mercredi 27 février 2013

Janvier 2013











 SÉVÈRE TRI











Mardi 1er janvier

Sept heures vingt. – Passé l'essentiel de cette journée à relire, corriger, voire réécrire à certains endroits, les billets de blog que je compte mettre dans l'hypothétique livre futur, qui se nomme pour l'instant Anthologie faute de m'être sérieusement penché sur le problème de son titre. S'il se fait réellement (je n'en suis pas encore tout à fait certain), il sera dédié à Renaud Camus, puisque c'est lui qui, par deux fois, m'a suggéré l'idée de cette anthologie et qu'il a accepté, hier, le principe d'une telle dédicace.

– La soirée d'hier, le réveillon, s'est déroulée comme n'importe quelle soirée “avec”, à savoir que nous avons pris l'apéritif à partir de six heures, sommes passés à table à sept, avant de nous installer devant la télévision à huit heures et demie. La seule différence est que je me suis endormi au milieu du Moulin rouge de Huston, ce qui est sans importance puisque je l'avais déjà vu au moins deux fois. Et nul n'a eu la sotte idée de nous téléphoner à minuit pour nous souhaiter la bonne année ; en tout cas, Catherine ni moi n'avons rien entendu.

– Il faut que je mette en ligne mon journal de novembre, et je me demande soudain si j'ai pris la peine, lors de mes relectures successives, de lui trouver un titre…


Mercredi 2 janvier

Huit heures moins vingt. – Ma mère a eu 80 ans aujourd'hui. Je l'ai appelée peu après midi, comme je le fais chaque année (mais pas toujours à la même heure…), afin de lui souhaiter conjointement un bon anniversaire et, bien entendu, une année aussi heureuse que possible. On devrait aller déjeuner chez eux durant la semaine du 15. Il me tarde de découvrir leur nouvel environnement, non que j'attende grand-chose de leur maison mais parce qu'il est toujours assez pénible de ne pas pouvoir penser aux gens dans un cadre précis. Je suppose que mes parents profiteront de notre venue pour inviter Isabelle, et Olivier s'il ne travaille pas. J'ai d'ailleurs fait à ma mère une suggestion dans ce sens.

– Peu avant le dîner, coup de téléphone de Joseph Vebret, pour les vœux. Ce salopiot a trouvé le moyen de vendre son journal à un éditeur suisse. Mille euros pour un an de journal ce n'est évidemment pas la fortune ; mais enfin, pour quelqu'un comme moi qui publie le sien gratuitement, c'est tout de même très bien. Réflexion de Catherine ensuite : « Et, si ça se trouve, son journal n'est pas meilleur que le tien… » C'est possible, en effet. Mais la grosse différence est que Vebret connaît et fréquente des éditeurs, qu'il est plus ou moins “lancé” dans ce petit monde-là, en tout cas infiniment plus que je ne le serai jamais. Et je trouve qu'il a bien raison d'en profiter s'il le peut et quand il le peut. Et puis, avec ses mille euros supplémentaires, il pourra acheter moult charcuteries et fromages d'Auvergne, plus quelques bouteilles bouchées, lorsqu'il aura transhumé dans cette région, ce qui sera fait en principe le 25 février prochain, et que nous irons cogner à sa porte en réclamant pitance et logis.


Jeudi 3 janvier

Huit heures moins dix. – Mon “anthologie de blog” est presque au point. Les billets finalement retenus ont été classés en huit parties, et ordonnés du mieux possible à l'intérieur de chacune d'elles – les parties elles-mêmes ont été à leur tour rangées dans l'ordre où elles paraîtront. Il me reste à trouver un titre pour chacune et un autre pour le livre lui-même. Finalement, après mes divers élagages, l'ensemble ne devrait pas dépasser deux cents pages, dans un modèle de livre courant (20 x 13, je crois). Je ne sais pas si j'ai déjà dit que Catherine m'avait assez fortement suggéré, pour cette fois, de proposer un prix un peu plus élevé que celui coûtant. Je lui ai d'abord dit oui, sans trop réfléchir, mais maintenant je sens monter en moi d'assez fortes réticences. Réticences de pur principe évidemment puisque, si j'augmente le prix, ce sera de deux ou trois euros, pas plus, et que, de toute façon, je n'en vendrai pas vingt. Mais justement : pourquoi perdre le bénéfice de mon désintéressement, si je puis dire, si c'est pour gagner finalement trente ou quarante euros ? Vendre son âme, soit, mais alors mettons-y le prix.


Vendredi 4 janvier

Neuf heures et demie. –  Rien de plus fatigant, finalement, qu'une journée où on achète une voiture. Une voiture neuve. Une voiture “de riche” que l'on n'est plus. Pourquoi avons-nous fait ça ? Cette Volvo V 70, en avions-nous besoin ? Non, évidemment, mais enfin nous l'avons.

Rendez-vous était fixé à cinq heures aujourd'hui pour en prendre livraison, au garage d'Évreux. Nous y fûmes évidemment un quart d'heure trop tôt. Je fais une parenthèse sans parenthèses réelles : c'est la première fois que je me retrouve face à un “commercial”, dans le domaine automobile, qui se révèle être une commerciale. Mais bon, elle a fait son travail parfaitement – comme un homme, si je puis dire.

Là-dessus, la journée a été finalement assez pénible. Dès ce matin, il fallait être certain que cette voiture était immatriculée, et que, donc, on pouvait l'assurer : ce fut fait, assez bien et assez vite. Après, il convenait de tenir jusqu'à l'heure du rendez-vous, tenter de s'occuper…


Samedi 5 janvier

Sept heures dix. – Bon, je me suis interrompu assez brutalement hier soir, mais il faut dire que quarante centilitres de Ricard quand on n'a rien mangé depuis la veille au soir, ça attaque dru. Donc, ce rendez-vous qui, de manière parfaitement absurde, me rendait de plus en plus nerveux à mesure que les heures s'écoulaient – c'est ce qui fait que j'ai été incapable de rien manger de la journée. Nervosité sans objet, puisque, finalement, tout s'est fort bien passé, même si la “présentation” de la voiture à ses futurs maîtres a été horriblement longue. Il est vrai que les véhicules modernes sont de plus en plus compliqués à manier, notamment lorsqu'ils sont dotés d'un GPS que l'on ne connaît pas. Seule vraie déception de la Volvo par rapport à la Renault précédente : s'il y a bien un régulateur de vitesse, en revanche le limiteur fait défaut ; or, c'est un outil dont je me servais énormément. Il va falloir apprendre – ou plutôt réapprendre – à s'en passer.

