jeudi 30 juillet 2015

Juin 2015












LES RUSES DU GRAND CAHIER









Lundi 1er juin

Sept heures vingt. – J'ai manqué la fin de mai, hier. La faute en revient à la fête des Mères, laquelle nous a conduits à aller déjeuner chez la mienne ; pour ce faire, j'ai enduré les deux trajets sous une pluie continuelle, et parfois battante, dont je me suis récompensé par un modeste apéritif, lequel, fatigue aidant, m'a envoyé au lit avant que j'ai eu le temps de dire ouf ! D'un autre côté, je n'avais aucune raison sérieuse de dire ouf ! Néanmoins, pas de journal hier.

– Juin n'a pas mieux commencé, puisque je n'ai pas écrit la moindre ligne dans le Grand Cahier (formule figée et un peu stupide, puisque je travaille désormais à l'ordinateur directement). Coup de chance, Catherine a oublié de me poser sa rituelle question : « Alors ? T'en as écrit combien aujourd'hui ? », ce qui m'a évité de lui mentir éhontément.

– Demain, elle m'accompagne à Levallois, où nous avons tous les deux, l'un derrière l'autre, rendez-vous chez notre oculiste habituel. Ensuite, je serai dispensé de trajets durant deux semaines, Philippe B. m'ayant demandé d'écrire huit longs articles pour un FD “hors série” devant paraître fin juin, en me spécifiant que je pourrais faire tout ce travail chez moi. Il a fort bien compris que ne pas bouger de la maison est ce qui, désormais, m'importe le plus ; il m'accorde donc généreusement cette possibilité, ce qui lui évite d'avoir à me payer en plus. Bref, tout le monde est content, dans la mesure où j'ai effectivement moins besoin d'argent que de paix.


Mercredi 3 juin

Sept heures cinq. – Je m'étais, hier, fixé un emploi du temps pour les douze jours à venir, à compter d'aujourd'hui : écriture “Grand Cahier” de dix heures à midi (à peu près…), pause de midi à deux heures, article pour FD à partir de deux heures. J'ai bien entendu commencé par ne pas m'y tenir aujourd'hui, en tout cas à ne m'y tenir qu'à demi : si j'ai effectivement travaillé “pour moi” à partir de neuf heures, et jusqu'à onze heures et demie, je n'ai pas eu le courage de revenir devant ce clavier après le déjeuner. Du reste, c'est un courage que je n'ai à peu près plus jamais, mieux vaut en tenir compte. Donc, à compter de demain, ce sera : Grand Cahier de neuf à onze, pause café rapide et enchaînement direct sur FD ; de façon à ce que toutes mes écritures soient terminées au moment de déjeuner. Après, sieste et lecture jusqu'au repas de Bergotte.

– En ayant terminé avec Morand (Londres et Le Nouveau Londres), au moins provisoirement, je suis revenu aux Origines de la France contemporaine et j'ai également ressorti de son étagère le Journal des Goncourt.


Jeudi 4 juin

Sept heures cinq. – Grosse grisaille ce matin, au réveil ; non dehors, où le temps était superbe et l'est resté, mais dedans : je me suis levé avec la certitude assez déprimante que je n'allais rien faire de ce que je devais, ni pour moi, ni pour FD ; c'était une certitude, et une certitude peu agréable. Or, quatre ou cinq heures plus tard, j'avais écrit sept mille signes de Grand Cahier, puis, quasiment de la même main, exhumé puis renterré C. Jérôme en un peu moins de dix mille signes. J'en étais moi-même tout ébahi, presque incrédule. Sur ce, je suis retourné à Taine et aux Goncourt.

– À propos des Goncourt, justement, j'ai lu souvent – et encore dernièrement sous la plume de Morand ou de Chardonne, je ne sais plus – que le vrai écrivain des deux était Jules et que le Journal baissait beaucoup de qualité après sa mort, n'étant plus ensuite qu'une collection de ragots. Eh bien, je me trouve d'un avis exactement inverse : Jules “fait l'écrivain”, il place des morceaux, il se contemple écrire ; de ce fait, il devient assez vite pénible. Tandis qu'Edmond est beaucoup plus naturel, même s'il l'est bien moins que Léautaud ne le sera quelques années plus tard. Et puis, quoi : les ragots forment une part importante de ce qui fait l'intérêt d'un journal d'écrivain. Du reste, Jules aussi ragote ; mais il en profite pour faire du style, ce qui est agaçant.

