lundi 29 septembre 2014

Août 2014










CANCER DE L'APPAREIL CRITIQUE









Vendredi 1er août

Sept heures dix. – Si nous continuons à suivre cette pente, nous allons bientôt dîner à la même heure que des Canadiens de souche. Du reste, je m'en moque éperdument : le principal pour moi, désormais, est que le repas n'excède pas dix minutes ; au-delà, j'ai l'impression de perdre mon temps, même si, par ailleurs, je n'ai rien de particulier à faire du temps en question : c'est simplement que, en l'espace de quelques années, et fort peu, j'ai perdu tout intérêt pour la table. Désormais, un repas réussi est un repas expédié ; c'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles Catherine et moi refusons désormais à peu près toutes les invitations à déjeuner ou à dîner : la simple idée d'un repas qui s'éternise suffit généralement à me faire renoncer à la compagnie, y compris à celle des gens que j'aime bien. Quant à Catherine, c'est la perspective de “contacts sociaux” qui la fait immanquablement se renfoncer dans la tanière. Une belle paire d'ours, en somme.

– J'ai moins lu que grappillé aujourd'hui : quelques pages du prince de Ligne, une historiette de Tallemant, une ou deux dizaines de fables de La Fontaine… C'est un mode de lecture fort agréable, d'ailleurs ; mais, évidemment, il est des livres qui s'y prêtent plus difficilement (quelques pages de Guerre et Paix, un chapitre de Hegel, une ou deux dizaines de vers d'Agrippa d'Aubigné…).

– Je ne sais si les antibiotiques ont commencé leur effet dès hier soir (j'en doute vraiment beaucoup), mais j'ai passé une assez bonne nuit (quatre aller-retour aux toilettes tout de même) et, aujourd'hui, j'ai à peu près maîtrisé les transferts de liquidités ; la brûlure, elle, est sagement revenue au stade d'une simple et très supportable sensation de chaleur au moment même de la miction. Tout cela ne m'a nullement empêché (et pourquoi cela aurait-il ?) d'écrire cinq mille signes dès ce matin, à propos de Philippe Bouvard et de sa Ferrari F 40 ; sujet sans le moindre intérêt bien entendu mais, sans doute pour cela même, plutôt amusant à mettre en forme.


Samedi 2 août

Sept heures dix. – J'étais occupé à poursuivre ma lecture des Mémoires du prince de Ligne, avec toujours un grand plaisir, lorsque je me suis dit qu'il fallait tout de même que je me remette à lire des romans, que cette interruption avait assez duré ; et j'ai pris le premier de la pile, à main gauche, qui s'est trouvé être Le Jeu du siècle de Kenzaburô Ôé. J'en ai lu environ 80 pages (sur 450) d'une traite : le moins que l'on puisse dire est que c'est assez dépaysant. Mais est-ce le côté japonais qui produit cela ou simplement le fait de revenir à une œuvre de fiction ? L'effet n'est pas déplaisant, du reste.

– Parce que nous sommes en plein cœur de l'été (style FD), la blogosphère est bien tranquille ; à l'exception de Nicolas et de Corto, ces deux frères ennemis, qui, depuis hier soir, se lancent des mongoliens à la tête, chacun accusant l'autre de ne plus appartenir à l'espèce humaine. Mon avis est qu'ils ont eu tort tous les deux de se lancer dans cet échange – exemple typique de l'impasse dont nul ne peut sortir indemne –, mais Nicolas me semble avoir un peu plus tort que Corto, non seulement parce que c'est lui qui a porté la première attaque totalement gratuite (affirmant que l'autre parlait des trisomiques sans en rien savoir ; manque de chance, Corto a un frère adoptif qui l'est…), mais surtout parce que, au lieu de se taire après cette première bévue sans importance, il s'obstine à essayer de démontrer que c'est son contradicteur qui a tous les torts, ce qui l'oblige à s'enfoncer dans une mauvaise foi dont il va avoir du mal à sortir. De son côté, Corto n'a pas résisté à la tentation de brandir ce frère infirme comme une massue afin d'en assommer son adversaire ; c'est-à-dire qu'il a utilisé à son profit cette “dictature de l'émotion” qu'il est toujours prompt à flétrir quand ce sont les autres qui la manient. Enfin, scripta volent

– Tout à l'heure, j'ai presque décidé de me lancer demain dans l'écriture du premier chapitre de mon très hypothétique roman…


Dimanche 3 août

Sept heures et demie. – Passé l'essentiel du temps avec Kenzaburô Ôé : il me reste, ce soir, une petite centaine de pages à lire, de ce roman dans lequel j'ai eu un peu de mal à entrer – comme souvent dans les romans “asiatiques” –, mais qui, ensuite, m'a empoigné, par son climat si particulier d'angoisse diffuse, de fin du monde, d'hommes condamnés à la répétition du même ; et aussi par la tendresse non frelatée qui passe de l'auteur à ses personnages. Mais enfin, je n'ai guère envie, ce soir, de m'étendre plus avant.

