mardi 17 septembre 2013

Août 2013









 L'HEURE DU REIN











Jeudi 1er août

Six heures moins le quart. – C'est bien pour dire que je ne manque pas le millésime… Il fait une chaleur de bête dans cette fucking Case et je ne vais sûrement pas y rester bien longtemps (d'autant que le Ricard, l'eau fraîche et les glaçons sont restés dans la maison principale).

– J'étais plutôt fier de moi ce matin, car je me suis débarrassé de ma “page télé” entre sept heures et demie et neuf heures, pendant qu'il faisait encore bien frais ici. À partir d'une heure environ, c'est devenu infernal et je ne fais plus que de rapides incursions afin de valider les commentaires du blog.

– Sur le conseil de Michel Desgranges (qui a reçu son “exemplaire papier” ce matin par la poste), j'ai envoyé par mail En territoire ennemi à Caroline Noirot, la directrice des Belles Lettres, afin qu'elle puisse l'imprimer et partir demain en vacances avec – vacances que j'espère ne pas trop sévèrement lui gâcher par cette lecture que je lui impose. Du coup, évidemment, j'ai commencé moi-même à relire ces fichus textes en essayant – tentative ridicule mais irrésistible – de me mettre dans la peau et l'esprit d'un lecteur nouveau et non prévenu. Mais, encore une fois, la chaleur étouffante a rapidement eu raison de moi, et j'ai fui ce bureau maudit.

– Ma période de non lecture se prolonge ; je ne m'en inquiète pas encore, mais il ne faudrait pas qu'elle dure encore bien longtemps pour que oui. Catherine dit que c'est à cause de mon propre livre, qui m'occupe excessivement l'esprit ; elle a peut-être raison, les deux choses étant en effet concomitantes.

– Ce sera tout pour le moment : je pars en eau, littéralement.


Vendredi 2 août

Cinq heures. – Hier soir, alors que je dormais déjà, Catherine est entrée dans la chambre pour prendre la moitié du matelas (qui n'est, on l'aura compris, que la réunion de deux matelas d'une personne), afin de passer la nuit sur la terrasse, pour cause de trop grosse chaleur à l'intérieur. Il en a résulté que j'ai assez mal dormi, sans cesse réveillé par la peur inconsciente et stupide de tomber de mon demi-matelas sur le sommier voisin. Aujourd'hui, la chaleur est presque équivalente à celle d'hier, mais avec un petit vent en plus, qui rend l'atmosphère moins lourde. (Bien entendu, au moment où j'écris cela, il cesse brusquement et totalement de souffler.)

– N'ayant à peu près rien fait de ma journée, je ne vois pas l'intérêt de m'attarder ici davantage.


Samedi 3 août

Cinq heures et demie. – Je ne sais si c'est la baisse de température qui a agi sur moi et mon environnement immédiat, mais cette journée fut en tous points positive. D'abord parce que le transfert des nouvelles données GPSistes dans l'ordinateur de bord de la voiture, au moyen de quatre DVD reçu il y a plus d'un mois, s'est déroulé sans la moindre anicroche, contrairement à ce que Catherine et moi tenions pour assuré. Certes, ce fut long : environ six heures, mais enfin ce n'était pas un travail prenant pour le propriétaire du véhicule, puisqu'il consistait à laisser tourner le moteur et à changer de disque lorsque l'un d'eux était parvenu au bout de sa mission.

Ensuite, saisi d'un courage aussi inattendu que matutinal, j'ai tondu le jardin dès neuf heures, pendant qu'il faisait à peu près frais. Enfin, après avoir publié sur le blog un court billet consacré au hérisson, après celui d'hier sur le merle et celui d'avant-hier dédié à la taupe, j'ai soudain eu l'idée que je pourrais peut-être ôter d'En territoire ennemi les quelques textes “animaliers” qui s'y trouvent, afin de les réunir d'ici un an ou deux, c'est-à-dire quand j'en aurai écrit suffisamment, en une sorte de petit Bestiaire. Je viens de soumettre par mail à Desgranges cette mirobolante idée.

Cerise sur le gâteau : il reste du Ricard dans la bouteille.


Dimanche 4 août

Sept heures et demie. – Journée passée pour l'essentiel aux urgences de l'hôpital d'Évreux. Vendredi, en milieu d'après-midi, j'ai eu la mauvaise surprise d'expulser une urine dont la couleur rappelait davantage le vin de bordeaux que celui d'Alsace. Mais comme, mictions suivantes, tout semblait revenir à la normale, je n'en ai soufflé mot à Catherine, de peur qu'elle n'exige de remplacer l'apéritif vespéral par une visite à l'hôpital. Le problème est que le sang est revenu – mais beaucoup moins – dès le lendemain, hier donc. Et, ce matin, c'était pis que tout : non seulement ce qui coulait de moi avait exactement la couleur du sang, mais en outre, j'évacuais de gros caillots en même temps. Cette fois, il a bien fallu réagir, et nous sommes partis ensemble (pour le cas où je serais hospitalisé : que Catherine puisse au moins disposer de la voiture durant mon agonie), peu avant midi.

Contrairement à nos appréhensions conjointes, il n'y avait pas foule, dans ce service,  le personnel était aimable et relativement rapide. J'ai fièrement annoncé au médecin que je n'éprouvais pas la moindre douleur, ni avant, ni pendant, ni après. Là-dessus, prise de sang, et naturellement, l'attente des résultats fut ce qu'il y eut de plus long et pénible ; d'autant plus pénible que, à peine les palpations du médecin achevées, la douleur qu'il s'étonnait un peu de ne pas me voir ressentir, cette douleur a pris naissance dans la région de l'aine gauche, puis dans les reins, et s'est mise aussitôt à croître lentement mais régulièrement. Pour finir, les résultats de l'examen sanguin n'ont pas dû alarmer beaucoup l'homme de l'art puisqu'il m'a renvoyé chez moi, après m'avoir pris un rendez-vous au service d'urologie de la clinique Pasteur, toujours à Évreux, jeudi matin aux aurores. Il m'a également donné une ordonnance pour des antidouleurs plus costauds que l'habituel paracétamol… et un arrêt de travail d'une semaine que, contrairement à moi, Catherine a pensé à lui demander. Il est d'autant mieux venu, celui-là, que durant la semaine qui s'annonce, la moitié de mes autoroutes sont fermées pour travaux d'entretien, ce qui aurait rendu les trajets un tantinet pénibles.

Au fond, la seule conséquence (pour l'instant…) vraiment fâcheuse de cette histoire est que j'ai trouvé plus sage d'annuler le dîner organisé mercredi soir par Rémi, chez lui, à Évreux, en l'honneur de Jacques Étienne, monté pour quelques jours de sa Basse-Normandie d'élection. (La phrase précédente est idiote : je n'ai évidemment pas annulé ce dîner, mais seulement notre participation à lui.)

Tandis que je prenais avec une admirable résignation mon mal en patience, je me suis aperçu que, voilà dix ans, presque jour pour jour, j'avais passé deux jours dans ce même hôpital – mais qui était encore dans ses anciens bâtiments du centre –, pour une infection au testicule gauche, réjouissance que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi, même progressiste. On verra ce qui me tombera dessus en août 2023 ; ma pierre tombale, par exemple.


Lundi 5 août

Sept heures et quart. – Journée assez morne. À part la première de ce matin, vaguement rosâtre, mes mictions de la journée avaient une apparence de bon aloi ; néanmoins, je dois tout de même traîner un peu de fièvre car je me sens tout mollasson et sans goût à rien. Sans compter cette douleur, au côté gauche, pas très forte mais qui ne se laisse pas oublier pour autant. Bref, on comprendra que j'en reste là pour ce soir.