– Pour ce qui concerne le roman, J'ai introduit ce matin deux nouveaux personnages, à savoir les parents de Tosca, mon adolescente. Ils sont amusants à “faire” mais pas très faciles. Ce sont des bourgeois de gauche à la mode d'aujourd'hui, de gauche sociétale, mais qui, au fond, trouvent plutôt saumâtre que leur fille leur ramène un Arabe fils d'épicier ; chose que, dans leur discours, ils sont évidemment obligés de trouver très bien. La difficulté consiste à montrer cet écartèlement, à faire en sorte qu'il soit comique, mais sans tomber dans la caricature, ni la charge. Je ne suis pas sûr d'y parvenir.


Vendredi 5 juin

Sept heures dix. – J'ai raté une marche sur les deux prévues de gravir. J'ai bien écrit sept mille signes de Grand Cahier, entre neuf heures et onze heures (le chapitre, si je maintiens le rythme, devrait être fini dans trois ou quatre jours ; mettons cinq) ; mais, ensuite, après une pause consacrée à la lecture, puis une autre au déjeuner, quand je suis revenu dans la Case, il y faisait bien trop chaud déjà pour envisager de pelleter de la terre. Or, comme je l'ai fait hier pour C. Jérôme, je devais déterrer puis réinhumer ce présentateur de télévision tout à fait anodin nommé Patrick Roy, tué par le cancer des os à 40 ans, voilà 23 ans. Ce sera pour demain.

Quant aux feuillets du GC écrits hier et ce matin, je suppose qu'ils doivent être mauvais, ou au moins sans intérêt, puisque je les ai écrits sans difficulté et même avec un certain plaisir. Attendons le verdict de Michel Desgranges, d'ici une semaine.

– Depuis environ une heure et demie il tonne par intermittence et le vent souffle ; mais l'orage semble passer plus au sud.

– J'ai abandonné Taine à l'entrée de la Révolution, quelques semaines après la prise de la Bastille, pour passer à Tocqueville, que je n'ai jamais lu, bien que possédant ses deux ouvrages les plus connus depuis environ 20 ans. J'ai évidemment commencé par celui qu'il consacre à l'Ancien Régime et à la Révolution.


Samedi 6 juin

Sept heures et quart. – Le gros rhume que Catherine a attrapé dimanche dernier chez ma mère, sans doute par le truchement d'Olivier (allez, on balance !), elle me l'a gentiment repassé hier. Depuis, je me traîne un peu misérablement. (Il faut tout de même arriver à la soixantaine pour se voir à demi abattu par un rhume : trop la honte…). J'ai tout de même réussi, ce matin, à allonger le Grand Cahier de quatre mille signes, puis à en écrire dix mille sur un animateur de télévision, mort depuis quatre lustres et demi. Ensuite, j'ai mollement flâné dans le Journal des Goncourt, sautant directement de 1865 à 1870, année de la mort de Jules ; je puis donc confirmer ce que je disais il y a deux ou trois jours : la partie Edmond est bien meilleure, contrairement à ce qui se prétend çà ou là.


