lundi 1 février 2021

Janvier 2021

 

 

 

 

 

 

 LES ESSOUFFLEMENTS 

DU BLURBOÏDE

 

 

 

 

Vendredi 1er

Dix heures. – Soirée tout à fait de modèle courant, hier : même pas une larmichette alcoolisée pour “marquer le coup”. Seule différence avec d'habitude : le genre de bûche que Catherine avait confectionnée et ornée de quatre macarons à la framboise, achetés à la pâtisserie de Pacy qui les réussit merveilleusement. J'ai toujours aimé les macarons, ce dès mon plus jeune âge. C'est même un gâteau qui, depuis environ soixante ans, fait partie de plein droit de notre geste familiale. 

Nous vivions alors à Châlons-sur-Marne, où j'ai passé les cinq premières années de ma vie. Mes parents travaillant tous les deux, on me confiait durant la journée aux bons soins d'une personne qui s'appelait Mme Gouget (Goux j'ai…). Je me souviens qu'elle habitait rue des Juifs, et c'est presque la seule chose qui me reste d'elle, à l'exception notable de l'anecdote suivante (mais, elle, c'est parce qu'on me l'a racontée mainte et mainte fois ensuite).

C'est ma mère qui venait me récupérer rue des Juifs, en sortant des Chèques postaux où elle œuvrait, et nous rentrions rue Saint-Éloi sur son vélo, elle sur la selle, moi dans le petit siège derrière. Une fois à la maison, je me mettais à parler, une habitude dont je ne me suis partiellement défait qu'à un âge déjà avancé. Ce jour-là – je devais avoir quatre ans –, il y avait eu la visite d'une femme inconnue de moi chez Mme Gouget, événement que je m'empresse, dès notre arrivée, de relater à ma mère. Et je conclus mon récit par cet aveu d'ignorance : « Mais je ne sais plus si elle s'appelle Madeleine ou Macaron… » Heureusement qu'au moment de se mettre à écrire Proust n'a pas eu la même hésitation : le macaron de Proust, ç'aurait tout de même sonné moins bien.

– Commencé à lire Un Siècle d'Or espagnol de Bartolomé Bennassar. En revanche, j'ai abandonné Le Vicomte de Bragelonne à deux ou trois cents pages de la fin : ça suffisait comme ça, et en plus, je n'avais que modérément envie de revoir mourir les mousquetaires. Mais, dans le “genre mousquetaire”, il me reste Bussy-Rabutin. 

Midi. – Fort surpris, hier après-midi, de découvrir une mouche sur le mur extérieur de la maison. Je viens de la retrouver morte sur la terrasse, le gel de cette nuit ayant dû lui être fatal.

– Élie Arié m'a laissé un commentaire sur le blog, à la suite de la publication de mon journal de décembre, pour me dire qu'il ne lirait pas Bossuet parce que c'était un “homme de droite”, appréciation qui n'a évidement pas le moindre sens. J'espère encore, pour lui, que c'était une tentative d'humour, mais c'est un espoir ténu.

Deux heures. – Début d'année en fanfare, puisque, avec l'aide bénévole de Catherine, je me suis remis à blurber. Ou à blurbifier : j'hésite. J'ai décidé deux choses, pour ma propre sauvegarde psychique : 1) de me contenter de surveiller la mise en page sans relire le contenu, 2) de me limiter à un mois par jour. Si bien que j'y suis pour un moment, dans la mesure où je dois “entrer” dans le même livre 2019 et 2020. 


Samedi 2

Deux heures. – Appelé ma mère peu après midi, pour lui souhaiter, “pack groupé”, une bonne année et un bon anniversaire (88 ans). Notre conversation a été brève, dans la mesure où elle avait déjà son manteau sur le dos et son sac à la main pour s'en aller déjeuner chez Isabelle et Olivier.

– Dès le second jour, j'ai enfreint l'une des deux règles fixées hier, puisque j'ai fait entrer deux mois dans mon Blurbier.  [Note du 31 janvier : j'ai également enfreint la seconde dès le lendemain…]Ce qui m'énerve, c'est que, pas plus que pour les deux éditions précédentes, je ne trouve le moyen d'écrire quelque chose sur le dos du livre, chose qui était toute simple avec le logiciel antérieur.

– Pendant ce temps, chez les In-nocents, les grandes cervelles agissantes du forum (Francis Marche en tête bien entendu) ratiocinent à perte de vue et d'ouïe à propos de virus, de vaccins, de tests, de randomisation, que sais-je encore. Le Grand Remplacement semble avoir cédé la place, dans l'ordre des urgences, à la Grande Contamination.


Dimanche 3

Trois heures. – Ces emmerdeurs de chez Blurb (les Blurb Brothers ?) ayant décidé de limiter leurs livres à 440 pages, je vais dont être obligé de faire deux volumes moyens (je ne parle pas de la qualité…), un par année, plutôt qu'un seul gros couvrant 2019 et 2020 comme je l'avais pensé au départ. Du coup, ayant bouclé juillet il y a quelques minutes, le volume 2019 sera vite terminé. Sauf que, ayant prévu de donner comme titre général aux deux années Le Grand Claquemurage, il va falloir que j'en trouve un autre pour 2019. Je carbure, je carbure… Peut-être : À visage découvert ? Dans ce cas, je pourrais laisser tomber le claquemurage et appeler 2020 L'Année des masques. Ou alors La Nuit des masques ? Non, plutôt “l'année”.

– Repris la lecture du Cénotaphe de Newton, pour les raisons expliquées dans mon billet de ce matin.

