mercredi 30 mai 2012

Avril 2012












 LES CIGARETTES EN CHOCOLAT












Dimanche 1er avril

Une heure et demie. – Catherine a eu l'excellente idée, sur les coups d'onze heures, d'emmener Élodie, Adeline et les deux enfants à ce que je crois avoir compris être une sorte de marché aux puces, à Gaillon ; en me disant qu'ils allaient probablement déjeuner sur place. Si bien que je me retrouve avec une plage de calme de quelques heures, au milieu du maelström de ce week-end. Hier soir, nous avons bu pas mal, mais moi beaucoup moins que les deux sœurs, dans la mesure où je suis allé me coucher relativement tôt, tandis qu'Élodie et Adeline ont continué, nous ont-elles dit ce matin, jusqu'à quatre heures de la nuit. Elle n'étaient pas folichonnes à voir, vers neuf heures et demie, lorsqu'elles sont sorties de la Case.

– Le soleil est revenu, mais il a gelé cette nuit : Catherine tremble pour son bonzaï, qu'elle avait imprudemment laissé dehors.


Mardi 3 avril

Sept heures vingt. – Du point de vue de ce journal, avril démarre petitement, comme on peut voir.  Hier, vers midi, appel de Rochechouart en vue de me confier un papier à écrire – travail que j'accepte il va s'en dire. Il m'envoie la documentation, j'en prends connaissance, le rappelle et nous définissons ensemble et rapidement l'angle de l'article. Pendant ce temps, le reste de la colonie de peuplement était parti depuis déjà un moment pour Giverny. Pensant les récupérer dans la demi-heure suivante, je n'ai pas jugé bon de me mettre au travail tout suite, sachant que j'allais immanquablement être interrompu. Or je ne l'ai pas été avant une heure et demie, si bien que j'aurais pu faire, sinon la totalité, du moins la première moitié du papier, qui est toujours, pour moi, la plus difficile – en tout cas lorsque j'écris pour Enquêtes.

Après notre rapide déjeuner, les deux enfants faisant leur sieste dans la Case, je n'ai pas voulu prendre le risque de les réveiller prématurément et j'ai donc sursis à ma tâche – avec un soupçon de mauvaise foi tout de même, car enfin mes doigts sur ce clavier ne produisent pas non plus un vacarme d'enfer. Je m'y suis donc mis à leur réveil, soit peu avant quatre heures, si j'ai bonne mémoire. Le problème est que, tout aussitôt, Adeline a commencé à rassembler sa montitude de bagages, ici même, ce qui m'a coupé toute possibilité de travail efficace. Et une fois que tout ce petit monde a été parti, eh bien mon Dieu, il était quasiment l'heure de l'inappréciable apéritif destiné à célébrer notre retour à une vie normale. J'ai donc décidé tout uniment – Rochechouart ayant eu l'imprudence de me dire qu'il n'était pas vraiment pressé – de remettre l'article à ce matin. Moyennant quoi j'ai également décidé de faire ce que jamais je ne fais en principe : prétexter une maladie strictement diplomatique pour ne pas aller à Levallois aujourd'hui. Comme ma conscience me titillait désagréablement, cependant, j'ai précisé à mon chef direct que, même si à moitié malade, je me sentais capable de lui écrire deux à trois feuillets, si toutefois il avait les moyens de m'envoyer la documentation par voie de mail (ce qui reste très difficile avec un livre à lire, par exemple…). C'est ce qui fut fait, et permit à ma conscience de se rendormir. L'article pour Rochechouart le fut également – pas rendormi : exécuté.

– Mais le feuilleton du week-end n'était pas terminé pour autant. Vers dix heures et demie, coup de téléphone d'Adeline. Pour dire à sa mère qu'en raison d'une grève des aiguilleurs, ai-je cru comprendre, elle n'avait pas pu partir hier soir pour Gérone, qu'elle avait passé la nuit à l'hôtel avec ses deux enfants, et qu'elle n'était même pas certaine de pouvoir partir par le vol de ce soir. À l'heure qu'il est, un petit aller-retour à Beauvais pour aller les récupérer nous pend d'ailleurs toujours au nez. Le pis est que Dame Adeline semble piquée de ce que sa mère ne soit pas allée passer la journée avec elle à l'aéroport, et que Catherine commence à culpabiliser de ne pas l'avoir fait. Comme, ce matin, considérant son état de fatigue, je lui ai fortement déconseillé d'y aller, lui représentant que cela ne servirait absolument à rien, sinon qu'à ajouter son ennui à celui de sa fille, je vois le moment où tout cela va retomber sur mes certes solides mais fatiguées épaules.

– Point positif toutefois : nous sommes repassé en mode “eau du robinet”.


Mercredi 4 avril

Sept heures vingt. – Trajet d'une heure trois quarts au lieu d'une, ce matin, un ou plusieurs imbéciles ayant jugé bon de faire un accident sur l'A 13 peu avant mon passage en ces lieux. Sortie de l'autoroute, décrochage par la banlieue, celle-ci rapidement engorgée par la multitude d'andouilles ayant eu à cœur de m'imiter dans mes initiatives, etc. : routine. Tout cela pour passer une matinée sans que l'on me donne le moindre travail.

– Heureusement, j'avais rendez-vous avec le docteur Triller, avenue Hoche, afin qu'il me débarrasse chirurgicalement du méchant bubon qui, de loin en loin, revient transformer mon postérieur en une mer de douleur. Ce fut fait en moins d'un quart d'heure et, pour l'instant, aucune conséquence pénible ne semble à déplorer. J'y retourne dans 20 jours pour ôter les fameux “fils”.

– Ce matin, constatant le vide de ma boitamel, j'ai commencé par me dire que Rochechouart avait dû trouver raté mon article d'hier – réflexe habituel chez moi. Puis, je me suis dit qu'il fallait que je cesse d'être aussi con, c'est-à-dire que je me fourre une bonne fois dans le crâne qu'il est mon patron, d'une certaine manière, et non ma nounou ni non plus ma cellule personnelle de soutien psychologique. Essayons d'adopter une fois pour toutes le sain principe du pigiste de base, qui veut que si le rédacteur en chef n'appelle pas pour se plaindre ou vous engueuler, c'est qu'il peut être considéré comme satisfait de votre pauvre production. (Mais immédiatement, la petite voix contre-attaque, en insinuant que, si jamais il ne rappelle pas non plus pour un autre article, ce sera bien parce qu'il ne devait pas l'être tant que cela, satisfait.)

– Adeline et ses deux enfants sont finalement arrivés chez eux, mais quasiment au milieu de la nuit. Leur avion a décollé de Beauvais à onze heures et cinquante-trois minutes, alors qu'aucun appareil ne peut plus quitter l'aéroport à partir de minuit. Il paraît que lorsque les passagers ont enfin pu monter dans l'appareil, les hôtesses, ou le personnel navigant, les ont pressés de s'asseoir absolument n'importe où, de ne pas se soucier de ranger leurs bagages à main, que l'on réglerait tout cela après, en vol ; l'important, l'urgent étant pour le moment de s'évader de ce foutu aéroport.

– Mon père, qui était pourtant aviateur de son métier, dans l'armée, a toujours dit aréoport au lieu d'aéroport, ce qui provoquait les moqueries de ma mère, puis les miennes lorsque j'ai été en âge de me moquer de mon père. Et voilà que, par deux fois en quelques lignes, je viens à mon tour de taper aréoport. Mon premier réflexe a été de me dire qu'il s'agissait là d'une simple faute de frappe, d'un stupide fourchement des doigts, et que je ne l'avais pas fait exprès. Mais c'est idiot et un peu vite s'exonérer : mon père non plus, à l'évidence, ne le fait pas exprès.