Dimanche 7 juin

Sept heures vingt. – Ce matin, levé avec une vague fièvre, je me suis dit que je n'allais probablement rien faire aujourd'hui. En foi de quoi, j'ai écrit 6500 signes de Grand Cahier, puis 9000 de Balavoine. Pour les feuillets personnels, qui se sont écrits en un rien de temps, j'ai peur qu'ils ne vaillent pas plus que ce rien ; quant à l'article pour le hors-série, je crois bien avoir bâclé un peu la fin, tant j'étais horripilé de devoir tresser des louanges à ce petit con, génial précurseur de nos mutins de Panurge actuels, les habitués du plateau de Ruquier. Cela étant, comme je le disais à Corto en commentaire de ce billet, il y a tout de même un certain plaisir à cet exercice (mais 9000 signes c'est vraiment trop…) ; pour s'amuser un peu, il suffit d'outrer le dithyrambe en le faisant porter précisément sur les points qui rendent l'individu détestable. Ici, par exemple, parler de la voix aux intonations enchanteresses, des mélodies raffinées et envoûtantes, des textes d'une grande qualité poétique et révélant une conscience profonde de la misère humaine, ou encore de la sublime générosité pétrie d'humanisme du guignol : quelque chose comme cela. Personne, parmi vos lecteurs, ne repérera la moquerie, mais vous, vous aurez souri en l'écrivant ; et vos amis aussi, si par hasard ils tombent dessus.


Lundi 8 juin

Cinq heures. –  Les derniers dix mille signes du chapitre VII ont été écrits aujourd'hui, le chapitre relu et corrigé dans la foulée (je suis toujours très inquiet du peu de corrections que je fais dans ces moments-là : comme si je me faisais relire par un aveugle ou un idiot…). Finalement (ou bizarrement, comme dirait Jonathan), je ne le trouve pas si mauvais ; en tout cas, moins pire que ne me le représentaient mes appréhensions. On verra ce qu'en dit Catherine, qui est occupée à le lire en ce moment même ; c'est d'ailleurs pour cette raison que je me suis réfugié dans la Case : je supporte difficilement de rester près d'elle lorsqu'elle me lit ; je passe mon temps à épier le moindre signe sur son visage, ou, pis, l'absence de signe. Et si, par simple coïncidence, elle réprime un bâillement en cours de lecture, là, je dois me retenir pour ne pas filer me pendre. Après cela, même si elle s'en dit satisfaite, j'aurai toujours, au-dessus de ma tête, l'épée michelo-damoclétienne ; je pense que, si l'avis de Catherine est favorable, je lui enverrai, à Michel Desgranges, le chapitre en “doc joint” dès ce soir. (Ce que je dis est idiot : même si Catherine émet des réserves, il faudra pourtant bien que Michel le lise !).

À présent, me voici au pied du mur de l'avant-dernier chapitre, celui qui m'excite et me terrifie tout en même temps, quasiment depuis le début : le tête à tête de Jonathan et de H. Bizarrement, le dernier chapitre, lui, ne m'a jamais inquiété le moins du monde. S'il se trouve, ce sera le plus difficile à écrire, il n'y a pas moyen de savoir, aucune certitude possible. Mais, au moins, il aura l'immense et reposant avantage d'être le dernier. Du reste, ce que je dis est incomplet : le chapitre V aussi me faisait très peur (celui du retour d'Evremont dans la maison familiale) ; finalement, je n'ai pas eu trop de misère à l'écrire et je ne crois pas qu'il soit le plus mauvais.

– Quant à Philippe B., mon distingué directeur, il s'est déclaré très content des deux articles que je lui ai envoyés ce matin, le Balavoine et le Patrick Roy. C'est toujours ça de pris.


Mardi 9 juin

 Sept heures. – Pas grand-chose à noter (et même rien, en vérité) pour cette journée post-apéritive : lecture paresseuse, longue sieste, aucun travail. Si, tout de même, ce matin, j'ai tracé une ébauche de plan pour le chapitre VIII ; auquel je devrais bien me mettre demain, ainsi qu'à Lady Diana, cette princesse bidon qui me sort par les yeux, depuis trente ans que j'en bouffe.

– J'ai envoyé dès hier soir le chapitre VII – à propos duquel Catherine n'a trouvé que des compliments à me faire – à Michel Desgranges, qui m'en a accusé réception dans la matinée, mais ne semble pas encore l'avoir lu. Ou alors, il ne sait trop comment me dire à quel point il le trouve raté. Quoique, pour la première version du VI, il avait parfaitement su.