– J'ai aussi pris quelques notes sur ce qui devrait être mes deux personnages principaux. C'est maigre, à peine esquissé, mais enfin, symboliquement, le travail est commencé. Et puis, ces deux hommes ont au moins un nom et un âge, ce qui n'est déjà pas si mal, après tout. Tandis que je travaillais à cela, il m'est apparu qu'un personnage féminin principal était indispensable : je pense l'avoir à peu près trouvé. En tout cas, je “la” vois assez bien.


Lundi 4 août

Sept heures et demie. –  Journée en demi-teintes, mais tirant assez nettement vers le gris ; principalement en raison de cette saloperie nichée dans ma vessie qui semble à avoir à cœur de me narguer en m'envoyant pisser, quatre gouttes, toutes les demi-heures, et de manière très comminatoire. De plus, aujourd'hui, ont commencé à apparaître de vagues douleurs dans le bas-ventre et dans les reins, ou plutôt dans le rein car, contrairement à ce qu'on prétend des membres amputés, les reins absents semblent avoir le bon goût de ne pas faire croire à leur ancien propriétaire qu'ils sont toujours là.  Fort heureusement, j'avais à nouveau rendez-vous chez le médecin, cette fois muni des résultats d'analyses, tout frais émoulus du laboratoire voisin de son cabinet. Il s'est avéré que la saloperie évoquée plus haut, et dont je me suis empressé d'oublier le nom, est réfractaire à la plupart des antibiotiques. On peut donc espérer qu'avec celui (à mon âge, j'ai encore dû saisir le dictionnaire pour vérifier le genre d'antibiotique : misère…) que j'ai commencé à prendre ce soir les choses s'amélioreront de façon notable dans les quarante-huit heures. Si ce n'était pas le cas, je me verrais contraint d'annuler mon déjeuner de samedi chez les Desgranges, car c'est le genre de journée qui réclame tout de même une certaine autonomie vésicale.

J'ai néanmoins fini, ce soir, juste avant de passer à table, le livre d'Ôé. Inutile de préciser, je pense, que mon brouillon de projet d'ébauche d'illusion de roman est resté aujourd'hui au point mort ; même si j'y ai pensé à plusieurs reprises, tandis que je lisais le Japonais.


Mardi 5 août

Sept heures et demie. –  Me voilà, dans mes lectures, devenu furieusement passéiste depuis hier soir. Tout d'abord un roman de René Boylesve, La Leçon d'amour dans un parc, puis Sous la hache d'Élémir Bourges, et enfin, voilà une couple d'heures, j'ai enfin commencé Le Mariage de Chiffon, de Gyp, qui somnole dans la pile d'attente depuis de longs mois. J'ai dit ce matin, dans un billet, à peu près ce que je pensais du premier. Le second m'a déçu et ennuyé, cela parce que ceci. Il m'a d'ailleurs moins déçu – je n'en attendais rien – qu'ennuyé : durant ses 130 pages, j'ai eu l'impression de lire la longue rédaction d'un élève de troisième plutôt doué, mais rien au-delà ; ou encore le scénario romancé d'un téléfilm français, dans lequel on devine systématiquement vingt minutes à l'avance le “coup de théâtre” qui s'en vient. Gyp, en revanche, pour les cent pages que j'en ai lu avant le dîner, me semble plus intéressante ; plus légère d'abord, plus nerveuse, virevoltante même, par endroit, avec une acidité du regard sur le monde qu'elle décrit, avec, en effet, Michel Desgranges n'avait pas tort de me le dire, un humour et une acuité qui peuvent la faire passer pour une sorte de protoproust – sans le génie, il va sans dire.

– Au milieu de tout cela, j'ai consacré une demi-heure à FD et à Marion Cotillard ; que je verrais très bien dans un téléfilm tiré du roman de M. Bourges, du reste ; je sais même quel rôle je lui attribuerais : celui de l'ex-maîtresse de Charette, qui tombe sous le charme du bel officier révolutionnaire. Avec sa façon d'en faire des tonnes, elle serait parfaite dans la scène finale, quand elle irait récupérer la tête de son amant dans le panier de la guillotine pour un dernier baiser, avant de se brûler elle-même la cervelle : le 7 d'or assuré.


Mercredi 6 août

Sept heures et demie. – Je n'ai pas noté que j'étais venu à bout, il y a deux ou trois jours, du dernier magazine de mots croisés que mon père avait laissés en plan. Et, malgré les nombreuses heures que j'y ai passé (accord de ce participe ou pas ? Après hésitations et remords, je penche pour pas d'accord), je sens d'ores et déjà qu'il s'agit d'un épisode clos et que nulle tentation ne devrait venir m'assaillir de continuer l'exercice “pour mon propre compte”.