Mardi 6 août

Sept heures vingt. – Pareil qu'hier.


Mercredi 7 août

Sept heures et demie. – C'est sans doute une  illusion, un faux répit avant l'assaut final, mais j'ai eu l'impression, ce matin, de me réveiller tout à fait débarrassé de mes ennuis de ces derniers jours : plus de sang dans l'urine, pas davantage de fièvre, toute douleur disparue comme par enchantement – et cela dure encore à l'heure qu'il est. L'urologue que je dois consulter demain matin à 8 h 45 (prière de se présenter à l'accueil une demi-heure avant votre rendez-vous) va pouvoir s'adosser malignement à cette espèce de quiétude retrouvée pour m'asséner d'autant plus violemment son coup de grâce ; je le sens assez bien venir, le drôle.

– Parti du “niveau 3” il y a quelques semaines, je me sens absurdement fier d'avoir atteint, depuis hier, le niveau 6 au sudoku ; d'autant plus que c'est à ce stade qu'était parvenue Catherine quelques jours avant moi. Je vais travailler d'arrache-pied pour accéder au septième ciel grillé avant elle…


Jeudi 8 août

Sept heures et demie. – Ah, il va être juvénile et pimpant, ce journal d'août, je le sens ! D'un côté le couple vieillissant qui, à la suite d'un probable et simultané ramollissement cérébral, a abandonné toute prétention à la littérature pour remplir comme des maniaques une grille de sudoku après l'autre ; et pour parfaire cette ambiance de dégénérescence, mes histoires d'urines et d'examens médicaux : on est parti pour s'amuser et s'éjouir…

– Ce matin, devant être à la clinique Pasteur à huit heures et quart (pour un rendez-vous effectif avec l'urologue de service une demi-heure après), j'y étais bien sûr dès huit heures cinq. Ce fut pour trouver close la porte des “Consultations”, sombres et déserts les locaux qui se trouvaient derrière. Dix minutes plus tard, rien n'ayant bougé, je vais risquer ma face à l'accueil des urgences, où un groupe de sept à huit “personnels” en blouses blanches discutait avec animation ; aucun n'atteignait la moitié de mon âge. On s'enquiert, je me nomme. La préposée au guichet – la seule à n'être pas blousée – me lance alors cette phrase, inquiétante dans ses conséquences entrevues : « Vous n'avez pas eu le message de l'assistante du docteur ? » Naturellement, non. Il était, ce message fantôme, pour me dire que mon rendez-vous était repoussé d'une heure : la journée commençait bien. Comme les alentours de la clinique Pasteur sont radicalement libres de bistrots, je me résigne à la salle d'attente, ayant repéré au passage qu'elle était déserte. Déserte mais non silencieuse : le poste de télévision fixé au mur, bien haut pour que tout le monde puisse le voir, diffusait l'une de ces insanités américaines sirupeuses dont, paraît-il, les ménagères se repaissent dès le matin. Je me suis donc réfugié dans la voiture, avec le livre que j'avais eu l'élémentaire sagesse de prendre avec moi. Lorsque j'y suis revenu, dans cette salle d'attente, afin de ne pas risquer de “manquer mon tour”, la télévision fonctionnait toujours, évidemment, et s'en écoulait le même type de sanie. Eh bien, j'ai pu constater que, sur les quinze personnes que nous étions à ce moment-là (mais pas toujours les quinze mêmes : il y avait de l'animation), gens de tous âges, races et milieux, pas une, à aucun moment, ne s'est intéressée, fût-ce d'un œil distrait, aux discordes amoureuses de Brian et Priscilla. Mais alors pour qui fonctionnait-il, cet écran, si c'était pour laisser indifférents les trois quarts des attendants et agacer fortement le dernier quart ?

J'ai tout de même fini par être appelé. Après un bref entretien avec moi, le praticien s'est décidé pour une fibroscopie : c'était son droit. Puis il a disparu, me laissant seul avec l'infirmière, laquelle m'a fait promptement déshabiller, allonger, avant de m'injecter une sorte de gel anesthésiant dans ce que je crois s'appeler l'urètre. Puis, gentiment, elle a entrepris de me rassurer quant à ce qui m'attendait dès que l'uro-génitologiste daignerait revenir parmi nous. Elle le fit à peu près en ces termes (elle n'a pas mis l'italique, c'est moi qui le fais) : « La fibro ne fait pas réellement mal mais c'est une sensation peu agréable, notamment lorsque l'on traverse la prostate [là, le patient est déjà liquéfié par une venette biblique, sa queue a la taille et la consistance d'un petit gris des prés – ou d'un bulot, pour les maritimes]. Ce qu'il faut, pour que ça se passe le mieux possible, c'est respirer profondément : ça aide à penser à autre chose… » En suite de quoi, le trans-prostatique met encore dix minutes à revenir, le temps sans doute que, dans votre cerveau bien mis en condition, les informations délivrées par son infirmière prenne les proportions exactement inverses à celles de votre appareillage ; qui, en cet instant, est tout ce qu'on veut sauf reproducteur, cet infortuné.

Finalement il arrive, empoigne son instrument d'une main, le vôtre de l'autre, puis procède. Et vous constatez que l'opération, non contente d'être fort courte, est également tout à fait anodine sur le plan des sensations peu agréables. Vous vous demandez alors si l'infirmière vous a collé les flubes par inconscience, sottise, ou au contraire par une diabolique connaissance de l'âme humaine, en rendant acceptable la réalité par le fait même qu'elle l'avait au préalable grossie aux proportions du cauchemar. Sans réponse convaincante, vous vous rhabillez ; non sans qu'un doigt finement polymérisé ne soit auparavant allé prendre nouvelles de votre prostate par la voie sub-dorsale, qui est comme l'on sait, le plus court chemin d'un point à un autre, surtout dans ces cas-là.

Il me reste à affronter le passage dans le scanner, expérience toute nouvelle en ce qui me concerne : ce sera pour lundi matin, toujours à la clinique Pasteur. Et, mardi, en fin d'après-midi, ce digne homme ayant enfin toutes les pièces en main, si je puis dire, pourra enfin m'annoncer mon sursis ou le rejet de ma grâce. En attendant, il m'a toujours accordé une semaine d'arrêt de travail supplémentaire : je n'ai pas poussé la conscience professionnelle jusqu'à la refuser.

– À un moment que nous étions seuls, et cependant qu'elle manipulait avec dextérité mes humbles génitoires, l'infirmière se plaignit à moi de ce que beaucoup de gens, notamment dans le milieu hospitalier, n'avaient aucun respect pour les autres, que ce soit d'un côté ou de l'autre de la barrière des admissions. Elle me dit alors : « Je pense de plus en plus que je suis née une génération trop tard : j'aurais préféré vivre dans le monde d'avant. » Comme elle m'avait dit, un instant auparavant, que j'avais l'âge de ses parents, je lui ai répondu que j'avais le même sentiment, alors que j'appartenais précisément à cette génération qui semblait lui faire tellement envie. Et pendant quelques instants, elle gantée et moi la bite à l'air, nous avons soupiré sur le destin du monde.


Vendredi 9 août

Cinq heures et demie. – Retour au calme. Journée nonchalante, parsemée de micro-activités agréables pour la plupart, car imposées par rien ni personne. Lecture paresseuse du dernier numéro de Valeurs actuelles, dont le petit dossier sur le bonheur français des années Pompidou m'a évidemment envoyé directement barboter dans la mare des nostalgies les plus stériles, mais aussi les plus agréables à mon sens. C'est l'une des douceurs de la vieillesse – ou du vieillissement : ne brûlons pas les étapes, tout de même… –, que ce pouvoir qui vient à l'homme de réveiller la nostalgie quand ça lui chante, sur un simple claquement de doigts ou presque, et d'être capable de s'en déprendre dès le quart d'heure suivant. Tous ces gens animés par une sinistre énergie d'avenir, qui croient flatteur pour eux-mêmes d'affirmer que “la nostalgie, moi, ch'chais pas c'que c'est”, je les regarde de plus en plus comme des personnes en situation de handicap : je les plains davantage qu'ils ne m'agacent.