Jeudi 11 juin

Sept heures dix. – Il était donc prévu que je commençasse le chapitre VIII ce matin. Comme il me restait, d'hier, trois ou quatre mille signes de Lady Di à expédier, et que cela me polluait l'esprit, je me suis d'abord débarrassé de ceux-ci. Après, il a commencé à faire chaud et, Catherine étant absente, c'était à moi de vider le lave-vaisselle. Quand elle est rentrée, et que je lui ai, à sa demande, annoncé un feuillet écrit, elle a eu l'air de trouver ça bien maigre ; c'était encore énorme par rapport au rien qui était la réalité. Pourtant, contre toute attente, passant cet après-midi devant ce clavier, j'ai tout de même écrit les trois premières phrases, terrassant ainsi les sortilèges de l'écran blanc. Et réduisant mon piteux mensonge à la moitié de lui-même. Demain, je vais tâcher d'arrêter les conneries.

(Il y a aussi que Michel Desgranges ne m'a toujours donné aucune nouvelle du VII : j'ai beau faire le malin, ça m'agace tout de même un peu les gencives, de ne pas savoir…)


Vendredi 12 juin

Sept heures dix. – Tout à l'heure, continuant de lire “en pointillé” le journal d'Edmond, il m'est soudain venu à l'esprit que si, par miracle, je pouvais me retrouver face à mes personnages en chair et en os, il n'y en a pas un parmi eux avec qui j'aurais envie d'aller dîner, ni même prendre un verre en terrasse. Sur le moment, ça m'a un peu inquiété. Sur ce, je reviens devant cet ordinateur, et c'est pour trouver dans ma boitamel un message de Michel Desgranges, me disant que le chapitre VII lui a plu, qu'il l'a trouvé “fort bien construit et mené” ; ce qui va m'inciter à me lancer à corps perdu dans le VIII, chose que je n'ai encore pas faite ce matin, malgré l'assurance que j'en ai donné à Catherine. J'aimerais beaucoup réussir à le terminer en dix jours, à raison de six ou sept mille signes chaque matin ; ainsi, il me resterait trois semaines pour le grand final (avec épilogue éventuel), car je tiens beaucoup à avoir tout terminé pour la dernière semaine de juillet, lorsque vont débarquer Adeline et ses enfants, puis que je vais rester tout seul ici durant plusieurs jours. Ensuite, je filerai chez Michel, qui, n'ayant plus la crainte de me voir abandonner le livre, va pouvoir, cette fois, me déballer tout ce qui, à son avis, ne va pas. Je n'ai pas hâte d'y être.


Dimanche 14 juin

Une heure et demie. – Jeudi, on s'en souvient, j'avais annoncé à Catherine un feuillet de roman écrit, alors que j'avais péniblement tracé les deux lignes de l'incipit. Vendredi, ayant écrit encore moins, c'est-à-dire rien, je lui avait lâchement annoncé deux feuillets. Hier soir, devant la télé, en attente de film, quand elle m'a posé la question traditionnelle, j'ai répondu : trois. Or, c'était de nouveau un mensonge, puisque, depuis le matin, j'avais écrit six feuillets. Et voilà comment, en additionnant deux mensonges éhontés et un mensonge tactique, on obtient une indubitable vérité.

– Commencé hier à lire Ni Marx ni Jésus : remarquable, en dépit de l'éloignement provoqué par le temps passé depuis sa parution.


Mercredi 17 juin

Quatre heures. – La machine à feuillets s'est brusquement emballée : depuis mon dernier passage ici, c'est-à-dire en deux jours et demi, j'ai écrit environ trente cinq mille signes, et me voilà rendu à peu près aux deux tiers, voire aux trois quarts de ce chapitre VIII. De plus, j'ai tracé le plan (vague, le plan…) du IX et dernier. Le chapitre actuel sera terminé demain, après-demain au plus tard. Si bien que je devrais pouvoir arriver au bout du roman aux alentours du 15 juillet : une chose que je n'aurais même pas osé espérer il y a encore une semaine. Reste à savoir si cette brusque accélération de la production n'est pas le signe d'un bâclage, certes inconscient, mais néanmoins dommageable.