Ce matin, par contrecoup peut-être, je me suis retrouvé submergé de pensées négatives dès le réveil, à propos de cette voiture : j'allais être incapable de la maîtriser, de programmer le GPS, je ne parviendrais jamais à la ranger dans mon parking de Levallois, etc. Lorsque je me suis surpris à penser que je n'arriverais même pas à la ressortir en marche arrière du jardin, j'ai décidé de réagir et me suis levé.

Cet après-midi, nous sommes partis en promenade, malgré le temps maussade, du côté de Bernay, en passant par Conches-en-Ouche et Beaumesnil. Et, finalement, la voiture s'est révélée tout à fait apprivoisable. Il ne reste à régler que le problème du iPod, qui doit se connecter au moyen d'un câble présentant une clé USB à l'une de ses extrémités et un “jack” à l'autre, câble que je ne possède bien entendu pas. J'irai faire un tour mardi à la boutique Apple de Levallois.

– Demain, retour aux contingences : il faut que j'écrive une page “animaux” pour Enquêtes.

– Oublié ceci : comme la française Renault avait été par nous prénommée Roselyne, la suédoise Volvo a été baptisée Liselotte.


Lundi 7 janvier

Sept heures et demie. – Contrairement à mes craintes stupides de ces derniers jours, je n'ai eu aucun mal à faire pénétrer la nouvelle voiture dans le parking souterrain de Levallois, et ne m'y suis repris qu'à deux fois pour la glisser entre mon voisin et le poteau de béton : je n'étais pas peu fier. A priori, mes relations avec elle sont en voie de normalisation ; si j'arrive à régler l'irritant problème du raccordement de l'iPod, tout sera au mieux. Enfin, non, pas au mieux, dans la mesure où je continue à focaliser sur les trois ou quatre points où la Mégane avait l'avantage sur celle-ci et à leur donner une importance démesurée, à laquelle je ne penserai évidemment plus d'ici une semaine.

– À part le petit plaisir encore neuf de la conduite, je suis allé à Levallois strictement pour rien aujourd'hui, dans la mesure où il n'y avait aucun travail pour moi ; pour moi ni pour aucune des trois ex-rewritrices, dont c'était le premier jour en tant que rédactrices. Nous sommes, elles et moi, arrivés aux alentours d'onze heures et, à une heure et demie, il ne subsistait plus la moindre trace de nous. Le seul événement notable de cette micro-journée professionnelle est que ma cafetière a soudainement rendu l'âme alors qu'elle était en train de concocter le breuvage le jour.

– Ah oui : j'ai voulu commencer, vers le milieu de l'après-midi, à importer dans le futur livre “Blurb” les premiers textes de mon anthologie : au bout de quarante minutes environ, le logiciel avait planté trois fois, seuls deux textes étaient en place, et encore en présentant des défauts (lignes creuses, etc.) que j'ai été incapable de résoudre sur le moment. Je me suis arrêté avant de tout mettre à la corbeille.


Jeudi 10 janvier

Sept heures et demie. – Tiens, je pensais pourtant bien n'avoir “sauté” qu'une seule journée dans ce journal… La raison, au moins pour hier, est que je suis fort occupé depuis quelques jours de mon anthologie de blog, laquelle va finalement s'intituler Mémoire d'en France. Hier, au lieu de venir ici, j'ai achevé la partie la plus pénible du travail, à savoir importer les textes Word à l'intérieur du livre Blurb (mais quel langage grotesque cette époque nous impose-t-elle, bon sang de bois !). J'avais décidé de m'en tenir là, de ne plus toucher à rien, tout en sachant qu'il devait bien y subsister, dans ces 218 pages, un certain nombres de fautes, au moins de frappe. Seulement, ce matin, je me suis avisé qu'il serait bien que je mette, en quatrième de couverture, un extrait de texte ou, mieux, un texte court dans son intégralité ; et entrant si possible en résonance avec le titre. J'ai en effet trouvé ce texte, mais ce fut pour m'apercevoir qu'une faute se trouvait au premier paragraphe, une répétition malencontreuse au second, une virgule mal placée ici, une autre là qui mériterait d'être remplacée par un point-virgule… Bref, j'ai décidé de tout relire une nouvelle fois, ce qui a occupé la quasi totalité de ma journée d'aujourd'hui, et qui remplira encore partiellement celle de demain.

– La conséquence est que je n'ai évidemment rien fait de ce que j'aurais dû pour FD : lire et annoter l'autobiographie de Peter Falk, dépouiller la documentation qui lui était jointe, proposer deux ou trois sujets à Philippe B. C'est sans importance en soi puisque cette série d'articles sur Columbo ne commence que dans deux semaines et que j'en ai déjà écrit le premier. Et ce l'est d'autant moins que cela ne me gêne nullement de travailler pour FD alors même que je suis en vacances de lui : les vacances, encore une fois, c'est de ne pas aller à Levallois ; pour le reste, du moment que ces andouilles psychorigides de délégués syndicaux n'en savent rien, cela ne me gêne nullement de travailler pour mon employeur durant mes congés officiels.

– Au chapitre des agacements volviques : l'iPod ; ou plutôt son raccordement au système de son, comme disent les Québécois, ces sympathiques cousins qui pensent sincèrement résister à l'anglais alors qu'ils lui cèdent sur tous les fronts, à commencer par le plus important d'entre eux, celui de la structure même de la langue, comme le prouve l'exemple que je viens de donner. Bref, il existe, sur la V 70, une fonction spécifique iPod, qui permet de commander à l'appareil depuis les boutons et molettes situés au volant, et en outre de le recharger pendant l'écoute. Sauf que personne, mais alors personne, ni chez Volvo, ni chez Apple, n'est pour l'instant en mesure de me dire de quelle façon, au moyen de quel type de câble ou d'adaptateur, on peut les relier tous les deux, la boîte à musique et l'automobile. Bien sûr, j'ai contourné le problème en connectant, par un câble “double jack” l'iPod à la console ; et ça fonctionne très bien, exactement comme c'était déjà le cas sur la Mégane. Cela n'empêche pas que, là, dans le cas de la Volvo, je suis censé disposer de mieux. Et que ce mieux m'est pour l'instant inaccessible – et même inexplicable par qui que soit –, ce qui m'énerve, assez absurdement il faut bien le dire.