Samedi 10 août

Six heures et quart. –  J'ai beau me répéter que c'est stupide, je continue d'être horripilé par cette paresse intermittente mais régulière dont est saisi Blogger, qui fait que trois ou quatre heures après avoir publié un nouveau billet sur le blog, celui-ci n'apparaît toujours dans aucune blogroll : à quoi sert d'écrire et de publier si personne ne s'en aperçoit ? On me rétorquera la fameuse “satisfaction personnelle”. Soit, mais enfin elle est bien mince, lorsqu'on vient d'écrire vingt lignes consacrées au saucisson sec…

– Journée semblable à celle d'hier, si ce n'est qu'aujourd'hui je n'ai vraiment rien lu du tout. Je commence d'ailleurs à me demander quand va m'en revenir le goût, car enfin il y a maintenant des jours et des jours qu'a disparu la “canicule” que j'ai d'abord invoquée comme prétexte à ma paresse.


Dimanche 11 août

Sept heures vingt. – La situation chez Blogger ne s'arrange pas, au contraire : le billet que j'ai publié ce matin à neuf heures n'apparaît toujours dans aucune blogoliste. De plus, mon irritation commence à se doubler de paranoïa, car j'ai pu constater que d'autres personnes (Falconhill par exemple), également chez Blogger, semblent n'avoir aucun problème pour que leurs nouvelles publications soient recensées dans les mêmes délais qu'auparavant. Comme je ne peux de toute façon rien y faire, il vaudrait mieux que j'en prenne mon parti.


Mardi 13 août

Onze heures du matin. – Sur le front médical, les nouvelles ne sont pas très réjouissantes. Le scanner d'hier matin a montrer que mon rein gauche déconnait à pleins tuyaux, qu'il était gorgé de sang (d'où les douleurs qu'il m'occasionne) et qu'il était en outre nanti d'une sorte de “nodule” pas du tout censé se trouver là. À la suite de quoi, la douleur m'a fait passer une nuit plutôt exécrable et ce n'est que vers six heures du matin, la douleur refluant, que j'ai pu réellement dormir. Je dois voir l'urologue aujourd'hui à quatre heures : à mon avis, il y a bien trois “chances” sur quatre pour qu'il m'hospitalise illico, n'ayant pas, contrairement à nos anciens rois, la faculté de guérir les écrouelles ni les reins par simple contact tactile. Bref, me voilà embringué dans une épopée médicale dont je me serais volontiers passé, d'autant plus qu'on ne sait pas encore ce qu'elle va révéler. Mais enfin, pour l'instant, je me trouve assez zen face à ce désagrément.

Prévoyant en diable, je partirai tout à l'heure pour la clinique nanti d'un sac de voyage contenant quelques vêtements adaptés, mais surtout deux ou trois livres et un petit magazine de sudoku ; qu'au moins je ne m'ennuie pas pendant l'agonie. D'autre part, il est prévu que, si hospitalisation il y a bien, Catherine m'apporte demain son ordinateur portable, afin que je puisse continuer à tenir ce journal. Comme on voit, rien n'a été laissé au hasard.

– Dominique et Gabrielle sont bien arrivées hier dans l'après-midi, comme prévu, et, nonobstant mes petits problèmes personnels, nous avons passé une excellente soirée ; assez brève mais excellente. Il y a environ une demi-heure, la mère et la fille sont parties en voiture pour aller passer la journée à Paris, nous laissant la garde d'Oscar, le chien à trois pattes ; lequel s'est fort bien entendu avec les nôtres, ce qui est déjà ça.


Mercredi 14 août

Midi et demie. – Eh bien, le moins que l'on puisse dire est que rien ne s'arrange sur le front médical. Le scanner passé avant-hier a trahi la présence d'une splendide tumeur cancéreuse au rein gauche ; laquelle va entraîner l'ablation du pittoresque organe en question : ce sera chose faite vendredi prochain. Entretemps, mercredi, j'aurai passé un nouveau scanner, afin de voir s'il n'y aurait pas, par hasard, déjà des métastases aux poumons. Catherine s'est évidemment précipitée sur l'ordinateur afin de demander à Mme Google ce qu'elle pensait des cancers du rein. Verdict de la dame en question : 90 % de guérison totale. Sauf, évidemment, si l'on devait me trouver  les fameuses métastases dans l'un ou l'autre (ou les deux…) de mes poumons. Dans ce cas, je ne parierais pas sur ma survie à cinq ans, et sans doute même moins. Il ne me resterait plus qu'à faire la course avec mon père, dans laquelle il aurait tout de même une sérieuse longueur d'avance. Mais, d'un autre côté, étant plus jeune, je suppose que je dois fabriquer mes petites cellules cancéreuses beaucoup plus vite que lui, ce qui doit nous ramener à une saine égalité.

Hier je disais à Catherine que ma mère se retrouvait dans une situation assez étonnante, puisque la voici menacée de perdre à la fois son mari et son fils aîné, alors que sa mère est toujours en vie, même si dans un état qui fait envisager le cancer comme une bienheureuse porte de sortie. J'ai conclu sur le ton de Robert Lamoureux : « Et le lundi, Suzanne était toujours vivante ! »

Pour ce qui est de moi, je prends tout cela (pour l'instant…) avec un détachement qui m'étonne un peu moi-même. Je n'ai pas l'impression d'être réellement concerné. Évidemment, je préférerais que le scanner de la semaine prochaine révèle une absence de métastases pulmonaires plutôt que l'inverse ; mais il me semble que je ne serai pas plus abattu s'il en va différemment. Enfin, on verra à ce moment : je ne vais pas faire le malin non plus ni me mettre à plastronner dans ce journal.

En fait, la seule chose qui me déprime un peu, depuis hier, c'est la perspective de devoir passer huit jours à l'hôpital sans pouvoir fumer. Mais enfin, je l'ai déjà fait, sans trop en souffrir, je pense que je serai capable de réitérer l'exploit. M'a amusé, hier, en quittant le cabinet de l'urologue, que le sentiment qui dominait chez moi était une sorte de joie guillerette à l'idée que je pouvais rentrer à la maison plutôt que d'être incarcéré immédiatement. On aura beau dire que c'était reculer pour mieux sauter, le recul était néanmoins fort bienvenu.


Jeudi 15 août

Neuf heures. – Les gens sont merveilleux de sottise. Hier, je disais par mail à Françoise D., ma rédactrice en chef, quelle était ma situation médicale, parce que je ne voyais pas très bien comment faire autrement. Je lui disais aussi de transmettre à Philippe B., mon patron, et, éventuellement, à Gabriel, le chef des informations, si jamais il lui posait des questions. Là-dessus, coup de téléphone de Nathalie C., inquiète de m'apprendre malade. Comment avait-elle su ? Très simplement, on dirait : elle est allée demander au dit Gabriel pourquoi je n'étais pas là, et ce bougre lui a répondu quelque chose comme : « Oh, Didier ? On n'est pas près de le revoir… » Naturellement, un peu paniquée, Nathalie s'est empressée d'appeler ici ; et ensuite Brice, qui lui-même a appris le chose je ne sais comment. Bref, demain, tout le monde sera au courant que je suis sub-claquant, alors que j'aurais nettement préféré qu'on n'en sache rien, ne serait-ce que pour avoir la paix, souffrir tranquillement dans mon coin. Il faudrait ne rien dire à personne, mépriser parfaitement les gens que l'on connaît, leur faire comprendre que, dans les grandes occasions, ils ne sont rien ; mais alors absolument rien.