– Plus de mots croisés signifie d'abord davantage de lectures dans la journée : rien que pour cela, il est bon que je laisse ce dérivatif derrière moi. Aujourd'hui, fin du Mariage de Chiffon, quelques dizaines de pages du prince de Ligne et quatre ou cinq contes fantastiques de Théophile Gautier ; tout cela en “panachage”. Quant à Catherine, c'est à son tour d'aller prendre une petite Leçon d'amour dans un parc


Jeudi 7 août

Sept heures et demie. – Les récits courts (de dix à trente pages) de Gautier me plaisent beaucoup, mais dès qu'il outrepasse cette limite, disons pour atteindre la centaine de pages, cette façon qu'il a, quand on pénètre en un lieu inconnu, de ne nous faire grâce de la description d'aucune tenture, aucun bahut, aucun bibelot, etc., cette façon me tape un peu sur le système ; par ce côté, et sans doute par celui-là seulement, il pourrait être un annonciateur des Goncourt, qui me fatiguent eux aussi pour cette même raison, encore accentuée chez eux, il me semble.

Autre agacement, nettement plus fort (mais le malheureux auteur n'y est pour rien, cette fois) : les “notes de bas de pages”, dues à un universitaire suisse mort, lesquelles sont nombreuses et d'une assez rare stupidité. Je dis “rare” mais, à l'instant, en commentaire de ce billet, Michel Desgranges m'assure que ce n'est rien, par rapport à celles des volumes de La Pléiade postérieurs à 1975, et notamment des trois volumes de Jarry qu'il est occupé à lire. Déjà, que l'on puisse parvenir à faire trois volumes de Pléiade avec l'œuvre assez mince de Jarry, en dit assez long sur la prolifération du cancer universitaire dans les “appareils critiques”.

– Sinon, en début d'après-midi, j'ai écrit environ six mille signes à propos de Sophie Davant, dont j'ai déjà perdu à peu près toute mémoire, mais qui furent mon travail du jour.


Dimanche 10 août

Deux heures de l'après-midi.

– Mon cher Michel,

soyez une nouvelle fois remercié pour votre accueil d'hier, qui fut exactement semblable à celui des fois précédentes, c'est-à-dire parfait. Comme vous l'avez peut-être vu déjà, j'ai tenu parole et relaté sur le blog les mésaventures sexuello-guerrières des sieurs de Bassompierre et de Rossworn.

Ce matin, je ne sais pourquoi, je me suis dit qu'il serait bon de déserter le XVIIe siècle et de revenir, serait-ce un moment, à des lectures plus contemporaines ; c'est pourquoi j'ai extrait Roger Nimier de ma pile d'attente, où il somnolait depuis plusieurs mois. Mais le hasard a voulu qu'il s'agît de son D'Artagnan amoureux ; si bien que me voilà de nouveau chevauchant derrière Louis XIII pour aller mettre le siège devant Perpignan, lutinant dans une embrasure la toute jeunette Marie de Rabutin-Chantal, assistant discrètement, rue Tiquetonne, à une conversation de huit pages entre Roger de Bussy-Rabutin, Paul de Gondi et un Blaise Pascal tout frais débarqué d'Auvergne, et passant des dorures vaticanes d'Urbain VIII aux antichambres de Mazarin. Je viens même de croiser furtivement votre ami Bassompierre, tout juste extrait de sa Bastille !

Bref, une lecture tout à fait savoureuse pour un dimanche pluvieux, venteux et sédentaire. Je vais d'ailleurs y retourner immédiatement.

Amitiés,

Didier

– On a compris que j'ai passé une partie de la journée d'hier chez les Desgranges – sans Catherine, qui devient de plus en plus rétive, dès qu'il s'agit de franchir les limites de notre jardin. Nous avons beaucoup parlé de littérature, d'histoire, mais aussi de séries télévisées, et ne fûmes interrompus, vers la fin du repas, que par le mignon petit faon venu voir, à travers la baie vitrée, à quoi pouvaient bien ressembler des humains attablés et discourant.

Michel a eu l'air estomaqué, voire incrédule, quand je lui ai assuré tout ignorer – et jusqu'à son existence – de La Guirlande de Julie, ce recueil de poésies composé à la gloire de Julie d'Angennes par tout ce que l'hôtel de Rambouillet comptait alors de visiteurs célèbres, d'Arnaud d'Andilly à Tallemant des Réaux, en passant par Chapelain, Conrart et quelques autres. Bien entendu je savais (à peu près…) ce qu'a représenté l'hôtel de Rambouillet dans l'histoire des Lettres françaises, et les noms que je viens de citer m'étaient connus, à défaut d'être familier de leurs œuvres, mais je reste bien certain que jamais je n'avais entendu parler de cette fameuse guirlande.

– Les récentes escarmouches entre Israël et le Hamas ont au moins eu ceci de bien qu'elles ont vraiment fait tomber les masques des palestinolâtres antisémites. Ainsi, ce soir, Rosaelle en arrive à menacer Nicolas de débarquer au Kremlin-Bicêtre avec son “mec” pour que ce dernier lui casse la gueule : la petite bourgeoise se racaillise de façon réjouissante. De son côté, en version plus policée (parce qu'il est sans doute moins tête-près-du-bonnet), Juan Sarkofrance perd complètement les pédales et en arrive, en trois lignes, à dire tout et son contraire. Comme par exemple ceci : « Mais je n’ai rien contre les musulmans. Je déteste simplement cette religion autant que les autres – ni plus ni moins. »

Je viens de lui laisser le commentaire suivant :

« C’est quand ils en arrivent à ce type d’incohérence conceptuelle que l’on se rend compte que les progressistes (fossoyeurs, en mon langage…) béats sont vraiment arrivés en bout de course et ne savent plus à quel saint (!) se vouer, courant en tous sens comme des canards décapités dans la cour de la ferme.