Vendredi 11 janvier

Six heures et quart. – Eh bien voilà : mon anthologie (Mémoire d'en France) a été finie de relire, téléchargée sur le site de Booksmart et commandée en cinq exemplaires : un pour nous, un pour mes parents, un pour Camus, le dédicataire de la chose, un pour Philippe B, mon bienheureux patron, et un dernier au cas où. Je suis très content du prix extrêmement modique de l'ouvrage : à peine dix euros (port en sus…), pour une impression en noir et blanc et une couverture souple. Catherine et moi sommes tombés d'accord pour faire désormais imprimer mon journal selon le même mode, ce qui nous évitera de nous casser la tête à trouver des photos ayant plus ou moins de rapport avec le contenu.

L'anthologie en question est finalement fort sélective, puisqu'elle ne contient que 66 textes alors qu'entre novembre 2007 et décembre 2009 j'ai publié plus de 1500 billets. Mais, évidemment, une bonne moitié de ceux-ci, dès le départ, étaient de faux billets, c'est-à-dire à peu près dénué de contenu. Néanmoins, j'ai, dans le reste, opéré un tri sévère, que j'espère l'être assez mais sans en être tout à fait persuadé. Enfin, de toute façon on s'en fout, comme dirait Paul Valéry. Du reste, ce journal de janvier pourrait bien s'appeler Sévère tri, au moins parce que, prononcé à haute voix, il reste presque totalement incompréhensible.

– J'ai tout de même trouvé le temps de lire rapidement l'autobiographie de Peter Falk – qui n'en est d'ailleurs pas tout à fait une, stricto sensu, mais plutôt une collection de souvenirs ponctuels présentés assez en vrac – et d'y trouver une vingtaine d'anecdotes dont je pense pouvoir nourrir les différents articles que j'ai à écrire, ces prochaines semaines, sur Columbo, afin d'accompagner les DVD que FD proposera à la vente. D'après ce que m'a dit Philippe B., ces ventes, lorsque nous en faisons, marchent du feu de Dieu, encore mieux que celles de Télé 7 Jours (proportionnellement au nombre d'exemplaires vendus de ces deux journaux, je suppose). Ce fut le cas pour la série “théâtre de boulevard” que j'avais écrite avec Olivier Lejeune, puis pour les DVD des Oiseaux se cachent pour mourir. (Dont j'avais également écrit les textes d'accompagnement : me voilà devenu, en fin de carrière, une manière de représentant de commerce. Je suppose que, déontologiquement parlant, il y aurait là matière à chipotage ; mais je me fous de la déontologie comme de mon premier pastis – ce qui ne signifie pas que je serais prêt à faire n'importe quoi non plus.)

– Hugues Vassal m'a demandé il y a trois jours combien je souhaiterais d'argent pour écrire le texte qui doit accompagner le gros livre de photographies de lui qu'il compte faire concernant les sixties, soit environ cent mille signes. Après consultation de Sa Seigneurie Joseph Vebret, qui connaît tout cela bien mieux que moi, j'ai expédié un mail à Vassal en fixant mon tarif à trois mille euros assortis d'un pourcentage sur les ventes. Pour l'instant, pas de réponse… Quoi qu'il en soit, je suis déterminé à ne pas descendre au-dessous de deux mille. Et toujours avec pourcentage.


Samedi 12 janvier

Sept heures et demie. – Rien fait aujourd'hui sinon lire ; en alternance, Vie et Destin et France orange mécanique, un livre que son auteur, jeune journaliste du nom de Laurent Obertone, a eu la gentillesse de m'envoyer. Son thème : le réensauvagement de la France, la délinquance de plus en plus dangereuse et importante, notamment en raison des capacités de nuisance des jeunes immigrés (y compris bien entendu ceux qui sont nés ici), mais aussi le déni de réalité auquel on nous somme de nous soumettre, inlassablement depuis près de trente ans. Livre à la fois très documenté, sourcé, précis dans les faits qu'il collecte, les chiffres qu'il donne, mais aussi livre de réflexion sur ce qui nous a conduits à cet état préoccupant qui, à mon sens et je suppose à celui de l'auteur également, ne peut guère aller qu'en empirant, étant donné cette aberrante “culture de l'excuse” que l'on s'obstine à adopter envers tous nos primitifs importés ; culture qui va de pair avec une indifférence à peu près totale à l'égard de leurs victimes. Un livre important, je crois, dont je reparlerai sans doute lorsqu'il aura été entièrement lu.

– J'ai également procédé à la seconde relecture du journal de décembre, qui s'intitulera Marie la Française, car il y est beaucoup question de Piaf.


Lundi 14 janvier

Neuf heures et quart. – Eh bien, elle n'est pas mal, cette nouvelle (et dernière) maison de mes parents. Surtout, on se fout de la maison elle-même ; ce qui compte, c'est ce que mon père en pense ; et en vérité je ne l'ai jamais vu plus en forme qu'aujourd'hui depuis longtemps : on dirait qu'il n'a même pas de cancer, qu'il n'a même pas 80 ans, qu'il ne va même pas mourir.

Ma mère me ressemble. C'est stupide : c'est évidemment moi qui lui ressemble. Le résultat est le même. Elle en est au stade où elle ne voit que les inconvénients de sa nouvelle maison par rapport à l'ancienne, exactement comme je le fais de ma voiture d'aujourd'hui par rapport à celle d'avant.

J'ai dit souvent que la maison de Sedan ne m'était de rien (par rapport à celle de La Ferté). C'était vrai, évidemment. Mais, là, je commence à la regretter, parce qu'elle correspondait tout de même à une certaine jeunesse de mes parents, à une “moins vieillesse” si je puis dire, dans une ville où leur mort n'a pas eu lieu et, donc, à un endroit plus ou moins agréable.