Non parce que, une fois embringué, il n'est plus possible de faire demi-tour. Quand il va de soi que, demain, après-demain, tout le monde sera au courant du sort de votre rognon gauche, qu'est-ce que vous voulez faire là-contre ? Vous êtes même obligé d'être aimable avec ceux qui vous appellent, pour vous poser ces questions qui vous accablent par avance, repartir de zéro, reraconter votre scanner, vos pissats sanguinolents, vos attentes pénibles, les incidents cocasses, etc. Bon, au bout d'un moment – assez bref – il y en a marre, n'est-ce pas ? Le futur mourant a un peu envie qu'on lui lâche la grappe…


Vendredi 16 août

Sept heures et quart. – Dominique et Gabrielle sont bien reparties ce matin pour Bristol, comme il était prévu qu'elles fissent. Nous avons donc passé une petite journée bien tranquille. Comme Michel Desgranges – qui semble presque plus alarmé que moi de l'état de ma santé – m'incitait à publier de nouveaux billets sur le blog, j'ai écrit ces quelques lignes :

« Le moment où disparaissent les hôtes, même si leur séjour fut, comme c'est le cas, des plus agréables, ce moment ressemble toujours plus ou moins à un retour à l'ordre ancien, celui que l'on pensait immuable et qui fut bousculé un instant. Pour compenser le (discret) surcroît d'agitation des derniers jours, on se glisse dans une immobilité nonchalante, on a envie de lectures un peu paresseuses et distraites, on se montre plus attentif au lent écoulement du temps, on laisse la maison et son silence se refermer autour de soi comme un cocon. – Même les chiens semblent avoir une qualité de sommeil différente ; ils dorment plus intensément.

» Mais en même temps, l'absence reste sensible pendant plusieurs heures après le départ ; à chaque changement de pièce, on cherche machinalement du regard ceux qui y étaient et n'y sont plus. Il y a un vide, de taille et de forme indéfinissable, qui semble refuser de nous lâcher pour se dissoudre ; et c'est un vide de poids. Un peu comme si un invisible bistouri venait de nous retirer un organe et que les autres, autour, se trouvaient tout désemparés de cet espace accru qui leur est offert. Il en restera peut-être une infime cicatrice à l'âme, mais on ne peut pas le savoir à l'avance : certains hôtes sont des praticiens fort habiles. »

Évidemment, en dehors des quatre ou cinq personnes que j'ai mises au courant de ce qui m'arrivait (Desgranges, Nicolas, Rémi, entre quelques autres), mes cohortes de lecteurs vont avoir un peu de mal à saisir la pertinence de ce bistouri invisible qui arrive comme un cheveu sur la soupe : tout cela ne s'éclaircira que fin septembre lorsque ce journal-ci sera publié.

(Depuis que Gabrielle est passée par ce bureau, mon clavier est tout poisseux : voilà ce que c'est que de clavioter tout en s'empiffrant de Nutella…)

As usual, le retour à la vie normale s'est accompagné d'un abandon sans regret des libations vespérales… lesquelles reprendront dès demain puisque Rémi sera des nôtres le temps de la soirée. Mais on reviendra à l'eau claire dès le lendemain. Je suppose que nous ne résisterons pas à la tentation mercredi, puisque ce sera ma dernière soirée à la maison avec deux reins. Pour l'après, je ne sais pas trop ce qu'il en sera. Hier, pensant aux semaines que se préparent à vivre Philippe et Dominique, je me suis demandé très sérieusement si, tout compte fait, je ne préférais pas affronter un cancer au Plessis-Hébert plutôt que de déménager à Dubaï. En réalité, pour le moment, la chose qui réellement m'accable, dans tout ce foutoir, c'est la certitude que je vais, cette fois, devoir arrêter définitivement de fumer : Catherine, après quelques recherches sur internet, s'est montrée très ferme sur ce point. Heureusement, il y aura déjà les huit jours d'hôpital, à l'issue desquels le plus dur de la désintoxication sera fait ; et fait facilement puisque sans tentation aucune.


Samedi 17 août

Cinq heures et demie. – Je continue plus ou moins de croire que je prends l'affaire du cancer avec une parfaite décontraction. Il n'empêche : depuis que l'annonce m'en a été faite (Tiens, plutôt que L'Heure du rein, ce pourrait être cela le titre de ce journal d'août : L'Annonce faite au mari…), j'ai totalement cessé de lire et passe mes journées à remplir des grilles de sudoku, tel un obsessionnel ; ou un homme qui souhaiterait à toute force concentrer la totalité de son esprit sur une chose sans importance, afin de ne pas avoir à envisager ce qui se passe autour de lui, ou plus exactement en lui. Je dois pondérer cette hypothèse, cependant : mon “retour d'affection” pour le jeu de chiffres s'est produit avant l'annonce, et même avant le début des ennuis, comme ce journal doit pouvoir en faire foi ; de même pour ma désaffection de toute lecture un peu suivie. Est-ce que le développement d'une tumeur rénale peut influer sur les capacités de l'intellect ? J'aurais bien sûr tendance à penser que non, mais allez savoir…

– Nous attendons Rémi (El Desdichado et Matière de France…) d'ici un petit moment, vers sept heures, pour un petit dîner dont le prétexte est de nous apporter les livres que j'avais oubliés chez Michel Desgranges (gentiment prêtés par lui) ainsi que la gamelle et le tapis de Bergotte, laissés, eux, chez Jacques Étienne lors de notre séjour à Paimpol. Catherine était encline à tout annuler, mais j'ai un peu insisté pour que non : ce n'est déjà pas spécialement drôle d'être malade, on ne va pas, en plus, se mettre à singer les malades dans ce qu'ils ont de plus souffreteux et pleurnichard, bref : à adopter leur panoplie. Je ne dis pas si, d'ordinaire, nous avions une vie sociale intense et donc épuisante, mais là, franchement…


Dimanche 18 août

Huit heures moins le quart. –  Journée vraiment pénible, pour le coup. Catherine, dès hier, a connu une rapide baisse de forme, qui l'a conduite à ne presque pas dîner et à nous abandonner très tôt, Rémi et moi. Aujourd'hui, la situation n'a fait que s'aggraver : elle a été reprise par la douleur abdominale qu'elle a déjà connue au moment de son infection d'il y a quelques mois (en moins intense tout de même) ; actuellement, elle grelotte sous deux pulls et une couverture, alors que je suis en polo devant la fenêtre ouverte. Mais, comme elle n'a aucune température anormale, bien qu'elle en présente ce symptôme, nous hésitons à appeler une ambulance afin de la conduire aux urgences, comme on nous a enjoints de le faire en cas de brusque fièvre.Comme me l'a dit Catherine il y a un moment : « J'attends que ça passe ou que ça empire… » Actuellement, ça ne fait ni l'un ni l'autre.

Naturellement, cet épisode ne pouvait pas plus mal tomber, puisque je dois moi-même entrer à la clinique dans trois jours. Si jamais nous nous retrouvions sur le flan tous les deux en même temps, il n'y aurait plus qu'à espérer que mes parents – au moins ma mère – puissent venir ici en urgence afin d'assurer l'intendance canine. Je sais bien que les voies de Dieu sont impénétrables, mais enfin, s'il avait pu nous éviter cette simultanéité fâcheuse de nos décrépitudes mutuelles, il nous aurait bien arrangés.