« J’y vois une raison de me réjouir : vous (ce “vous” est collectif) êtes en train de comprendre, mais évidemment la mue est difficile, elle sera longue et douloureuse pour vous. Vous êtes exactement dans la situation de ces imbéciles de communistes "sincères" après 1956 ou 1968 : vous avez plus ou moins saisi que, des années durant, vous avez défendu l’indéfendable, mais votre petit amour propre vous interdit encore de le dire. Vous y viendrez, c’est écrit, comme diraient vos anciens amis… »

Évidemment il ne me répondra pas : je ne pense pas assez bien pour que M. Sarkofrance daigne s'adresser à moi directement (quoiqu'il le fasse parfois), ce qui m'amuse toujours beaucoup.


Lundi 11 août

Sept heures et demie. – J'étais tout surpris, ce matin, de recevoir mon travail dès dix heures, ce qui est très inhabituel pour un lundi. Je ne sais pourquoi, j'ai décidé de m'y mettre séance tenante, plutôt que de le laisser mijoter jusqu'à une ou deux heures de l'après-midi, comme c'est habituellement le cas. Il devait être onze heures lorsque, parvenu environ à la moitié de mes cinq mille signes, je m'avisais que vendredi – notre jour de parution – tombant le 15 août, il était possible que ce numéro de FD sorte avec une journée d'avance et que, donc, le bouclage intervienne mardi midi plutôt que mercredi à la même heure. À titre purement informatif, j'ai posé la question par mail à ma rédactrice en chef ; laquelle m'a répondu presque aussitôt que le journal bouclait aujourd'hui à midi, ce dont personne n'avait jugé bon de m'avertir. Je leur ai expédié mon article terminé à midi moins dix, mais ce ne fut pas de leur science.

– Ayant réussi ma matinée, j'ai eu à cœur de ne pas gâcher mon après-midi, si bien que j'ai proprement tondu le jardin quelques quarts d'heure avant que l'eau ne se mettre à choir en trombes. Et, sur les coups de six heures, quand Catherine s'est servi un verre de Crémant d'Alsace, j'ai stoïquement résisté à la demi-bouteille de riesling qui traînait dans la porte du réfrigérateur. À la place, j'ai continué de m'intéresser aux malheurs de L'Héritière de Birague, dont j'ai même fait un petit billet que personne n'a lu, ou en tout cas commenté. Avec cela, la température aujourd'hui n'a pas dépassé les 18° frisquettement celsius.

– Pendant ce temps, les palinodies de nos progressistes en robe de chambre continuent, à propos du conflit israélo-arabe.


Mercredi 13 août

Sept heures. – J'ai passé une partie de mon après-midi à ensevelir Lauren Bacall sous six mille signes de texte. La “nécro” est un exercice que j'aime en général assez bien – mais ça dépend aussi un peu du personnage à inhumer –, dans la mesure où, le plus souvent, on m'y accorde toute liberté. Il m'est arrivé d'être mieux inspiré que pour ce texte concernant Bacall, qui n'a jamais fait partie de mon petit panthéon, mais enfin je crois ne m'en être pas trop mal sorti.

– Le deuxième roman de ce volume consacré au Balzac d'avant Balzac est plus étonnant que le premier (L'Héritière de Birague) ; il s'intitule Jean Louis, ou la fille trouvée. Comme il se passe en 1788, c'est-à-dire à une époque presque contemporaine de l'auteur, il permet à Balzac de pointer davantage le bout de son nez que dans le premier, qui se déroulait sous la régence de Marie de Médicis. Mais il ne le fait pas uniformément, plutôt par à-coups. C'est-à-dire que les personnages principaux restent encore pris dans les conventions du roman traditionnel de ces années 1820 (quoique avec un humour presque omniprésent en plus), mais qu'un ou deux, et spécialement un, sont déjà de la plume du Balzac futur. C'est le cas en particulier de ce personnage de petit clerc (son nom m'échappe et le livre est resté au salon…), intelligent, malin, dénué de scrupules et dévoré d'ambition. Chaque passage le concernant nous projette brusquement dix ans en avant, dans la Comédie humaine ; et, dès qu'on le quitte pour revenir aux “héros”, bons ou mauvais, on repart en arrière. Sans pousser plus loin l'analogie, il fait penser à Panurge dans l'œuvre de Rabelais, beaucoup plus moderne, plus romanesque au sens où nous l'entendons, que les Pantagruel, Gargantua et autres. Ce qui est passionnant à observer, c'est que ce saute-ruisseau prend de plus en plus d'importance et de place à mesure qu'avance le roman ; on sent que l'auteur a hâte de revenir à lui et qu'il y prend plus de plaisir qu'à manier ses marionnettes plus conventionnelles. Je parierais volontiers que cette “prise de place” n'a pas été voulu dès le départ, qu'elle ne figure pas dans le synopsis, mais qu'elle s'est en quelque sorte imposée à Balzac. Nous qui connaissons la suite ne pouvons que le comprendre : comment n'aurait-il pas consacré toute son attention à ce jeune homme parti d'à peu près près rien et qui ne songe qu'à s'élever, qui voit la société comme une échelle dont il convient de franchir les barreaux à tout prix, et qui met à cette élévation une énergie presque surhumaine ? Bref, à ce possédé par une idée fixe, ce qui est le propre de la plupart des grandes figures balzaciennes.