Mercredi 16 janvier

Sept heures et quart. – Pas venu ici hier ; à la place, j'ai poursuivi la relecture systématique de tous mes billets de l'année 2010, en sélectionnant les meilleurs – ou disons : les encore lisibles… – afin de préparer le deuxième volume de mon anthologie (on s'y croirait presque, dis donc !). Comme je n'ai rien fait d'autre non plus aujourd'hui, me voilà rendu au mitan de 2011, et je m'arrêterai à la fin de cette année-là, préférant garder 2012 pour le tome III. S'il y a un tome III car j'ai trouvé que le niveau de mon blog baissait nettement en 2011, par rapport aux trois années précédentes : trop de billets parlant des blogs, trop de polémiques inutiles, un certain ressassement dans les sujets “réacs”, etc. Si la chute se poursuit en 2012, il vaudra mieux en rester là. Et peut-être envisager d'arrêter tout simplement de tenir un blog ; ou au moins d'y raréfier les interventions. Il n'empêche que relire billets et commentaires continue de m'amuser plutôt. Et même si 2011 se révèle décevante, il m'arrive encore d'être heureusement surpris par tel ou tel petit texte que j'avais tout à fait oublié.


Jeudi 17 janvier

Sept heures et demie. – Terminé cet après-midi ma première sélection pour Anthologie II. Elle compte 133 textes. Je suppose que, lorsque je vais reprendre le tout, entre un sur deux et un sur trois vont être à leur tout éliminés. De toute façon, je ne compte pas me mettre à ce réexamen avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, dans la mesure où, le premier tome ne devant “paraître” que ces jours prochains, il n'y a vraiment aucune sorte d'urgence à se pencher sur le suivant. Si je tiens absolument à produire un nouveau livre, je ferais mieux de m'atteler au journal 2012, du reste. Je ne sais pas, à propos de lui, ce journal 2012, si j'ai noté ici la décision prise en commun par Catherine et moi : celle de l'éditer “à l'économie”, comme il vient d'être fait pour l'anthologie, à savoir sans photo aucune et en impression noir et blanc. Ce qui devrait ramener le prix du volume à une vingtaine d'euros, prix qui commence à s'approcher du raisonnable.

– Le blogueur pseudonommé El Desdichado, qui doit venir dîner et dormir ici le week-end prochain, ne répond pas à mes mails et semble tout à fait injoignable aux deux numéros de téléphone qu'il m'a indiqués. C'est ennuyeux dans la mesure où il me semble que subsistait, lors de notre dernière échange, une ambiguïté quant au jour : samedi ou dimanche. Je suis presque certain qu'il s'agit bien de samedi (dans la mesure où lui et moi travaillons lundi), mais ce “presque” commence à m'irriter quelque peu. Quoi qu'il en soit, Catherine et moi avons décidé de nous comporter en tous points comme s'il devait effectivement nous tomber dessus samedi, à peu près à l'heure de l'apéritif ; c'est-à-dire que j'irai acheter les bouteilles nécessaires, cependant que, de son côté, Catherine préparera le dîner : que celui-ci soit mangé à deux ou à trois ne changera pas grand-chose, sur le strict plan de l'intendance – et idem pour les flacons.


Vendredi 18 janvier

Sept heures vingt. – J'ai finalement fait ce que j'ai dit hier soir : je me suis attelé à la préparation en volume de mon journal 2012. C'est-à-dire que j'ai créé le livre Blurb (même format que les deux derniers tomes parus, mais en impression noir et blanc et sans photo, de manière à ce que le prix reste acceptable) et que j'y ai importé, jour par jour, les entrées de janvier et de la première moitié de février, avant de les relire aussi soigneusement que possible, de manière à n'avoir plus à y revenir ensuite. Je me suis arrêté lorsqu'une certaine exaspération a commencé de poindre en moi, suite à de nombreuses “sautes” du logiciel de Booksmart ; lesquelles étaient certes sans conséquence pratique désagréable puisque, me méfiant, j'en étais à faire une sauvegarde dès que j'effectuais la plus minime correction et, bien entendu, à chaque fois que j'importais du texte nouveau. Je pense que ce cru 2012 va s'intituler Scènes de la vie mondaine, car il est beaucoup question, au long des mois, de la Brigade de ce nom, depuis le dernier numéro écrit par moi pour la collection, en janvier et février, jusqu'à la mort de celle-ci à l'automne dernier.

– À propos de ce que l'on va pompeusement appeler mon “œuvre sur papier”, nous avons reçu aujourd'hui les cinq exemplaires commandés de mon anthologie, Mémoire d'en France. J'ai évidemment fait ce que fait n'importe quel auteur en recevant son premier exemplaire : je l'ai retourné dans tous les sens, ai examiné la couverture, la page intérieure de titre, la dédicace, etc. Tout semblait parfait. Et voilà que je me suis mêlé de relire le court texte que j'avais choisi de faire paraître en quatrième de couverture. À l'avant-dernière ligne de ce gros paragraphe, pourtant relu et amendé cinq ou six fois avant le “bon à tirer”, je tombe sur ceci : « Et, petit et à petit, ils, etc. » Cela n'a même pas réussi à m'énerver tellement c'était gros.

– Je n'ai toujours aucune nouvelle du Desdichado, ce blogueur ébroïcien qui doit venir dîner et dormir ici demain. Il ne répond pas à ses mails, ne semble pas consulter ses messages téléphoniques, son portable est constamment sur messagerie ; c'est au point que j'en suis à craindre, même si je ne le connais pas, qu'il lui soit arrivé quelque chose.

– J'ai toujours cru que le rouge-gorge était un oiseau ne supportant pas la présence d'un congénère sur son territoire, alors même qu'il se comporte très pacifiquement avec les autres espèces d'oiseaux du jardin, ses compagnons de mangeoire. Il m'est sans doute même arrivé de le faire savoir autour de moi. Or, aujourd'hui, en fin de matinée, j'en ai finalement vu deux, à environ un mètre l'un de l'autre, entre la Case et le cerisier. L'un était occupé à picorer les graines que j'avais épandues sur la table de pique-nique, l'autre faisait la même chose au pied de celle-ci. Je commençais à me dire que j'allais devoir réviser mes certitudes à propos du rouge-gorge, lorsque celui qui était perché s'est soudain, se rapprochant du bord de la table, avisé de la présence de l'autre : il a fondu sur lui en piqué et l'a poursuivi jusque par-dessus le toit de la maison. Le banni a d'ailleurs filé sans cherché à se défendre, sachant probablement qu'il s'était mis dans son tort. Donc, vérification faite, le rouge-gorge semble bien être, ainsi qu'on nous l'enseigne dans les facultés ornithologiques, une manière de loup solitaire.

Huit heures. – Notre hôte de ce week-end vient d'appeler : il n'était donc ni mort ni même en réanimation. et il sera bel et bien des nôtres demain.