Six heures. – Dans la mesure où j'ai inauguré ce mois par la fabrication non pas d'un mais de deux livres Blurb, je me disais que le journal de janvier pourrait s'intituler Oh ! Blurberie Hill, histoire de faire sourire deux ou trois personnes. Et, juste après, m'est venu le soupçon d'avoir déjà utilisé ce calembour, exactement dans les mêmes circonstances. Mais comme je n'ai aucune envie de balayer tout le journal mois pour mois pour tenter de vérifier la chose, je pense que je vais le resservir sans la moindre vergogne.


Lundi 4

Midi. – Toujours ravi par son Cénotaphe de Newton, je viens de commander un autre roman, plus ancien, de Dominique Pagnier, “pour voir”. Voir si celui que je relis était une miraculeuse exception au sein d'une œuvre plus terne, ou si au contraire il serait la confirmation d'un talent jusque-là ignoré de moi. Celui-là s'appelle Les Sœurs Clair de lune, qui est un joli titre. Un bémol tout de même, à propos de ce monsieur Pagnier. Qu'il soit un ami de Christian Bobin, soit. Mais qu'il se proclame en outre admirateur de son œuvre, voilà qui est déjà plus inquiétant. Et ce n'est pas une parole en l'air, plus ou moins dictée par l'amitié, puisqu'il a jugé bon de lui consacrer tout un livre. D'un autre côté, je n'ai lu, çà et là, que des bribes de Bobin, si je puis dire : peut-être vaut-il mieux que l'image que je m'en suis faite ?

Quatre heures. – Je termine à l'instant l'édition blurbienne (blurboïde ?) de mon journal 2019, qui frôle les trois cents pages. Tout s'est parfaitement bien déroulé. Ne subsiste qu'un léger agacement : avec la couverture souple, choisie parce que nettement moins chère que les autres, il semble qu'il n'y ait plus moyen d'écrire quoi que ce soit au dos du livre. Alors qu'on pouvait très bien le faire avec l'ancien logiciel, il y a trois ou quatre ans. Ça n'a pas une grande importance, mais c'est irritant. (Et d'autant plus que, au tréfond de la viande, une petite voix vaguement ironique vous souffle qu'en fait il est sans doute toujours possible d'écrire sur le dos du livre, mais que vous êtes trop bête pour en avoir trouvé le moyen…)


Mardi 5

Six heures. – C'est sans changer de braquet que je suis passé dès ce matin à la blurberie suivante, à savoir la mise en livre de mon journal 2020. Lequel va finalement s'intituler Haut les masques ! Et c'est ce qui explique une entrée aussi maigrichonne dans ce journal-ci.


Mercredi 6 (et puis, Fanny…)

Neuf heures. – Depuis ce matin, une phrase de Voltaire me, si je puis dire, turlupine. On la trouve dans une lettre adressée à Frédéric II de Prusse, en juin 1743. Voltaire, au milieu de ses obséquiosités coutumières, écrit ceci : « Votre Majesté est avec moi une coquette bien séduisante ; elle me donne assez de faveurs pour me faire mourir d'envie d'avoir les dernières. » Il est certes possible que l'expression “obtenir les dernières faveurs de quelqu'un” ait ou ait eu un sens différent de celui auquel je pense, néanmoins voilà qui prête à réflexion ; surtout quant on connaît les mœurs “déviantes” qui sont généralement attribuées à ce cher Frédo.

Onze heures. – Dans mon journal d'avril 2020, je couvre d'éloges un roman tchèque, Le Nuage et la Valse, recommandé à l'époque par Guillaume Cingal sur son blog. Est-il besoin d'ajouter que, si je me souviens de l'avoir effectivement lu, je ne conserve aucun souvenir de son contenu ? Du coup, je l'ai exhumé et compte bien le relire sitôt que je me serai extrait du Cénotaphe de Newton. Où l'on voit qu'Alzheimer se marie très bien avec la pauvreté : au bout d'un mois ou deux, tout livre redevient vierge.

Midi.  – Alzheimer, chapitre II : le mois dernier, tout content de trouver cette petite astuce langagière, je conseillais à Rémi Usseil, pour démultiplier ses ventes, d'écrire désormais des “chansons de geste barrière”. C'était ma trouvaille du jour ; du moins le pensais-je : je viens de m'apercevoir que “Chanson de geste barrière” était déjà le titre de mon journal en mai de l'année dernière… 

Deux heures. – L'ami Pluton vient d'inaugurer en grandes pompes la campagne de vaccination anti-chinoise dans la région marseillaise. Il s'est même trouvé une équipe de télévision pour immortaliser l'événement, comme le prouve cette vidéo de Toitube. On notera, donc, que si les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés, les médecins, eux, sont les premiers vaccinés.  Quant à savoir si le vaccin en question n'aura pas pour effet secondaire de transformer les humains en zombis (ce pour quoi ils montrent de nos jours une grande facilité), eh bien le bon Dr Pluton nous servira de patient témoin !

– Plutôt que Haut les masques !, je me demande si je ne vais pas plutôt intituler mon journal 2020 Chronique des temps asilaires.

 

Jeudi 7

Dix heures. – Tout à l'heure, déjeuner chez les Desgranges. Je viens d'aller vérifier auprès des doctes de la météorologie qu'aucun flocon ne menaçait de tomber sur mon trajet.


Vendredi 8

Onze heures. – Le Père Noël, hier, avait pris les apparences d'un gentilhomme campagnard ressemblant trait pour trait à Michel D. : une bonne douzaine de livres m'attendaient sur la coffee table du salon cathédrale, tous des Belles Lettres bien évidemment, et que des auteurs sûrs, allant de Confucius à Ésope, en passant par Hippocrate, Lucien, Ovide, Anne Comnène et quelques autres. Je sens que les semaines à venir vont être foutrement antiques. Sinon, il fut beaucoup question de Voltaire, lors de ce déjeuner, conversation qui m'a conduit, ce matin, à commander la biographie dudit par Jean Orieux, que Michel m'a assuré être exemplaire. Les deux trajets se sont déroulés sans la moindre anicroche, avec Trenet à l'aller et Keith Jarrett au retour. Catherine m'attendait pour notre premier apéritif de l'année, que nous prîmes en écoutant Vinicius de Moraes et ses deux Maria, Creuza d'abord, Bethania ensuite.