Jeudi 14 août

Onze heures du matin. – Le petit clerc ambitieux et sans scrupules dont je parlais hier soir s'appelle Courottin ; et il ne l'a pas volé.

Sept heures. – La série noire canine semble ne pas vouloir s'arrêter. Bergotte, qui vomit depuis trois jours et se gratte sans arrêt, a été emmenée chez le vétérinaire cet après-midi. Bilan : son cœur est trop gros, ce qui a entraîné un œdème pulmonaire (je m'aperçois, en l'écrivant, que je ne vois absolument pas le rapport avec les symptômes présentés). Donc, fini pour elle les longues marches avec Catherine et bienvenue dans le cycle que l'on ne connaît que trop, celui des médicaments à prendre ad vitam. Elle n'a pourtant que huit ans, ce qui, pour un chien de cette taille, n'est pas spécialement vieux.

– Il est fortement question que nous allions passer trois ou quatre jours dans le Vaucluse, chez “les Pluton”, ainsi que Catherine les dénomme ordinairement. Le prétexte en est l'espèce de “cours musical” (les guillemets sont de lui…) que Jérôme Vallet a prévu de donner à ses élèves à propos de la sonate en général et de l'opus 111 en particulier, lequel constituera une sorte de suite “didactique” au concert qu'ils sont allés entendre ensemble – Jérôme, ses élèves et les Pluton – à La Roque d'Anthéron, le mois dernier. Rien n'est encore arrêté mais ce semble en bonne voie.

– Le ciel est “bouché de chez bouché”, et il tombe une jolie pluie dense et régulière qui ne déparerait pas un mois de novembre ; en quittant la maison il y a dix minutes, j'ai consulté le thermomètre de la terrasse : 15°…


Vendredi 15 août

Sept heures et quart. – Hormis la petite heure que j'ai consacrée à écrire trois mille signes sur Michel Galabru et Madame, j'ai passé l'entièreté de cette journée au XVIIe siècle, au cœur du Forez de d'Urfé d'abord, dans les alcôves de Tallemant des Réaux ensuite ; je m'en suis fort bien porté. Pris par cet entraînement Grand Siècle (Grand siècle prématuré néanmoins, car aussi bien L'Astrée que les Historiettes sont antérieures au siècle de Louis XIV proprement dit), ayant trouvé le premier volume en Pléiade (celle de 1963) des lettres de Mme de Sévigné pour la modique somme de dix euros, je me suis empressé de le commander ; et je résiste fort mal à l'envie de faire pareil pour le premier volume de Tallemant, qui, lui, en coûte le double.

– Catherine et moi avons décidé, ce matin, que même si Jérôme ne pouvait repousser sa “causerie musicale” au samedi 13 septembre, nous irions néanmoins passer trois jours chez Anna et Dominique, en leurs terres vauclusiennes ; du reste, il semble que, du côté du conférencier, les choses soient également en passe de s'accommoder.

– Long week-end du 15 août oblige, la blogosphère est à peu près morte ; ce qui est autant de gagné pour l'intelligence et la sérénité des esprits.


Samedi 16 août

Sept heures et demie. – Quelle belle journée tranquille ! Passée à continuer de lire L'Astrée, qui m'enchante, à part la demi-heure où j'ai empoigné la tondeuse pour ratiboiser le jardin, ce qui était une autre façon d'être champêtre, quoique plus bruyante. Après la tondeuse (et la douche subséquente), j'ai dit à Catherine que je boirais bien un verre : c'est à peine si j'ai vidé la bouteille de riesling offerte pour cet holocauste, et me voici à ce clavier sans verre à portée de main, n'en ayant plus envie : soit je deviens incompréhensiblement raisonnable, soit je suis tout près de mourir et n'en sais encore rien. À part un engin agricole, tournant très au loin, il règne ici une paix invraisemblable.


Dimanche 17 août

Sept heures cinq. – D'Urfé, Tallemant ; et, pour conclure, une terrine de poulet en gelée et une assiette de frites.