Jeudi 18 juin

Cinq heures et demie. – Chapitre VIII terminé (65 000 signes) ; apéritif en vue.


Vendredi 19 juin

Trois heures et demie. – J'ai trouvé, hier soir, pendant le traditionnel apéritif de fin de chapitre, le sujet d'un roman prochain. Plus exactement, je l'avais déjà trouvé avant, mais, hier, pour Catherine, je l'ai bien développé. Je ne le noterai pas ici car, en bon auteur que me voilà devenu, j'ai tendance à développer une certaine paranoïa à propos des sujets que je trouve, et que le monde entier, me les enviant évidemment, ne rêve que de me voler. Roman plus ambitieux que l'actuel (dont je ne donne pas le titre non plus…), donc plus difficile à faire, et qui nécessitera un gros travail “en amont” : il n'a une mince chance d'être mené à bien que si je m'appuie sur un plan fourni, détaillé et sans failles.


Samedi 20 juin

Sept heures. – En relisant mon journal de mai (la publication s'en vient…), je me suis aperçu que j'avais déjà parlé du sujet de roman auquel je faisais allusion hier. M'enfonçant dans ma paranoïa, je l'ai aussitôt supprimé.

– La tradition aura donc été maintenue jusqu'au bout : alors que je comptais fermement commencer l'ultime chapitre ce matin, je n'en ai rien fait; et non plus cet après-midi. Ce sera pour demain. À la place, je me suis repu de Revel : fin des Plats de saison ce matin et La Grande Parade ensuite. Sa mise à plat de la mauvaise foi et du déni des communistes (mais aussi des socialistes) quant à la nature intrinsèquement mauvaise, pour ne pas dire maléfique, du communisme, est des plus réjouissante ; et implacable pour eux. Heureusement, ils continuent à ne s'apercevoir de rien.


Dimanche 21 juin

Sept heures et demie. – Le chapitre IX est lancé, et il l'a même été assez loin, puisque me voilà ce soir avec 12 000 signes écrits. En complément de ce programme déjà satisfaisant, un court mail de Michel Desgranges, pour me dire qu'il trouve très bon le précédent, à l'exception du premier paragraphe, ce qui devrait pouvoir s'arranger assez facilement ; mais on verra ça au moment de la relecture générale.


Mardi 23 juin

Sept heures vingt. – Je supporte de moins en moins cette obligation qui m'est faite, de me rendre à Levallois les mardis et mercredis. Ne serait-ce, en ce moment du moins, parce que cela m'empêche de faire avancer le roman, et que j'en conçois ensuite une sourde irritation ; laquelle, bien que ne pouvant se diriger contre personne en particulier, n'en est pas moins fort agissante. Je compte, demain, prendre la route avant sept heures, de façon à être à FD peu après huit heures : j'y trouverai la rédaction vide et silencieuse (à part la femme de ménage, mais elle n'est pas bien gênante, la pauvre), ce qui me permettra, je l'espère, de faire avancer ce maudit chapitre (mais pourquoi maudit ? Il ne l'est pas plus que les précédents; plutôt moins même), lequel a été augmenté de sept mille signes hier mais de rien du tout aujourd'hui. J'aimerais beaucoup en avoir terminé avec lui à la fin de la semaine prochaine, soit vers les 4 ou 5 juillet. Ensuite l'épilogue ne devrait pas me prendre plus de deux ou trois jours : tout serait ainsi bouclé aux environs du 10.

– On répète que les chats adorent le soleil. On devrait plutôt dire que la plupart des chats aime le soleil : Boulou, lui, se couche systématiquement à l'ombre. Et ce ne peut être un hasard puisque, lorsqu'il se trouve par exemple au pied d'un massif, ou sous la petite table qui est sur la terrasse, il se déplace à mesure que le soleil tourne, de façon à toujours demeurer à l'ombre.


Samedi 27 juin

Quatre heures. – Diable ! je ne pensais pas être resté si longtemps sans venir ici. Je pense même que cela ne m'est jamais arrivé, depuis que j'ai commencé de tenir régulièrement ce journal, en octobre 2009. Enfin, il faudrait vérifier, et je n'en ai nulle envie.