Quatre heures. – Depuis le milieu de la matinée, “mise en Blurb” des mois de juillet et d'août de l'année fraîchement décédée. En écoutant Mahler : quatrième symphonie d'abord, Le Chant de la terre en ce moment même.

– Puisant au hasard dans la pile de livres offerts hier par Michel, je tombe sur Les Métamorphoses d'Ovide. Je m'aperçois avec un petit sursaut qu'elles ont été, ces métamorphoses, traduites et présentées par Olivier Sers. Il se trouve que j'ai dîner un soir avec cet avocat, chez son frère, Jean-François Sers, un rewriter de FD que j'aimais beaucoup (mon imparfait n'est pas là pour signaler une rupture dans notre amitié, mais le fait qu'il est mort depuis d'assez nombreuses années déjà). Jean-François avait monté ce dîner lorsqu'il s'était avisé que son frère et moi partagions un même vif intérêt pour la poésie de Gaston Couté.


Samedi 9

Onze heures. – Après m'être assez sévèrement gendarmé en mon for intérieur (dans mon four intime, comme disait drôlement une Portugaise de ma connaissance, il y a bien longtemps), j'ai fait deux piles à gauche de mon fauteuil avec les livres offerts par Michel avant-hier – avec interdiction d'en ouvrir aucun tant que je n'aurais pas terminé les trois lectures que je mène actuellement de front : déjà que je ne retiens plus grand-chose de ce que je puis lire, si en plus je m'éparpille entre six ou sept œuvres différentes, on va sombrer dans le n'importe quoi.

Six heures. – Soudaine et assez incompréhensible envie de rejeter un coup d'œil du côté de Peter Handke et de Thomas Bernhard (peut-être à cause du Cénotaphe de Newton, roman qui se déroule essentiellement entre l'Allemagne de l'Est et l'Autriche), écrivains pas lus depuis au moins 35 ans, et qui, dans mon souvenir, sont plutôt du genre emmerdants. Gallimard a sorti un volume “Quarto” pour chacun des deux : je les ai mis dans mon petit panier Rakuten, mais, prudent, je n'ai encore rien commandé…

– Miss Élodie, elle, publie un billet sur son blog, pour nous inciter à lire le premier roman d'un certain Alex Lutz (sadisme des parents qui ont produit ce nom imprononçable sans postillonner). Puis, elle en propose un extrait d'une vingtaine de lignes : c'est nul, vulgaire, démagogique, répugnant de relâchement, cela tient davantage de la diarrhée que de l'expression. Et, d'un coup, je me sens bêtement triste, de voir une femme ayant les moyens intellectuels de lire de vrais livres se complaire dans une fange pareille. Heureusement, l'instant d'après je me dis que ce ne sont pas mes oignons et que je n'ai qu'à m'occuper de mes livres sans me soucier de ce que lisent les blogueurs. Mais tout de même, ce Lutz, vraiment…


Dimanche 10

Dix heures. – Titre énigmatique, chez les analphabètes d'Atlantico : « Nasa : la première femme qui marchera sur la lune est l'une d'elles. » Parvenu à ce point d'incohérence, il me semble que le phénomène devrait commencer à intéresser les savants, notamment les spécialistes du cerveau et de ses dysfonctionnements.

Deux heures. – Dans un article qu'il publie le 5 avril 1933, intitulé “Quels alliés contre le fascisme ?”, le journaliste tchèque Ferdinand Peroutka écrit ceci (c'est moi qui souligne) : « L'internationale communiste est responsable de cette idéologie de la guerre civile et de la lutte pour le pouvoir où “tout est permis”. Si cette idéologie n'existait pas, jamais une telle barbarie ne se serait développée, ni un tel désir de se jeter dans la lutte pour le pouvoir total. La psychologie du communisme est la mère de toutes les espèces de fascisme. » Que le communisme ait engendré le nazisme, que Hitler soit sorti tout armé de Lénine, voilà qui, à un esprit lucide, était donc perceptible dès 1933. On trouvera pourtant encore, de nos jours, quelques cervelles primitives pour s'indigner d'un tel rapprochement, voire hurler au blasphème. Peroutka conclut son article en une formule “tranchante” : « Entre le communisme et le fascisme, le seul débat consiste à se demander si la démocratie doit se faire poignarder dans le dos ou dans la poitrine. » Comme la lucidité se paie toujours comptant, les nazis expédieront Peroutka à Buchenwald, après quoi les communistes le contraindront à l'exil pour les trente dernières années de sa vie ; années durant lesquelles il écrira ce superbe roman qu'est Le Nuage et la Valse, que j'ai commencé à relire dès potron-minet.


Lundi 11

Onze heures. – Terminé, hier en milieu d'après-midi, la seconde blurberie, à savoir le journal 2020. Ne reste plus maintenant – mais ça, c'est le travail de Catherine – qu'à “finaliser” les deux volumes et à passer commande de deux exemplaires de chaque, un pour nous, un pour ma mère. Que l'on sera peut-être obligé de lui envoyer par la poste si jamais se poursuivent les palinodies claquemuratoires.