Lundi 18 août

Sept heures et demie. – Court séjour à l'hôpital d'Évreux pour y subir un électromyogramme, sous le haut-patronage d'une neurologue plutôt sympathique quoique fort maigre. Le but était de déterminer si les fourmillements continuels, et de plus en plus présents, qui, partis de mes pieds, ont désormais pris possession de l'intégralité de mes mollets, en attendant mieux je suppose, sont bien d'origine neurologique. Verdict : ils sont. Je dois maintenant passer un scanner lombaire, pour je ne sais plus quelle raison, et un bilan sanguin dont l'énoncé est aussi long qu'un paragraphe proustien, afin de déterminer la cause du problème. Ensuite de quoi seulement, on saura s'il y a possibilité de remédier plus ou moins à l'inconvénient ou si je devrai continuer à faire avec. De tout cela je me fiche un peu, à vrai dire.

– Pour l'inévitable attente hospitalière – qui ne fut pas bien longue du reste –, j'avais emporté le prince de Ligne plutôt qu'Honoré d'Urfé, les Mémoires se prêtant mieux à une lecture en milieu hostile que L'Astrée. Au retour, il devait être trois heures et demie, comme mes bien-aimés chefs – que Dieu les ait en Sa Sainte Garde – n'avaient pas cru devoir ajouter un travail à ma corvée médicale, j'ai décidé de rouvrir Le Siècle de Louis XIV de Voltaire, dont j'avais lu deux à trois cents pages il y a quelques années, avant de l'abandonner pour une raison qui, aujourd'hui, m'échappe tout à fait. Parce que son nom est cité dès les premiers chapitres, cela m'a donné l'idée de revenir aux Mémoires du cardinal de Retz, que j'avais tenté de lire il y a beaucoup plus longtemps mais sans succès : je crois bien que, à l'époque, la langue m'en avait semblé un peu trop hérissée pour moi ; comme le français du XVIIe est en train de me devenir familier, je pense que je devrais pouvoir en faire tout mon profit. Ensuite de quoi, je ne serais nullement surpris si tout cela ne me ramenait pas au duc de Saint-Simon ; ce qui serait une façon de sortir du XVIIe tout en y demeurant. En sortir, c'est d'ailleurs ce que je ne suis sans doute pas près de faire, puisque, après avoir acheté il y a trois jours le premier volume de La Pléiade consacré à Mme de Sévigné, j'ai commandé ce matin celui des Historiettes de Tallemant, car la lecture du mince volume que j'avais m'a grandement laissé sur ma faim. Et je n'ai pas tout à fait renoncé à acquérir les Mémoires de Bassompierre.

– Demain, retour à FD, puisque cette maudite engeance autoroutière a décidé de rouvrir la A 14 à la circulation.


Mardi 19 août

Huit heures. – Comme souvent, les jours de bivouac levalloisien : rien.


Jeudi 21 août

Sept heures et quart. – J'ai passé tout mon après-midi d'hier à lire les 350 pages d'une autobiographie fade et lisse de Sophia Loren, j'y ai tout de même trouvé deux sujets possibles… tout cela pour m'entendre dire (façon de parler : c'était par mail…) il y a un instant que l'on repoussait Mme Loren à la semaine prochaine ; ce qui, d'après mon expérience, devrait signifier qu'on n'en fera jamais rien et que j'ai lu le livre pour la peau. D'un autre côté, comme cette lecture a été faite chez moi et sur mon temps de travail…

– Sinon, j'ai passé l'essentiel de la journée avec Voltaire et Louis XIV. J'ai parcouru au galop les cent dernières pages du premier tome, celui qui retrace la chronologie “politique” du règne : menaçait une indigestion de guerres, de batailles gagnées ou perdues, de villes prises, puis abandonnées, puis reprises, etc. Mais, dès le début du second tome, plus thématique, l'intérêt est revenu, multiplié. La conséquence de cela est que les bergères et les sylphides de M. d'Urfé restent un peu comme des âmes en peine.

– Il nous a fallu, aujourd'hui, à Catherine et moi, une volonté d'übermenschen pour ne pas remettre le chauffage en marche : le thermomètre extérieur, ce matin, affichait glorieusement 8° et, de toute la journée, il n'a pas dépassé les 18 ou 19. Nous vivons depuis quelques jours avec les chaussettes de laine aux pieds et les vestes molletonnées sur le dos. Je suppose qu'il doit s'agir, une fois de plus, de l'un des effets pervers de ce diabolique réchauffement climatique.


Vendredi 22 août

Sept heures et demie. – Le XVIIe siècle me colle décidément aux semelles : ce matin, parce que Voltaire me parlait de lui, j'ai ressorti Bossuet de son étagère. Mais, au lieu de relire une ou deux oraisons comme je le fais à chaque fois qu'une telle lubie me prend, je me suis attaqué au Discours sur l'histoire universelle. Et, demain, je devrais recevoir le premier volume des Historiettes


Samedi 23 août

Huit heures. – J'avais, aujourd'hui, six mille signes à écrire pour FD. Eh bien… je les ai toujours. À la place de les écrire, j'ai lu le Discours sur l'histoire universelle, titre franchement abusif, notamment dans la seconde partie, la plus longue, dans la mesure où il n'y est question que de religion. Je pense que je vais m'en reposer un peu demain, avec les Historiettes de Tallemant, dont le premier volume en Pléiade est arrivé ce matin.