D'autre part, je connais des gens qui, à l'inverse, parlent d'aéropage… Aussi de chevaux carapaçonnés et de leurs cavaliers déguingandés. Dans le même ordre d'idée, j'ai eu, dans mon imbécile jeunesse, un professeur de théâtre (le terme était un peu grand pour le personnage) qui pensait qu'un malentendu s'appelait aussi un quipropos. Et comme je le corrigeais, du haut de mes 17 ou 18 ans d'alors, il s'était gentiment moqué de moi et de ma prétention à tout savoir mieux que les autres. Avant de venir à Canossa dès la semaine suivante, vérification ayant été faite par lui dans le dictionnaire.

– Demain, petite journée probable. Si tout se passe normalement, et je ne vois aucune raison pour que non, je vais arriver à FD vers onze heures pour en repartir entre deux et trois, lesté d'un travail que je rentrerai faire tranquillement ici, dans la Case, et qui me prendra une heure au grand maximum. Je sais qu'il est d'un usage presque réflexe, quand on est salarié, de se plaindre de ses conditions de travail (le salarié est dans la plainte comme les Gaulois sont dans la plaine…), mais je ne cesse, moi, de m'ébahir de ce qu'on puisse me consentir autant d'argent pour un travail si facile et aussi peu avide de mon temps. Si on me poussait un peu dans cette voie, je serais tout prêt à reconnaître que je suis à l'évidence trop payé. Mais comme la protestation vaine n'est pas dans ma nature, je garde mes réflexions pour moi.


Jeudi 5 avril

Six heures. – Je disais hier soir que je n'étais pas loin de m'estimer trop payé à FD : la journée d'aujourd'hui semble avoir été faite pour me conforter dans cette appréciation. Arrivé peu avant onze heures ce matin à Levallois, je me suis vu confier deux livres – peu importe lesquels – vers midi et demie. Ma mission : les lire et tirer au moins un sujet de chaque, tous deux prêts pour le bouclage de mardi soir. Conséquences sur mon emploi du temps : d'abord, je suis rentré immédiatement à la maison, afin d'y lire le premier livre au calme. Je viens de proposer mon sujet, lequel devra être écrit demain, sans que je sois tenu de bouger de chez moi bien entendu. Ensuite, je proposerai mon sujet pour le second livre lundi matin et l'écrirai lundi après-midi, ce qui représentera environ deux heures de travail, trois si je lis très lentement. Mais comme je ne suis pas censé, par contrat, travailler le lundi, mon bien aimé directeur me paiera une journée supplémentaire en pige – toujours pour rester chez moi. Du coup, j'ai décidé que cela méritait bien un petit apéritif ce soir.

– J'ai écrit ce matin (durant mon court temps de présence à FD…) une ébauche de billet sur le blog-mère, à propos de l'étonnant téléfilm de Bergman que j'ai vu hier soir, En présence d'un clown. En référence à ce titre étrange, j'ai conclu mes quelques paragraphes par une petite pirouette à propos de François Hollande, me disant que, sur dix commentaires, j'allais en avoir huit qui rebondiraient sur ce mini gag final et deux qui parleraient un peu de Bergman. Eh bien je me suis trompé : le rapport réel, à cette heure, est de dix pour zéro.


Vendredi 6 avril

Deux heures et demie. – Je suis bien aise de ne pas avoir eu à affronter l'autoroute A 13 aujourd'hui, premier jour du week-end pascal. Hier après-midi, je me suis donc attaqué au premier des deux livres que l'on m'a confiés à FD, avec l'espoir que je tire au moins un sujet de chaque. Il s'agit d'un volume de la désormais célèbre collection : “… pour les Nuls” ; dans ce cas précis, le sujet est Johnny Hallyday. En feuilletant, j'ai vite vu que c'était effectivement pour les nuls en Johnnyologie, c'est-à-dire pas pour les lectrices de FD. À la fin, l'auteur, Bernard Violet (le “biographe des stars”…), reproduit une série de trois entretiens qu'il a eus avec Hallyday en 2002 et 2003 ; entretiens qui semblent être passés directement du magnétophone au papier, sans le moindre travail d'élaboration, tant l'impression générale qui ressort de ces 55 pages est celle d'un innommable foutoir. Et, bien entendu, pas le moindre petit scoop à se mettre sous l'œil. Néanmoins, çà et là, au fil de ma lecture, il m'arrivait de tomber sur une phrase isolée que je trouvais intéressante – intéressante dans l'optique du travail que j'avais à faire, et non dans l'absolu, on s'en doute –, puis sur une autre, dix pages plus loin… À la troisième, j'ai commencé d'entrevoir le moyen de les relier entre elles, ces phrases ; un scénario s'est ébauché. À partir de là, il devenait plus facile d'en trouver d'autres qui pouvaient se rattacher à l'une quelconque des trois que j'avais déjà. Au total, je suis arrivé à six mini-anecdotes : autant de fils avec lesquels j'ai pensé pouvoir parvenir à broder un assez joli napperon. J'ai donc proposé à mes instances dirigeantes un article qui pourrait s'intituler quelque chose comme : Le Testament secret de Johnny. Philippe B. m'a répondu dans l'heure : non seulement le sujet lui agrée, mais il veut en faire le principal papier de “une” et, donc, il me demande un minimum de 7000 signes. Avec six phrases éparses comme matériau de construction. C'est faisable, bien entendu : presque tout est presque toujours faisable, en ce domaine. D'autant que, le thème central étant la mort, je vais pouvoir épaissir un peu mon brouet avec le rappel des événements de 2009 – 2010, lorsque le chanteur est vraiment passé à un demi-doigt de la grande pirouette. Comme personne ne s'attend (alors que j'aurais pu) à recevoir mon article suffisamment tôt pour pouvoir travailler dessus avant le départ en week-end, j'ai décidé de ne l'écrire que demain – lorsque les vapeurs de l'apéro d'hier s'en seront totalement allées de ma tête.

– Le deuxième livre est une sorte d'autobiographie de Dominique Cantien, où elle parle surtout des gens connus qu'elle a eu l'occasion de rencontrer. Ce devrait être plus facile.


Samedi 7 avril

Sept heures vingt. –  Journée assez agitée, en tout cas par rapport à un samedi de modèle courant. Quasiment dès le saut du lit, je me suis rué sur (traîné jusqu'à serait peut-être plus juste à la réflexion) cet ordinateur et, après avoir vérifié que le robinet d'eau tiède des blogs déversait bien son habituelle saumure, j'ai attaqué le papier Johnny sans presque d'échauffement. Pendant ce temps, un jeune jardinier s'occupait de désherber les deux massifs de plantations qui encadrent la descente de garage, et Catherine faisait bonne du curé, comme tous les samedis. Les 8000 signes furent écrits puis relus en deux heures, et je venais à peine d'envoyer le résultat de mes acrobaties à qui de droit quand Catherine est rentrée. Après un déjeuner rapide et une très courte pause somnolente, nous sommes partis pour le Super U. J'ai beau essayer de me souvenir, je n'arrive plus à comprendre à la suite de quel raisonnement fallacieux et probablement vicié à sa base nous en étions arrivés à la conclusion que je devais l'accompagner dans cette corvée, dans la mesure où il ne lui manquait qu'une douzaine d'articles et pas un seul qui pût embarrasser une musculature féminine de modèle courant. Au retour, après une nouvelle courte pause – elle aussi somnolente – il a bien fallu que je tondisse la pelouse, qui le réclamait avec une insistance de plus en plus gênante. Là-dessus, le temps de lire quelques pages de Toynbee et il était l'heure de dîner – enfin me voici.