Samedi 19 janvier

Cinq heures. – Partagé ma journée entre Vie et Destin et le transport de mon journal 2012 dans le livre blurb créé à cet effet. Si j'en juge par les quatre mois qui y sont déjà installés, le livre devrait compter environ quatre cents pages, ce qui me semble bien. Comme le titre se réfère à la Brigade mondaine, j'ai décidé de le dédier à la mémoire de Jean-Philippe Chatrier qui, en plus d'être un ami cher, a aussi été mon compagnon de chaîne en cette galère-là.

Il m'arrive quand même de me demander pourquoi je fais tout cela, multiplier ainsi les livres inutiles et inlus : quelle sorte d'étrange gloriole est-ce que je poursuis ? Et si ce n'est pas de la gloriole, ce que j'espère vivement, alors de quoi s'agit-il au juste ? Impossible de rien démêler, en tout cas pour le moment. Si encore il s'agissait de “vrais” livres, publiés selon les voies traditionnelles par de véritables éditeurs, je pourrais toujours penser que j'agis par une sorte de vanité – même si cela ne me serait sans doute pas agréable. Mais on ne peut même pas tirer vanité de publier un livre dans les conditions où je le fais, puisque n'importe qui a la possibilité de faire exactement la même chose. Publier, dans ce cas, n'est d'ailleurs pas le terme qui convient : fabriquer serait plus exact, sans doute.

– Notre invité, El Desdichado, devrait nous arriver entre six heures et demie et sept heures, si je me souviens bien de ce que nous sommes convenus hier, au téléphone. Et naturellement, comme chaque fois que quelqu'un doit venir ici, qu'il s'agisse d'une personne déjà connue ou non, plus l'heure approche et plus me paraît enviable la perspective d'une soirée où personne ne viendrait. Dans le même temps, je sais fort bien que ce moment a toute chance de se dérouler le plus agréablement du monde, ne serait-ce que parce qu'il y avait désir de part et d'autre de cette rencontre. Mais il n'y a rien à faire, je ne peux empêcher cette sorte de rétractation mentale qui se produit toujours aux approches de l'instant où il me faudra endosser mon petit costume social.


Dimanche 20 janvier

Sept heures et demie. – Naturellement, la soirée d'hier s'est fort agréablement déroulée, El Desdichado (Rémi dans le civil, un jeune homme de trente ans) s'est révélé un hôte parfait, et nous avons discuté assez avant dans la soirée, et de nouveau ce matin. Il a été professeur de français, métier qu'il a assez rapidement abandonné lorsqu'il a compris qui (je dirais plutôt quoi…) il avait en face de lui. Il a opéré une reconversion rapide et est actuellement secrétaire de mairie dans un gros village aux environs d'Évreux : métier sans doute moins “prestigieux” socialement (encore que…) mais qui devrait lui éviter le suicide aux alentours de sa quarantième année. Personnellement, si demain matin on me donnait le choix entre devenir professeur de quoi que ce soit ou secrétaire de mairie, on me trouverait à la mairie dans l'heure suivante : je ne me sens aucune vocation pour alphabétiser des exotiques obtus et vindicatifs ; ni même des petits blancs totalement déculturés d'ailleurs : qu'ils crèvent ; ou en tout cas qu'ils aillent se faire éduquer ailleurs.

Ce matin, autour du café, Rémi m'a demandé, après avoir passé ma bibliothèque au scanner, par quel livre il convenait d'aborder l'œuvre de Renaud Camus : question piégeuse s'il en est. J'ai discouru comme un imbécile, alors que la seule chose intelligente à faire était de lui coller deux ou trois volumes sur les bras afin qu'il puisse se faire sa propre idée. Je ne cesse de me traiter d'abruti depuis lors, et je viens de lui expédier un mail pour tenter de rattraper mon absence d'à-propos. De toute façon, il est hautement probable que nous reverrons ce garçon avant qu'il soit longtemps.

– Sinon, parce que j'ai dit hier soir que je le ferais, j'ai passé l'essentiel de cette journée à recopier les cinq chapitres de Vie et Destin que Grossman consacre aux chambres à gaz, et qui sont, je crois, le “point aveugle” de son roman, celui au-delà duquel nul ne peut pénétrer. Je les ai programmés, à raison d'un chapitre par jour, à compter de demain matin.

– Comme il a neigé toute la journée, et que cela devrait reprendre dès cette nuit, j'ai décidé de ne pas bouger de la maison la semaine prochaine. Soit on m'enverra du travail par le biais d'internet, soit je prendrai une semaine de vacances supplémentaire – la décision appartient à mes puissances dirigeantes.

– Du coup (mais quoi, du coup ?), nous avons repris ce soir un petit apéritif, Catherine et moi, mais tout à fait raisonnable si j'en juge par le peu de fautes de frappe émaillant les quatre paragraphes précédant celui-ci.


Lundi 21 janvier

Sept heures dix. – Comme prévu, je suis resté tranquillement au Plessis aujourd'hui, pour cause de routes enneigées, ou supposées telles par moi. J'ai envoyé, dès ce matin, neuf heures et demie, un mail à la sainte trinité de mes supérieurs hiérarchiques pour leur proposer soit de travailler par mails interposés, soit de prendre une semaines de vacances supplémentaires, laquelle serait régularisée ultérieurement. Je n'ai reçu de réponse de Gabriel que vers trois heures cet après-midi, m'indiquant qu'il me chargeait d'écrire trois feuillets sur Rachida Dati et qu'un pdf allait suivre pour la documentation indispensable. N'ayant toujours rien à quatre heures, je l'ai rappelé ; j'ai bien fait dans la mesure où il avait expédié son pdf à mon adresse de Levallois, soit à dix mètres de son propre bureau. Du coup, le recevant enfin, j'ai décidé unilatéralement que ce travail-là attendrait demain matin – d'autant qu'il a l'air particulièrement tordu et acrobatique, si j'en juge par les explications confuses, et presque gênées, que Gabriel m'a données par téléphone.

– À propos du Desdichado, j'ai oublié, hier, de noter qu'il n'était pas arrivé les mains vides : en cadeau pour nous, une édition illustrée du Roland furieux, datant de 1874, augmentée d'une préface de Jules Janin que j'ai lue hier, dès après son départ de chez nous, vers onze heures. Ce cadeau m'a fait plaisir dans la mesure où il s'agit d'un présent “pensé” et non de la sempiternelle bouteille de vin (à laquelle je sacrifie moi-même le plus souvent, lorsque je me rends en visite…). Je pense que je vais m'attaquer sérieusement à ce Roland-là dès que j'en aurai fini avec Grossman, c'est-à-dire demain.