Deux heures. – Didier Goux = gros abruti. C'est uniquement au moment de commander les deux blurberies que, vu leurs prix extraordinairement prohibitifs – près de 150 € l'exemplaire, je me suis dit que quelque chose devait avoir merdé quelque part. Ce n'était pas quelque chose mais quelqu'un, en l'occurrence moi, qui ai choisi (tu parles !) le modèle “album photos” au lieu du livre de base tout pourri et pas cher. Bien sûr, on pouvait transformer l'un en l'autre, ce que Catherine et moi fîmes illico. Mais alors, plus rien n'allait, les  pavés de texte débordaient des cadres, tout se mettait à ficher le camp dans tous les sens. Bref : je n'ai plus qu'à tout reprendre da capo, ce qui ne m'amuse qu'à moitié. D'un autre côté, on me dira que je n'ai rien de plus intelligent à faire…


Mercredi 13

Dix heures. – Charlus est, depuis une heure, entre les mains de sa toiletteuse. Nous irons le récupérer tout à l'heure, un peu avant midi, transformé en rat, mais en rat punk puisque la dite toiletteuse a pour consigne de ne point lui tondre sa crête crânienne (une crête peut-elle être autre chose que crânienne, d'ailleurs ?).

Six heures. – Terminé tout à l'heure le roman de Peroutka, que je me félicite chaudement d'avoir relu, n'ayant rien à retrancher de tout le bien que j'en disais l'année dernière ici même. Comme j'ai, dans cette histoire, croisé beaucoup de Juifs – bien que l'auteur ne le fût point, et qu'on l'ait même accusé, après la guerre, d'antisémitisme –, j'ai rapporté au salon La Famille Moskat d'Isaac Bashevis Singer, volumineux roman qui, dans ses premières pages, m'a transporté sans effort dans la Varsovie du début du siècle – du XXe obviously. Et je ne sais si c'est le fumet pieux montant de ces pages, mais j'ai brusquement décidé que, à compter de demain, l'Ancien Testament me serait une excellente lecture de réveil et je suis aussitôt allé chercher le premier volume de la Pléiade qui le contient et qui, comme tous nos livres “religieux”, se trouve rangé dans la chambre de Catherine.


Jeudi 14

Dix heures. – Terminé le premier livre Blurb, celui du journal 2019. Il est actuellement occupé à se “finaliser”, tout seul comme un grand. Nous sommes revenus à un prix tout à fait raisonnable : cinq euros et des poussières par exemplaire ; plus les frais d'expédition, évidemment. Si c'est possible, je mettrai mes deux exemplaires dans un quelconque panier, et attendrai d'avoir réalisé le volume de 2020 pour passer une commande groupée.

Onze heures. – Tout s'est (semble s'être…) déroulé sans anicroche, et le journal 2019 est lové dans son petit panier, n'attendant plus que le “clic” de la commande. J'attaque donc, sans changer de braquet, le 2020. J'ai un peu l'impression, depuis deux semaines, de m'être transformé en une sorte de machine à blurber, un blurboïde ou quelque chose d'approchant. Mais bon : la piété filiale l'exige, n'est-ce pas ?

Quatre heures. – C'est curieux, cette habitude qu'a Élodie Jauneau, dès lors qu'elle parle d'un livre ayant pour thème ce que j'appellerai un “fait divers d'alcôve” (c'est une pâture dont elle semble fort friande : un psychanalyste trouverait sûrement à broder là-dessus…), cette habitude, donc, d'intimer le silence à toute personne qui ne partagerait pas son enthousiasme pour ce genre de lectures, ou même qui se contenterait d'émettre une ou deux timides restrictions. C'est encore le cas aujourd'hui avec le livre de dénonciation, écrit par je ne sais plus qui, et dont la cible est Olivier Duhamel, personnage dont je ne sais pas grand-chose ; et encore moins de ce qu'on lui reproche dans ces pages, n'ayant rien lu à ce sujet qui ne m'intéresse nullement. Un inintérêt que je me garderai prudemment d'exprimer auprès de miss Jauneau, ayant bien trop peur de m'attirer ses foudres réprobatrices. On a un peu l'impression que, dans son esprit, toute personne qui ne partagerait pas son indignation enthousiaste aurait déjà parcouru la moitié du chemin conduisant au viol, ou au moins à son acceptation.

Six heures. – Passé en début d'après-midi au garage Ford pour y retirer la volumineuse biographie de Voltaire due à Jean Orieux qui m'y attendait. J'ai illico entamé sa lecture, ce qui n'est guère malin, puisque j'ai déjà quelques autres livres en train. Voltaire pour Voltaire, je vais provisoirement suspendre la lecture de sa correspondance pour m'intéresser à sa vie, qui sera ma lecture d'après-midi. Le matin, nous resterons avec M. Singer et sa Famille Moskat et, au réveil, comme annoncé hier, l'Ancien Testament (car il faut bien que Genèse se passe…).

– Je me demandais tout à l'heure : ai-je déjà lu la Bible ? Ma réponse fut : oui et non. Oui, parce que je suis certain d'avoir déjà lu le Pentateuque, probablement même deux fois ; et non, car je suis tout aussi certain de n'avoir jamais dépassé le Deutéronome. Du reste, rien n'assure qu'il n'en ira pas de même cette fois-ci. 


Vendredi 15

Quatre heures. – Le Blurboïde commence à montrer quelques signes d'essoufflement, voire de lassitude. Heureusement, je suis en train d'en terminer avec juillet : le bout du tunnel est proche. Les Essoufflements du Blurboïde pourrait faire un titre amusant pour ce journal.


Samedi 16

Six heures. – Je viens d'entrer dans le livre Blurb, à la page 350, le paragraphe correspondant au 31 décembre 2020. C'est dire que la corvée est terminée (pas si “corvée” que cela, du reste : je le dis pour essayer de me faire un peu plaindre…). Yapuka, demain, mettre la dernière main à ce volume, puis passer commande des deux. En espérant ne pas avoir laissé passer un énorme pataquès dans l'un ou dans l'autre.