– J'ai également commencé Extrêmement fort et incroyablement près, le deuxième roman de Jonathan Safran Foer. Mais comme je me suis arrêté à la page 17, nous en resterons là pour le moment.

– Demain, je vais me débarrasser de Dominique Cantien, mais n'enverrai le résultat que lundi en fin d'après-midi, dans la mesure où, ce même lundi de Pâques, on me paie une journée de travail supplémentaire rien que pour cela. D'un autre côté, que je le fasse dimanche ou lundi, c'est toujours travailler un jour férié. Mais enfin, respectons les formes.


Dimanche 8 avril

Trois heures et demie. – Catherine est remontée de Pacy ce matin avec le numéro du Magazine littéraire de ce mois-ci, dont le dossier est consacré à Virginia Woolf qu'elle aime énormément – moi aussi, mais elle davantage. Constatant que l'ensemble de l'œuvre romanesque  était désormais disponible dans la Pléiade (deux volumes), j'ai été à deux doigts de commander le coffret. Puis, dans un sursaut de raison, mettant en balance le prix (presque 150 €) et le fait que nous possédons déjà tous les romans en livres plus ou moins de poche, j'ai renoncé. La raison n'a tout de même pas été jusqu'à me faire abandonner les autres livres qui me tentaient : le Journal intégral (1915 – 1941), Le Commun des lecteurs (qui contient une étude sur Jane Austen : motif premier de l'achat) et Suis-je snob ? Bilan financier : une commande de 76 €, soit moitié moins que pour le coffret, et pour des textes encore jamais lus. Ah ! et j'ai oublié la biographie de Woolf par Viviane Forrester, mais dans sa version “poche”.

– Toujours au chapitre de la raison, je suis ce matin passé directement de la salle de bain au clavier, afin de me débarrasser des deux articles que je devais écrire à propos du livre de Dominique Cantien. Les quatre feuillets (c'est-à-dire 3 + 1) venaient tout juste d'être terminés lorsque Catherine est revenue de la messe de Pâques – avec Virginia Woolf, donc.

– J'ai tout de même trouvé le temps de lire une cinquantaine de pages (non, sans doute moins : il faut tenir compte de celles occupées par des photographies) du roman de Foer, écrivain que j'aime décidément, en dépit de certaines “gamineries” stylistiques ou de mise en page, lesquelles ne sont pas très gênantes mais seraient bien avisées de disparaître dans les prochains livres, si prochains livres il y a, ce que je souhaite pour ma part.

– J'avais tout à fait oublié notre petite escapade à Sedan, prévue en début de semaine prochaine (non, celle d'après, en fait), en même temps que ma sœur. Lorsque Catherine me l'a rappelée, je m'en suis trouvé tout réjoui.


Lundi 9 avril

Huit heures. – Désolé d'arriver si tard, cher journal, mais j'étais occupé sur le blog-mère. La lecture du chapitre que Toynbee consacre aux mécanismes des invasions barbares dans les empires agonisants m'a inspiré quelques analogies qui, pour être dénuées de toute pertinence historique, m'ont néanmoins paru suffisamment amusantes pour que j'y consacrasse quelques quarts d'heure.

– Depuis ce matin, le vent est redevenu raisonnable, c'est-à-dire qu'il souffle de l'ouest, apportant bourrasques et pluie avec lui.

– Journée presque vide, hormis la lecture. Donc, journée pleine.


Mardi 10 avril

Sept heures vingt. – Je viens ici poussé par la seule force de l'habitude, sans envie particulière d'y être ni d'y rien écrire. J'ai beau tourner et retourner cette journée dans mon immédiate mémoire, je ne lui trouve aucune aspérité à quoi me raccrocher ; comme si elle n'avait pas vraiment existé. Du reste, si à l'heure de notre mort on avait la capacité de retrancher toutes ces journées-là du compte global, on s'apercevrait que l'on meurt en général très jeune. Les journéants.

– Parce que, étrangement, j'avais oublié de me munir d'un livre ce matin, au moment de partir pour Levallois, j'ai relu quelques dizaines de pages de L'ignorance, de Kundera, simplement parce qu'il traînait là. Il n'est décidément pas plus romancier que moi (enfin, si, peut-être un peu plus quand même), mais on tombe çà et là sur des passages, les parties “essai” pour faire bref, où son intelligence et son acuité font merveille.

– Demain, lever à six heures et demie, départ à sept : je suis “de tonneau”…


Mercredi 11 avril

Neuf heures et demie (du matin…). – Il y a quelques minutes, je suis descendu au pied de l'immeuble afin d'y boire mon café en fumant une cigarette. Deux ou trois jeunes femmes faisaient la même chose, mais le téléphone portable vissé à l'oreille. Durant un temps bref mais avec une intensité forte, j'ai ressenti tout le bonheur qu'il pouvait y avoir à n'être pas joignable.

– Sinon, parti à sept heures de la maison, je suis arrivé ici à huit heures et quart et, depuis, je vaque à mes petites occupations personnelles, aucun travail ne semblant s'annoncer à l'horizon. Ce qui est dommage : ces matinées de “bouclage” passent beaucoup plus vite et plus agréablement lorsqu'il y en a, du travail. Mais évidemment on ne peut pas avoir un tueur islamiste toulousain tous les mercredis matins.

Sept heures et demie. – J'en aurais eu pour une heure, peut-être une et demie. Cet article concernant Jean-Pierre Pernaut, que j'écrirai demain matin (sans doute), il m'aurait pris une heure cet après-midi. Et puis non. Pas voulu, pas écru, pas fu. Mes yeux se sont fermés, juste devant cet écran, et j'ai décidé que le monde m'attendrait, n'est-ce pas ? C'est ce qu'il va faire.

– J'ai proposé un “petit” (c'était pour faire passer l'annonce) apéro à Catherine, lorsque je suis remonté de nourrir les chiens. Elle a dit oui, et nous l'avons pris.  Ce faisant, nous nous sommes mis à parler de ses parents – un peu de sa mère et beaucoup de son père, de mon oncle Serge. Je lui ai dit (elle le savait bien) que sa mère m'était une femme étrangère, alors que son père était réellement mon oncle, mais pas seulement.

Un jour, par hasard, cet oncle, qui au fond ne me connaissait pas (et la réciproque est vraie), a annoncé à mes parents que, comme tous les ans, il allait bivouaquer à la Ferté tel jour. Ma mère (Serge est le frère de mon père mais, chez nous, c'est ma mère qui règle les choses) lui a répondu qu'ils ne seraient pas là, mais leur imbécile de fils aîné, en revanche, oui.

Comme Serge ne souhaitait qu'une escale – un couvert et un lit –, il a débarqué tout de même, m'ayant, juste avant d'arriver, suggéré de nous réserver une table quelque part, ce que j'avais fait. Au Perron, le restaurant de la Ferté-Saint-Aubin à cette époque. Après un apéritif prolongé et massif dans le jardin de mes parents, nous nous retrouvâmes donc tous les deux dans ce restaurant solognot. Nous étions seuls, c'était en semaine. Cela ne nous a nullement empêchés de prendre nos aises, notre temps, quelques bouteilles. Je me souviens du personnel au garde-à-vous n'attendant que notre départ, et le père de Catherine commandant une “dernière bouteille” sans aucune gêne, parfaitement naturel, ce que, à l'époque, je n'aurais sans doute jamais osé faire.