– Est-ce la pernicieuse influence de Bossuet ? Je viens d'écrire à l'instant un billet par lequel je démontre (!) que la chanson de Trenet, À la porte du garage, est en fait une parabole biblico-évangélique…


Dimanche 24 août

Sept heures et demie. – Parce que Bossuet y fait une allusion dans son Discours, je me suis souvenu que René Girard parlait quelque part d'Apollonius de Tyane, ce faux prophète et faiseux d'miracles du IIe siècle de notre ère. Le “quelque part” n'a pas été bien long à retrouver : c'est dans Je vois Satan tomber comme l'éclair, livre de 1999. Je l'ai donc rapporté au salon et, plutôt que de lire uniquement le chapitre consacré à Apollonius, je l'ai repris depuis le début ; cependant que Catherine, elle, s'était à son tour plongée dans Bossuet.

– Je sais bien qu'il est un peu prétentieux et souvent ridicule de toujours tout ramener à soi, mais le début du billet qu'a publié ce matin Jérôme sur son blog m'a donné l'impression de me découvrir soudain dans un miroir, même pas déformant. Le voici, ce début :

« Il y a ceux qui ont de la répartie, et puis il y a ceux qui répondent à côté, ou ne trouvent rien à répondre, sur le moment. Je ferais plutôt partie de la deuxième catégorie. 
« Je connais un type, c'est tout le contraire. Vous lui demandez par exemple d'écrire quelque chose pour le mois prochain, mais alors quelque chose d'original, une œuvre d'imagination, en quelque sorte. Il est cuit. Vous pouvez lui laisser deux ans de rab, il ne commencera même pas. En revanche, vous lui lancez une phrase, à peu près n'importe quoi, et deux heures après il vous a écrit 15 000 signes à l'aise, et c'est brillant, presque parfait. »

Dois-je, après cela, noter que, bien qu'y pensant tous les jours, je n'ai pas encore écrit le moindre mot de ce futur roman de plus en plus hypothétique, alors qu'il devrait pourtant me rapporter gloire et argent ?


Lundi 25 août

Huit heures. – Bergotte continuant à se gratter le ventre comme une perdue, Catherine a pris rendez-vous chez le vétérinaire, lequel fut fixé à six heures moins le quart. Compte tenu de ses récents problèmes de cœur, de poumons, etc., nous nous attendions au pire. Verdict : des puces ! Pas beaucoup, mais de simples puces. Il n'empêche que, la perspective de perdre notre dernier chien ayant été “actée” (langage administrativo-modernœud), nous avons, ce soir, commencé à parler de l'éventualité d'en accueillir un nouveau. Je pense que, pour ce qui concerne Catherine, la décision est déjà aux trois quarts prise, dans la mesure où elle a mis en mémoire, dans son ordinateur, je ne sais quel site de la SPA, où elle a établi ses préférences de chiens, etc. Je serais très surpris que l'on termine le mois de septembre sans nous être rendus à Rouen, au chenil en question. Je n'ai dit ni oui ni non, pour la bonne raison que je ne dis presque jamais ni oui ni non ; et que, comme d'habitude, ce n'est pas moi qui m'occuperai de ce nouveau venu, s'il arrive.

– Je me suis levé ce matin peu avant neuf heures : il pleuvait. Le jour décroît tant qu'il peut et il n'a pas cessé de pleuvoir de la journée, ce qui m'a ravi : je déteste suffisamment l'été pour me réjouir lorsqu'il ressemble à ce qu'il a été cette année. Je précise que les gens qui aiment l'été, qui l'aiment beaucoup voire excessivement, n'ont aucune chance de devenir mes amis. Et j'ai été ravi, hier ou avant-hier, lorsque Dominique (Pluton), dans un mail où il me parlait d'autre chose, a glissé qu'il se réjouissait de l'approche de l'automne : je m'en réjouis chaque année depuis au moins quarante ans, et cela m'a rapproché de lui sans qu'il le sache.


Mardi 26 août

Sept heures et demie. – Ayant terminé tout à l'heure le livre de Girard, je suis venu à ce clavier dans la ferme intention d'écrire un billet à propos du processus victimaire, vu à la lumière de cette lecture et m'appuyant sur elle, dont a été l'objet Nicolas Sarkozy, depuis  l'insignifiant prétexte de départ (le Fouquet's, le yacht de Bolloré) jusqu'à son “expulsion” de mai 2012 ; je l'aurais intitulé Portrait de Sarkozy en bouc, ou quelque chose d'approchant. Mais Tallemant des Réaux est venu me court-circuiter l'entendement, avec sa longue historiette consacré à Richelieu, et je me suis retrouvé à écrire un mini-texte parlant de grosses mouches et de Marie de Médicis. Je pense que je vais emporter le Girard demain matin à Levallois où, en principe, je devrais disposer de tout le temps nécessaire pour écrire le billet prévu.


Mercredi 27 août

Sept heures et demie. – Journée à la fois agitée (je suis allé à Levallois) et nonchalante (on ne m'a donné aucun travail à faire). De retour vers deux heures et demie, j'ai paresseusement lu quelques Historiettes, puis cinq ou six courts textes d'Albert Caraco, dans son Bréviaire du chaos.