Du coup, je suis en train de m'autoriser un petit “remontant” (qui prend aujourd'hui tout son sens, car je puis pas dire que, depuis ce matin, mon moral soit bien flambard), dans la mesure où Catherine souffrant beaucoup de rester assise, il est hors de question que je la conduise moi-même à l'hôpital en cas de besoin : si besoin est, on appellera une ambulance ; d'autant que, aux urgences hospitalières, les prétendants arrivant par ce moyen sont pris en charge avec plus de zèle que les visiteurs simples.

– Sinon, la soirée avec Rémi fut fort agréable, au moins pour moi, mais j'ai l'esprit trop ailleurs pour en dire quoi que ce soit maintenant.

– En milieu de journée, trouvant que j'étais décidément pitoyable à enchaîner comme je le faisais les grilles de sudoku, j'ai commencer La Fosse aux chiens, de John Cowper Powys, roman recommandé dernièrement par je ne sais plus quel blogueur (qu'il me pardonne : ma cervelle tourne au quart de ses capacités, et encore…). J'en ai lu le premier chapitre (une quinzaine de pages tout au plus), mais sans goût ni intérêt ; et je suis revenu, résigné, au sudoku. Je ne parviens plus à lire, il faut se faire une raison ; on verra après l'opération, lorsque je serai censé “aller vers le mieux”.

Dix heures moins dix. – Le pire, dont on prétend qu'il est toujours certain, a eu à cœur, ce soir, de confirmer cette réputation qu'on lui fait . À partir de huit heures et demie, la fièvre de Catherine a rapidement monté, jusqu'à atteindre 38°6 ; j'ai donc appelé le SAMU, qui nous a expédié une ambulance, laquelle est arrivée environ une demi-heure plus tard et, sans atermoiement excessif, vient d'embarquer Catherine aux urgences de l'hôpital d'Évreux. L'ambulancière, si l'on dit bien comme cela, m'a conseillé d'appeler d'ici une heure ou une heure et demie, afin de savoir si l'hôpital la gardait ou non – ce que je vais évidemment faire. Au moment de partir, Catherine n'a pu retenir quelques larmes, et je sais que c'était de me laisser seul dans la situation que je traverse moi-même, ce qui m'a profondément ennuyé : je déteste déjà voir Catherine pleurer, mais encore bien davantage lorsque j'y suis pour quelque chose, même si à mon corps défendant (défendant mal, apparemment).

Assez bizarrement, ce nouveau développement m'a donné une sorte de coup de fouet, et je me sens presque curieux (en tout cas au moment où j'écris ces lignes…) de voir s'il est possible de nous pourrir encore un peu plus la vie. Si jamais le cas de Catherine s'avérait plus grave que prévu (mais prévu par qui ?) et qu'elle doive rester à l'hôpital, il me faudrait, demain, tirer la sonnette d'alarme du côté de mes parents, afin qu'ils viennent ici plus tôt que prévu, pour s'occuper des chiens essentiellement. Car, bien sûr, comme nous sommes en août, il serait fort déraisonnable d'imaginer pouvoir trouver trois places pour eux à notre chenil habituel. Bref, et pour résumer brutalement, tout se combine pour nous faire chier un maximum.

D'un autre côté, et pour une fois, les lecteurs de ce journal ne pourront pas se plaindre de sa monotonie ni de sa routine.


Lundi 19 août

Sept heures et demie. – Le moral, qui n'était pas ben ben haut hier soir, n'a cessé de remonter à partir de la mi-journée. D'abord parce que j'ai eu le plaisir de trouver, à l'hôpital d'Évreux, une Catherine ne souffrant (presque) plus ; ensuite parce que mon entretien avec le chirurgien qui doit me subtiliser un rognon (ce sera finalement le 3 septembre) est venu distraire de son poids de concret mon esprit de ses fantasmes tournant en circuit fermé. Entendre parler d'opération lourde, de douleur éventuelle, de risques de complications, etc., tout cela s'est finalement révélé plutôt rassérénant.

Cela étant, Catherine ne sait toujours pas si elle sera opérée le 2 septembre comme prévu (ce qui paraît assez compromis) ni, si l'intervention est reportée, de combien elle le sera.  Ces incertitudes viennent de donner lieu à une conversation téléphonique homérique et épuisante avec ma mère qui, désormais, éprouve le besoin de répéter trois quatre, cinq fois, les plus petites choses qu'elle est censée retenir, alors même qu'elle vient de les noter sur son calendrier. Il va de soi que nous ferons tout pour éviter leur venue, à mon père et à elle. Car, évidemment, au lieu du repos que leur présence serait censé nous apporter, parce qu'ils nous déchargeraient d'un certain nombre de tâches, ce ne pourrait être qu'un surcroît de fatigue et d'énervement qu'ils occasionneraient – bien involontairement, cela va sans dire. Mes parents parviennent déjà, en un week-end, à me mettre sur le flan lorsque je suis en bonne santé, je n'ose imaginer ce qu'il en serait relevant d'opération. Et je connais Catherine : la patience, lorsqu'elle n'est pas “dans son assiette” (expression favorite de ma mère), est rien moins qu'à toute épreuve. Ce serait des coups à ce qu'elle se fâche avec ma mère : jolie cerise sur ce gâteau.


Mardi 20 août

Midi. – Depuis deux ou trois jours, lorsqu'ils s'adressent à des gens au courant de mes aventures médicales, je signe les mails que je leur envoie Didier Goux-Rénal. On se divertit comme on peu.

Sept heures et quart. – J'ai trouvé Catherine en bonne forme, en début après-midi. Il n'est d'ailleurs pas impossible qu'elle sorte demain, même s'il y a plus de chances pour que ce soit jeudi (dit-il avec assurance, alors qu'il n'en sait strictement rien). J'ai passé une heure et demie avec elle puis, à trois heures, je suis rentré. Comme voilà quatre ou cinq jours que je ne mange que fort peu, je me suis souvenu, en arrivant à proximité du Carrefour d'Évreux, qu'il y avait là, dans cette innommable “zone commerciale” un “restaurant” (navré de tous ces guillemets…) Quick ; je suis allé y engloutir deux hamburgers giants accompagnés d'une montagne de frites bien grasses et salées par moi à l'excès, comme il se doit – le tout arrosé d'eau minéral afin de sauvegarder une bribe de bonne conscience diététique. Ce quart d'heure de goinfrerie pure m'a fait un bien fou, au moral comme au physique. Soudain, par la grâce improbable de ces quatre steaks hachés empilés, la vie redevenait envisageable.

– Je ne crois pas avoir dit, hier, que j'avais commencé de lire le dernier roman de François Taillandier (qui sera en fait une trilogie), L'Écriture du monde. L'histoire se situe dans l'Italie des années 500 après Jésus-Christ et elle commence fort bien, pour les quarante ou cinquante pages que j'en ai lues. Elle le furent dans la salle d'attente de l'anesthésiste avec qui j'avais rendez-vous, faisant suite à celui de l'urologue. Le problème est que la secrétaire de ce dernier avait prévu large, escomptant que le premier des deux aurait probablement du retard. Mais il n'en avait pas la moindre minute et, du coup, c'est chez l'anesthésiste que j'ai passé cette heure avec Taillandier.

– Demain matin, je suis attendu à neuf heures moins le quart dans le poste de commandement du très intimidant baron von Scanner, afin qu'il soumette mes poumons à la question circulaire. Résultats jeudi après-midi. Dès que je les aurai, Catherine et moi téléphonerons à ma sœur afin de les lui lire et qu'elle nous dise si je vais mourir ou pas (ou pas tout de suite, veux-je dire). Ces clinique et hôpital d'Évreux, je vais finir par m'y sentir comme chez moi ; bientôt, je le sens, infirmières et brancardiers me salueront comme un des leurs.