Rentrés à la maison, je jouai les hôtes en lui proposant un “digestif”, bien certain qu'il allait dire non, car je pensais alors que tous les adultes, surtout ceux de ma famille, ressemblaient plus ou moins à mon père et, donc, se conformaient à ce que ma mère aurait souhaité qu'ils fussent : raisonnablement buveurs. Serge dit oui ; discutant, nous vidâmes la bouteille de whisky (qui était loin d'être pleine au début des hostilités, tout de même, mais également loin d'être vide…), parlant de choses et d'autres dont je n'ai plus le moindre souvenir. Lorsque le flacon fut asséché, je passai dans le salon (nous éclusions dans la cuisine) et ne trouvai rien d'autre qu'une demi-bouteille de gin, dont, avec ce recul de près de trente ans, je me demande encore comment elle avait atterri dans le bar très peu fourni de mon père, personne chez nous n'appréciant ce breuvage-là. Retour à la cuisine, j'annonçai à mon oncle qu'il ne restait plus que la boisson susnommée, bien certain cette fois qu'il allait mettre les pouces. (Car, les jeunes gens ne savent pas ce que sont les hommes d'âge.) Il accueillit la nouvelle avec ce sourire gourmand que je revois encore. Nous bûmes, sifflâmes, asséchâmes – et j'ai oublié de quelle manière nous réussîmes à monter l'escalier qui nous séparait des chambres. Le lendemain, lorsque je parvins à m'extraire de mon lit, Serge était déjà parti, à ma grande admiration.

Je venais de me faire un beau-père, et nul des parties intéressées n'en savait encore rien. Avant que Catherine ne croise mon chemin de façon définitive, Serge et moi, son père et son mari, avons eu quelques occasion supplémentaires de parfaire notre connaissance mutuelle. Et notamment, une fois, peu de temps après, sans doute ému de ce premier souvenir commun, il me demanda de lui faire visiter Orléans et ses environs, un autre jour où il devait faire escale chez mes parents.  Je l'emmenai à Saint-Benoît-sur-Loire (où le “gauchiste” que je croyais être encore aimait à venir humer les siècles de la France d'avant…) et à Germigny-des-Prés, petit village des bords de Loire dont l'église remonte, au moins pour son chœur, au IXe siècle et a été construite par l'évêque d'Orléans de l'époque, ami personnel de Charlemagne. Et soudain nous eûmes faim.


Jeudi 12 avril

Sept heures vingt. – Le village de Germigny, en sa place, offrait, outre l'église dont je parlais, deux bars-restaurants qui se faisaient face, comme c'est souvent le cas dans les villages de France. Nous en choisîmes un au hasard, aucun ne semblant devoir l'emporter de façon décisive sur l'autre, en tout cas pas dans son aspect extérieur. La salle de restaurant était à peu près carrée, assez grande, remplie de tables de quatre personnes, sagement alignées comme des pupitres d'anciens écoliers. Sur la plupart d'entre elles le couvert était déjà dressé, à même le plateau, avec verres “de cuisine” reposant à l'envers sur des serviettes en papier blanc. Au milieu de chacune de ces tables trônait un litre de vin rouge, de ce genre que l'on appelait avant des litres “à étoiles”. Le long du mur le plus éloigné de la porte qui séparait cette salle de la partie bar, trois tables alignées portaient des nappes et pas de couverts ; c'est là que nous installa une très vieille dame qui, ensuite, repartit vers les cuisines. Serge et moi nous décidâmes pour le bœuf bourguignon qui était le plat du jour, d'abord parce qu'il était le plat du jour et ensuite parce que c'était pratiquement le seul plat que Denise, notre mère et grand-mère, était capable de réussir, et même de réussir fort bien. Après les deux premières bouchées, nous convînmes que celui qu'on venait de nous servir lui était encore bien supérieur et que c'était sans doute l'un des meilleurs plats qu'il nous avait été donné de goûter dans nos existences inégales.

Pour digérer, ensuite, nous allâmes arpenter quelque peu les rues du vieil Orléans, mais l'enthousiasme n'y était plus, la digestion faisait son effet. Je me souviens tout de même être entré à la librairie Jeanne-d'Arc, presque en face de la cathédrale (la plus laide de France, selon Proust qui a fait son service militaire à Orléans), pour y acheter le second volume du De Gaulle de Lacouture, que je guettais avec impatience depuis plusieurs semaines déjà et qui était finalement sorti ce jour-là. Si bien que, rouvrant à l'instant le volume en question, je puis dater cet épisode à l'automne 1985, soit octobre – date de l'achevé d'imprimer – soit novembre. C'est-à-dire entre trois et six semaines avant la mort de Bernalin et moins de trois mois après celle de Denise dont je viens de parler.

À la suite de cette journée passée ensemble, j'ai fait deux ou trois visites à Serge, chez lui, à Candas dans la Somme, avant qu'il ne se transforme brusquement en beau-père, vers la fin de l'année 1990.

– Me voilà en vacances pour une douzaine de jours. Enfin, pas tout à fait encore, puisqu'il me reste à écrire demain un article de trois feuillets pour FD, ce qui devrait m'occuper une petite heure tout au plus. Mardi, nous partons pour Sedan, par le chemin des… non, pas “des écoliers”, ce serait stupide et fort long, disons par celui des automobilistes qui ne supportent plus de traverser la région parisienne en même temps que cent mille autres crétins motorisés. Donc : Vernon, Beauvais, Compiègne, Soissons, Rethel (arrêt boudin blanc…), Charleville et Sedan. Isabelle sera elle aussi chez mes parents – je crois l'avoir déjà noté ici –, ce qui me fait bien plaisir : ce n'est pas si souvent que nous avons l'occasion de nous retrouver ensemble chez nos parents. C'est du reste parce qu'elle sera là que nous n'irons pas voir Yanka en Belgique : manque de temps probable. Néanmoins, il faudrait que je pense à emporter tout de même son numéro de téléphone, au cas où nous changerions d'avis. Au retour, je compte nous faire passer, pour varier un peu les découvertes, par Noyon et Montcornet, où nous rendrons un discret hommage mental au général de Gaulle (décidément…), dans la mesure où l'une des très rares victoires de l'armée française, en mai 40, fut remportée en ce village et par lui (qui n'était encore, mais pour peu de temps, que colonel).

– Du fauteuil où je me trouve, ici, dans la Case, je puis voir la voisine “de derrière” occupée à allumer son barbecue. Elle se pense en été ?


Vendredi 13 avril

Six heures et demie. – Me voilà seul pour la soirée, Catherine étant partie pour je ne sais déjà plus quelle conférence à caractère religieux. En fait, non, pas seulement : je me souviens que la conférence en question doit commencer à huit heures et demie. Mais alors, pourquoi devait-elle être à Pacy à six heures ? Et est-ce bien à Pacy ? Je m'aperçois que soit j'écoute de moins en moins ce qu'elle me dit, soit je retiens de plus en plus mal. Il y a aussi que, comme elle multiplie ses activités, je perds un peu le fil, forcément. Quoi qu'il en soit, ma soirée à moi risque d'être courte, dans la mesure où, évidemment, solitude entraîne apéritif. Et qu'ensuite, après ces trois ou quatre verres que je vais m'octroyer dès que je serai sorti de ce journal, il serait fort surprenant que j'ai envie de regarder je ne sais quel film médiocre (ou déjà vu (ou déjà vu et médiocre)) à la télévision.