Dimanche 17

Onze heures. – Le second livre Blurb est actuellement “en cours de chargement”. Il se charge dans quoi ? Pour aller où ? Mystère… En tout cas, c'est long. 

– À propos de cette “affaire Duhamel”, tout comme les affaires semblables qui l'ont précédée ces derniers temps, au moins une chose me frappe : tous ces gens qui ont écrit des livres “pour briser le tabou du silence”, ces “cris de révolte et de souffrance” sur lesquels les Élodie J. de notre temps se précipitent chaque fois avec une gourmandise qui intéresserait sans doute les psychanalystes, tous ces gens, donc, ont en commun de faire partie d'une sorte de gotha parisien médiatico-artistico-politique, qui fait que, pratiquement de naissance, toutes les portes leur sont ouvertes à double battant, celles de l'édition, celles de la presse, etc.  J'attends de voir ce qui se passerait, et même s'il se passerait quelque chose, si un Kevin Chombier, vendeur au Carrefour de La Roche-sur-Yon, s'avisait de faire tout un foin médiatique, de “libérer sa parole”, pour raconter comment, vingt ans plus tôt, son beau-père, Marcel Boudu, fermier, l'obligeait certains soirs à lui tailler une pipe dans la grange à foin. Quelque chose me dit que son histoire – pardon : son calvaire – intéresserait nettement moins de monde.

Il y aurait encore beaucoup d'observations à faire sur ce climat de délation généralisée, et bien entendu vertueuse, qui règne désormais. Mais à quoi bon ? Que chacun pense ou s'imagine penser ce qui l'arrange : peu me chaut.

Une heure. – Et puis, tout de même : c'est sûrement très beau de “briser le silence”, comme ils disent, mais ça me paraît déjà plus douteux lorsque le silence en question est brisé par une tierce personne et non par la victime présumée elle-même. Dans le cas de l'affaire Duhamel, est-ce qu'on sait si le beau-fils concerné est ravi de la “prise de parole” de sa sœur ?

En plus de cela, il faudrait tout de même éviter de prendre tous ces livres réquisitoires pour des verdicts de procès dûment menés à bien : ce ne sont, au mieux, que des témoignages, qui sont donc à prendre avec les mêmes pincettes dont on se sert pour appréhender n'importe quel témoignage.

Quatre heures. – Il manque encore une couche à cet indigeste gâteau. Car en plus de se féliciter que certains aient “libéré la parole”, les vertueux s'indignent aussi de ce que d'autres n'aient pas jugé bon de le faire. Et l'on va déplorant une “omerta” coupable, une honteuse “conspiration du silence” dont les proches de la famille concernée seraient les sinistres tenants. Mais qu'est-ce qu'ils veulent, ces jansénistes nains ? Admettons que j'aie comme ami un homme qui se serait livré aux mêmes fredaines dont M. Duhamel est accusé : est-ce qu'on s'imagine que, l'apprenant, j'irais aussitôt le jeter en pâture au premier chien de commissaire venu ? Dans quel monde veulent-ils nous faire vivre ces inquisiteurs au petit pied ?

Cinq heures. – J'avais finalement décidé de transformer les considérations éparses que l'on vient de lire en un billet pour le blog. Au moment de le publier, j'ai préféré l'expédier à la poubelle, n'ayant aucune raison de me mêler de ce raz-de-marée nauséeux. Apparemment, ça se déchaîne sur les immondes “réseaux sociaux” : la moitié de la France a été victime d'outrages sexuels dans l'enfance ; et tout le monde s'en souvient miraculeusement aujourd'hui. C'est à pleurer, de rire ou de pitié selon le point de vue d'où l'on considère la chose.


Lundi 18

Dix heures. – Ce matin, afin sans doute d'ensoleiller une journée qui l'était déjà, le Trésor public m'a fait cadeau de 406 euros : qu'il en soit chaudement remercié, ça paiera presque les deux pneus neufs exigés par Soraya.

– Dans le genre “on se risque sur le bizarre”, nous avions décidé, l'autre soir, de tenter notre chance avec une série télévisée française. Je sais, je sais : c'était du téméraire… En l'occurrence, notre témérité ne fut pas récompensée : nous avons tenu un épisode et demi. La série s'appelle Dix pour cent. Elle met un scène une agence de comédiens et ceux qui y travaille. Le principe est que chaque épisode est centré sur un acteur connu qui vient jouer son propre rôle, comme s'il était l'un des clients de l'agence. Il ne nous a pas fallu dix minutes pour comprendre que ce n'était toujours pas cette série-là qui bousculerait un tant soit peu les conformismes ambiants. Sur les trois ou quatre agents d'acteurs que l'on nous présente : une femme lesbienne. Sur les trois assistants qui leur servent de souffre-douleur, un seul jeune homme… évidemment pédé, tendance salon de coiffure pour dames. La fille qui s'occupe de la réception est évidemment noire, quant au seul mâle blanc de plus de 40 ans, c'est un carriériste prêt à tous les coups fourrés, doublé d'un lâche puisqu'il n'assume pas du tout d'avoir une fille majeure et qu'il fait tout pour cacher leur lien de parenté comme un honteux secret. Bref, ça commençait mal, la suite n'a fait que confirmer : dialogues plats et empruntés, intrigues paresseuses et convenues, acteurs le plus souvent médiocres (mais vu les répliques qu'on leur donne à mâchouiller, ce n'est peut-être pas tout à fait de leur faute. Le tout réalisé – le premier épisode en tout cas – par Cédric Klapisch, dont le talent est, à ce jour, encore à démontrer. Nous en sommes restés là, et ce n'est probablement pas demain que nous retenterons notre chance du côté de l'exception française, dont il est en effet à souhaiter qu'elle reste une exception.