Mercredi 21 août

Sept heures moins le quart. – Puisque j'en faisais le pronostic, Catherine n'est évidemment pas sortie aujourd'hui ; en revanche, les chances pour que ce soit demain sont assez fortes. Quant à moi, mon scanner matinal s'est passé on ne peut plus rapidement : c'est à peine si je suis resté plus d'une demi-heure à la clinique en tout. Pour ce qu'il a donné, ça c'est autre chose : à chaque jour suffit son sujet de préoccupation. Le reste de la journée (en dehors de ma visite à Catherine et d'une lessive qui devenait nécessaire…), je l'ai passé à alterner les grilles de sudoku et le roman de Taillandier.

Pour mémoire (!), notons que, ce matin, devant être à Évreux pour dix heures moins le quart, j'ai mis sonner le réveil à sept heures, alors que huit aurait très largement suffi. J'aurais déjà quelques paquets de métastases au cerveau que je n'en serais pas autrement surpris.


Vendredi 23 août

Huit heures moins le quart. – Je ne suis pas venu ici hier parce que la journée a été mouvementée et que, le soir venant, nous avions des choses à “arroser” dignement. En réalité, parce que Catherine est à haute dose d'antibiotiques, elle a à peine trempé ses lèvres dans le champagne que j'avais acheté et mis au frais pour elle, et c'est moi qui me suis montré vraiment digne.

La première, dans l'ordre strictement chronologique, bonne nouvelle fut que Catherine est sortie de l'hôpital et que j'ai pu la ramener à la maison. La seconde a été que, de l'avis conjoint et successif de ma sœur et de Pluton, les deux misérables nodules qui sont logés dans mon poumon droit ne sont significatifs de rien du tout et qu'il convient de les traiter, jusqu'à plus ample informé, par le mépris le plus souverain, ce que je fais depuis hier.

Donc, a priori, lorsque j'aurai été débarrassé du rognon malfaisant, dans dix jours exactement, je devrais pouvoir me remettre à penser que mon futur a de l'avenir. Disons plutôt dans douze ou treize jours, car quelque chose me dit que les quarante-huit heures suivant l'ablation ne vont pas être une partie de plaisir.


Samedi 24 août

Neuf heures. –  Demi-journée fort agréable chez les Desgranges, en compagnie de Rémi, alias El Desdichado, re-alias Matière de France. Au départ je ne savais pas que Rémi était invité précisément aujourd'hui, mais cela a augmenté mon plaisir de cette mini-équipée, dans la mesure où je pressentais que le trajet aller-retour en sa compagnie serait des plus agréables (je suis passé ce matin le prendre à Évreux avant de filer vers la Basse-Normandie), et de fait il l'a été. Comme les autres fois, je suis revenu à la maison très fatigué : ne fréquentant, depuis des années, que des journalistes et des blogueurs, je dois manquer d'entraînement pour les conversations soutenues que Michel Desgranges instaure systématiquement, avec une aisance qui continue de faire mon admiration trente ans après : preuve, peut-être, qu'on ne “grandit” jamais vraiment vis-à-vis des gens que l'on s'est, un jour, plus ou moins choisi pour maîtres. Mais enfin, c'est une fatigue hautement saine, de mon point de vue, et j'en redemande.

– Cela étant, Desgranges a été, est et reste un vrai éditeur. Nous n'avons passé que peu de temps à parler d'En territoire ennemi, mais il s'y est pris fort habilement. Alors que nous nous rendions à la salle à manger, et passant par son bureau (sa maison présente une disposition assez déconcertante des pièces), il me dit quelque chose comme : “ Tenez, parlons un peu de votre manuscrit ; il y en a pour deux minutes… » De fait, sur la page de titre, il avait noté au crayon deux ou trois brèves choses, de son indescriptible écriture, illisible y compris pour lui-même. Il me fait trois remarques, précises :

1) Telle page, les trois mots de conclusion sont à mon avis de trop.
2) Ce texte relatif au cinéma est trop long par rapport à son intérêt, je serais d'avis de l'enlever.
3) Il y a trop de texte consacrés à tel écrivain.

Il avait pointé des questions que je m'étais moi-même posées sans parvenir à prendre un parti ; elles furent donc tranchées dans la seconde. Mais ce n'était que le premier étage de sa fusée.

Nous passons donc à table et, cependant que la maîtresse de maison s'affairait, il lance le second : « Alors, pour ce qui est de l'ordre des textes… » Peu importe ce qu'il m'a dit après, le résultat est que je suis plutôt enthousiaste à l'idée de refondre assez radicalement les parties de ce livres, non dans leurs détails mais entre elles, les unes par rapport aux autres. Le plus étonnant est que ce qui m'a vraiment fait entrevoir ce qu'il y avait à faire, à remanier, fut une phrase de Rémi, qui pourtant n'a pas eu connaissance du manuscrit : « Peut-être vaut-il mieux, m'a-t-il suggéré, aller du monde à vous que de vous au monde. » Il avait très exactement raison.

Là-dessus, la conversation a dévié vers les épopées médiévales et les chroniques de Saint-Denis : j'ai pu me taire et me nourrir tranquillement. Dans la voiture, lorsque nous sommes repartis, Rémi m'a dit en substance : « Quand on s'est mis à parler de cinéma, heureusement que vous étiez là, parce que, moi, je n'aurais jamais été à la hauteur. » Je n'ai nullement eu l'impression de l'être, à la hauteur, mais je lui ai répondu que Desgranges étaient comme ces grands maîtres des échecs qui, s'il veulent parfois être battus, doivent mener cinq ou six parties simultanées contre les meilleurs de leurs disciples. Sauf que Michel Desgranges se fera hacher sur place plutôt que d'admettre une défaite – en tout cas face à de jeunes godelureaux de notre acabit.


Dimanche 25 août

Sept heures vingt. – Le moins que l'on puisse dire est que cette journée fut plus calme que la précédente : ayant préféré renoncer au pain plutôt que d'avoir à sortir, je ne me suis même pas habillé de la journée, gardant jusqu'à maintenant, l'informe machin que j'enfile au saut du lit et ne garde en principe sur le dos que jusqu'à la douche ; du reste, je n'ai pas pris de douche non plus. Catherine m'a scrupuleusement imité, bien qu'elle ait choisi, elle, l'option avec douche. Comme, demain matin, je dois la conduire à Évreux pour son rendez-vous avec l'anesthésiste, nous allons bien devoir revenir un tant soit peu à la civilisation, ou à ce qui en tient lieu désormais. Inutile de dire, je pense, que je n'ai rien fait d'autre qu'alterner assez paresseusement Taillandier et sudoku.


Lundi 26 août

Trois heures. – Il a bien fallu, ce matin, décrasser la bête et la vêtir, puisque je devais servir de chauffeur à Catherine et l'emmener à l'hôpital d'Évreux (je pourrai bientôt m'y rendre les yeux fermés…) où elle avait rendez-vous avec l'anesthésiste. Mais, jusqu'à maintenant, la journée n'est pas plus active que celle d'hier, si l'on excepte cette petite pérégrination hospitalière.

– Je vais donc, à l'instigation de Michel Desgranges, je l'ai dit, refondre l'anthologie de manière assez radicale ; et je crois savoir comment. De deux parties (Mémoire d'en France / En territoire ennemi), le livre va passer à trois (les titres sont provisoires) :
– Ce qui était
– Ce qui s'abîme
– Ce qui reste

La première partie regroupera les textes généraux non directement “politiques” : critiques de livres, propos sur les écrivains, sur le cinéma, etc., ainsi que les textes d'ordre plus général, moins facilement classables.