– En février dernier, GdV, par le truchement de sa comptable, Nancy, m'a dit qu'il allait me payer les 9000 euros qu'il me devait par mensualité de 1500 durant les six prochains mois. En effet, j'ai bien touché cette somme le 15 mars ou environ. Mais dès ce mois-ci, la machine se détraque : Nancy vient de me faire savoir par mail que “malgré tous nos efforts pour, etc.”, bref : pas un sou ce mois-ci. Cette fois, je pense vraiment que je vais devoir faire une croix sur les 7500 euros que la Gecep reste me devoir. Donc, pour paraphraser mes camarades, les économies c'est maintenant. Car il va à peu près de soi que je n'écrirai aucun BM supplémentaire tant que ce passif-là ne sera pas épongé. Or, quelque chose me dit qu'il ne le sera jamais, puisque, bien entendu, GdV aura toujours à payer des gens qui lui sont plus utiles que moi, à commencer par les auteurs encore en activité. En somme, tout se déroule comme je le prévois depuis déjà plusieurs années, donc rien de grave.

– La première mesure d'économie que j'ai prise a été de décréter un moratoire sur l'achat de livres : plus le moindre volume d'ici septembre. De toute façon, l'affaire devenait ridicule, compulsive, puérile : je me suis surpris, hier, à faire de la place sur ma table de lectures en attente, c'est-à-dire d'en retirer des livres achetés voilà quelques semaines ou mois et non encore lus, à seule fin de pouvoir y empiler ceux qui venaient d'arriver. Je crois que je vais suivre le conseil de Catherine (qui elle-même s'y conforme à peu près depuis quelque temps) : lorsqu'un livre me tente, au lieu de se précipiter pour l'acheter, le placer dans ce qu'Amazon appelle “mes envies de cadeaux”. et ne l'acheter réellement qu'un mois ou deux plus tard, si le désir persiste. Catherine prétend, et je suis sûr qu'elle a raison, que quatre fois sur cinq, l'envie s'évapore d'elle-même, et très rapidement.

– Néanmoins, il serait bien que Rochechouart se décide enfin à tenir les vagues assurances qu'il m'avait données, à savoir celles de me faire écrire un article par semaine pour Enquêtes. Mais ça, j'ai l'impression qu'on n'en prend nullement le chemin.


Dimanche 15 avril

Quatre heures et demie. – Catherine et moi venons de mettre la dernier main à Châtelain furtif, mon journal de l'année 2009 – année fortement tronquée puisque je n'ai commencé à tenir ce journal que lors de notre départ pour Plieux, que je l'ai interrompu dès notre retour et ne l'ai repris que le 16 octobre. Notre travail de cet après-midi a consisté à choisir les photos et à les mettre en place. En ce moment même, le livre est en train de se télécharger, et je croise les doigts pour qu'aucun bug ne vienne l'interrompre : hier, tandis que je chargeais les mois de novembre et décembre, Booksmart a planté environ une fois toutes les cinq minutes…


Mardi 17 avril

Cinq heures. – J’avais prévu de faire notre arrivée à Sedan entre cinq et six heures, mais j’ai dû me tromper quelque part : nous y étions à quatre heures moins le quart, et nous sommes tombés au beau milieu d’une visite immobilière : un jeune couple avec enfant d’un mois, qui, d’après mes parents, s’est montré fort intéressé par la maison. Ce qui, évidemment, ne veut pas dire grand-chose.

–  Je profite d’une petite plage de calme pour noter deux trois bricoles ici : ma mère, ma sœur et Catherine sont descendues en ville (ici, la maison surplombant le château lui-même, on descend réellement en ville...) afin d’aider ma mère à se choisir une tenue pour le mariage d’Isabelle. Comme j’entends toujours des voix montant du sous-sol, cela veut dire qu’elles ne sont toujours pas parties, depuis dix minutes au moins qu’elles sont en bas.

(Rectification : en fait, c’est ma tante Annie qui arrivait de Balan et qui, allant voir ma pauvre grand-mère à sa maison de retraite, passait prendre je ne sais quoi pour elle. Lorsque je lui ai dit de l’embrasser pour moi, elle m’a répondu, avec une tristesse un peu sinistre, que c’était tout à fait inutile...)

– Bergotte a parfaitement reconnu la maison lorsque nous sommes arrivés (et que nous avons fait un tour de jardin pour permettre à la visite de se terminer), se précipitant vers l’escalier afin d’y entrer.

– Le calme dure : mon père est dans son fauteuil et doit, je suppose somnoler plus ou moins, cependant que je suis, moi, installé derrière lui, à la table de salle à manger. Bergotte est couchée sur le tapis, les yeux braqués vers la porte du sous-sol, attendant le retour de Catherine.

– Le trajet s’est passé sans incident notable, nous sommes passés par Vernon, Beauvais, Compiègne, Soissons, Neufchatel-sur-Aisne, Rethel (avec courte halte pour faire provision de boudins blancs chez Demoizet, ainsi que d’une tarte aux fruits rouges qui, à l’usage, s’est révélée délicieuse).

– De plus, ici, pas de connexion internet, ce qui me procure une assez bizarre sensation de liberté volée, ou encore d’incognito.


Mercredi 18 avril

Cinq heures et demie. – La soirée d’hier s’est fort bien passée, bien que Catherine soit allée se coucher dès neuf heures et demie, pour cause d’abus divers (nourriture, alcools). Conversation très animée, bien que toujours un peu chaotique, avec mes parents et ma sœur jusqu’aux environs d’onze heures. J’ai fait honneur à une petite prune artisanale, rapportée de Lorraine par Olivier, le presque mari d’Isabelle (leur mariage aura lieu en juin).

– Cet après-midi, Catherine et moi sommes allés visiter le château de Sedan, que je crois bien n’avoir jamais visité auparavant, ou alors il y a très longtemps. L’ensemble est très imposant, et du haut, se dévoile un vaste panorama sur Sedan et la région environnante, malheureusement considérablement gâché par une très haute et très laide tour qui casse littéralement le paysage en deux. Dans une vitrine, un très beau calvaire d’ivoire du XVIe siècle, ainsi qu’une très étonnante sainte Anne portant sur son bras une Vierge très petite, elle-même portant un Christ presque minuscule. Statue en bois du XVe ou XVIe, j’ai déjà oublié (mais Catherine l’a noté quelque part).

– De retour chez mes parents, visite de ma tante Annie, qui vit à Balan, à un ou deux kilomètres d’ici. À l’heure actuelle, ce temps incertain durant lequel on ne fait au fond qu’attendre celui de l’apéro, les trois femmes bavardent à jet presque continu.

– J’ai parcouru environ la moitié de l’espèce de biographie que Viviane Forrester a consacrée à Virginia Woolf, et sans décolérer : on peut difficilement imaginer pire caricature de ce que la biographie “à la française” est capable de produire. On dirait un article de France Dimanche étiré sur 350 pages, rédigé par le docteur Freud et rewrité par Lacan. De la branlette pseudo intellectuelle et psychologisante se délayant sur des pages et des pages, et bien entendu le minimum de faits précis. Bref, ce torchon ne fera même pas le voyage de retour vers la Normandie et va finir sa pitoyable et inutile existence dans une poubelle sedanaise.

– Je suis très jaloux de mes parents, à qui, chaque matin depuis environ une semaine, un écureuil vient rendre visite afin de manger les graines que mon père dispose devant la maison à son intention. Ce matin, alors que je fumais une cigarette dehors, je l’ai vu grimper le long du mur d’enceinte, s’accrocher à la cabane de bois où nichent des mésanges charbonnières et glisser son museau par l’ouverture circulaire, avant de redescendre. Il y a quelques années, un autre écureuil s’était si bien habitué à eux qu’il n’hésitait pas à rentrer par le fenêtre de la cuisine pour venir prendre les noix que mon père posait devant lui sur la table. À force, il en devenait presque apprivoisé et, une fois, en disposant une noix tous les mètres, mon père a réussi à le faire aller de la porte d’entrée jusqu’au fond du couloir qui dessert toute la maison.