– Je trouve tout de même très curieux que, chez Ternette et dans les journaux, à propos de l'affaire Duhamel, on ne cesse de brandir les termes “inceste” et “pédophilie” : si j'ai bien compris, M. Duhamel s'est livré à certains attouchements sur la personne de son beau-fils de 14 ou 15 ans. Donc, sur quelqu'un qui, au sens strict, n'était pas de sa famille, pas de son sang, et qui, en outre, n'était plus un enfant. Donc, ni inceste, ni pédophilie. On n'aboutit jamais à rien de bon ni de juste, quand on commence par nommer de travers les choses. Mais, évidemment inceste + pédophilie, c'est “bon pour l'audience”. Et accessoirement pour les ventes.


Mardi 19

Dix heures. – Dans son dernier billet, la blogueuse pseudonommée Trublyonne écrit : « Je n'avais pas été formatée à la base pour être une rebelle. » Il est curieux que l'on puisse proférer de telles incongruités aporistiques sans éclater soi-même de rire. D'autre part, grave question que je me pose : peut-on être “formaté” autrement qu'à la base ? Formaté à mi-hauteur par exemple ? Je sens que ça va encore me foutre la journée en l'air, tout ça…

– Hier, j'ai soudain eu envie de relire deux ou trois contes de Voltaire. Je me suis donc mis en quête du volume “poche” qui les contient tous… et n'ai jamais été capable de le trouver. Cette disparition m'a fort contrarié, pour ne pas dire attristé. Bien entendu, ce livre ne valait rien en lui-même, et il me sera très facile et peu coûteux de racheter son frère jumeau. Seulement, celui-là, je l'avais acheté dans une librairie de Sedan, Ardennes, juste après notre retour d'Algérie. C'est-à-dire en janvier 1971, je n'avais pas encore 15 ans, il était donc, à coup sûr, le livre le plus anciennement mien de cette bibliothèque, me suivant fidèlement jusqu'ici à travers tous mes déménagements. Car il est bel et bien arrivé au Plessis, ce Voltaire-là : je me souviens très bien d'avoir relu Candide il y a quelques années. Qu'est-ce qui a bien pu lui arriver ? Que lui ai-je donc fait, pour qu'il disparaisse comme ça ?

Midi. – Les livres d'Isaac Bashevis Singer que nous lisons – enfin, que moi je lis… – sont des traductions “au carré”, si je puis dire. Leur version originale était en yiddish, ils ont ensuite été traduits en anglais, en anglais d'Amérique (les premiers l'ont été par Saul Bellow), et c'est à partir de cette traduction anglaise, revue, contrôlée et, en quelque sorte “estampillée” par Singer lui-même, qu'a été effectuée la française. Il en va donc un peu de même pour Singer que pour Kundera, dont il est spécifié expressément sur chacun de ses romans écrits en tchèque que la traduction française définitive a la même valeur que le texte d'origine.

Six heures. – J'en faisais l'autre jour la remarque à Michel Desgranges, mais la chose m'apparaît encore plus flagrante depuis que je suis plongé dans la biographie d'Orieux. Je veux parler des ressemblances étonnantes entre Voltaire et Proust ; ressemblances non certes de leurs littératures respectives, mais dans leurs attitudes et réactions face à l'existence elle-même. Le plus frappant, c'est cette façon de se proclamer constamment malade. Chez Voltaire comme chez Proust, on ne compte plus les lettres commençant par une assurance de quasi agonie donnée par l'épistolier. À Potsdam où il séjourne, c'est un Voltaire alité qui reçoit un visiteur fraîchement arrivé de Paris. Comme celui-ci s'en étonne, Voltaire du tac au tac : « Je souffre de quatre maladies mortelles ! » C'est du Proust avec cent cinquante ans d'avance ! Très proches, les deux génies le sont aussi par leurs régimes alimentaires défiant le bon sens ainsi que par les façons aberrantes – et parfois dangereuses – qu'ils ont de se soigner. La principale différence entre eux est que Proust est mort à 51 ans cependant que Voltaire, lui, avait traîné ses “quatre maladies mortelles” jusqu'à 84 ans.


Jeudi 21 (assassinat du roi Louis XVI)

Neuf heures. – Je découvre à l'instant l'existence d'un nouveau concept au service des antiracistes déments, celui de “charge raciale”. Si je comprends bien, il s'agit de la terrible pression que subissent les malheureux “racisés”, simplement parce qu'ils prévoient, anticipent, redoutent, etc. tout ce qui pourrait leur arriver de désagréable de la part des immondes racistes que nous sommes, dès qu'il mettront le pied en dehors de leur appartement. Ce qui revient à dire que tous ces gens sont toujours déjà victimes, même quand personne ne s'occupe d'eux, et encore moins ne les agresse. La dame qui a inventé cette jolie chose se prénomme Maboula, ce qui ne devrait étonner personne.

Midi. – La matinée a été employée à faire chauffer la carte dorée à blanc. Elle en fumait, la bougresse ! Pour commencer, ravitaillement animalier : gros sac de graines variées pour ces dames gallinacées et un autre gros sac, tournesol only, pour les “oiseaux du ciel”, comme on dit dans les zoos. Ensuite, au magasin d'électroménager – qui, bizarrement, vend désormais aussi des sommiers et des matelas –, achat d'une cuisinière électrique pour remplacer l'actuelle, exténuée. Pour finir, halte au cabinet vétérinaire : sac de croquettes et vermifuge pour Sa Majesté Charlus. Depuis ces folles dépenses, on signale une vague de tentatives de suicide au Crédit Mutuel de Pacy.