– René Girard n'a décidément pas de chance avec moi. Je suis parti ce matin avec son livre et la ferme intention d'écrire et de publier le billet que je méditais hier ; je l'ai d'ailleurs commencé, en ai rédigé une vingtaine de lignes, avant de m'arrêter et de tout mettre à la poubelle, me rendant compte que si je voulais être compréhensible par des gens n'étant pas vraiment au fait des théories girardiennes, il allait falloir que je sois très long et très explicatif, beaucoup trop en tout cas pour ne pas tuer la mince drôlerie qu'il y avait dans l'idée originelle ; laquelle drôlerie, pour subsister, devait se loger dans un texte rapide.

– Je viens de lire, sur le forum de l'In-nocence, une phrase hautement savoureuse, que Laurent Fabius aurait publié sur son compte Twitter. La voici : « Ce califat de la terreur et de la haine doit être neutralisé, les femmes violées, les journalistes décapités ». “Vaste programme”, aurait répondu le Général.


Jeudi 28 août

Sept heures et demie. – Journée inverse à celle d'hier : parfaitement sédentaire mais intensément besogneuse. J'ai commencé, ce matin, par écrire les 7500 signes tirés de l'autobiographie de Sophia Loren que l'on m'a commandés hier (en réalité on ne m'en a demandé que 6000 mais je me suis laissé un peu aller…). Je pensais être tranquille pour le reste de la journée, mais pas du tout : à l'heure du déjeuner me sont tombés dessus 3000 signes supplémentaires, consacrés cette fois au guignol nommé Pagny Florent. Enfin, vers cinq heures, coup de téléphone de Brice : il voudrait savoir si je pourrais lire un petit livre qui n'est pas encore sorti et est consacré à Johnny. Bien que la perspective de lire tout un volume ou son équivalent sur l'écran ne me séduise guère, je réponds par l'affirmative, tout en précisant que cela suppose qu'on ne m'envoie point d'autre travail demain. Le “paquet” est arrivé il y a une heure environ : il compte 600 pages serrées, soit 1 500 000 signes. J'ai donc renvoyé un mail à mes puissances tutélaires, envolées dans la nature jusqu'à demain, que c'étaient deux jours qui me seraient nécessaires et non un. Et même s'ils me les accordent, ces deux jours, et même-au-carré s'ils avaient l'idée de me payer une journée supplémentaire samedi, la perspective de devoir avaler 600 pages sur écran ne me sourit pas plus que cela ; surtout pour me voir ressasser des choses que je sais déjà sur un personnage qui ne m'intéresse aucunement ; avec, en plus, bien entendu, la charge de trouver dans ce fatras un sujet d'article qui tienne debout.

– Sinon, moment agréable dans cette mer de grisaille, j'ai reçu le premier volume de Mme de Sévigné en Pléiade, dont j'ai lu les 80 pages d'introduction, absolument parfaites, pas m'as-t-vu-quand-je-pense pour un sou, claires, bien écrites, ayant des choses à apprendre au lecteur et ne lui disant rien de plus. Bref, un travail d'édition comme on en faisait encore dans les années cinquante (ce volume est paru en 1953) et soixante, avant que les jargonneurs modernes ne prennent le pouvoir et n'étalent leurs universitaires fatuités.


Samedi 30 août

Sept heures vingt. – L'essentiel de la journée, je l'ai passé devant cet écran, à lire environ six cent mille signes de la biographie du sieur Hallyday. J'ai arrêté vers quatre heures et demie, lorsque mes yeux se sont mis à scintiller comme deux arbres de Noël, que ma tête a fait donner le gros bourdon et que même mon estomac a montré quelques velléités de regimber. J'ai donc rejoint la maison, en celle-ci le salon et en lui mon fauteuil, avec l'intention de revenir à Mme de Sévigné. Mais je me suis endormi comme un quartier de viande abruti de fatigue et n'ai rouvert l'œil qu'à six heures moins le quart, juste à temps pour ne point manquer le petit souper de Dame Bergotte, notre Grande Mademoiselle à nous. Bref, une journée d'autant plus stupide que je me suis escrimé sur Johnny en pure perte et le sachant : il n'y a rigoureusement rien à tirer de ce futur livre ; à part pour celui qui tiendrait absolument à vérifier si, lors de son concert de Montauban, le 21 février 1969, l'artiste a bien chanté Les Portes du pénitencier, vêtu d'un smoking violet et d'une chemise à jabot : celui-là trouvera immanquablement sa réponse, quelque part entre ces huit cents et quelques pages. – Le pis est qu'il m'en reste encore plus de deux cent cinquante pour demain ; mais il est possible que je jette l'éponge avant terme.


Dimanche 31 août

Huit heures. – Journée exactement semblable à la précédente, dans ses activités mais non dans ses proportions : davantage de lectures intelligentes (Sévigné, Tallemant) et beaucoup moins de Hallyday. Avec, en prime, comme chaque année, la grande satisfaction de voir crever ce mois pénible, bien qu'auguste.

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