– Demain matin, retour à la maison, récupération des deux mâles au chenil, apéritif, enfin la routine. Sauf que nous allons nous rarrêter à Rethel pour faire l’emplette d’une seconde tarte aux fruits rouges et sans doute de quelques saucisses.


Vendredi 20 avril

Neuf heures et demie du matin. – L'apéritif d'hier soir s'ajoutant à la fatigue de ces trois derniers jours, j'ai négligé ce journal, ainsi qu'on pouvait s'y attendre. De toute façon, je n'avais rien de particulier à y noter, sinon que le trajet du retour s'est déroulé sans incident. À midi, nous nous sommes bricolé chacun un sandwich avec la baguette immonde que nous avions achetée en passant à Rethel, garnie de la délicieuse terrine de sanglier, acquise dans cette même ville, chez le fournisseur de boudin blanc dont il a été question plus haut. Mais nous nous sommes débrouillés pour gâcher en partie la collation : les trois gros tas de terre qui occupaient une partie de l'aire de dégagement où je m'étais arrêté se sont olfactivement révélés être en fait du fumier. Et comme nous étions sous le vent… Nous avons récupéré les deux mâles en passant, et à quatre heures et demie nous étions à la maison.

– Aujourd'hui, je peux déjà prévoir que la journée sera calme, voire parfaitement inactive.

– L'œuf que ces andouilles de tourterelles ont laissé choir hors du nid il y a quatre ou cinq jours devait être unique car, depuis, elles ont disparu du sommet du volet où elles s'étaient installées. On les reverra peut-être à la deuxième ponte, comme ç'avait été le cas l'an dernier. D'autre part, les hirondelles ont débarqué.


Samedi 21 avril

Sept heures cinq. – On va finir par dîner plus tôt que les chiens, si on continue le long de cette pente.

– Journée presque entièrement consacrée à la lecture. Tout d'abord, ce matin, cependant que Catherine était au presbytère, j'ai terminé le roman de Steve Tesich. Malheureusement, Tcheni avait raison dans le verdict qu'il a laissé hier ou avant-hier sur le blog-mère : la deuxième moitié de Karoo n'est pas à la hauteur de la première et le dernier quart sombre même assez franchement ; au point que j'ai refermé le volume sans avoir lu les dix dernières pages. Ensuite j'ai commencé le gros livre de Pierre Boutang sur Maurras : écriture à la fois dense et éruptive, vaste et profonde connaissance de son sujet, bien entendu, avec d'assez nette tendances à la polémique, mais une polémique qui se réfrène elle-même, se musèle. Rien à voir en tout cas avec une sage biographie classique. En fin de journée, après le repas des chiens, j'ai remisé Boutang jusqu'à demain pour replonger dans le Journal de Virginia Woolf, dont l'humour, l'ironie, l'auto-ironie me ravissent.

– Parce que Clémence, la fille d'Isabelle, en est devenue une adepte, Catherine et moi avons décidé de nous mettre à la cigarette électronique, prélude dans notre esprit à un arrêt complet. Catherine a fait l'acquisition de deux exemplaires hier, “pour voir”. En effet, ce n'est nullement désagréable et fournit une illusion de fumaillage plutôt satisfaisante, même si on se sent un peu ridicule à exhaler ainsi de la vapeur d'eau, ou peu s'en faut : l'impression d'une formidable régression qui nous aurait renvoyés à l'époque des cigarettes en chocolat. Cigarettes en chocolat pourrait d'ailleurs devenir le titre du journal de ce mois-ci.

– Demain, il est fortement question que nous allions accomplir notre fameux devoir de citoyen, ce qui sera probablement fait à l'heure où les gens normaux déjeunent, de façon à éviter une toujours possible cohue. Et ce seront deux bulletins Le Pen qui atterriront dans l'urne – à moins que Catherine ait changé d'avis sans me le dire, ce qui m'étonnerait.

– J'ai appris hier, par un bref communiqué du parti de l'In-nocence, la rupture désormais effective entre Camus et les éditions Fayard – du fait de ces dernières évidemment. Comme il venait déjà de se voir signifier son congé chez P.O.L (mais un membre important de cette maison, Martin Hirsch, aurait affirmé aujourd'hui qu'il n'en était rien), je ne vois pas bien comment Camus va pouvoir continuer à supporter la charge de Plieux. Certains In-nocents semblent trouver fort bonne l'idée selon laquelle il pourrait vendre son journal par abonnement sur internet. Ils ne se rendent apparemment pas compte que ce ne peut être qu'un pis-aller, dans la mesure où, chez Fayard, Camus était payé nettement plus que ce qu'auraient dû lui rapporter ses droits d'auteurs. Or, s'il passe en effet à un système d'abonnement, il ne pourra plus compter que sur ses lecteurs réels. Et je ne crois pas que nous soyons suffisamment nombreux pour compenser le “bonus” que lui accordait généreusement Claude Durand jusqu'à présent, à moins de mettre l'abonnement en question à un tarif prohibitif ; mais alors, c'est le nombre de lecteurs qui risquerait de fondre. En fait, je ne puis pas me faire une idée exacte de sa situation, dans la mesure où j'ignore totalement à combien d'exemplaires le journal camusien se vend chaque année, même approximativement. 500 ? 5000 ? Entre ces deux nombres, probablement, mais plus près duquel ?

Cela dit, maintenant que j'y réfléchis d'un peu plus près, il est possible que la formule de l'abonnement soit jouable. Mettons que nous soyons mille lecteurs réguliers du journal. Nous déboursons, pour un volume annuel, environ 35 €, soit environ trois euros par mois. Si la livraison se faisait mensuellement, cela représenterait un revenu de 3000 euros nets pour l'auteur, ce qui est tout à fait correct, et ne doit pas être loin de ce que Fayard lui allouait. Mais, évidemment, il faut compter avec ceux, parmi ces lecteurs, qui sont viscéralement attachés à l'objet livre et qui renâcleront à l'idée de débourser quoi que ce soit pour lire du texte sur leur écran. L'affaire reste délicate et incertaine, en somme.


Dimanche 22 avril

Cinq heures moins dix. – Si je viens plus tôt qu'à l'ordinaire dans ce journal, c'est que j'ai décidé de n'y pas revenir après le dîner ; et si j'ai décidé de n'y pas revenir après le dîner, c'est que je ne veux pas courir le risque de découvrir les résultats électoraux de ce jour avant huit heures. C'est que j'y tiens, moi, malgré les sarcasmes de quelques esprits qui se pensent forts, à ce petit point culminant de la grand-messe, depuis presque quarante ans que j'y sacrifie ! Je ne sais pas comment les choses se passaient avant, mais j'ai un souvenir très net de ce dimanche soir de 1974, devant la télévision, lorsque nous avons appris (à mon grand dam d'alors) l'élection de Valéry Giscard d'Estaing. Bien qu'ayant 18 ans révolus, je n'avais pu participer à ce scrutin, la majorité à cet âge n'ayant été votée que deux ou trois mois plus tard, à l'instigation de ce même Giscard d'Estaing. Depuis, je crois bien n'avoir manqué aucune présidentielle, et sans doute pas beaucoup de législatives. Donc, pas question d'apprendre les résultats d'aujourd'hui à la sauvette, sur je ne sais quel blog de crétin militant ou de journal étranger.