La deuxième correspondra à tous les textes justifiant le titre général (qui semble finalement devoir rester En territoire ennemi, du moins pour l'instant), c'est-à-dire ceux plus directement polémiques, ou plus “nauséabonds” si l'on préfère.

La troisième sera la plus personnelle, intimiste, mélancolique, etc. Mais se terminera tout de même comme l'anthologie actuelle par les cinq textes de “l'adresse aux kékés”, parce que ces textes sont à la fois une conclusion et une ouverture, un appel (comme il y a des appels d'air) vers l'avenir, une manière de ne pas désespérer tout à fait.

Pour schématiser, on partira donc du monde tel qu'il fut, on passera par son effondrement et l'on finira en voyant les conséquences de cet effondrement, de ce passage d'un monde au suivant, sur l'âme et le corps de l'auteur, pour parler un peu pompeusement.

Les trois parties n'apparaîtront pas dans le corps du livre mais seront indiquées à la fin, en table des matières. Il est possible que Desgranges la trouve un peu étique, cette table ; auquel cas il me sera toujours loisible de la subdiviser. Du reste, je vais peut-être le faire sans attendre qu'il me le demande, je ne sais pas.

Ce travail-là, que je n'attaquerai probablement qu'à mon retour de la clinique, après le 10 ou 11 septembre (si tout va bien…), est une perspective plutôt excitante, en vérité. Ce qui l'est beaucoup moins, c'est de devoir rédiger l'argumentaire que me réclament les Belles Lettres. Il s'agit, m'a expliqué Michel Desgranges d'un court texte (de l'ordre du demi-feuillet) destiné aux représentants qui s'en serviront pour convaincre les libraires que Didier Goux est bien le phare que le monde attendait, et que s'il commandent suffisamment d'exemplaires de son génial ouvrage leur fortune est faite et leur notoriété assurée. Autrement dit, il s'agit d'un exercice d'auto-glorification qui m'accable d'avance, tellement je me sais peu fait pour sa pratique et sensible au ridicule de son principe. Je trouverais nettement plus amusant, par exemple, de rédiger un “anti-argumentaire”, dans lequel, en vingt ou trente lignes, j'expliquerais aux libraires pourquoi ils ne doivent absolument pas commander ce livre, tout le temps, l'argent et l'espace qu'ils vont économiser en ne le stockant pas dans leur échoppe. D'ailleurs, je le ferai peut-être, sous forme de billet de blog, un de ces jours. En attendant, il va bien falloir m'atteler au véritable argumentaire, et ce serait bien que je m'en débarrasse dès cette semaine, afin de n'avoir plus à y penser lorsque je serai à la clinique.


Mardi 27 août

Sept heures vingt. – Ce matin, rendez-vous avec le chirurgien (celui de Catherine, pas le mien : on va finir par s'y perdre) : l'opération est remise au 14 octobre, ce qui, d'un strict point de vue “logistique”, est parfait : lorsque Catherine entrera à l'hôpital, ma propre opération aurait déjà quarante jours d'existence, et l'on peut supposer que j'aurai recouvré toutes mes capacités, afin d'expédier seul les affaires courantes. Évidemment, il ne faudrait pas qu'elle nous refasse un petit abcès d'ici là, et notamment pas durant ma semaine de complète absence.

– J'ai commencé à lire en alternance l'Histoire symbolique du Moyen Âge de Pastoureau, récemment prêtée par Rémi, et Nos vices de sont pas des crimes, de Lysander Spooner, offert à peine moins récemment par Michel Desgranges. C'est un peu idiot de ma part, dans la mesure où ces deux volumes font partie de ceux que j'avais prévu d'emporter à la clinique. Heureusement, j'ai de la réserve.

– Il y a eu un court moment, une dizaine de minutes, cet après-midi, où deux ou trois dizaines d'hirondelles sont venues tournoyer dans le petit jardin de la voisine, volant en tout sens et très bas, fonçant droit sur nous puis bifurquant au dernier moment, à ras de la fenêtre et du mur, exactement comme l'auraient fait des chauve-souris diurnes. Puis, à un instant précis, elles ont toutes pris de la hauteur, avant de disparaître. Prendre de la hauteur et disparaître : beau programme.

– Philippe, Dominique Gabrielle et leurs divers animaux sont finalement bien arrivés à Dubaï et disposent d'un appartement provisoire qui semble à peu près leur convenir. Je dis finalement car, jusqu'à la dernière seconde ou presque, ils ont bien cru que les papiers des bestioles ne seraient pas prêts à temps et que Dominique devrait demeurer en Angleterre jusqu'à ce qu'ils le fussent. J'en suis bien content pour eux, évidemment. il n'empêche que, je le répète, même au vu des circonstances présentes, je préfère être à ma place qu'à la leur.


Mercredi 28 août

Sept heures et quart. –  Ma  première pensée, au réveil, a été que je n'avais toujours pas écrit ce fucking argumentaire que me réclament les Belles Lettres, et qu'il allait falloir songer à s'y mettre. Une heure plus tard, sous prétexte que j'avais deux ou trois autres bricoles à accomplir avant le soir, j'ai repoussé la corvée à demain. Puis, sur les coups de midi, constatant que je ne pensais plus à rien d'autre qu'à ces quelques lignes, une sorte de rage silencieuse m'a empoignée. Je suis venu à ce bureau, ai créé un document Word que j'ai intitulé “argumentaire”, et me suis mis à aligner les phrases. Une petite demi-heure plus tard, j'ai expédié le résultat à Michel Desgranges, bien assuré qu'il allait me demander gentiment de le refaire entièrement. Eh bien, pas du tout. Il l'a jugé “quasiment parfait”, à l'exception d'un tronçon de phrase qu'il m'a conseillé d'enlever purement et simplement, ce que j'ai fait d'autant plus volontiers que sa demande était parfaitement fondée. Dans la foulée, j'ai signé et paraphé les contrats, avant de mettre le tout sous enveloppe : voilà au moins une chose à laquelle il n'est plus nécessaire de penser.

– Alors que, il y a encore quelques jours, je trouvais très bien que l'opération ait été repoussée, je commence à avoir hâte qu'elle advienne, afin de l'envisager derrière moi et non plus devant. Et je ne peux m'empêcher de me dire, même si la réflexion est tout à fait stérile, que si on avait tout maintenu en l'état primitif, c'est-à-dire si j'étais passé sur le billard le 23, je commencerais à aller nettement mieux (peut-on supposer) et pourrais envisager une sortie dans les deux ou trois prochains jours. D'autre part, j'aurais déjà six jours sans tabac à mon actif, j'aurais donc passé le cap le plus pénible. Alors que, là, tout reste à faire, et j'ai la sensation idiote que ça n'en finira jamais d'arriver.

– Tout à l'heure, pendant notre dîner, Catherine avons été pris d'un commencement de fou rire en imaginant la tête consternée de nos médecins traitants respectifs, s'ils avaient pu nous voir engloutir chacun un énorme hamburger maison, accompagné de chips tout à fait industrielles.

– Reçu, et commencé, La Ferme africaine de Karen Blixen. Le goût de la lecture semble me revenir peu à peu. C'est heureux car, sinon, comment occuperais-je les interminables journées d'hôpital qui m'attendent ? L'homme ne peut pas vivre que de sudoku, tout de même !


Jeudi 29 août

Quatre heures. – La presque dernière phrase du journal de juillet, mis en ligne ce matin, est : « On verra ce qu'août va donner. » Ça, pour voir ce qu'il donne, on voit !