Six heures. – Et c'est reparti dans le copinage servile (mais pas honteux apparemment) : sur le site de Causeur, une critique très louangeuse du dernier roman de Jérôme Leroy… responsable des pages culturelles de Causeur. Ce qui m'étonne toujours, dans ces cas-là, ce n'est pas que l'intéressé trouve des valets tout disposés à accomplir la basse besogne : c'est qu'eux-mêmes puissent supporter une telle pantalonnade sans en crever de honte, ou au moins de ridicule.


Vendredi 22

Midi. – Catherine a reçu hier un himmel de la Blurb Inc (qui, on s'en doute, ne s'appelle nullement ainsi), l'avertissant que les deux colis contenant mes journaux 2019 et 2020 nous seraient livrés lundi entre dix heures et midi. À chaque fois que je fais un livre chez eux, je suis sidéré de leur efficacité et de leur rapidité. Le fichier de mes deux derniers volumes leur a été expédié par voie internétique dimanche dernier. Fabriquer, expédier et acheminer les quatre exemplaires demandés n'aura donc pris qu'une semaine. C'est-à-dire à peu près le même temps qu'il faut à la Poste – ce modèle de service public que le monde entier nous envie – pour m'apporter une lettre partie de Paris. 

Six heures. – Je lis dans un article du Point consacré à l'affaire Duhamel que l'inceste serait “ un sujet profondément tabou”. Stupidité, ou confusion mentale : c'est l'inceste lui-même qui est tabou, pas son évocation. Les tragédiens grecs étaient déjà là pour le prouver, il y a deux millénaires et demi.


Samedi 23

Onze heures. – Le dernier billet du guignolesque Renépol commence par cette phrase : « Une sorte de quiétude a envahi le monde depuis que Trump n'est plus président. » Si la stupidité protégeait du petit Chinois, il pourrait revendre ses masques dès maintenant, ce pauvre garçon. Comme tout le billet est du plus haut comique – notamment les délirants hommages à Biden et à Macron –, le voici sur un plateau.

– L'information la plus cocasse du jour, pêchée sur Atlantico : « France-Télévisions va lancer une chaîne provisoire pour soutenir la culture. » Nous voilà sauvés, donc.

Et cette autre, pas mal non plus et prise au même endroit : « Il n'y a quasiment aucune chance que Jean-Michel Blanquer soit candidat aux régionales en Île-de-France. » C'est pas beau, de désespérer Billancourt aussi brutalement ! C'est même très vilain. Enfin, on pourra toujours se raccrocher au “quasiment”. Tout n'est pas irrémédiablement foutu…

– Guillaume Cingal, quant à lui, trouve que le On connaît la chanson d'Alain Resnais (écrit par le tandem Bacri-Jaoui) est trop dérivatif. Si c'est lui qui le dit, ce doit être vrai. Pour s'en assurer, il faudrait revoir le film avec un regard dérivant : j'ai grande peur de n'en disposer point.

Cinq heures. – Chronique de la démence virale, suite : Renépol vient de franchir un nouveau palier. Désormais, pour lui, le petit Chinois n'est rien de moins que “satanique”. Je dirais même plus : satanique ta mère.


Dimanche 24

Six heures. – De Voltaire : « Je préfère obéir à un seul tyran qu'à trois cents rats de mon espèce. » Et voilà comment on règle son compte à toutes les démocraties parlementaires qu'on voudra.

– Il a neigé ce matin, suffisamment pour que Catherine, Charlus et moi, allions nous ébattre dans la blancheur, en tout début d'après-midi. Nous avons bien fait de ne pas traîner : à quatre heures, il n'en restait quasiment plus trace.


Lundi 25

Onze heures. – Deux titres trouvés sur Atlantico, et qui, pour renforcer leur effet comique, se suivent immédiatement dans le “déroulé” :

– Sondage : Marine Le Pen devance Emmanuel Macron dans les intentions de vote au 1er tour pour 2022.

– La popularité d'Emmanuel Macron en légère hausse.

Il devrait faire attention, notre syndic de faillite : si sa popularité continue de grimper, il finira par ne même plus accéder au second tour.


Mardi 26

Quatre heures. – J'ai, vendredi, entonné un peu vite le péan de Blurb and Co. Mes deux colis qui, d'abord, devaient arriver hier ont ensuite été repoussés à aujourd'hui. Et, tout à l'heure, Catherine m'a averti que je ne devais pas trop compter sur eux, l'un des deux se trouvant encore en Angleterre ce matin. En revanche, notre livreur de cuisinière était pile à l'heure. Il l'a installée et pris le chemin du retour sans coup férir, ni problème rencontrer.

Six heures. – Pour ce qui concerne mes lectures biographiques, j'en ai terminé avec le remarquable Voltaire de Jean Orieux et j'ai enchaîné aussitôt avec le Hélie de Saint Marc de Laurent Beccaria. Changement aussi dans mes juiveries : j'ai fini Ombres sur l'Hudson d'Isaac Bashevis Singer et, sans quitter New York, j'attaquerai demain L'Élu de Chaïm Potok. C'est-à-dire que je vais remplacer un fils de rabbin  par un rabbin.