– Catherine et moi sommes allés voter quelques minutes avant midi, entre deux giboulées. Le Pen pour tous les deux, comme il était prévu. Une couple d'heures plus tôt (à propos de pêne…), la serrure de la porte séparant notre chambre du petit salon de télévision avait rendu l'âme, et Catherine a eu toutes les peines (décidément !) du monde à rouvrir la porte. Mais, évidemment, une visite du menuisier s'impose pour nous mettre une nouvelle serrure, ou arranger la vieille si la chose est possible. Or, justement, sur qui tombons-nous, au sortir de l'isoloir, cette cabine de douche citoyenne ? Le menuisier, celui qui est déjà venu nous changer la porte d'entrée et doit revenir pour les fenêtres.

– Petit fait curieux, aussitôt noté par Catherine et moi : tous les gens que nous avons croisés aux abords de la mairie, en y arrivant pour voter ou en repartant, tous nous ont dit bonjour très cordialement, alors qu'en principe il ne doit pas y avoir plus d'un habitant sur dix pour le faire, et encore : quand il ne peut pas faire autrement.

– J'ai commencé à “apprivoiser” la cigarette électronique.  Je n'ai “fumé” qu'elle hier soir, devant la télévision, et aujourd'hui, j'ai viré de la Case le cendrier et le paquet de Pueblo qui s'y trouvaient pour les remplacer par ce simulacre moderne – je m'en suis fort bien trouvé jusqu'à présent.

– Je viens de passer environ deux heures (sans doute un peu moins en fait) à relire les mois de mars et d'avril de mon journal 2011, lequel est déjà tout entier dans le futur livre “Blurb”, mais qui nécessite encore quelques ajustages, avant que Catherine n'y insère les photos que nous aurons choisies ensemble. Je ne sais pas si j'ai déjà noté que je comptais l'intituler La Dernière Pirouette du Chinois fou. Pour ce qui est de celui de 2009 (Châtelain furtif), nous devrions recevoir les exemplaires demain ou mardi. Je me suis d'ailleurs aperçu qu'il m'allait falloir en acheter un de plus. En effet, mon frère venant au mariage d'Isabelle, en juin prochain, je me verrais assez mal offrir un exemplaire à mes parents, un autre à ma sœur, comme il est prévu, et pas à lui. Même s'il ne le lira probablement pas (mon frère ne lit jamais rien), je ne puis pas faire moins, je crois, que de lui en apporter un.


Lundi 23 avril

Trois heures moins le quart. – Un mail de Nancy, la comptable de GdV vient de m'apprendre la mort, en février dernier, de Bernard T, le créateur de la BM, celui qui m'avait pour de bon mis le pied à l'étrier en 1990, après m'avoir plus ou moins évincé de la série trois ans plus tôt. Il avait 75 ans, si ma mémoire est bonne ; il en avait 50 la première fois où je suis allé chez lui, dans cette grande maison de Saint-Cyr-sous-Dourdan où je suis retourné souvent par la suite. Un homme cultivé, courtois, curieux de tout, que j'aimais bien, même s'il avait tendance à m'exaspérer lorsque nous passions deux heures au téléphone à pinailler page par page le BM que je venais d'écrire et de lui soumettre. C'est également grâce à lui que j'étais entré à FD, en 1982, même s'il n'y était au fond pour rien : ayant brusquement quitté la tête du rewriting, il y avait été remplacé par Michel D, le futur propriétaire des Belles-Lettres et, à ce titre, éditeur de Philippe Muray – lui-même ancien rewriter à FD et second auteur des BM… Du coup, un poste s'était libéré, qui m'était alors échu.

– Aucune envie de ratiociner sur les résultats électoraux d'hier soir. La destinée de Sarkozy ne tient plus qu'à un fil. Quant aux cinq années que nous nous apprêtons à passer sous la molle férule de Hollande, autant n'y pas penser.

– Je viens, après 140 pages, d'abandonner le livre de Boutang. Non à cause de sa densité, même si celle-ci ne rend pas la lecture facile, mais en fait, simplement, parce que je suis trompé de livre : là où je pensais trouver une sorte d'initiation à la pensée, l'itinéraire, etc., de Maurras, je me suis retrouvé avec, entre les mains, un approfondissement de toute son œuvre qui, pour être profitable, nécessiterait d'être déjà familier de cette œuvre, ce qui bien entendu n'est pas du tout mon cas. En bref, j'ai visé trop haut. Et comme je doute fort d'avoir un jour l'occasion et l'envie de me plonger dans les écrits de Maurras, il est probable que ce pauvre Boutang ne quittera plus l'étagère où je viens de lui trouver une place. Pour lui faire suite, j'ai lu le prologue de l'Histoire de la Collaboration, de Dominique Venner, le directeur de la NRH : encore une lecture qui devrait me valoir les foudres de mes sentinelles vertueuses.

Quatre heures et demie. – Trois exemplaires viennent d'arriver, de mon journal 2009 (Châtelain furtif). À première vue, pas de grosses bévues dans celui-ci, dont par ailleurs le format plus rectangulaire, plus “vrai livre” me plaît mieux que le précédent. Cela dit, en feuilletant au hasard et très vite, mes yeux se sont évidemment posés sur une fort malencontreuse répétition au sein d'un même paragraphe et sur une énorme faute d'accord de participe dans un autre…

Ouvrant le paquet, je me suis instantanément demandé si l'arrivée du “bébé”, jointe à l'enterrement de mes vacances, ne justifierait pas un petit apéritif supplémentaire…


Mardi 24 avril

Sept heures et demie. – Pour ma reprise à FD, je n'ai pas eu le temps de m'ennuyer aujourd'hui : à onze heures et demie, au sortir de la conférence des chefs de services, ce sont deux articles qui m'ont été confiés, l'un de 6000 signes, l'autre de 4500. Ça commence un peu trop à se savoir, que je travaille vite et bien, il me semble. Et, demain, parce que j'ai accepté de remplacer l'une des deux personnes qui devaient être “de tonneau”, je vais partir d'ici dès sept heures du matin. Mais, évidemment, à deux heures ma journée sera terminée.


Mercredi 25 avril

Une heure et quart. – Curieuse expérience télévisuelle, hier soir. Faute d'une possibilité plus enthousiasmante, nous décidons de nous rabattre sur un film hong-kongais intitulé Accident. Le thème : une équipe de tueurs à gages zigouille des types contre espèces sonnantes, en s'arrangeant pour que chaque mort passe pour un accident aux yeux de la police. Ils montent des scénarios assez sophistiqués, un peu à la manière de Mission : impossible. Jusqu'à ce que, l'un de ses hommes ayant été renversé par un tramway, le “cerveau” commence à se demander s'ils ne sont pas, à leur tour, l'objet d'un contrat semblable à ceux qu'eux-mêmes honorent.

Assez rapidement, j'ai compris que je ne comprenais rien – ce qui m'arrive relativement souvent, je dois le dire – à cette histoire plutôt bien filmée, mais très allusive, dialogues réduits au minimum, pas d'explication, etc. Dans ces cas-là, après avoir lutté un petit quart d'heure, je me résigne bien volontiers et me contente d'attendre la fin du film en regardant les images : je sais être un garçon patient, quand je veux.

La chose étrange, hier, est que Catherine semblait, elle, tout comprendre à ce scénario imbitable, et allait même jusqu'à me le commenter à mesure qu'il se déroulait. En soi, cela n'avait rien de très bizarre : Catherine comprend souvent mieux que moi ce qui se passe sur l'écran, elle devine ce qui va advenir, les motivations des personnages, etc. Sauf que, là, le décalage entre nous atteignait des proportions alarmantes : tandis que j'étais totalement noyé et n'essayant même plus de remonter à la surface, elle semblait barboter dans cette histoire comme si elle l'avait écrite elle-même.