– À cinq heures, nous avons rendez-vous à Pacy avec le père Éric, qui va, à la demande de Catherine (évidemment…), nous administrer à tous les deux le sacrement des malades : ça risque de n'être pas du luxe. À propos de maladie, il me tarde de plus en plus d'être à mardi pour qu'enfin l'opération soit passée. En réalité, j'aimerais même être déjà au samedi ou au dimanche suivants, afin que le plus pénible soit derrière moi. Ce que je veux dire est que je commence à me lasser sérieusement de ne rien faire d'autre, ou à peu près, que d'attendre cette intervention. M'amuse un peu le fait que la date (3 septembre) en a été parfaitement choisie, par rapport à l'intérêt de ce journal. Car mes douze lecteurs vont devoir patienter un mois de plus avant de savoir comment s'est déroulée la suite de cette épopée hospitalière.

Huit heures – Comme il le fait chaque mois, à parution de ce journal, Nicolas est allé directement au passage où je parlais de lui. Lequel disait ceci :

Dimanche 14 juillet

Huit heures. – Nouvelle  poussée d'herpès chez mes amis progressistes, à propos du déraillement de train en gare de Brétigny, hier. Il paraît à peu près certain, si l'on se base sur les premiers témoignages et qu'on les croise, en les “décryptant”, avec les dénégations embarrassées des responsables de la propagande, qu'il y a bien eu agressions diverses de la part de jeunes-à-guillemets, contre les voyageurs, blessés ou morts, d'abord, puis contre les secouristes.Les premières informations ont bien entendu été reprises (et peut-être amplifiées, c'est vrai) dans la “réacosphère”, qui est, depuis ce matin, accusée de complot, de désinformation répugnante et autres amabilités du même style. En tête de ce mauvais combat, malheureusement : Nicolas ; qui me semble être en train de perdre pied, depuis l'arrivée de Hollande à l'Élysée. On a vraiment l'impression que, refusant obstinément d'abdiquer son soutien à un président qui est d'ores et déjà dans le caniveau, il “surcompense” en se précipitant tête baissée dans des combats “antifascistes” d'arrière-garde, à peine digne des abrutis d'extrême-gauche qui le traînent régulièrement dans la sanie, du genre “Gauche de combat”. Il n'est pas impossible que, inconsciemment, il cherche à se refaire une virginité de gauche à chaque fait divers : tout étant d'ores et déjà perdu sur les plans économique et social, il se rabattrait alors (valeur refuge) sur les postures gauchistes de sa jeunesse, qui n'engagent strictement à rien mais doivent lui permettre de supporter l'errance pitoyable du gouvernement qu'il a choisi, assez crânement, de soutenir contre vents et marées. Il n'est d'ailleurs pas sûr qu'il soit totalement inconscient de ce que je viens de dire.

(Il va de soi que je m'étends sur le cas de Nicolas parce que je le sais intelligent et d'une grande honnêteté intellectuelle. Les autres sont des andouilles bornées pour la plupart et ne méritent pas une ligne.)

Nicolas s'est empressé d'en faire un billet sur l'un de ses blogs annexes (comment ça, je n'ai pas droit au blog principal ?), qui dit ceci :

Dites, Pépère, j'espère que vous vous rendez compte que je pourrais écrire des choses aussi crétines à votre sujet. 

Didier Goux perd pied depuis que Adolf Hitler a quitté le pouvoir en boudant. Il est persuadé que des hordes de Musulmans habitent nos banlieues et provoques des catastrophes ferroviaires pour pouvoir voler dix valises et un téléphone portable. 

Rendez-vous donc compte à quel point vos amis reacs ont été ridicules en imaginant le forces de l'ordre organiser une opération de contre communication de l'ampleur qu'ils ont décrites. 

Surtout, quand on connait la capacité du gouvernement à organiser sa com.  Tiens ! Ils ont annoncé une augmentation de la durée de cotisation le jour de l'annonce d'une hausse du chômage...

Arrêtez donc de penser que je deviens taré quand vous n'êtes pas d'accord avec moi et lisez les billets et commentaires des réactionnaires avec du recul... C'est bien rigolo.

"Machin m'a dit que le fils de son concierge a parlé à la belle sœur d'un policier : les violences sont bien réelles. Des centaines de jeunes sont descendus la moitié pour empêcher les policiers d'intervenir et l'autre pour faire les poches des centaines de cadavres". 

Ce billet n'a aucun sens, puisqu'il part dans tous les sens, comme on peut le voir. Que des hordes de musulmans habitent (j'aurais plutôt dit : annexent) nos banlieues, c'est l'évidence même. Mais qui a dit qu'ils (ou plutôt elles) provoquaient des catastrophes ferroviaires ? Moi ? À l'inverse, qui a établi qu'il ne s'agissait pas d'un attentat ? Personne encore, à ma connaissance. Qu'est-ce que c'est que cette histoire d'une “opération de contre communication”, là où il ne s'est agi, comme d'habitude, que de nier tranquillement les faits ? Que viennent faire les retraites et le chômage dans cette histoire ? Qui a dit que Nicolas était “taré” ? Le comble de la diversion est tout de même atteint lorsqu'il m'invite à “prendre du recul”, alors que je n'ai écrit aucun billet (si ma mémoire ne flanche pas…) sur ce sujet, dans lequel, lui, a foncé tête baissée et sans rien savoir, quasiment dans la minute qui a suivi l'annonce de l'événement, volant au secours de son cher gouvernement et de ses diverses pravdas. Et la pression ne semble pas être retombée, puisque, à l'instant, l'un de ses commentateurs, qui lui faisait observer calmement que plusieurs syndicats de police ont reconnu la véracité des attaques du train sinistré et de ses passagers, s'est fait traiter de “psychopathe”, rien de moins. Tout cela est bien curieux à observer, au fond. 

(Et je me demande si, à l'avenir, je ne vais pas écrire Nic*las plutôt que Nicolas, afin de le contraindre à lire tout mon journal pour savoir ce que je dis de lui.)


Vendredi 30 août

Cinq heures et quart. – C'est curieux, j'aurais pourtant juré que j'étais venu m'asseoir devant ce clavier en ayant quelque chose de précis en tête à noter dans ce journal. Non, vraiment, je l'aurais juré…


Samedi 31 août

Sept heures vingt. – Eh bien, on s'en souviendra, de ce mois d'août 2013 ! Si tant est que sa chance soit laissée au souvenir, évidemment. Demain sera ma dernière journée complète à la maison : lundi, je devrai me présenter aux admissions de la clinique Pasteur à cinq heures, afin d'être embastillé pour une grosse semaine (le document que l'on m'a remis lors de ma dernière visite à la clinique, indique une durée d'hospitalisation de quatre à dix jours, ce qui me paraît une fourchette étonnamment large). Je table sur huit jours, a priori, sauf s'il se présente d'inopportunes complications, bien entendu.

À propos du document dont je viens de parler, il détaille la manière dont la rognonectomie se déroule ; en fait, non, il ne détaille pas, il donne simplement les grandes lignes. Ce qui l'est, en revanche, détaillé, ce sont toutes les avanies fâcheuses qui peuvent survenir pendant et après l'opération : lorsqu'on a fini de lire ce truc, on se sent déjà presque mort.

Quoi qu'il en soit, je suis bien content de passer à septembre, tant les mois d'août des années se terminant par trois me sont néfastes :

– Août 1993 : cancer de la peau, suivi d'une greffe d'icelle ;
– août 2003 : infection du testicule gauche (un truc particulièrement jouissif…) et pose d'un premier stent dans l'artère coronaire circonflexe ;
– août 2013 : cancer du rein.

Je n'ai pas hâte qu'arrive le mois d'août de 2023.

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