– Le chapitre IX a subi ce matin un sort inattendu, qui lui vaut de s'être fini prématurément. Il a fort bien marché mercredi, jeudi et hier : 12 à 13 000 signes pour chacune de ces trois journées. Mercredi, étant arrivé à Levallois vers huit heures, et nul “repiquage” n'étant survenu, j'ai passé l'essentiel de la matinée à y travailler ; et, les deux jours suivants, une bonne partie du temps que me laissait les articles à faire pour FD. Bref, ce matin, j'en étais rendu à peu près aux deux tiers, peut-être un peu moins, c'est impossible à dire. Or, j'avais déjà dépassé les cinquante mille signes. Cela ne m'inquiétait pas, mais enfin, les autres font tous (sauf le II, un peu plus long), entre 55 et 65 000 signes. Je reprends donc au milieu de la scène où je m'étais arrêté la veille, écris trois ou quatre mille signes et m'interromps pour aller boire une tasse de café. C'est alors qu'il m'est apparu d'un coup et très nettement, que ce chapitre final – si on ne compte pas l'épilogue – devait être scindé en deux, et qu'il devait l'être précisément à la fin de la scène qui était en train de s'écrire ; c'est ce qui a été fait environ une heure plus tard. Du coup, j'ai occupé la suite du temps à le relire entièrement et à le corriger, avant de le faire lire à Catherine, puis de l'envoyer en “doc joint” à Michel Desgranges, dans l'espoir d'un enthousiaste nihil obstat. Michel Desgranges que, par ailleurs, j'irai visiter en ses terres le 16 juillet, c'est-à-dire quand le roman sera entièrement terminé par moi et lu par lui, de façon à ce que nous puissions passer aux critiques dont je ne doute pas qu'il en a gardé toute une batterie sous le coude.

Je ne sais pas si j'ai déjà noté ceci, que l'approche de la conclusion de ces presque huit mois d'écriture me jette dans des sentiments contradictoires, qui ont tendance à s'exacerber à mesure des jours. D'une part l'envie d'en avoir terminé ; car même si les inquiétudes des mois précédents ont fini par s'estomper fortement, elles n'ont pas tout à fait disparu ; et, de leur fait, je ne serai totalement sûr d'avoir écrit un roman, de l'avoir mené à bien, que quand le dernier mot en aura été écrit (mot que je connais, d'ailleurs, et depuis déjà un bon moment). D'autre part, je me suis mis dans l'idée que, le lendemain de ce jour-là, peut-être le soir même, au moment du rituel apéritif de fin de chapitre, j'allais éprouver une grande et désagréable sensation de vide ; ce qui fait qu'à l'envie d'en avoir fini vient se mêler la tentation contraire, celle de prolonger le roman, c'est-à-dire, en pratique, d'en ralentir le débit. Jusqu'à aujourd'hui, heureusement, c'est la première tendance, celle de l'accélération, qui semble vouloir l'emporter.

Il n'empêche que je n'aurai commencé à me sentir un peu à l'aise dans ce livre qu'à partir du chapitre VIII, c'est-à-dire à plus des trois-quarts. Et je me demande si, dans l'éventualité assez peu probable où je me lancerais dans un autre roman après celui-ci, je serais condamné à repasser par les mêmes doutes et interrogations paralysants.