Ce n'est qu'au générique de fin que j'ai compris que c'était bel et bien ce qui s'était passé : Catherine ne comprenait nullement ce qui se passait, elle bâtissait image après image un scénario à elle, collant avec ce qui se donnait à voir ; elle construisait un scénario possible, probable, en fonction des contraintes de l'image, qui étaient effectivement assez peu fortes et nombreuses, ce qui permettait ce jeu de l'imagination.

Bien entendu, lorsque je lui ai dit ça, elle a protesté énergiquement, disant que non, pas du tout, elle avait réellement compris les tenants et les aboutissants de cette histoire obscure. Elle a eu bien tort : je trouve que son mérite a été bien plus grand de bâtir son propre scénario “en vitesse réelle”, plutôt que de simplement comprendre celui que le cinéaste avait préalablement écrit. Car je n'en démords pas : je suis sûr qu'elle n'a rien compris et tout inventé.


Jeudi 26 avril

Huit heures dix. – Soirée hebdomadaire – désormais “traditionnelle”… – d'apéro, celle qui correspond à mon dernier jour à FD. Je suis venu devant cet ordinateur avec mille choses à faire : envoyer un mail à mes chefs afin de leur dire ce qu'on pouvait tirer du livre qu'ils m'ont donné à lire (une pseudo biographie de Jean Dujardin) ; écrire un billet à propos du consternant guignol auteur de cette biographie – billet que je vais sans doute faire dès que j'aurai quitté ce journal, mais que, désormais prudent, je ne publierai pas avant demain. Quoi d'autre ? Ah, oui : consigner ici mes démêlés dermatologiques. Allons-y, tiens.

Hier, rendez-vous chez le docteur Triller, pour ôter les fils du kyste qu'il avait soustrait à ma fesse droite il a vingt jours – ce qui a été fait en deux minutes, bien sûr. Le hasard a voulu que, entre temps (je veux dire : entre l'éradication du kyste et l'ôtage des fils), un gros bouton me soit venu, vingt centimètres plus bas, sur la cuisse, donc à un endroit pas particulièrement gênant, pour une fois. Mais bien entendu, même si j"'avais omis de le lui signaler, il n'aurait pas manqué de le voir (sinon, j'aurais eu, il me semble, intérêt à changer de dermatologue). Bref, il n'a pas pu s'empêcher de m'en débarrasser – à la fois, je suppose, par conscience professionnelle et parce que je lui ai signé, pour cette intervention, un chèque de cent euros. Il s'agissait d'un gros “bouton” comme il m'en vient un peu partout depuis plus de quarante ans. En général, je les supporte, et aussi la douleur qui accompagne leur gonflement, j'attends qu'ils se résorbent (c'est rare) ou explosent. Puis je n'y pense plus.

Là, je suis bien obligé d'y penser puisqu'une infirmière doit venir me changer le pansement quotidiennement pendant au moins dix jours, pansement “avec mèche” (ne me demandez rien…), ce qui implique que je dois attendre sa venue pour pouvoir ôter celui de la veille et prendre une douche.

De plus, il y a un côté “gore” dans tout cela. Ce cratère violacé qui, moi, ne m'aurait pas fait bouger une oreille, tant je suis habitué à les voir éclore un peu partout, que j'aurais laissé vivre sa vie de bubon, il a été ouvert, creusé, rempli d'acide, “méché”, etc. D'où l'intervention obligatoire de l'infirmière et…

Et rien, bon sang ! Je me serais parfaitement passé de tous ces gens, comme je le fais depuis quarante ans. Ils espèrent quoi ? Me sauver la vie ?

– Néanmoins, journée merveilleuse, grâce à Mozart – qui n'en saura jamais rien. Ce matin, comme d'habitude, avant de quitter la maison, inspection de l'iPod pour savoir ce que j'allais écouter durant le trajet. Je n'en savais rien (des fois, je sais…). Je tombe sur le nom de Fauré et je décide que le hasard fait bien les choses : j'ai en effet écouté un (ou le ?) quintette avec piano de Fauré. Qui s'est terminé avant Levallois. Et c'est alors que, yeux plus ou moins fixés sur la route, main gauche sur le volant, il m'a fallu trouver autre chose. Le rangement de l'iPod étant ce qu'il est, je suis “tombé” sur le quintette avec clarinette de Mozart. Et c'est à ce moment-là que ma journée est devenue merveilleuse. Et qu'elle l'est restée puisque, lors de mon trajet de retour, j'ai récouté ce même quintette et en ai éprouvé encore plus de bonheur – bonheur très difficile à définir pour un non-mélomane dans mon genre.

– Le bonheur s'est rapidement évanoui lorsqu'il a fallu que je m'intéresse à cette pseudo biographie de Jean Dujardin, sur laquelle je reviendrai.


Vendredi 27 avril

Sept heures et quart. – Bon, comme j'ai finalement fait un petit billet vengeur sur le blog-mère, je m'estime quitte avec ce pitoyable bouquin d'un non moins pitoyable auteur. Dont, malgré mes efforts, je ne suis pas parvenu à extraire le moindre sujet satisfaisant pour mes employeurs.

– Rien de particulier à noter à propos de la journée d'aujourd'hui. À en juger par la semi-léthargie qui s'est emparée des blogs, je suppose que les grandes migrations de cet interminable week-end du premier mai doit déjà avoir commencé. Je n'ai fait à peu près que lire (Histoire de la Collaboration, de Dominique Venner : lecture doublement suspecte, de par son sujet et en raison de la personnalité plutôt “droitière” de son auteur…) et attendre l'infirmière – qui est venue.

– Ai-je dis que nous avions reçus les trois exemplaires commandés de Châtelain furtif, mon journal 2009 ? Le volume est nettement plus satisfaisant que le précédent, par son format d'abord, mais surtout parce que, en dehors de quelques coquilles (encore trop nombreuses, certes), il ne présente pas les énormes aberrations de mise en page qui endommagent gravement Autel de non-retour.

– Je ne crois pas avoir noté non plus que j'irai travailler lundi (ainsi que le suivant), pour suppléer aux absences diverses qui dépeuplent la rédaction – et fort mal à propos puisque nous devrons, ces deux lundis, faire en une seule le travail de deux journées, les mardis qui les suivent étant fériés. Travail supplémentaire, donc payé en pige, naturellement.

– Le vieillissement de Swann semble s'accélérer depuis quelques mois. Il a désormais une démarche assez empruntée et, lors des promenades, il lui arrive de plus en plus souvent que l'une de ses pattes se dérobe sous lui. De plus, depuis quelques jours, il “tousse” assez régulièrement. (Je mets les guillemets car je ne suis pas du tout sûr qu'il s'agisse bien d'une toux, au sens où on l'entend chez les humains.) Il vient d'avoir onze ans, ce qui est effectivement la vieillesse, chez un chien de cette taille ; même si, en tant que bâtard, il peut espérer une longévité un peu supérieure à celle d'un chien de race pure. (Et me voilà en train de faire mine de rien l'apologie du métissage.)


Samedi 28 avril

Sept heures et demie. – Cette fois, ça y est : la réserve de vraies cigarettes s'achève, il ne nous reste plus que ces maudits substituts électroniques, dont j'ai l'impression qu'ils vont nous apparaître nettement moins amusants, à présent que nous n'aurons plus qu'eux.

– Journée en demi-teinte, peut-être à cause du ciel plombé et de la petite pluie fine et serrée qui n'a guère arrêté de choir depuis ce matin, peut-être aussi, justement, à cause de cette perspective de sevrage tabagique imminent (c'est-à-dire : imminent ce matin, et effectif ce soit). J'ai revu une dernière fois le texte du mois de mars de ce journal, lequel devrait être publié après demain, mais ne le sera sans doute que mercredi, en raison du long week-end.

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