– À propos de Grossman, j'ai publié ce matin le premier des cinq chapitres de Vie et Destin que j'ai recopiés hier sur le blog-mère. L'avantage, avec ce type de publication, est qu'on ne croule pas sous les commentaires, ce qui est bien reposant ; même Fredi Maque en est resté coi.

– Reçu un assez long mail de France-Hélène – auquel je n'ai pas encore répondu, shame… – dans lequel elle m'apprend que son père ne va pas bien du tout, ce qui a l'air de l'atteindre assez douloureusement ; mais c'est le contraire qui aurait été un peu surprenant. Voilà quelque chose, par exemple, que je suis parfaitement à même de comprendre, depuis quelque temps.

– À part cela, j'ai continué tranquillement à “importer” mon journal 2012 dans le livre Blurb créé à cet effet. Une fois complet, il devrait faire un tout petit peu plus de quatre cents pages, je pense ; sauf si j'ai été moins bavard dans la seconde moitié de l'année qu'en sa première.


Mardi 22 janvier

Sept heures et demie. – Lorsque j'ai programmé, sur le blog-mère, les cinq chapitres de Vie et Destin, à raison d'un par jour, la tentation m'a effleuré de fermer les commentaires pour toute la série. Et puis, comme souvent, mon optimisme naturel, ou ma mansuétude, ou ma connerie bisounoursienne, enfin je ne sais quoi de solidement ancré en moi a repris le dessus et je les ai finalement laissés ouverts ; en me disant que, tout de même, les trois ou quatre imbéciles qui hantent mon blog de manière tristement systématique allaient bien comprendre, au vu de ce que je leur donnais à lire, qu'en dehors d'un commentaire pertinent, s'ils en trouvaient un, seul le silence était de rigueur. Naturellement je me suis trompé. Si bien que je viens de tout refermer, mais, comme toujours dans ces cas-là, avec le regret des quelques-uns qui tentaient de dire quelque chose, Artémise par exemple. Il y a des jours où je me demande pourquoi je m'obstine à cette activité somme toute assez stupide : tenir un blog.

– En dehors de cela, j'ai finalement eu deux articles à écrire pour FD, lesquels se sont faits sans trop de difficultés – ni même aucune, en fait. Et j'ai été relancé par Étienne T., pour écrire une nouvelle “page animaux” pour Enquêtes : ce sera pour le week-end prochain.

– Puisqu'on parlait de Vie et Destin, je l'ai terminé ce matin et j'ai enchaîné sur les quelques nouvelles qui complètent le volume. Quant à Catherine, elle vient d'achever la lecture du livre d'Obertone, La France orange mécanique (je persiste à ne pas aimer beaucoup ce titre, tout en reconnaissant qu'il dit fort bien ce que contient le livre), et elle s'en est trouvée moins déprimée que ce que je ne craignais, la connaissant.


Mercredi 23 janvier

Sept heures dix. – Catherine ne décolère pas depuis qu'elle a reçu le prochain bulletin paroissial de Pacy, pour lequel elle avait fourni plusieurs de ses photos : le, ou la, maquettiste, qui ne doit pas l'être réellement, a consciencieusement saboté tous les clichés en question, en tuant la lumière, en détruisant les cadrages, etc. Du coup, Catherine a informé le Père Éric que, désormais, elle refuserait de participer à ce massacre, ce que je comprends fort bien, pour peu que je transpose ce qui lui est arrivé dans le domaine qui est le mien, celui de l'écriture.

– Étant arrivé au bout des nouvelles de Grossman, je me suis trouvé, comme il arrive parfois, fort désarmé quant à ce que j'allais lire ensuite ; non que je manque de volumes en attente, mais parce que rien, derrière le Russe, ne me faisait vraiment envie. Il y avait bien sûr le Roland furieux offert samedi dernier par El Desdichado, mais il m'est apparu impossible de passer directement de l'un à l'autre, sans la moindre transition ; du reste, aucun roman, aucune œuvre de fiction ne me paraissait pouvoir tenir ce rôle. Mes yeux étant tombés dessus, cependant que je parcourais sans trop y croire l'étage des écrivains russes de la bibliothèque, j'ai repris la Poétique de Dostoïevski de Bakhtine, dont je ne suis d'ailleurs même pas certain d'être venu à bout la première fois que je m'y suis intéressé, il y a quelques années. En tout cas, comme transition, il me semble parfait, cet écrivain qui n'est pas romancier tout en étant russe. Lisant son premier chapitre, c'est bizarrement Nathalie Sarraute qui a surgi à mon esprit sans crier gare (mais pourquoi cette vénérable femme aurait-elle crié gare ? Butor à la rigueur, mais elle ?). Dans un second temps, je me suis dit que cela n'avait rien de si bizarre, dans la mesure où, lisant tous ses romans les uns à la suite des autres, il y a quelques mois, c'était le nom de Dostoïevski qui m'était alors venu à l'esprit. Il faudrait bien creuser un peu cela, cette association que je fais. Seulement, hein…

– Demain matin, nous portons la voiture de Catherine au garage. (Depuis que la Volvo est arrivée ici, la Mégane est tout naturellement devenue “la voiture de Catherine” ; selon, j'imagine, le même principe qui faisait que les vêtements du frère aîné, vaguement retaillés et rafraîchis, devenaient ceux de son cadet.) Le but est de lui faire subir un nettoyage intérieur et extérieur aussi approfondi que possible, afin qu'elle fasse belle impression sur M. Renault à qui nous devons la rendre définitivement vendredi après-midi – tout en sachant que, habitué à la chose, il ne se laissera sans doute pas impressionner par une quelconque rutilance ouvertement destinée à l'abuser.

– Ces blogueuses qui se prennent pour des femmes savantes et ne dépassent jamais la précieuse ridicule. Si on songe que nombre de leurs homologues masculins se croient Jean Moulin et ne sont que Tartarin, on frémit à l'idée qu'ils pourraient un de ces jours s'entre-féconder.