Mercredi 27

Dix heures. – L'information stupide du jour (chez Atlantico, comme de juste) : « Les cinéphiles amateurs de films de zombies ont été moins impactés par la pandémie, selon une nouvelle étude. » “Information” de valeur nulle, évidemment (même si je n'ai pas pris la peine de lire l'article lui correspondant), mais titre plein de saveur. D'abord, pourquoi cette féminisation du zombi ? Est-ce que les mateurs de films de zombis mâles seraient moins protégés que ceux ne regardant que des films de zombies femelles ? Ensuite, évidemment, ce verbe impacter qui n'existe pas. Enfin, ce “selon une nouvelle étude” semble induire qu'il en existait déjà une portant sur ce sujet, dont on nous laisse à penser qu'elle serait arrivée à des conclusions différentes. Oui… mais lesquelles ? Sur quelle partie de l'information portait le désaccord ? Sur le sexe des zombis protecteurs ? Sur le côté amateur des cinéphiles concernés ? Sur la protection effective offerte par ce type de films ? C'est à ce moment que le vertige métaphysique apparaît et que le lecteur se dépêche de tourner la page.

– Les dépenses somptuaires continuent : après avoir offert une nouvelle cuisinière à Catherine, j'ai, ce matin, fait cadeau de deux pneus à Soraya. À l'heure où je mets sous presse, on doit être occupé à la chausser de neuf. En attendant de la récupérer, je roule dans un “suppositoire à camion” (dixit mon père), du genre Twingo ou assimilé, rouge vif. Quand je dis “je roule” c'est un abus de langage puisque le dit suppositoire est stationné le long de notre portail et n'en bougera plus jusqu'à l'heure d'aller récupérer Soraya.

– Autre information rigolote : « Affaire Harvey Weinstein : l'ancien producteur obtient un accord financier avec 37 victimes présumées. » Ce qui prouve bien – mais les mauvais esprits dans mon genre s'en doutaient déjà un peu – que les traumatismes sexuels sont facilement soluble dans le dollar. Ce qui, à tout prendre, est une excellente nouvelle.


Jeudi 28

Dix heures. – Mon pauvre Renépol semble parfois friser la maladie mentale, j'en arriverais presque à m'inquiéter pour lui. Voici par quoi commence son billet d'hier : « Ce matin une heure et demie de queue avant d'entrer aux Emmas à 9 heures.  Il s'est mis à neiger, mais ça m'a fait faire  mon sport du jour et mon piétinement m'a valu 1246 pas sur le compteur ad hoc. » Il y a donc des gens qui, d'une part sont capables de se taper une heure et demie de queue, en pleine nuit ou presque, pour tenter d'acheter ce que d'autres ont fichu à la poubelle, mais qui, en plus, pendant ce temps, comptent les pas qu'ils font en piétinant sur place. Comme dirait l'autre, c'est “limite fout-la-trouille”. En tout cas, la sienne fait partie de ces têtes où l'on est bien content de n'habiter pas.


Vendredi 29

Dix heures. – En quarante-huit heures, je suis passé de Jean Orieux à Orieux Jean, soit de sa biographie de Voltaire à celle qu'il a consacrée à Talleyrand ; laquelle, au vu de la cinquantaine de pages lues, s'annonce aussi remarquable que la première. Entre les deux, j'ai eu le temps pour une courte embardée au XXe siècle – le mien… –, grâce à la biographie que Laurent Beccaria a consacré à son oncle, Hélie Denoix de Saint Marc, cet admirable Français, ce perdant magnifique (mais il arrive, comme dans son cas, que les perdants apparents soient en fait gagnants sur l'essentiel). 

Le lien entre Saint Marc et Talleyrand s'est noué de lui-même : dans les premières pages de son livre Orieux passe rapidement en revue la famille des Talleyrand-Périgord, en s'attardant sur l'un des aïeux de Charles-Maurice, qui se prénommait Hélie. Et Orieux note en incise que ce prénom est resté très courant jusqu'au XIXe siècle, dans ce Périgord qui, justement, a vu naître et grandir le futur “patron” du 1er REP.

Côté roman, j'en ai terminé ce matin avec L'Élu de Chaïm Potok et je viens de commander le roman qui fait suite à celui-là : La Promesse, édité il y a quelque temps par les Belles Lettres. En attendant que cette Promesse se concrétise dans la boîte aux lettres, j'ai repris Je m'appelle Asher Lev, du même Potok. Après avoir été journaliste au rabais, me voici retraité au rabbin…


Samedi 30

Onze heures. – Je ne me souviens pas d'avoir été frappé, la première fois que j'ai lu le Je m'appelle Asher Lev de Chaïm Potok, des ressemblances qu'il y a entre ce roman et celui de Simenon qui s'appelle Le Petit Saint. Et pas uniquement parce que tous les deux prennent pour personnage central un enfant se découvrant très tôt un don exceptionnel pour le dessin et la peinture. De plus, les deux romans sont quasiment contemporains, le Simenon ayant paru en 1964 et celui de Potok en 1970. Ressemblances mais aussi différences, évidemment, ne serait-ce que parce qu'il y a loin entre un “titi” de la rue Mouffetard et un Juif orthodoxe de Brooklyn. En outre, Simenon a écrit son roman à la troisième personne, alors que Potok a opté pour la première.

Six heures. – À propos de Potok, le roman de lui que j'ai commandé hier (voir l'entrée précédente) est arrivé dès aujourd'hui, en début d'après-midi. Voilà donc une Promesse qui a été rapidement et excellemment tenue : trop forts, ces Juifs, trop forts…


Dimanche 31

Onze heures. – À propos de l'affaire Olivier Duhamel, Renépol exprime ce matin une opinion très juste, ou qui me semble telle, des observations que je pourrais parfaitement contresigner. Je le note ici dans la mesure où, perdant rarement une occasion de moquer ce brave homme, c'est bien la moindre des choses de souligner qu'il lui arrive aussi de penser sainement.

– Sur ce, je m'en vas relire tout ce fatras de janvier et préparer sa publication de demain matin.
 
Six heures. – Tout bien pesé, hormis leur point de départ – un enfant doué pour le dessin – Je m'appelle Asher Lev n'a que peu à voir avec Le Petit Saint.

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