Dimanche 28 juin

Dix heures du matin. – Plus j'y réfléchis et plus je pense que j'ai eu raison de scinder le dernier chapitre. (Ce qui revient à m'approuver moi-même : la belle affaire !) Il y a bien sûr la question de la longueur du chapitre initialement prévu, comme je le notais hier. Mais la raison essentielle, qui m'est apparue après avoir pris la décision de la scission, est une question de tonalité. Il me semble que, à partir du moment où l'on a choisi de diviser un roman en chapitres, chacun de ceux-ci doit avoir sa tonalité propre, un peu comme des morceaux de musique autonomes, même si l'analogie est sans doute un peu scabreuse. C'est-à-dire – poursuivons-la, cette analogie –, que le chapitre doit se terminer sur la même note qui l'a commencé. Or, j'ai attaqué le IX sur Charlie, ce qui signifie que la tonalité est optimiste, joyeuse, tendue vers l'avenir (même si, à ce moment précis, le personnage est grognon…) ; il était donc bien meilleur de le terminer également sur lui, pour retrouver cette note, et de la retrouver amplifiée, magnifiée, éclatante. À l'inverse, je vais commencer le suivant avec Jonathan, c'est-à-dire sur une note sombre, grise, pessimiste si je puis dire ; ce qui doit être également la tonalité de la fin du roman (hors épilogue). Je pense donc, par la scission, avoir gagné en cohérence, en plus d'avoir éviter le danger d'un chapitre obèse et un peu “fourre-tout”.

Je notais hier, comme en passant, que je connaissais déjà la dernière phrase de l'épilogue, c'est-à-dire du livre tout entier. C'est qu'elle doit retomber, elle, sur la “tonalité” de l'ensemble du roman, soit sur les tout premiers paragraphes du chapitre premier ; et c'est, je crois, ce qu'elle fait effectivement.

(Je suppose que je dois des excuses aux douze lecteurs de ce journal, lequel est sans doute, depuis quelque temps, de plus en plus ennuyeux à lire, dans la mesure où il n'y est plus guère question que de l'élaboration d'un roman dont ils ignorent tout. Mais comment faire autrement ? Un journal, il me semble, doit rendre compte de ce qui occupe et préoccupe son auteur ; c'est en tout cas ainsi que je vois et mène le mien depuis six ans. Par conséquent, je ne vois pas comment le roman et toutes les questions qu'il engendre pourraient ne pas envahir à peu près tout l'espace.)


Lundi 29 juin

Sept heures dix. – Mail de Michel Desgranges, à l'instant, pour me dire qu'il trouve mon chapitre IX excellent : tant mieux. Il me dit aussi qu'il aimerait bien voir Evremont “sortir de sa léthargie”. Diable ! Je reconnais que ce personnage, qui devait au départ dominer plus ou moins tous les autres, s'est trouvé être beaucoup plus statique que je ne le pensais. En fait, je crois que la visite à son père l'a complètement “tué”. Peut-être trop ? De toute façon, il est trop tard pour y remédier, si jamais il était ici question de remède.

J'ai commencé le chapitre X et dernier (à moins que celui-ci se scinde également…) ce matin : six mille signes. Sauf empêchement extérieur et fortuit, il sera fini à la fin de la semaine ; peut-être même l'épilogue à sa suite.


Mardi 30 juin

Sept heures dix. – Le mardi n'est décidément pas un jour propice à l'avancée des chantiers littéraires. Sachant que je vais devoir partir pour Levallois vers dix heures, je n'ai pas le goût de me mettre à l'établi avant cela ; sur place à partir d'onze heures, ça ne vaut pas le coup non plus, sachant que mes Puissances tutélaires vont me donner de quoi m'occuper d'une minute à l'autre ; ensuite, retour à la maison, je n'ai plus guère le courage de m'y plonger, surtout quand il fait approximativement 30° implacablement celsius dans la Case (qui, de ce fait, mérite plus que jamais son nom). On l'aura compris : je n'ai pas touché au chapitre X aujourd'hui. En revanche, tout comme la semaine dernière le IX, je compte l'emporter sous mon bras demain matin : ayant prévu d'arriver à Levallois entre sept heures et demie et huit heures, j'aurai tout le temps de m'y consacrer ; sauf en cas de “repiquage” inopiné, bien entendu.

– Philippe B., le Zeus de mon Olympe levalloisien, devant le succès du dernier “hors série” a décidé d'en faire immédiatement un second, et de me mettre à contribution pour le remplir de prose. Conséquence heureuse pour moi : je serai dispensé de me rendre à FD la semaine prochaine. L'été commence bien. Surtout si, comme je l'espère, j'en ai terminé avec le roman dimanche ou lundi.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.