Vendredi 25 janvier

Six heures. – Excellente journée, au moins si l'on regarde l'aspect financier des choses. Nous avions rendez-vous à deux heures cet après-midi, au grand garage Renault d'Évreux, afin de rendre la Mégane, que nous aurons eue trois ans ainsi qu'il était prévu dès le départ par contrat. Je savais que cette restitution allait me coûter de l'argent. D'abord, les kilomètres excédentaires me seraient facturés à raison de cent euros par millier de kilomètres. Comme j'ai finalement dépassé la norme d'onze mille kilomètres, la facture dépassait déjà les mille euros. À cela allaient bien entendu s'ajouter diverses bricoles : pneus usés, rayures de carrosserie, taches sur un siège ou l'autre, etc. Je ne prévoyais pas de pouvoir m'en tirer à beaucoup moins de deux mille euros. Or, non seulement les bricoles en question n'ont pas dépassé sept cents, mais surtout, du kilométrage il n'a jamais été question. Catherine et moi sommes donc ressortis de là tout jubilants ; mais aussi en courant presque, tellement nous étions certains que quelqu'un allait s'apercevoir de l'oubli et nous rappeler in extremis avant que nous ayons eu le temps de disparaître – mais il n'en a rien été. Notre plaisir fut parachevé, une fois de retour à la maison, lorsque je me suis avisé que Lagardère allait prochainement me rembourser la note de frais que je lui ai présentée le mois dernier, se rapportant à mon équipée tourangelle pour rencontrer Hugues Vassal ; note dont j'avais tout à fait oublié l'existence, et qui se monte exactement, à quelques dizaines d'euros près, à ce que Renault venait tout juste de nous ponctionner. Du coup, j'ai immédiatement commandé le Journal d'un écrivain de Dostoïevski, auquel j'avais renoncé il y a deux jours car je n'avais réussi à le trouver qu'en Pléiade. Quant à Catherine, elle a suggéré que, le 14 février prochain, nous pourrions aller célébrer la Saint-Valentin à L'Hôtellerie d'Acquigny. Il a bon dos, Valentin. Cerise sur ce joli gâteau, comme nous sommes vendredi Catherine est partie à la messe de Pacy, ce qui fait que, au sortir de ce journal, je vais aller m'octroyer un apéritif solitaire, en écoutant Édith Piaf à fond les manettes, n'en déplaise aux trois chiens qui tenteront alors un premier sommeil.

– Sans trop bien savoir pourquoi – peut-être pour reposer un peu mon cerveau des efforts que lui demande Bakhtine –, je me suis mis tout à l'heure à relire Mémoire d'en France, mon anthologie de textes 2007 – 2009 dont je n'ai encore signalé nulle part l'existence. Parvenu à la moitié du volume, j'ai été surpris de n'y trouver que peu, vraiment très peu de fautes de frappe : pas plus de trois ou quatre, et franchement anodines. Du coup, j'en ai ressenti un certain agacement. Car enfin, s'il y en a si peu que cela, pourquoi a-t-il fallu que l'une d'elles aille se nicher justement dans le texte de quatrième de couverture, celui que tout le monde découvre en premier ? Et le fait que ce tout le monde ne doive représenter que dix ou quinze personnes n'atténue en rien mon agacement.


Samedi 26 janvier

Sept heures et demie. – On se demande parfois ce qui se passe dans la tête d'un vendeur de livres d'occasion. Cet après-midi, parce que la lecture du livre de Bakhtine m'en avait donné l'envie, j'ai voulu racheter la Critique dans un souterrain, ce petit livre (de poche et assez mince) que René Girard a consacré, entre autres écrivains, à Dostoïevski. Eh bien, sous prétexte que le volume n'est plus disponible chez l'éditeur (qui le vendait cinq euros il y a quelques années…), les quatre ou cinq exemplaires que j'ai trouvés, aussi bien chez Amazon que sur Price Minister, coûtaient entre quarante et soixante-dix euros ! Sont-ils stupides au point de penser qu'ils vont trouver acquéreur ?

– Terminé d'“importer” mon journal 2012 dans le livre Blurb. Les deux dernières quinzaines de décembre l'ont été à l'arraché, car Booksmart, qui s'était pourtant fort bien comporté hier et ce matin, Booksmart s'est mis à planter pratiquement à chaque page que je relisais et corrigeais, allongeant singulièrement le temps de l'opération. Mais enfin, le livre est fini, prêt à être imprimé ; ce qu'il ne sera pas avant quelques mois, puisque je dois, avant, mettre en ligne Mémoire d'en France : j'ai une activité éditoriale intense… D'autant plus que je suis presque décidé à faire également un petit volume avec les meilleures des phrases collectées chez les Modernœuds, sans oublier le second volume de mon anthologie, correspondant aux années 2010 – 2012.

Je me souviens avoir noté ici, il y a quelque temps, que je trouvais un peu pitoyable le fait de se mettre à éditer des livres à tour de bras lorsqu'on a passé son temps à proclamer à sons de trompe qu'on n'était pas écrivain. Mais en fait, non : après tout, rien n'interdit à un peintre en bâtiment de se mettre à barbouiller une toile, le dimanche après-midi, si l'envie lui en prend.

Une dernière chose sur ce chapitre : m'est venue l'idée, cet après-midi, de créer une maison d'édition fictive pour mes petites parutions, au moins pour équilibrer la couverture, pour avoir quelque chose d'écrit en bas. Les prochains volumes du journal paraîtront donc aux éditions de La Case…


Dimanche 27 janvier

Sept heures et demie. – Eh bien, à part les cinq feuillets “animaux” que j'ai écrits pour Enquêtes, on ne peut pas dire que ma journée ait été fertile en rebondissements de toutes sortes. Elle a même été d'une idéale uniformité. C'est tout juste si j'ai consenti à sourire de la sottise des partisans du guignolesque “mariage pour tous”, qui manifestaient aujourd'hui afin de soutenir une loi que rien ni personne n'est plus en mesure d'empêcher d'être votée. C'est ce qui s'appelle voler au secours d'une victoire déjà remportée. Ce sont les mêmes qui se sont découvert une âme de résistant à l'automne 44, lorsque l'Allemand refluait de partout et n'avait nul besoin d'eux pour cela.

– Demain, retour à FD après deux semaines d'absence, la première parce que j'étais en vacances, la seconde pour cause d'enneigement supposé des routes y menant.


