de bon.
Hélas, il m'a fait faux bond. Pour tromper l'attente – seulement jusqu'à
demain, je l'espère –, j'ai repris le Proust et Céleste de Christian Péchenard, savoureux et souvent moins frivole que l'air qu'il se donne.
Lundi 27 novembre
Sept heures vingt. –
Je suis très heureux d'avoir eu l'idée de revoir l'irremplaçable
documentaire consacré par Roger Stéphane à Proust en 1961. C'est à la
fois une grand bonheur et une réelle souffrance : bonheur d'entendre
parler par tous les intervenants (y compris Céleste Albaret, pourtant
inculte) un français admirable, souffrance de devoir mesurer la distance
qui nous sépare d'eux, la profondeur du gouffre que nous avons
dégringolé en un demi-siècle, et qui n'est évidemment pas remontable.
Et, au bout de ces cinquante et quelques minutes, je me suis retrouvé,
comme les fois précédentes, avec des larmes plein les yeux en écoutant
Céleste raconter l'agonie et la mort de Proust. Ce qui m'a prouvé à
nouveau qu'on pouvait en même temps se sentir très triste et très con.
–
Modiano, qui aurait dû être ici vendredi matin, n'est toujours pas
arrivé. Mais, au moins, je sais pourquoi et ne m'en inquiète donc plus.
En allant consulter mon “historique de commandes”, j'ai pu constater
qu'Amazon avait choisi de m'envoyer ce livre, non par un service privé,
du genre Fed Ex, mais par Chronopost. Or, désormais, la Poste fonctionne
à peu près aussi bien que n'importe quel service administratif dans un
pays arabe, voire pis. Il est donc tout à fait normal que je n'ai
toujours rien vu arriver, cinq jours après l'expédition. Je ne sais pas
où est le dépôt d'Amazon, mais je suis prêt à parier que, vivant au
XVIIIe siècle, le courrier à cheval m'aurait apporté plus rapidement le
dernier ouvrage de Voltaire.
Mercredi 29 novembre
Sept heures dix. –
Modiano n'étant toujours pas arrivé hier (ni aujourd'hui d'ailleurs),
j'ai annulé ma commande auprès d'Amazon, qui m'a remboursé sans
discussion. Parlant de ce petit problème (pardon : souci) avec notre
habituelle factrice, je me suis entendu répondre que cela n'avait rien
d'étonnant. D'après elle, si le livreur chronopost n'a pas changé, il a
pris pour habitude, pour gagner du temps sur sa tournée, imagine-t-on,
de déposer les colis, voire de les lancer, devant les portails, plutôt
que de prendre la peine d'ouvrir les boîtes aux lettres pour les y
mettre. « Et le pire, c'est qu'il se trompe régulièrement dans les
adresses et dépose les paquets dans les mauvaises maisons : après, c'est
moi qui les récupère pour les rendre aux vraies gens. » Effectivement,
ces derniers mois, il m'est arrivé deux fois de retrouver un paquet
Amazon devant notre portail. Coup de chance : il ne pleuvait pas ces
jours-là.
Celui qui n'a pas à se plaindre du
contretemps, c'est ce bon Valery Larbaud puisque, en panne de lecture,
j'ai ressorti son volume Pléiade de son étagère et suis actuellement
occupé à relire Jaune bleu blanc. D'autre part, j'ai commandé
tout à l'heure deux livres de Ramon Gomez de la Serna (et merde pour ses
accents toniques !), dont je n'ai jamais lu la moindre ligne – ou alors
j'ai oublié. Il y a aussi Blasco Ibañez, dont j'ignore tout : il
faudrait un peu aller voir de son côté.
– Demain,
déjeuner chez Michel et Agnès Desgranges. (À citer le prénom masculin
avant le féminin, il ne faudra pas que je vienne pleurnicher si je me
retrouve avec les crocs bavants d'une chienne de garde quelconque
plantés dans le mollet !)
Un poil plus tard. – Je viens de commander Arènes sanglantes (édition Calmann-Lévy, 1910) de l'Ibañez en question.
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