Lundi 28 janvier

Sept heures et demie. – Mais bon sang que j'en ai marre de cet interminable échange d'invectives et de sentences définitives à propos du mariage pourtousse ! Que les progressistes débitent leurs habituelles âneries, encore : soit ; leur seul argument étant “yapa d'raison”, on ne peut leur demander de produire des raisonnements un tant soit peu construits (c'est d'ailleurs ce qu'il y a de très pratique, avec ce concept d'égalité poussé à l'absurde : il permet de justifier absolument n'importe quoi sans avoir à argumenter plus avant) ; mais que mes petits camarades réactionnaires (pour faire bref) se mettent à leur répondre sur le même ton et à un niveau de sottise bornée à peu près équivalent, voilà qui passe les bornes de ma patience et de ma mansuétude. De toute façon, le mariage dit civil n'a à peu près plus de sens depuis déjà belle lurette, rongé qu'il est jusqu'à la trame par les acides du divorce par consentement mutuel, des droits accordés aux enfants naturels, etc. J'ai bien peur que, depuis quelques semaines, mes amis ne s'arcboutent contre la muraille pour défendre une outre flasque. Il est d'ailleurs fort drôle de se dire que, bientôt, lorsque la loi-hochet sera votée puis promulguée, on va assister à des déferlements de bruyante joie, des démonstrations bariolées de triomphe de la part de la volaille progressiste, qui sera sincèrement persuadée qu'elle a pondu un œuf, alors qu'on lui aura simplement glissé sous le cul une coquille vide : avant même d'être mariées, déjà cocues, les minorités agissantes.

– Huit heures. Tiens, je viens de transformer le paragraphe précédent en un petit billet sur le blog-mère : ça ne sert à rien mais ça soulage un peu et très momentanément. Je ne sais plus qui, Suzanne peut-être bien, me faisait remarquer aujourd'hui que je parlais de moins en moins des blogs dans mon journal : c'est heureux, à la fois pour mes quelques lecteurs et pour moi ! C'est qu'on finirait par y laisser le peu de santé mentale qui nous reste, à force.

Mais tout de même : voir nos amis progressistes, fortes têtes, libres penseurs, rebelles de naissance, etc., trépigner comme ils le font depuis des semaines pour avoir le droit de se marier, il y a là quelque chose de profondément cocasse dont on aurait tort de se priver. Je me souviens d'un film français déjà assez ancien (de Jessua, je crois bien) qui s'intitulait Paradis pour tous. Voilà une idée que je suggérerais volontiers aux prochains couples “légitimes” de gouines qui vont se faire injecter des bébés à la seringue : exiger le baptême systématique de leur progéniture laborantine, au nom de leur sacro-saint principe d'égalité. C'est vrai, tout de même : pourquoi les petits catholiques ayant l'infortune de mourir en bas âge auraient-ils droit au paradis, tandis que les petits progressistes athées devraient aller flotter dans les limbes ? C'est terriblement discriminatoire, cela ! Et puis, sauter presque directement de l'éprouvette aux limbes, après un bref passage dans le deux-pièces-cuisine de ses deux mamans banlieusardes, c'est quand même pas une vie.


Mardi 29 janvier

Sept heures et demie. – J'ai envoyé hier à Camus un exemplaire de Mémoire d'en France ; je vais laisser à la Poste deux jours pour le lui faire parvenir, après quoi Catherine le mettra en vente de manière officielle, et je l'annoncerai sur le blog-mère, bien certain que les foules bloguesques vont se ruer sur les comptoirs…

– Rien à dire de particulier à propos de cette journée de travail, sinon que le trajet de ce matin s'est terminé péniblement, le souterrain de la Défense étant complètement fermé lorsque j'y suis arrivé. Il devait d'ailleurs l'être depuis très peu de temps, heureusement, sinon j'aurais été bon pour un engluement de plusieurs kilomètres, alors que là, non. Mais évidemment, ensuite, la traversée de Nanterre et la jonction avec le boulevard circulaire m'ont pris presque une demi-heure, pour parcourir à peine deux kilomètres. Le plus étrange est que, lorsque j'ai enfin débouché sur le pont de Neuilly, ce fut pour constater que des voiture sortaient bel et bien de ce souterrain dans lequel on nous avait interdit d'entrer : soit ils l'avaient rouvert très vite, soit il était accessible seulement aux automobilistes arrivant de l'A 86. (Et je demande pardon de ces précisions topographiques et routières absconses à l'immense foule de mes lecteurs provinciaux.)


Jeudi 31 janvier

Sept heures vingt. – Déjeuner hier avec Nicolas et Woland. Contrairement à mon habitude, j'ai un peu forcé sur le Sancerre, si bien que Catherine m'a accueilli plutôt fraîchement – avec raison, je dois dire : je n'avais pas assez bu pour casser la Volvo, mais suffisamment pour me faire retirer durablement mon permis, si jamais les anges du guet avaient eu la fantaisie de me faire souffler dans leur ballon maudit. Là-dessus, évidemment, j'ai repris l'apéritif (une fois parti, n'est-ce pas…). Ensuite, j'ai fait ce qu'il ne faut jamais faire : aller traîner sur les blogs en étant éméché. Résultat, en commentaire chez Sarkofrance, j'ai balancé une information sur lui que Nicolas m'avait révélée quelques heures plus tôt, évidemment sous le sceau du secret, même si le sceau en question n'était qu'implicite. Je n'étais, ce matin, que fort peu fier de moi.

– Aujourd'hui, passé la matinée à diverses occupations à caractère plus ou moins administratif : m'assurer auprès de la banque que le prélèvement DIAC pour l'ancienne voiture serait bien interrompu, téléphonage à Groupama pour faire annuler l'assurance d'icelle, autre téléphonage avec la personne qui, chez Lagardère, s'occupe de l'épargne salariale, afin qu'elle m'aide à récupérer un mot de passe me permettant d'accéder à mon compte, etc. Lorsque ce fut fait, je me suis empressé d'aller débloquer les 5500 euros qui étaient immédiatement disponibles, ce qui m'évitera d'emprunter quoi que ce soit à mes parents. On va placer ça sur le compte épargne de Catherine, de façon à être moins tenté de les grignoter.

– Demain soir, nous devrions avoir El Desdichado à dîner, après qu'il aura assisté à la messe de Pacy en compagnie de Catherine. J'ai sagement demandé à celle-ci de m'acheter du vin blanc plutôt que du Ricard, de façon à être encore présentable lorsqu'ils arriveront, sur les coups de huit heures. Et aussi pour ne pas commencer février par une gueule de bois.

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